von Blumenthal and Others v EIB (Staff Regulations of officials and Conditions of Employment of other servants : Judgment) French Text [2017] EUECJ T-558/16 (22 November 2017)


BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> von Blumenthal and Others v EIB (Staff Regulations of officials and Conditions of Employment of other servants : Judgment) French Text [2017] EUECJ T-558/16 (22 November 2017)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T55816.html
Cite as: [2017] EUECJ T-558/16, ECLI:EU:T:2017:827, EU:T:2017:827

[New search] [Help]


ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

22 novembre 2017 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Réforme du système de rémunération et de progression salariale – Exception d’illégalité – Égalité de traitement – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑558/16,

Henry von Blumenthal, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Bergem (Luxembourg),

Marc D’Hooge, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),

Giulia Gaspari, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg,

Patrick Vanhoudt, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Gonderange (Luxembourg),

Dalila Bundy, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Cosnes-et-Romain (France),

représentés par Me L. Levi, avocat,

parties requérantes,

contre

Banque européenned’investissement (BEI), représentée initialement par MM. C. Gómez de la Cruz, G. Nuvoli et T. Gilliams, puis par M. Gilliams et Mme G. Faedo, en qualité d’agents, assistés de Me P.‑E. Partsch, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation des décisions, contenues dans les bulletins de salaire d’avril 2015 et postérieurs, faisant application aux requérants de la décision du conseil d’administration de la BEI du 16 décembre 2014 et de la décision du comité de direction de la BEI du 4 février 2015, ainsi que des bulletins relatifs à la récompense des performances établis en avril 2015 en faveur des requérants et, d’autre part, à la condamnation de la BEI à verser aux requérants, premièrement, une somme correspondant à la différence entre le montant des rémunérations versées en application des décisions susmentionnées et celui des rémunérations dues conformément aux engagements de la BEI et, deuxièmement, des dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel, en raison de leur perte de pouvoir d’achat, et moral que les requérants auraient prétendument subis,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, R. da Silva Passos et Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Les requérants, M. Henry von Blumenthal, M. Marc D’Hooge, Mme Giulia Gaspari, M. Patrick Vanhoudt et Mme Dalila Bundy, sont des membres du personnel de la Banque européenne d’investissement (BEI).

2        Le 20 avril 1960, le conseil d’administration de la BEI (ci-après le « conseil d’administration ») a adopté un règlement du personnel applicable aux agents de la BEI jusqu’au 1er juillet 2013 (ci-après le « règlement du personnel du 20 avril 1960 »).

3        L’article 14 du règlement du personnel du 20 avril 1960 répartit le personnel de la BEI en catégories, selon la fonction exercée. Une première catégorie est celle du personnel de direction ; elle comporte le cadre de direction et la fonction C. Une deuxième catégorie est celle du personnel de conception et regroupe les fonctions D à F. Une troisième catégorie comprend le personnel d’exécution et, plus précisément, les fonctions G à K.

4        Le régime pécuniaire des agents de la BEI, fixé par le règlement du personnel du 20 avril 1960, prévoit l’octroi d’un traitement de base, de primes et de diverses indemnités et allocations. Les agents relevant des fonctions C à K bénéficient, dans ce cadre, d’un avancement d’échelon au mérite.

5        Le régime pécuniaire des agents de la BEI a fait l’objet d’une réforme engagée en 2005. Dans un premier temps, la réforme a porté sur l’augmentation des salaires des agents de la BEI et, plus particulièrement, sur l’adaptation annuelle du barème des traitements de base, l’avancement d’échelon au mérite et le régime de récompense des performances. Dans un second temps, la réforme a conduit à l’adoption, par le conseil d’administration, d’un nouveau règlement du personnel, entré en vigueur le 1er juillet 2013 (ci-après le « nouveau règlement du personnel »). Si l’adaptation annuelle du barème des traitements de base et l’avancement d’échelon au mérite ne sont plus prévus par ce règlement, la rémunération des agents de la BEI engagés à partir du 1er juillet 2013 peut néanmoins toujours être augmentée à la suite de l’octroi d’une récompense des performances.

6        Le présent recours est relatif, d’une part, au régime d’avancement d’échelon au mérite et, d’autre part, au régime de récompense des performances applicables aux agents de la BEI dont la situation est régie par le règlement du personnel du 20 avril 1960.

A.      Réformes du régime d’avancement d’échelon au mérite applicable aux agents dont la situation est régie par le règlement du personnel du 20 avril 1960

7        Aux fins de l’application du régime d’avancement d’échelon au mérite, la BEI a adopté plusieurs grilles d’avancement, qu’elle a modifiées à plusieurs reprises. L’objet de ces grilles est de déterminer, en fonction de la note de mérite attribuée à un agent, le nombre d’échelons dont celui-ci bénéficiera dans le cadre de son avancement.

8        La réforme du régime d’avancement d’échelon au mérite a été engagée à la fin de l’année 2006.

9        Jusqu’en 2006, sachant que la note A correspond à une performance exceptionnelle dépassant les mérites, la note B+ à une très bonne performance, la note B à une performance répondant à toutes les attentes, la note C à une performance répondant à la plupart des attentes, avec des domaines nécessitant des améliorations, et la note D à une performance ne répondant pas aux attentes, trois grilles d’avancement d’échelon au mérite étaient prévues, retranscrites dans le tableau ci-après : 

Note de mérite

A

B+

B

C

D

Avancement d’échelon

1er tiers

6

4

3

2

0


2ème tiers

5

3

2

1

0


3ème tiers

4

3

2

1

0


12      Le 12 décembre 2006, le conseil d’administration a décidé de limiter à 4,2 % le taux d’augmentation du budget des dépenses de personnel pour l’année 2007.

13      Le 31 janvier 2007, le comité de direction de la BEI (ci-après le « comité de direction ») a fixé certaines règles régissant l’avancement d’échelon résultant du mérite professionnel (ci-après la « décision du 31 janvier 2007 »). Cette décision prévoyait trois grilles d’avancement d’échelon au mérite : une grille minimale et garantie et deux grilles transitoires, la première pour la majeure partie du personnel et la seconde, dite « jeune », pour les agents non encore promus depuis leur entrée en service.

14      S’agissant plus particulièrement de la grille minimale et garantie, celle-ci prévoyait, pour l’ensemble du personnel, ce qui suit :

Note de mérite

A

[…]

B+

[…]

B


C


D


Avancement d’échelon

2

2

1

0

[0]


15      L’adoption de ces nouvelles grilles a été contestée par de nombreux agents et a donné lieu à l’ouverture d’une procédure de conciliation. À l’issue de celle-ci, un protocole d’accord définissant, notamment, des mesures de nature à compenser globalement les principaux effets de la réforme 2006-2007 a été conclu le 18 mars 2009.

16      Le 13 décembre 2011, le conseil d’administration a adopté une décision fixant à 2,8 % le taux d’augmentation, en 2012, du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction. Le 14 février 2012, le comité de direction a adopté les mesures de mise en œuvre de cette décision. Ainsi, la grille d’avancement d’échelon au mérite appliquée à la majeure partie du personnel a été modifiée. Le nombre d’échelons accordés pour chaque note a été réduit d’une unité. En outre, le taux d’augmentation du budget des dépenses de personnel pour l’année 2012 a été porté à 4,5 % grâce à l’utilisation de diverses économies issues du budget des ressources humaines et, en particulier, grâce à l’utilisation de l’effet dit « de noria », défini par les parties comme l’économie réalisée lors du départ à la retraite de certains agents, ceux-ci étant remplacés par de nouveaux agents plus jeunes ayant une rémunération moins élevée, ou n’étant pas remplacés.

17      La modification de la grille d’avancement d’échelon au mérite appliquée à la majeure partie du personnel a fait l’objet d’un recours devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne, formé par les agents de la BEI. Par arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, EU:F:2014:16), le Tribunal de la fonction publique a rejeté ce recours. Ledit arrêt a été confirmé sur pourvoi par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑240/14 P, EU:T:2016:104).

18      Par décision du 29 janvier 2013, le comité de direction a modifié une nouvelle fois la grille d’avancement d’échelon au mérite appliquée à la majeure partie du personnel. Le nombre d’échelons accordés pour chaque note a ainsi été réduit et ramené à un nombre d’échelons identique à celui de la grille minimale et garantie, laquelle, bien que prévue par la décision du 31 janvier 2007 (voir point 11 ci-dessus), n’avait jusqu’alors pas été appliquée, en raison de disponibilités budgétaires permettant de financer une grille plus avantageuse pour le personnel. Cette modification résultait d’une nouvelle réduction du taux d’augmentation du budget des dépenses de personnel, fixé, pour l’année 2013, par décision du conseil d’administration du 18 décembre 2012, à 2,3 %. Par décision du comité de direction du 29 janvier 2013, ce taux a été augmenté à 3,3 % grâce à l’utilisation des ressources produites par l’effet de noria.

19      Les décisions du conseil d’administration du 18 décembre 2012 et du comité de direction du 29 janvier 2013 ont fait l’objet d’un recours devant le Tribunal de la fonction publique, formé par les agents de la BEI. Ce recours, enregistré initialement sous le numéro F‑45/13, a été transféré au Tribunal en application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), et enregistré sous le numéro T‑506/16. Par arrêt du 6 juillet 2017, Bodson e.a./BEI (T‑506/16, non publié, EU:T:2017:468), le Tribunal a rejeté ce recours.

B.      Réforme du régime de récompense des performances applicable aux agents dont la situation est régie par le règlement du personnel du 20 avril 1960

20      Le 9 novembre 2010, le comité de direction a approuvé le cadre général d’une réforme du régime de récompense des performances tendant à récompenser différemment les performances collectives et individuelles et comportant des mesures transitoires. Ce cadre a également été approuvé le 14 décembre suivant par le conseil d’administration. Les 28 et 29 juin ainsi que le 16 novembre 2011, le comité de direction a adopté de nouvelles décisions aux fins de la mise en œuvre de ladite réforme.

21      Tant la réforme que sa mise en œuvre en 2011-2012, puis en 2012-2013, ont fait l’objet de deux recours devant le Tribunal de la fonction publique, formés par les agents de la BEI. Par arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, EU:F:2014:15), le Tribunal de la fonction publique a rejeté le premier recours. Ledit arrêt a été confirmé sur pourvoi par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑241/14 P, EU:T:2016:103). S’agissant du second recours, enregistré initialement sous le numéro F‑61/13, celui-ci a été transféré au Tribunal en application de l’article 3 du règlement 2016/1192 et enregistré sous le numéro T‑508/16. Par arrêt du 6 juillet 2017, Bodson e.a./BEI (T‑508/16, non publié, EU:T:2017:469), le Tribunal a rejeté ce recours.

C.      Mise en œuvre du régime d’avancement d’échelon au mérite et du régime de récompense des performances en 2014-2015

22      Le 16 décembre 2014, le conseil d’administration a adopté une décision (ci-après la « décision du 16 décembre 2014 ») fixant, pour l’année 2015, le taux d’augmentation du budget des dépenses de personnel à 2,7 %, financé à hauteur de 1 % par l’utilisation des ressources produites par l’effet de noria. Cette décision a été mise en œuvre par décision du comité de direction du 4 février 2015 (ci-après la « décision du 4 février 2015 »). Les décisions du 16 décembre 2014 et du 4 février 2015 ne modifient ni la grille d’avancement d’échelon au mérite minimale et garantie ni le régime de récompense des performances.

23      Les bulletins de salaire d’avril 2015 ainsi que les bulletins de salaire postérieurs contiennent les progressions salariales fondées sur la grille minimale et garantie, lesquelles sont financées en application des décisions du 16 décembre 2014 et du 4 février 2015.

24      La récompense figurant dans les bulletins de salaire relatifs au régime de récompense des performances établis en avril 2015 est octroyée en application du régime de récompense des performances pour l’exercice d’évaluation portant sur l’année 2014.

II.    Procédure et conclusions des parties

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 6 juillet 2015, les requérants ont introduit le présent recours, initialement enregistré sous le numéro F‑99/15.

26      Par courrier du 31 juillet 2015, la BEI a demandé la suspension de la procédure jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal dans l’affaire T‑240/14 P, visant à l’annulation de l’arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, EU:F:2014:16).

27      Par courrier du 17 août 2015, les requérants se sont opposés à la demande de suspension.

28      Par ordonnance du 14 septembre 2015, von Blumenthal e.a./BEI (F‑99/15, non publiée), le président de la troisième chambre du Tribunal de la fonction publique a suspendu la procédure dans l’affaire F‑99/15, jusqu’à la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑240/14 P.

29      La procédure a été reprise à la suite du prononcé de l’arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑240/14 P, EU:T:2016:104).

30      La BEI a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal de la fonction publique le 10 mai 2016. Sur invitation du Tribunal de la fonction publique, la BEI s’est exprimée, dans le mémoire en défense, sur l’incidence des arrêts du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑241/14 P, EU:T:2016:103), du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑240/14 P, EU:T:2016:104), du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, EU:F:2014:15), et du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, EU:F:2014:16), sur la présente affaire.

31      Le Tribunal de la fonction publique ayant décidé qu’un deuxième échange de mémoires devait avoir lieu entre les parties, les requérants ont déposé un mémoire en réplique le 12 juillet 2016.

32      En application de l’article 3 du règlement 2016/1192, la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016 et doit désormais être traitée conformément au règlement de procédure du Tribunal. Elle a été enregistrée sous le numéro T‑558/16.

33      La BEI a déposé une duplique le 13 septembre 2016.

34      Par lettre du 20 février 2017, le Tribunal a demandé à la BEI, au titre de mesures d’organisation de la procédure, de produire certains documents. En particulier, il a invité la BEI à lui transmettre, premièrement, la note du département des ressources humaines du 10 janvier 2007, portant la référence SG-JU/RH/Dev/2007-10, deuxièmement, le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 16 décembre 2014 ainsi que tout document soumis pour décision du conseil d’administration déterminant le contenu de la décision du 16 décembre 2014, troisièmement, le procès-verbal de la réunion du comité de direction du 4 février 2015 ainsi que tout document soumis pour décision du comité de direction déterminant le contenu de la décision du 4 février 2015 et, quatrièmement, la note du département des ressources humaines du 28 janvier 2015, portant la référence CS/PERS/-/ISA/2015/-1/mod (ci-après la « note du 28 janvier 2015 »).

35      La BEI a déféré à cette demande dans les délais prévus.

36      Les requérants concluent, chacun en ce qui le concerne, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions, contenues dans leurs bulletins de salaire d’avril 2015, faisant application des décisions du 16 décembre 2014 et du 4 février 2015, ainsi que toutes les décisions contenues dans les bulletins de salaire postérieurs faisant application des mêmes décisions ;

–        annuler les bulletins relatifs au régime des primes établis en avril 2015 ;

–        condamner la BEI au paiement :

–        d’une somme correspondant à la différence entre le montant des rémunérations résultant de l’application des décisions susmentionnées et celui des rémunérations dues en application du régime de la grille minimale et garantie, la somme correspondant à ladite différence étant augmentée d’intérêts de retard courant à compter du 12 avril 2015, puis le 12 de chaque mois, jusqu’à apurement complet, calculés au taux de la Banque centrale européenne (BCE) augmenté de trois points ;

–        d’une somme correspondant à la différence entre le montant de la rémunération perçue et celui résultant de l’application du taux de 16,3 % sur un budget salarial défini de façon conforme aux engagements de la BEI ;

–        de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de leur perte de pouvoir d’achat, ce préjudice étant évalué ex æquo et bono, et à titre provisionnel, à 1,5 % de la rémunération mensuelle de chaque requérant ;

–        de la somme de 1 000 euros à titre de réparation du préjudice moral ;

–        le cas échéant, à défaut pour la BEI de les produire spontanément, inviter cette dernière, au titre des mesures d’organisation de la procédure, à produire les documents suivants :

–        le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 16 décembre 2014 ;

–        le procès-verbal de la réunion du comité de direction du 4 février 2015 ;

–        la note du 28 janvier 2015 ;

–        le plan d’activité de la BEI pour les années 2015 à 2017 ;

–        le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 14 décembre 2010 relative à la réforme du régime du bonus ; 

–        condamner la BEI aux dépens.

37      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation comme étant non fondé ;

–        partant, débouter les requérants de leur demande indemnitaire ;

–        condamner les requérants aux dépens.

38      Lors de l’audience, les requérants ont indiqué ne plus soutenir que le financement de la grille minimale et garantie n’était pas assuré à un taux de 1,2 %. Désormais, ils avancent que ce financement n’est pas assuré à un taux de 1,7 %, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

III. En droit

A.      Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

39      Les requérants demandent au Tribunal, à titre de mesures d’organisation de la procédure, d’ordonner à la BEI la production de divers documents, dont le procès-verbal de la réunion de comité de direction du 14 décembre 2010 relative à la réforme du régime du bonus.

40      Toutefois, eu égard aux pièces jointes par les parties à leurs écrits et aux documents transmis dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé pour statuer sur le recours et décide qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’adoption de mesures d’organisation de la procédure autres que celles déjà adoptées.

B.      Sur les conclusions en annulation

41      Ainsi qu’il ressort du point 34 ci-dessus, les requérants ont soulevé deux chefs de conclusions en annulation.

42      Le premier chef de conclusions en annulation vise les bulletins de salaire des requérants du mois d’avril 2015 ainsi que leurs bulletins postérieurs. Les requérants excipent de l’illégalité des décisions du 16 décembre 2014 et du 4 février 2015, dont leurs bulletins de salaire d’avril 2015 et leurs bulletins postérieurs feraient application.

43      Le second chef de conclusions en annulation vise les bulletins relatifs à la récompense des performances établis en avril 2015. Les requérants excipent de l’illégalité de la décision du 4 février 2015, dont lesdits bulletins feraient application.

1.      Sur le premier chef de conclusions en annulation, relatif au régime d’avancement d’échelon au mérite

44      À l’appui de leur premier chef de conclusions en annulation et au soutien de l’exception d’illégalité invoquée, les requérants invoquent cinq moyens, tirés, respectivement :

–        le premier, de la violation de la décision du 31 janvier 2007, de la grille minimale et garantie ainsi que de l’article 22 du règlement du personnel du 20 avril 1960 ;

–        le deuxième, de la violation de l’article 11 des statuts de la BEI établis par le protocole n° 5 annexé au traité UE et au traité FUE, de l’article 23 du règlement intérieur de la BEI et d’un vice d’incompétence ;

–        le troisième, d’une violation des conditions fondamentales de leurs contrats d’emploi ;

–        le quatrième, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime ;

–        le cinquième, d’une violation du devoir de sollicitude.

a)      Sur le premier moyen, tiré de la violation de la décision du 31 janvier 2007, de la grille minimale et garantie ainsi que de l’article 22 du règlement du personnel du 20 avril 1960

45      Les requérants soutiennent que les décisions du 16 décembre 2014 et du 4 février 2015 ne garantissent pas une progression salariale fondée sur le mérite conforme à l’article 22 du règlement du personnel du 20 avril 1960 et à la grille minimale et garantie adoptée par suite de la décision du 31 janvier 2007. Le financement de la grille minimale et garantie ne serait pas assuré, selon eux, au taux de 1,2 % requis par le département des ressources humaines dans la note du 28 janvier 2015. Ce moyen est divisé en deux branches.

46      Dans une première branche, les requérants font valoir que le financement insuffisant de la grille minimale et garantie résulte de la circonstance que l’augmentation du budget des dépenses de personnel de 2,7 % a été consacrée au financement des autres formes de progression salariale. Dans une seconde branche, les requérants soutiennent que la BEI ne pouvait utiliser, aux fins du financement partiel de l’augmentation du budget des dépenses de personnel, les ressources produites par l’effet de noria.

47      Par ailleurs, lors de l’audience, ainsi qu’il en a été pris acte au procès-verbal de l’audience, les requérants, se fondant sur le document intitulé « Personnel News – 2014 Performance Evaluation Exercice – Outcomes » (communication au personnel : résultats de l’exercice d’évaluation des performances 2014) (ci-après la « communication des résultats de l’exercice d’évaluation des performances 2014 ») et datant de juillet 2015, ont indiqué ne plus soutenir que le financement de la grille minimale et garantie n’était pas assuré à un taux de 1,2 %. Désormais, ils avancent que ce financement n’est pas assuré à un taux de 1,7 %.

48      Sur ce dernier point, il y a lieu de relever d’emblée qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 76, sous d), et de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, notamment, que la production de moyens ou d’arguments nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ou ces arguments ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2015, Dennekamp/Parlement, T‑115/13, EU:T:2015:497, point 80), ou qu’ils constituent l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui‑ci (voir arrêt du 29 novembre 2012, Thesing et Bloomberg Finance/BCE, T‑590/10, non publié, EU:T:2012:635, point 24 et jurisprudence citée).

49      De plus, l’article 84, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que « s’il y a lieu, les moyens nouveaux sont produits lors du deuxième échange de mémoires et identifiés en tant que tels » et que, « [l]orsque les éléments de droit et de fait qui justifient la production des moyens nouveaux sont connus après le deuxième échange de mémoires ou après qu’il a été décidé de ne pas autoriser un tel échange de mémoires, la partie principale concernée produit les moyens nouveaux dès qu’elle a connaissance de ces éléments ».

50      Or, en l’espèce, il s’agit d’un nouvel argument invoqué au cours de l’audience et qui n’a pas été présenté au stade du mémoire en réplique alors qu’il repose sur des éléments de fait qui étaient déjà connus des requérants lors du dépôt dudit mémoire, auquel la communication des résultats de l’exercice d’évaluation des performances 2014 était annexée.

51      Par suite, il convient de constater que ledit argument soulevé pour la première fois lors de l’audience, et donc présenté tardivement, est irrecevable.

1)      Sur la première branche

52      Les requérants avancent que le financement de la grille minimale et garantie n’atteint pas le taux de 1,2 % requis par le département des ressources humaines dans la note du 28 janvier 2015. Celui-ci ne s’élèverait, en réalité, qu’à 0,92 %, et ce dans la mesure où le taux d’augmentation du budget des dépenses de personnel de 2,7 % fixé par les décisions du 16 décembre 2014 et du 4 février 2015 servirait à financer non seulement la grille minimale et garantie, mais également d’autres formes de progression salariale dont bénéficie l’ensemble des agents de la BEI.

53      Les requérants soutiennent à cet égard que le comité de direction, doté d’un pouvoir de décision quant à la répartition du budget des dépenses de personnel, aurait dû distribuer le budget de façon à assurer, conformément aux obligations découlant de sa décision du 31 janvier 2007, le financement de la grille minimale et garantie.

54      Dans le mémoire en réplique, les requérants admettent une erreur de calcul au stade de la requête, mais soutiennent que le budget approuvé par le conseil d’administration a néanmoins, de facto, été insuffisant pour financer la grille minimale et garantie. Ainsi, le comité de direction aurait appliqué une augmentation de 0,6 %, non approuvée dans l’exercice budgétaire et non mentionnée dans la décision du 4 février 2015, afin de financer l’ajustement annuel des salaires et la grille minimale et garantie.

55      La BEI conteste l’argumentation des requérants.

56      À cet égard, d’une part, il convient de constater que lors de l’audience, ainsi que cela a été indiqué au point 36 ci-dessus et acté au procès-verbal de l’audience, les requérants ont indiqué ne plus soutenir que le financement de la grille minimale et garantie n’était pas assuré à un taux de 1,2 %.

57      D’autre part, en tout état de cause, la première branche du premier moyen repose sur une erreur de calcul, admise, au demeurant, par les requérants dans le mémoire en réplique. Cette erreur découle d’une ventilation erronée du taux d’augmentation du budget des dépenses de personnel de 2,7 % entre les différentes dépenses couvertes par cette augmentation.

58      En effet, au point 47 de la requête, les requérants produisent le tableau suivant illustrant la ventilation du taux de 2,7 % d’augmentation du budget des dépenses de personnel entre les différentes formes de progression salariale :

[Taux d’augmentation du budget des dépenses de personnel]

2,7 %

[Adaptation annuelle du barème des traitements de base]

1,2 %

[Financement des] promotions

0,2 %

[Augmentation salariale pour les agents soumis au nouveau règlement du personnel]

0,38 %

Total voté par le [conseil d’administration]

0,92 %


59      Il ressort de la requête que, en se référant au « [t]otal voté par le conseil d’administration », les requérants visent le pourcentage restant aux fins du financement de la grille minimale et garantie.

60      Or, il est constant entre les parties que l’augmentation du budget des dépenses de personnel de 2,7 % concerne l’ensemble des agents de la BEI, indépendamment de la question de savoir quelle version du règlement du personnel leur est applicable.

61      De plus, il est également constant entre les parties que l’augmentation du budget des dépenses de personnel était destinée à financer, d’une part, en ce qui concerne les agents soumis au règlement du personnel du 20 avril 1960 – soit 85 % du personnel –, quatre formes de progression salariale, à savoir, premièrement, l’avancement résultant de la grille minimale et garantie à hauteur de 1,2 %, deuxièmement, l’adaptation du barème des traitements de base à hauteur de 1,2 %, troisièmement, les reclassements à hauteur de 0,1 % et, quatrièmement, les promotions à hauteur de 0,2 %, et, d’autre part, en ce qui concerne les agents soumis au nouveau règlement du personnel – soit 15 % du personnel –, une augmentation salariale à hauteur de 2,5 % ainsi que les promotions à hauteur de 0,2 %.

62      Dès lors, en ce qu’il ressort du mémoire en réplique que le tableau repris au point 56 ci-dessus est relatif à l’augmentation du budget des dépenses de personnel pour les seuls agents relevant du règlement du personnel du 20 avril 1960, les requérants y ont inséré à tort l’augmentation salariale de 2,5 %, calculée au prorata du pourcentage du personnel relevant du nouveau règlement du personnel, soit 0,375 % arrondi à 0,38 %. Cette forme de progression salariale, spécifique aux agents relevant du nouveau règlement du personnel, ne pouvait être prise en considération, ce que les requérants admettent au point 4 du mémoire en réplique.

63      Par ailleurs, les calculs présentés par les requérants ne tiennent pas compte du financement nécessaire pour les reclassements du personnel relevant du règlement du personnel du 20 avril 1960, soit 0,1 %.

64      Au vu de ce qui précède, le financement de la grille minimale et garantie est effectivement assuré à hauteur de 1,2 %.

65      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le grief des requérants soulevé au stade du mémoire en réplique et selon lequel l’augmentation, par le comité de direction, du budget des dépenses du personnel approuvé par le conseil d’administration démontrerait que ce budget est insuffisant pour financer la progression salariale découlant de l’application de la grille minimale et de l’adaptation du barème des traitements de base. Au soutien de leur argumentation, les requérants invoquent la communication des résultats de l’exercice d’évaluation des performances 2014, de laquelle il ressortirait que l’augmentation des salaires des agents relevant du règlement du personnel du 20 avril 1960 qui n’ont pas été promus a atteint un taux de 3 %.

66      Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ce grief, il suffit de constater qu’il procède d’une lecture erronée de la communication des résultats de l’exercice d’évaluation des performances 2014. Celle-ci fait état d’un redéploiement de certaines ressources du budget total des dépenses de personnel, à savoir les ressources réservées aux postes vacants, et de leur utilisation afin de renforcer le financement des autres postes couverts par l’augmentation de 2,7 %. Il ressort également de ce document que, s’agissant des agents soumis au règlement du personnel du 20 avril 1960 qui n’ont pas bénéficié d’une promotion, l’augmentation moyenne réelle des salaires a atteint le taux de 3 %. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, un tel redéploiement des ressources ne confirme aucunement le caractère insuffisant des ressources réservées pour le financement de la grille minimale et garantie. En effet, l’augmentation du budget des dépenses de personnel de 1,2 % requise, selon la requête, afin de financer la grille minimale et garantie était garantie dans le cadre du budget approuvé initialement par le conseil d’administration et était couverte par l’augmentation de ce budget de 2,7 %.

67      La première branche du premier moyen doit donc être écartée comme non fondée.

2)      Sur la seconde branche

68      Les requérants soutiennent que la BEI n’est pas autorisée à financer l’augmentation du budget des dépenses de personnel par l’utilisation des ressources produites par l’effet de noria. Ces ressources devraient, en conséquence, être déduites du montant de l’augmentation du budget des dépenses de personnel, lequel s’élèverait alors au taux de 1,7 % et non pas au taux de 2,7 %. La part réservée au financement de la grille minimale et garantie ne correspondrait alors plus qu’au taux déficitaire de - 0,08 %.

69      La BEI conteste l’argumentation des requérants.

70      Il convient de constater que, par leur argumentation, les requérants excipent de l’illégalité des décisions du 16 décembre 2014 et du 4 février 2015 en ce qu’elles prévoient l’utilisation des ressources produites par l’effet de noria aux fins du financement du taux d’augmentation du budget de personnel.

71      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige en ce que, d’une part, l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable directement ou indirectement à l’espèce qui fait l’objet du recours et, d’autre part, il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle et l’acte général en question (voir, en ce sens, arrêts du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, EU:T:1993:89, point 57, et du 15 septembre 1998, De Persio/Commission, T‑23/96, EU:T:1998:203, point 54).

72      Il ressort également de la jurisprudence que la légalité de l’acte individuel qui fait l’objet d’un recours en annulation doit être affectée précisément par les vices dont serait entachée la réglementation générale de base. Il n’est donc pas possible de contester, par voie incidente, la légalité d’une réglementation dont l’acte attaqué ne constitue pas une mesure d’application (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2000, Conseil/Chvatal e.a., C‑432/98 P et C‑433/98 P, EU:C:2000:545, points 32 et 33).

73      Or, en l’espèce, force est de constater que le montant des rémunérations tel qu’établi par les décisions contenues dans les bulletins de salaire d’avril 2015 et postérieurs est déterminé indépendamment de la question de la source du financement.

74      Ainsi, l’exception d’illégalité est dirigée contre des décisions qui, dans la mesure où elles prévoient l’utilisation des ressources produites par l’effet de noria aux fins du financement du taux d’augmentation du budget de personnel, ne présentent aucun lien juridique direct avec les décisions contenues dans les bulletins de salaire d’avril 2015 et postérieurs. Dès lors, elle doit être rejetée comme irrecevable (arrêt du 19 juin 2015, Italie/Commission, T‑358/11, EU:T:2015:394, point 183).

75      La seconde branche étant irrecevable, il y a donc lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 11 des statuts de la BEI, de l’article 23 du règlement intérieur de la BEI et d’un vice d’incompétence

76      Les requérants, d’une part, font valoir que, en adoptant la décision du 16 décembre 2014 par laquelle l’utilisation des ressources produites par l’effet de noria est prévue aux fins du financement de l’augmentation du budget du personnel à concurrence de 1 %, le conseil d’administration a pris une décision dénuée de fondement juridique. En particulier, il aurait méconnu la compétence dévolue au comité de direction au titre de l’article 11 des statuts de la BEI et de l’article 23 du règlement intérieur de la BEI. De plus, la décision du 16 décembre 2014 porterait atteinte à la délégation, consentie par le conseil d’administration au comité de direction le 17 décembre 2013, de l’exécution du budget salarial pour l’année 2014. Les requérants, d’autre part, estiment, au regard des principes de comptabilité publique, que les ressources provenant de l’effet de noria présentent un caractère incertain et doivent dès lors être affectées au financement des recrutements selon un calendrier et des besoins définis spécifiquement au préalable.

77      La BEI conteste l’argumentation des requérants.

78      En l’espèce, le Tribunal constate que les requérants n’établissent aucunement que les irrégularités entachant la décision du 16 décembre 2014, en tant qu’elle utilise les ressources provenant de l’effet de noria à hauteur de 1 %, auraient eu une quelconque incidence, en raison de la prétendue incompétence de son auteur, sur les décisions contenues dans les bulletins de salaire d’avril 2015 et postérieurs, la grille minimale et garantie ayant été suffisamment financée.

79      Ainsi, quand bien même il résulterait de l’article 11 des statuts de la BEI et de l’article 23 du règlement intérieur de la BEI que l’utilisation des ressources produites par l’effet de noria relèverait de la seule compétence du comité de direction, il découle de la jurisprudence rappelée aux points 69 et 70 ci-dessus que l’exception d’illégalité soulevée sur ce point doit être rejetée comme irrecevable.

80      S’agissant de l’argument des requérants portant sur la destination des ressources provenant de l’effet de noria, un tel argument vise à remettre en cause les sources du financement de la grille minimale et garantie et se rattache, en conséquence, à la seconde branche du premier moyen, qui a été écartée. Il ne saurait dès lors prospérer.

81      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté comme irrecevable.

c)      Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens, tirés, respectivement, des violations des conditions fondamentales des contrats d’emploi, du principe de protection de la confiance légitime et du devoir de sollicitude

82      Par leurs troisième et quatrième moyens, les requérants soutiennent, en substance, que, en ne prévoyant pas un financement suffisant de la progression salariale conformément à la grille minimale et garantie, la BEI aurait porté atteinte aux conditions fondamentales de leurs contrats de travail et méconnu le principe de protection de la confiance légitime. Par leur cinquième moyen, les requérants soutiennent que les documents dont ils disposent ne démontrent pas que la BEI aurait pris en considération l’intérêt des agents dans la définition du budget des dépenses de personnel. La BEI aurait, en conséquence, manqué à son devoir de sollicitude.

83      La BEI conteste les arguments des requérants.

84      Les troisième, quatrième et cinquième moyens ont pour prémisse commune le financement insuffisant de la grille minimale et garantie, lequel résulterait, selon les requérants, de l’application des décisions du 16 décembre 2014 et du 4 février 2015. Or, il ressort de l’examen du premier moyen que le financement de la grille minimale et garantie a été assuré conformément à la décision du 31 janvier 2007.

85      Il s’ensuit que les troisième, quatrième et cinquième moyens manquent en fait et doivent, en conséquence, être rejetés.

86      Partant, le premier chef de conclusions en annulation des requérants doit être rejeté.

2.      Sur le second chef de conclusions en annulation, relatif au régime de récompense des performances

87      À l’appui de leur second chef de conclusions en annulation, les requérants invoquent un moyen unique, tiré d’une violation de la décision du conseil d’administration du 14 décembre 2010 et des décisions du comité de direction du 9 novembre 2010, des 28 et 29 juin et du 16 novembre 2011 ainsi que du principe d’égalité de traitement.

88      Plus particulièrement, ils affirmentque l’ensemble des agents de la BEI qui, du point de vue du régime de récompense des performances, constituent une seule catégorie, n’ont pas été traités de la même façon. Selon eux, malgré l’augmentation de l’enveloppe budgétaire consacrée à la récompense des performances depuis l’année 2010 – fixée au taux de 16,3 % pour l’année 2015 –, les requérants auraient vu leurs récompenses diminuer ou, au mieux, rester constantes. L’ensemble des agents relevant des fonctions C à K seraient concernés. Dans le même temps, le budget alloué à la récompense des performances des cadres de direction aurait augmenté, alors que la population des agents relevant de cette fonction n’aurait pas augmentée.

89      Plus précisément, les requérants indiquent que, de 2010 à 2015, le budget consacré au financement du régime de récompense des performances aurait augmenté, en moyenne, de 52 %. Toutes les catégories de fonctions auraient dû voir le montant de leurs récompenses augmenter de plus de 52 %. Or, les fonctions C à K, auxquelles les requérants appartiennent, n’auraient pas connu une telle augmentation. Dès lors, les agents relevant d’autres fonctions que les fonctions C à K, en particulier les cadres de direction, auraient bénéficié d’une augmentation du budget consacrée à la récompense de leurs performances supérieure à 52 %. Dans la mesure où les cadres de direction ne bénéficient pas d’avancement d’échelon au mérite, il serait raisonnable de penser que des récompenses plus élevées leur sont octroyées en compensation.

90      En réponse à une question du Tribunal posée lors de l’audience, les requérants ont précisé que l’absence d’augmentation des récompenses invoquée concerne tant les récompenses relatives aux performances collectives que les récompenses relatives aux performances individuelles des agents.

91      La BEI conteste les arguments des requérants.

a)      Sur la recevabilité du moyen

92      La BEI faisant valoir le manque de clarté de la requête, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 50, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, la requête doit contenir un exposé clair des faits pertinents ainsi qu’un exposé des moyens et des arguments de droit invoqués. Selon la jurisprudence, ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours ou un moyen soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20 et jurisprudence citée).

93      Ainsi, le Tribunal est tenu de rejeter comme irrecevable un chef de conclusions de la requête qui lui est présentée, dès lors que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ce chef de conclusions est fondé ne ressortent pas d’une façon cohérente et compréhensible du texte de cette requête elle-même (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, EU:C:2006:494, point 37).

94      Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut donc, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen [arrêt du 3 décembre 2014, Max Mara Fashion Group/OHMI – Mackays Stores (M & Co.), T‑272/13, non publié, EU:T:2014:1020, point 19 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2008, Rautaruukki/OHMI (RAUTARUUKKI), T‑269/06, non publié, EU:T:2008:512, points 34 et 37].

95      En l’espèce, si le présent moyen manque, certes, en certains points, de clarté, le Tribunal considère, au regard des arguments soulevés, qu’il doit être compris en ce sens que les requérants, eu égard à la prétendue absence d’augmentation du montant des récompenses de leurs performances octroyées durant les années 2010 à 2015, avancent l’existence d’une discrimination entre, d’une part, les agents appartenant, comme eux, aux catégories de fonctions C à K et, d’autre part, les cadres de direction. La BEI, dans ses écrits, donne d’ailleurs pareille interprétation aux arguments des requérants. Dans ces conditions, le moyen est recevable.

b)      Sur le bien-fondé du moyen

96      Il est de jurisprudence constante que le principe de non-discrimination, ou d’égalité de traitement, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée. Il ressort ainsi qu’il y a violation du principe de non-discrimination lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas des différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique. Pour qu’une différence de traitement puisse être compatible avec le principe général de non-discrimination, cette différence doit être justifiée sur le fondement d’un critère objectif et raisonnable et proportionnée au regard du but poursuivi par cette différenciation (voir arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 131 et jurisprudence citée).

97      En l’espèce, en premier lieu, le Tribunal constate que ce moyen manque en fait en ce que les requérants ne démontrent aucunement l’existence, dans les faits, d’une différence de traitement illégale entre les agents appartenant aux catégories de fonctions C à K et les cadres de direction.

98      En effet, premièrement, en ce qui concerne la situation des agents appartenant aux catégories de fonctions C à K, les requérants allèguent, par différents calculs, l’absence d’augmentation du montant de leurs récompenses sur la période allant de 2010 à 2015. Or, les chiffres avancés aux fins de ces calculs ne sont aucunement étayés. Ainsi, le Tribunal dispose des seuls bulletins relatifs à la récompense des performances de 2014, établis en 2015, et ne peut donc déterminer l’importance de l’augmentation du montant des récompenses eu égard aux années antérieures. De plus, il ressort du tableau illustrant les propos des requérants, inséré dans la requête, que les catégories IK, H, G, F et E ont, contrairement à ce qui est avancé, connu une augmentation de leurs récompenses calculées, en moyenne, entre 2010 et 2015. Les catégories F et IK ont à cet égard connu une augmentation supérieure à 52 %.

99      Deuxièmement, s’agissant des cadres de direction, les requérants prétendent que ceux-ci auraient vu le montant de leurs récompenses augmenter, contrairement aux agents appartenant aux catégories de fonctions C à K. Or, il convient de constater que les requérants fondent leur argumentation sur de simples suppositions et hypothèses. Ainsi, ils indiquent qu’ils « pensent raisonnablement » que l’absence d’avancement d’échelon au mérite des cadres de direction serait compensée par des récompenses plus élevées. Dès lors, la différence de traitement alléguée, si elle est supposée par les requérants, n’est aucunement démontrée.

100    En deuxième lieu, le Tribunal constate que les requérants ne démontrent pas davantage le caractère comparable des situations dans lesquelles se trouvent les agents appartenant aux catégories de fonctions C à K et les cadres de direction, condition nécessaire à l’existence d’une discrimination.

101    En troisième lieu, le régime de récompense des performances, qui s’applique à l’ensemble des agents de la BEI, a pour objet de récompenser les performances tant collectives que personnelles des agents de la BEI, compte tenu également de leur niveau de responsabilité. Dès lors, dans la mesure où les récompenses accordées aux agents varient en fonction de leurs performances personnelles et de leurs responsabilités, ce régime, par nature, conduit nécessairement la BEI à accorder des récompenses dont le montant est différent. Ce constat n’est pas remis en cause par le fait que, selon le document du 10 mars 2011 intitulé « Q & A Sheet : Bonus reform » (questions et réponses sur la réforme du régime de récompense des performances), une certaine cohérence serait attendue dans la distribution des récompenses individuelles entre les différents niveaux fonctionnels. En effet, ce document présente un caractère prévisionnel et est dépourvu de caractère contraignant. Au surplus, il précise expressément que chaque direction décidera du nombre d’agents recevant une prime et que les proportions d’agents recevant une prime au sein des différents niveaux fonctionnels pourront être identiques ou différentes. Ainsi, la cohérence ne garantit pas l’identité du montant des récompenses octroyées. Dès lors, et de manière objective, à performance individuelle non égale, le montant des récompenses varie, et inversement.

102    En quatrième lieu, comme le soutient la BEI, il ne peut être admis que, en raison de l’augmentation de 52 % de l’enveloppe budgétaire pour la récompense des performances entre 2010 et 2015, chaque catégorie de fonctions aurait dû, en conséquence, voir le montant de la récompense augmenter de plus de 52 %. Force est de constater que pareil argument ne prend en considération ni les variations que les différentes catégories de fonctions ont pu connaître, et ce, notamment, quant au nombre d’agents ou à la performance de ceux-ci, ni la marge d’appréciation de la BEI quant à la répartition du budget consacré à la récompense des performances entre les différents niveaux fonctionnels.

103    Au vu de ce qui précède, il convient d’écarter le moyen comme non fondé.

104    Par conséquent, le second chef de conclusions en annulation des requérants doit être rejeté et, partant, les conclusions en annulation dans leur ensemble.

C.      Sur les conclusions indemnitaires

105    Premièrement, les requérants demandent, en conséquence de l’annulation des décisions contenues dans leurs bulletins de salaire d’avril 2015 et postérieurs, le paiement de la différence entre le montant des rémunérations qui leur ont été versées en application des décisions du 16 décembre 2014 et du 4 février 2015, et celui des rémunérations qui leur auraient été dues sur le fondement de la grille minimale et garantie, cette différence étant augmentée d’intérêts de retard. Deuxièmement, ils demandent, en conséquence de l’annulation des décisions contenues dans leurs bulletins relatifs à la récompense des performances établis en avril 2015, le paiement de la différence entre le montant de la rémunération perçue et celui résultant de l’application du taux de 16,3 % sur un budget salarial défini de façon conforme aux engagements de la BEI. Enfin, troisièmement, ils demandent la réparation du préjudice qu’ils auraient subi en raison de la perte de pouvoir d’achat ainsi que la réparation d’un préjudice moral.

106    La BEI conclut au rejet de la demande indemnitaire des requérants.

107    Le Tribunal constate que les conclusions des requérants tendant au versement d’une rémunération complémentaire et à la condamnation de la BEI au paiement de dommages et intérêts sont étroitement liées aux conclusions en annulation, de sorte qu’elles doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ces dernières.

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

109    Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BEI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


2)      M. Henry von Blumenthal, M. Marc D’Hooge, Mme Giulia Gaspari, M. Patrick Vanhoudt et Mme Dalila Bundy sont condamnés aux dépens.

Gervasoni

da Silva Passos

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T55816.html