Vnesheconombank v Council (Order) French Text [2017] EUECJ T-737/14_CO (28 September 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T73714_CO.html
Cite as: ECLI:EU:T:2017:681, EU:T:2017:681, [2017] EUECJ T-737/14_CO

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

28 septembre 2017 (*)

« Référé – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑737/14 R,

Bank for Development and Foreign Economic Affairs (Vnesheconombank), établie à Moscou (Russie), représentée par Mes J. Viñals Camallonga, J. Iriarte Ángel et L. Barriola Urruticoechea, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. F. Florindo Gijón et Mme P. Mahnič Bruni, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. F. Castillo de la Torre, Mmes S. Pardo Quintillán et D. Gauci, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution de la décision 2014/512/PESC du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 13) et du règlement (UE) n° 833/2014 du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 1), en ce qu’ils concernent la requérante,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        La requérante, la Bank for Development and Foreign Economic Affairs (Vnesheconombank), est une institution financière de droit russe dont le siège social est situé à Moscou (Russie).

2        Il ressort du considérant 1 de la décision 2014/512/PESC du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 13) que, le 6 mars 2014, les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne ont fermement condamné la violation par la Fédération de Russie, sans qu’il y ait eu de provocation, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et ont appelé la Fédération de Russie à ramener immédiatement ses forces armées vers leurs lieux de stationnement permanent, conformément aux accords applicables. Ils ont déclaré que toute autre mesure de la Fédération de Russie qui serait de nature à déstabiliser la situation en Ukraine entraînerait d’autres conséquences, d’une portée considérable, pour les relations entre l’Union et ses États membres, d’une part, et la Fédération de Russie, de l’autre, et ce dans un grand nombre de domaines économiques.

3        Par la suite, au cours de l’année 2014, le Conseil de l’Union européenne a établi, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), une série de mesures restrictives en réaction aux actions de la Fédération de Russie considérées comme déstabilisant la situation en Ukraine. Eu égard à la gravité de la situation dans cet État malgré l’adoption, au mois de mars 2014, de restrictions en matière de déplacements ainsi que d’un gel des avoirs visant certaines personnes physiques et morales, le Conseil a pris, le 31 juillet 2014, la décision 2014/512, modifiée par la suite, afin d’introduire des mesures restrictives ciblées dans les domaines de l’accès aux marchés des capitaux, de la défense, des biens à double usage et des technologies sensibles, notamment dans le secteur énergétique.

4        Estimant que ces dernières mesures relevaient du champ d’application du traité FUE et que leur mise en œuvre nécessitait une action réglementaire à l’échelle de l’Union, le Conseil a adopté le règlement n° 833/2014 (UE), du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 1), qui contient des dispositions plus détaillées pour donner effet, tant au niveau de l’Union que dans les États membres, aux prescriptions de la décision 2014/512. Adopté initialement le même jour que cette décision, ce règlement a été adapté de manière concomitante avec ladite décision afin de refléter les modifications apportées ultérieurement à celle-ci.

5        L’objectif déclaré de ces mesures restrictives était d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise. À cette fin, la décision 2014/512 et le règlement n° 833/2014 ont établi, en particulier, des restrictions pour l’accès aux marchés des capitaux.

6        L’article 1er de la décision 2014/512, tel que modifié, dispose :

« 1. Sont interdits l’achat direct ou indirect ou la vente directe ou indirecte, la fourniture directe ou indirecte de services d’investissement ou l’aide à l’émission ou toute autre opération portant sur des obligations, actions ou instruments financiers similaires dont l’échéance est supérieure à 90 jours s’ils ont été émis après le 1er août 2014 et jusqu’au 12 septembre 2014, ou dont l’échéance est supérieure à 30 jours, s’ils ont été émis après le 12 septembre 2014 par :

a) les principaux établissements de crédit ou institutions financières de développement établis en Russie, détenus ou contrôlés à plus de 50 % par l’État à la date du 1er août 2014, dont la liste figure à l’annexe I ;

[…]

3. Il est interdit de conclure un accord ou d’en faire partie, directement ou indirectement, en vue d’accorder de nouveaux prêts ou crédits dont l’échéance est supérieure à 30 jours à toute personne morale, toute entité ou tout organisme visé au paragraphe 1 ou 2, après le 12 septembre 2014, à l’exception des prêts ou des crédits ayant pour objectif spécifique et justifié de fournir un financement pour des importations ou des exportations directes ou indirectes non soumises à interdiction de biens et de services non financiers entre l’Union et la Russie ou tout autre État tiers ou des prêts ayant pour objectif spécifique et justifié de fournir un financement d’urgence, visant à répondre aux critères de solvabilité et de liquidité, à des personnes morales établies dans l’Union, dont les droits de propriété sont détenus à plus de 50 % par une entité visée à l’annexe I.

[…] »

7        À l’annexe  I de la décision 2014/512 figure le nom de la requérante.

8        L’article 5 du règlement n° 833/2014, tel que modifié, dispose :

« 1. Sont interdites les opérations, directes ou indirectes, d’achat, de vente, de prestation de services d’investissement ou d’aide à l’émission de valeurs mobilières et d’instruments du marché monétaire dont l’échéance est supérieure à 90 jours, émis après le 1er août 2014 jusqu’au 12 septembre 2014, ou dont l’échéance est supérieure à 30 jours, émis après le 12 septembre 2014, ou toute autre transaction portant sur ceux-ci, par :

a) un établissement de crédit principal ou tout autre établissement principal ayant un mandat explicite pour promouvoir la compétitivité de l’économie russe et sa diversification et favoriser les investissements, établi en Russie et détenu ou contrôlé à plus de 50 % par l’État à la date du 1er août 2014, figurant à l’annexe III ;

[…]

3. Il est interdit de conclure un accord ou d’en faire partie, directement ou indirectement, en vue d’accorder de nouveaux prêts ou crédits dont l’échéance est supérieure à 30 jours à toute personne morale, toute entité ou tout organisme visé au paragraphe 1 ou 2, après le 12 septembre 2014.

L’interdiction ne s’applique pas :

a) aux prêts ou aux crédits ayant pour objectif spécifique et justifié de fournir un financement pour des importations ou des exportations non soumises à interdiction de biens et de services non financiers entre l’Union et un État tiers, y compris aux dépenses consenties par un autre État tiers pour des biens et services qui sont nécessaires à l’exécution des contrats d'exportation ou d'importation; ni

b) aux prêts ayant pour objectif spécifique et justifié de fournir un financement d’urgence visant à répondre à des critères de solvabilité et de liquidité à des personnes morales établies dans l’Union, dont les droits de propriété sont détenus à plus de 50 % par une entité visée à l’annexe III.

[…] »

9        À l’annexe III du règlement n° 833/2014 figure le nom de la requérante.

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 octobre 2014, la requérante a introduit un recours tendant, en substance, à l’annulation, pour ce qui la concerne, de la décision 2014/512 et du règlement n° 833/2014.

11      Par ordonnance du 18 mai 2015, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis la Commission européenne à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

12      Par décision du 29 octobre 2015, le président de la neuvième chambre du Tribunal a suspendu la procédure dans l’attente de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Rosneft (C‑72/15). À la suite de l’arrêt du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236), la procédure a repris.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 avril 2017, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir, pour ce qui la concerne, à l’exécution de la décision 2014/512 et du règlement n° 833/2014 ;

–        condamner les parties défenderesse et intervenante aux dépens de la procédure de référé.

14      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 21 avril 2017, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande comme non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      Dans son mémoire en intervention, déposé au greffe du Tribunal le 24 avril 2017, la Commission conclut à ce qui plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande de mesures provisoires ;

–        condamner la requérante aux dépens afférents à la procédure de référé.

 En droit

16      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

17      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

18      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

19      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

20      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

21      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

22      Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

23      En outre, selon une jurisprudence bien établie, il n’y a urgence que si le préjudice grave et irréparable redouté par la partie qui sollicite les mesures provisoires est imminent à tel point que sa réalisation est prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Cette partie demeure, en tout état de cause, tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice, étant entendu qu’un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi de mesures provisoires (voir ordonnance du 13 juillet 2017, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17 R, non publiée, EU:T:2017:496, point 30 et jurisprudence citée).

24      Par ailleurs, aux termes de l’article 156, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure, les demandes en référé « contiennent toutes les preuves et offres de preuves disponibles, destinées à justifier l’octroi des mesures provisoires ».

25      Ainsi, une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de ladite demande (voir ordonnance du 6 septembre 2016, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P‑R, non publiée, EU:C:2016:668, point 17 et jurisprudence citée).

26      Il est également de jurisprudence constante que, pour pouvoir apprécier si toutes les conditions mentionnées aux points 22 et 23 ci-dessus sont remplies, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir, en ce sens, ordonnance du 29 février 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, T‑732/15 R, non publiée, EU:T:2016:129, point 39 et jurisprudence citée).

27      Si la demande en référé peut être complétée sur des points spécifiques par des renvois à des pièces qui y sont annexées, ces dernières ne sauraient pallier l’absence des éléments essentiels dans ladite demande. Il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes de la demande en référé, dans la requête principale ou dans les annexes de la requête principale qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait d’ailleurs de nature à priver d’effet l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (voir, en ce sens, ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement e.a., T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 16 et jurisprudence citée).

28      Enfin, eu égard au fait que les mesures restrictives à l’encontre de la requérante ont été arrêtées le 31 juillet 2014 et qu’elle a introduit son recours le 24 octobre 2014 tandis qu’elle n’a introduit la présente demande en référé que le 3 avril 2017, il convient de rappeler que, s’il appartient à la requérante de juger de l’opportunité d’introduire une demande de sursis à exécution et de décider du moment de la procédure auquel cette demande serait présentée, le juge des référés peut être amené à apprécier, au regard des circonstances de l’espèce, le moment auquel la demande en référé a été introduite lorsqu’il statue sur l’urgence (voir, en ce sens, ordonnance du 9 juillet 2003, AIT/Commission, T‑288/02 R, EU:T:2003:204, point 17).

29      Dès lors, il appartient à la requérante d’établir, dans le cadre de la présente procédure de référé, que, nonobstant le fait que les mesures restrictives à son égard ont été arrêtées le 31 juillet 2014, il est urgent de surseoir à l’exécution de ces mesures restrictives pour la préserver d’un préjudice grave et irréparable qu’elle serait susceptible de subir. Il s’ensuit que la requérante doit justifier soit d’un préjudice qu’elle n’a pas subi, nonobstant le fait qu’il est imputable aux mesures restrictives en cause, soit d’un préjudice qui est désormais devenu grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 42).

30      C’est à la lumière de ces critères qu’il convient d’examiner si la requérante est parvenue à démontrer l’imminence d’un préjudice grave et irréparable.

31      En ce qui concerne la date de l’introduction de sa demande en référé, la requérante avance que ladite demande ne saurait être considérée comme tardive. Elle ne serait pas parvenue à réunir plus tôt « l’ensemble des documents, rapports et analyses » démontrant le préjudice allégué. Le fait qu’elle ait dû consentir un effort important pour réunir « toute cette documentation et réaliser les analyses, études et rapports pertinents » ne saurait jouer contre elle. En outre, elle aurait été contrainte de demander le sursis à exécution en raison de la suspension de la procédure principale d’octobre 2015 à mars 2017.

32      À cet égard, il convient de constater, tout d’abord, que la présente demande en référé et ses annexes ne permettent pas d’établir à quels « documents, rapports et analyses » la requérante fait allusion. En ce qui concerne les documents annexés, il convient de relever qu’ils datent, à l’exception du rapport constituant l’annexe B 7, de l’année 2014. En ce qui concerne le rapport constituant l’annexe B 7, datant de février 2017, il constitue, apparemment, une actualisation d’un rapport rendu en 2015. En outre, ce rapport, dans son contenu, ne laisse pas percevoir quelles ont été les analyses pour lesquelles la requérante aurait dû investir un temps considérable.

33      Ensuite, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas établi, conformément aux exigences de la jurisprudence rappelée au point 29 ci-dessus, qu’elle subit seulement actuellement un préjudice, nonobstant le fait qu’il est imputable aux mesures restrictives en cause, ou que le préjudice qu’elle subit depuis l’introduction des mesures restrictive est désormais devenu, au fil du temps, grave et irréparable.

34      Toutefois, dans la mesure où la requérante avance que le préjudice qu’elle subit s’aggrave avec le temps et que, effectivement, la nature des mesures en cause fait que leur effet sur une entité dans la situation de la requérante peut s’aggraver en fonction de leur durée, il convient encore d’examiner le préjudice allégué, nonobstant le fait que la requérante n’a pas, conformément à la jurisprudence rappelée au point 29 ci-dessus, établi les raisons pour lesquelles elle n’a saisi le Tribunal d’une demande en référé qu’en avril 2017.

35      À cet égard, il convient de relever que le préjudice allégué par la requérante, à savoir un risque pour sa viabilité financière et la perte de parts de marché, est d’ordre financier.

36      Conformément à une jurisprudence constante, un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 et 340 TFUE [voir ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 24 et jurisprudence citée].

37      Lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées se justifient s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques du groupe auquel elle appartient (voir ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 46 et jurisprudence citée).

38      En outre, lorsque la partie qui sollicite la mesure provisoire se prévaut de la perte de ses parts de marché, elle doit démontrer que des obstacles de nature structurelle ou juridique l’empêchent de reconquérir une fraction appréciable de ces parts de marché [ordonnance du 24 mars 2009, Cheminova e.a./Commission, C‑60/08 P(R), non publiée, EU:C:2009:181, point 64].

39      En ce qui concerne la viabilité financière de la requérante, cette dernière fait valoir que la réduction de l’accès au marché des capitaux de l’Union « porte un préjudice grave à son activité bancaire et menace même sa survie, puisqu’elle ne peut pas réaliser l’immense majorité des opérations normales et habituelles de financement ».

40      Toutefois, à l’exception de cette allégation, la demande en référé ne contient pas d’éléments qui permettraient de conclure à l’existence d’un risque imminent pour la viabilité financière de la requérante. En effet, la requérante ne fournit pas, comme cela est requis par la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, une image fidèle et globale de sa situation financière, étayée par des preuves documentaires détaillées et certifiées. Notamment, la requérante n’a pas produit ses comptes annuels, ni d’autres documents certifiés.

41      S’agissant ensuite de la perte de parts de marché, la requérante avance qu’elle rencontre des problèmes avec des clients et associés étrangers, y compris dans des matières qui ne sont pas visées par les sanctions, et que le volume des prêts consentis par elle et ses opérations de leasing se sont drastiquement réduits, de même que ses dépôts. Par ailleurs, elle allègue avoir dû changer ses sources de financement et recourir à des moyens sensiblement plus onéreux. En conséquence, ses « parts de marché […] tant en ce qui concerne le passif que l’actif, se [seraient] détériorées de manière très importante et irréversible ».

42      La demande en référé ne permet pas d’établir clairement les marchés précis auxquels la requérante fait référence. Dans la mesure où la requérante se réfère au domaine de leasing et aux prêts qui, selon elle, ont diminué respectivement de 21 % et de 28,7 %, elle ne démontre pas, comme requis par la jurisprudence rappelée au point 38 ci-dessus, les obstacles de nature structurelle ou juridique qui l’empêcheraient de reconquérir une fraction appréciable de ces parts de marché.

43      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée, à défaut, pour la requérante, d’établir l’urgence, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris voire de procéder à la mise en balance des intérêts.

44      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 28 septembre 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Jaeger


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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