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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> SEB bankas (Judgment) French Text [2018] EUECJ C-532/16 (11 April 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C53216.html Cite as: [2018] EUECJ C-532/16, EU:C:2018:228, ECLI:EU:C:2018:228 |
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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
11 avril 2018 (*)
« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Limitation du droit à déduction de la taxe payée en amont – Régularisation de la déduction de la taxe payée en amont – Livraison d’un terrain – Qualification erronée d’“activité taxée” – Indication de la taxe sur la facture initiale – Modification de cette indication par le fournisseur »
Dans l’affaire C‑532/16,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 3 octobre 2016, parvenue à la Cour le 18 octobre 2016, dans la procédure
Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos
contre
SEB bankas AB,
LA COUR (première chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur), A. Arabadjiev, S. Rodin et E. Regan, juges,
avocat général : M. M. Bobek,
greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,
vu la procédure écriteet à la suite de l’audience du 4 octobre 2017,
considérant les observations présentées :
– pour SEB bankas AB, par Mme M. Bielskienė, en qualité de conseil, assistée de Me A. Medelienė, advokatė,
– pour le gouvernement lituanien, par M. D. Kriaučiūnas ainsi que par Mmes R. Krasuckaitė et J. Prasauskienė, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 décembre 2017,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 184 à 186 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, et rectificatif JO 2015, L 323, p. 31, ci‑après la « directive TVA »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos (direction nationale des impôts près le ministère des Finances de la République de Lituanie) (ci-après l’« administration fiscale ») à SEB bankas AB au sujet d’un redressement fiscal dont cette société a fait l’objet afin de régulariser la déduction, opérée par ladite société, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qu’elle avait acquittée lors d’une acquisition de terrains.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 12, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA dispose :
« 1. Les États membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes :
[...]
b) la livraison d’un terrain à bâtir. »
4 L’article 135, paragraphe 1, sous k), de la directive TVA est libellé comme suit :
« 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes :
[...]
k) les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l’article 12, paragraphe 1, point b) ».
5 Aux termes de l’article 179 de la directive TVA :
« La déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période imposable, du montant de la TVA pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu de l’article 178, au cours de la même période.
Toutefois, les États membres peuvent obliger les assujettis qui effectuent des opérations occasionnelles visées à l’article 12 à n’exercer le droit à déduction qu’au moment de la livraison. »
6 Le chapitre 5 de la directive TVA, intitulé « Régularisation des déductions », contient, notamment, les articles 184 à 189.
7 L’article 184 de la directive TVA prévoit :
« La déduction initialement opérée est régularisée lorsqu’elle est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer. »
8 L’article 185 de la directive TVA dispose :
« 1. La régularisation a lieu notamment lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration de TVA, entre autres en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus.
2. Par dérogation au paragraphe 1, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l’article 16.
En cas d’opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol, les États membres peuvent toutefois exiger la régularisation. »
9 L’article 186 de la directive TVA énonce :
« Les États membres déterminent les modalités d’application des articles 184 et 185. »
10 L’article 187 de la directive TVA est ainsi libellé :
« 1. En ce qui concerne les biens d’investissement, la régularisation est opérée pendant une période de cinq années, dont celle au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué.
Toutefois, les États membres peuvent, lors de la régularisation, se baser sur une période de cinq années entières à compter du début de l’utilisation du bien.
En ce qui concerne les biens d’investissement immobiliers, la durée de la période servant de base au calcul des régularisations peut être prolongée jusqu’à vingt ans.
2. Chaque année, la régularisation ne porte que sur le cinquième ou, dans le cas où la période de régularisation a été prolongée, sur la fraction correspondante de la TVA dont les biens d’investissement ont été grevés.
La régularisation visée au premier alinéa est effectuée en fonction des modifications du droit à déduction intervenues au cours des années suivantes, par rapport à celui de l’année au cours de laquelle le bien a été acquis, fabriqué ou, le cas échéant, utilisé pour la première fois. »
11 Aux termes de l’article 188 de la directive TVA :
« 1. En cas de livraison pendant la période de régularisation, le bien d’investissement est considéré comme s’il était resté affecté à une activité économique de l’assujetti jusqu’à l’expiration de la période de régularisation.
L’activité économique est présumée être entièrement taxée pour le cas où la livraison du bien d’investissement est taxée.
L’activité économique est présumée être entièrement exonérée pour le cas où la livraison du bien d’investissement est exonérée.
2. La régularisation prévue au paragraphe 1 se fait en une seule fois pour tout le temps de la période de régularisation restant à courir. Toutefois, lorsque la livraison du bien d’investissement est exonérée, les États membres peuvent ne pas exiger une régularisation dans la mesure où l’acquéreur est un assujetti qui utilise le bien d’investissement en question uniquement pour des opérations pour lesquelles la TVA est déductible. »
12 L’article 189 de la directive TVA dispose :
« Pour l’application des articles 187 et 188, les États membres peuvent prendre les mesures suivantes :
a) définir la notion de biens d’investissement ;
b) préciser quel est le montant de TVA qui est à prendre en considération pour la régularisation ;
c) prendre toutes dispositions utiles afin d’éviter que les régularisations ne procurent aucun avantage injustifié ;
d) autoriser des simplifications administratives. »
13 Aux termes de l’article 250, paragraphe 1, de la directive TVA :
« 1. Tout assujetti doit déposer une déclaration de TVA dans laquelle figurent toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris, et dans la mesure où cela est nécessaire pour la constatation de l’assiette, le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées. »
Le droit lituanien
14 L’article 65 du Lietuvos Respublikos pridėnitės vertės mokesč įstatymas (loi de la République de Lituanie relative à la taxe sur la valeur ajoutée), telle que modifiée par la loi n° IX-1960, du 15 janvier 2004, intitulé « Règles générales de régularisation des déductions de TVA », dispose :
« Lorsque, postérieurement au dépôt de la déclaration de TVA au titre de la période imposable concernée, l’assujetti a retourné une partie des biens acquis ou s’est vu accorder un rabais supplémentaire par le fournisseur des biens ou le prestataire du service ou que le montant de la TVA à payer au fournisseur des biens ou au prestataire du service s’est réduit pour une quelconque autre raison, tout comme lorsque l’assujetti a obtenu remboursement de la taxe à l’importation, et que le montant de la TVA acquittée en amont ou à l’importation avait été porté en déduction, la déduction de TVA est régularisée dans la déclaration de TVA au titre de la période imposable au cours de laquelle la circonstance concernée est apparue, le montant de la TVA due au Trésor public (à rembourser par le Trésor public) s’accroissant (se réduisant) en conséquence. »
15 L’article 83, paragraphe 1, de cette loi prévoit :
« Lorsque, postérieurement à la formalisation de la fourniture de biens ou de la prestation du service, la valeur imposable ou la quantité des biens fournis ou du service rendu change, un rabais est accordé, les biens (ou une partie des biens) sont rendus au vendeur, les biens (ou une partie des biens) ou les services sont décommandés ou la contrepartie due par l’acquéreur (le client) change pour une quelconque autre raison, la personne qui avait établi le document comptable initial formalisant la fourniture de biens ou la prestation de service doit établir un document rectificatif (de crédit) formalisant ce changement de circonstances. D’un commun accord entre les parties, la restitution des biens ou l’annulation des services pourra être formalisée, non par un document de crédit établi par le fournisseur des biens ou des services, mais par un document (note) de débit établi par l’acquéreur (le client), dès lors que celui-ci est assujetti à la TVA. »
16 L’article 68, paragraphe 1, du Lietuvos Respublikos mokesčių administravimo įstatymas (loi de la République de Lituanie sur l’administration de la fiscalité), dans sa version issue de la loi n° IX‑2112, du 13 avril 2004, prévoit :
« Sauf disposition contraire du présent article ou de la loi relative à l’impôt concerné, l’assujetti ou l’administration fiscale peut calculer ou recalculer le montant de la taxe ou de l’impôt uniquement au titre d’une période n’excédant pas l’année en cours ainsi que les cinq années civiles précédentes, comptées à partir du 1er janvier de l’année au cours de laquelle a débuté le calcul ou recalcul du montant de la taxe ou de l’impôt. »
17 L’article 80, paragraphe 1, de cette loi est ainsi libellé :
« L’assujetti est en droit de rectifier la déclaration fiscale si le délai de calcul (recalcul) du montant de la taxe ou de l’impôt fixé à l’article 68 de la présente loi n’est pas écoulé. »
Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles
18 SEB Lizingas UAB, aux droits de laquelle vient SEB bankas, qui l’a absorbée au mois de novembre 2013, a acheté au mois de mars 2007 six parcelles de terrain à VKK Investicija pour le prix de 4 800 000 litas lituaniens (LTL), soit environ 1 387 200 euros, toutes taxes comprises. Lors de cette transaction, les parties avaient considéré qu’il s’agissait d’une livraison d’un terrain à bâtir, opération soumise à la TVA. SEB Lizingas a, en conséquence, acquitté le montant de la TVA sur cette opération et l’a porté en déduction de sa TVA exigible au titre du mois de mars 2007.
19 Simultanément, SEB Lizingas a remis les parcelles à VKK Investicija dans le cadre d’un contrat de crédit-bail. Toutefois, cette dernière société n’ayant pas exécuté ses obligations en vertu du contrat de crédit–bail, SEB Lizingas a mis fin unilatéralement à ce contrat au mois de mars 2009.
20 Le 14 avril 2010, VKK Investicija a établi une note de crédit au nom de la partie requérante qui indiquait que, en l’absence de TVA due, le prix toutes taxes comprises figurant sur la première facture était le prix hors taxes et a émis une nouvelle facture faisant état d’un prix à payer d’un montant de 4 800 000 LTL, sans mentionner de TVA. Elle considérait que l’opération de vente en cause ne constituait finalement pas une livraison d’un terrain à bâtir et qu’elle n’était donc pas soumise à la TVA. Aussi a-t-elle déposé une déclaration de TVA rectifiée au titre du mois de mars 2007.
21 SEB Lizingas, qui avait refusé de prendre en compte la note de crédit et la nouvelle facture et de régulariser la déduction opérée au mois de mars 2007 conformément à ces documents, a fait l’objet d’un contrôle fiscal au cours de l’année 2012. Estimant que la livraison des terrains en cause était effectivement une opération exonérée, l’administration fiscale a ordonné, par une décision du 16 mai 2014, le reversement du montant de la TVA indûment déduite augmenté des intérêts de retard et a infligé à SEB bankas une amende fiscale.
22 SEB bankas a contesté cette décision devant la Mokestinių ginčų komisija prie Lietuvos Respublikos Vyriausybės (commission des litiges fiscaux près le gouvernement de la République de Lituanie), qui a prononcé l’annulation partielle de cette décision en ce qu’elle concernait la TVA due et les montants accessoires. L’administration fiscale a saisi le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie) d’un recours aux fins de l’annulation de cette partie de ladite décision. Ce tribunal a rejeté ce recours. L’administration fiscale a interjeté appel du jugement rendu par le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius) devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie).
23 La juridiction de renvoi a estimé que cette affaire relevait du cadre de l’interprétation et de l’application du droit de l’Union.
24 Dans ces conditions, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il, dans des circonstances telles que celles en cause dans la présente affaire, d’interpréter les articles 184 à 186 de la directive TVA, en ce sens que le mécanisme de régularisation des déductions prévu par cette directive ne s’applique pas dans les cas où la déduction initialement opérée ne pouvait légalement pas l’être, du fait qu’il s’agissait d’une opération de livraison de terrains exonérée de la TVA ?
2) Les éléments suivants sont-ils pertinents aux fins de la réponse à la première question : (1) la TVA sur le prix d’achat de terrains a été initialement déduite parce que la pratique de l’administration fiscale considérait la livraison concernée, de manière erronée, comme une livraison imposable d’un terrain à bâtir, au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA ; (2) après que l’acquéreur avait effectué la déduction initiale, le fournisseur des terrains lui a adressé une note de crédit corrigeant le montant de la TVA mentionnée sur la facture initialement émise ?
3) En cas de réponse affirmative à la première question, convient-il, dans des circonstances telles que celles en cause dans la présente affaire, d’interpréter les articles 184 et/ou 185 de la directive TVA en ce sens que, lorsque la déduction initialement opérée ne pouvait légalement pas l’être du fait que l’opération concernée n’était pas soumise à la TVA, il y a lieu de considérer que l’obligation de l’assujetti de régulariser cette déduction a pris naissance immédiatement ou cette obligation n’a-t-elle pris naissance qu’au moment où il s’est avéré que la déduction initialement opérée ne pouvait légalement pas l’être ?
4) En cas de réponse affirmative à la première question, convient-il, dans des circonstances telles que celles en cause dans la présente affaire, d’interpréter la directive TVA, et notamment ses articles 179, 184 à 186 et 250, en ce sens que le montant rectifié de la TVA en amont déductible doit être pris en compte au titre de la période imposable au cours de laquelle ont pris naissance l’obligation ou le droit de l’assujetti de régulariser la déduction initialement opérée par lui ? »
Sur les questions préjudicielles
Observations liminaires
25 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 184 de la directive TVA énonce l’obligation de régulariser la déduction initialement opérée lorsqu’elle est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer. L’article 185, paragraphe 1, de cette directive précise que cette obligation vaut, notamment, lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions interviennent postérieurement à la déclaration de TVA. Le paragraphe 2 de cet article énumère les hypothèses dans lesquelles, par dérogation, il n’y a pas lieu à régularisation. En vertu de l’article 186 de ladite directive, les États membres déterminent les modalités d’application des articles 184 et 185 de la directive TVA.
26 Ainsi, les dispositions desdits articles 184 et 185, auxquelles se réfère la première question préjudicielle, énoncent, tout en l’illustrant et la délimitant, une obligation de régularisation des déductions de TVA indues. Toutefois, elles ne prévoient pas de quelle manière cette régularisation doit être opérée.
27 En revanche, l’article 186 de la directive TVA charge expressément les États membres de définir les conditions de cette régularisation. Ce n’est qu’en ce qui concerne les biens d’investissement, et, par conséquent, dans une hypothèse particulière, que les articles 187 à 189 de la directive TVA prévoient certaines modalités de la régularisation de la déduction de TVA.
28 Par conséquent, il y a lieu de distinguer l’étendue de l’obligation de régularisation énoncée à l’article 184 de la directive TVA et le champ d’application du mécanisme de régularisation décrit aux articles 187 à 189 de cette directive.
Sur les première et deuxième questions
29 Dans la mesure où la juridiction de renvoi se réfère à la fois, dans sa première question, aux articles 184 à 186 de la directive TVA et au mécanisme de régularisation des déductions de TVA indues prévu par cette directive, il y a lieu de reformuler cette question eu égard aux observations qui précèdent.
30 Par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, si l’article 184 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que l’obligation de régularisation des déductions de TVA indues énoncée à cet article s’applique également dans les cas où la déduction initialement opérée ne pouvait pas l’être légalement, parce que l’opération qui a conduit à la pratiquer était exonérée de TVA, et, d’autre part, si les articles 187 à 189 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que le mécanisme de régularisation des déductions de TVA indues prévu à ces articles est applicable dans de tels cas, en particulier dans une situation telle que celle en cause au principal, où la déduction de la TVA initialement opérée était injustifiée dans la mesure où il s’agissait d’une opération de livraison de terrains exonérée de TVA.
31 En outre, cette juridiction s’interroge sur l’incidence éventuelle, aux fins de la réponse à la première question, de la circonstance que, dans le litige au principal, la TVA relative au prix d’achat des terrains a été acquittée et déduite à tort en raison d’une pratique erronée de l’administration fiscale ainsi que du fait que le fournisseur de ces terrains a adressé à leur acquéreur une note de crédit corrigeant le montant de la TVA mentionnée sur la facture initialement émise.
32 En premier lieu, il convient de noter que l’obligation de régularisation est définie à l’article 184 de la directive TVA de la manière la plus large dans la mesure où « la déduction initialement opérée est régularisée lorsqu’elle est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer ».
33 Cette formulation n’exclut a priori aucune hypothèse envisageable de déduction indue. La portée générale de l’obligation de régularisation est confortée par l’énumération expresse des exceptions permises par la directive TVA à l’article 185, paragraphe 2, de celle-ci.
34 En particulier, l’hypothèse dans laquelle une déduction a été opérée alors qu’il n’existait aucun droit à déduction relève de la première situation envisagée à l’article 184 de la directive TVA, à savoir celle où la déduction initialement opérée est supérieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer.
35 Il est d’ailleurs conforme à la logique du système commun de TVA que la directive TVA, qui a repris en substance les dispositions de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive »), énonce une obligation générale de régularisation des déductions de TVA.
36 D’une part, cette obligation est, en effet, indissociable de celle, pesant sur chaque État membre, de prendre toutes les mesures législatives et administratives propres à garantir la perception de l’intégralité de la TVA due sur son territoire. À cette fin, les États membres sont tenus de vérifier les déclarations des assujettis, leurs comptes et les autres documents pertinents ainsi que de calculer et de prélever l’impôt dû (arrêt du 17 juillet 2008, Commission/Italie, C‑132/06, EU:C:2008:412, point 37). Or, ces vérifications seraient sans portée si la régularisation des déductions injustifiées n’était pas prévue.
37 D’autre part, l’obligation générale de régularisation des déductions injustifiées de TVA découle également de la neutralité fiscale de la TVA, laquelle constitue un principe fondamental du système commun de TVA mis en place par le législateur de l’Union en la matière (arrêt du 21 février 2006, Halifax, C‑255/02, EU:C:2006:121, point 92 et jurisprudence citée).
38 En effet, dans ce système, seules les taxes ayant grevé en amont les biens ou les services utilisés par les assujettis aux fins de leurs opérations taxées peuvent être déduites. La déduction des taxes en amont est liée à la perception des taxes en aval. Lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti sont utilisés pour les besoins d’opérations exonérées ou ne relevant pas du champ d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de taxe en aval ni déduction de la taxe en amont (arrêt du 30 mars 2006, Uudenkaupungin kaupunki, C‑184/04, EU:C:2006:214, point 24). Le principe de la neutralité fiscale de la TVA impose donc également que les déductions indues soient rectifiées en toute hypothèse.
39 Il résulte de ce qui précède que l’article 184 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que l’obligation de régularisation des déductions injustifiées de TVA vaut également dans le cas où la déduction initialement opérée ne pouvait pas l’être légalement, comme c’est le cas lorsque l’opération qui a donné lieu à cette déduction s’est avérée faire partie de celles qui sont exonérées de la TVA.
40 En second lieu, les articles 187 à 189 de la directive TVA ne sont pas, en revanche, applicables dans un tel cas.
41 Il ressort, en effet, de l’article 187, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA que la régularisation prévue par cette disposition, en ce qui concerne les biens d’investissement, est effectuée en fonction des modifications du droit à déduction postérieures à l’acquisition de ces biens, de leur fabrication ou de leur première utilisation. Ainsi, les modalités de régularisation décrites à l’article 187 de la directive TVA se rapportent à l’hypothèse particulière, visée à l’article 185, paragraphe 1, de la directive TVA d’une modification postérieure à la déclaration de TVA des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions. Elles ne sauraient donc être mises en œuvre pour régulariser la déduction effectuée en l’absence de tout droit à déduction ab initio. Certaines de ces modalités, telles que la régularisation fractionnée sur cinq ans prévue à l’article 187, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive TVA sont d’ailleurs manifestement inadaptées à une telle hypothèse. S’agissant de l’article 188 de la directive TVA, celui-ci vise l’hypothèse, encore plus spéciale et également différente, de la livraison d’un bien d’investissement pendant la période de régularisation.
42 En outre, la Cour a jugé, au sujet des dispositions de la sixième directive, qui sont substantiellement identiques à celles de la directive TVA (arrêt du 30 septembre 2010, Uszodaépítő, C‑392/09, EU:C:2010:569, point 31), que le mécanisme de régularisation prévu par la sixième directive n’est applicable que s’il existe un droit à déduction (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2006, Uudenkaupungin kaupunki, C‑184/04, EU:C:2006:214, point 37).
43 Il résulte de ce qui précède que le mécanisme de régularisation des déductions de TVA indues prévu aux articles 187 et 188 de la directive TVA n’est pas applicable lorsque la déduction a été initialement opérée en l’absence de tout droit à déduction. Ce mécanisme n’est donc notamment pas applicable à une opération de livraison de terrains, telle que celle en cause au principal, qui, selon les indications de la juridiction de renvoi, était exonérée de TVA et n’aurait, par suite, dû donner lieu ni à la perception de cette taxe ni à la déduction de celle-ci.
44 Dans ces conditions, les circonstances que, dans le litige au principal, d’une part, la TVA relative au prix d’achat des terrains a été acquittée et déduite à tort en raison d’une pratique erronée de l’administration fiscale ainsi que, d’autre part, le fournisseur de ces terrains a adressé à leur acquéreur une note de crédit corrigeant le montant de la TVA mentionnée sur la facture initialement émise sont sans influence sur l’inapplicabilité dudit mécanisme.
45 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première et à la deuxième questions que l’article 184 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que l’obligation de régularisation des déductions de TVA indues énoncée à cet article s’applique également dans les cas où la déduction initialement opérée ne pouvait pas l’être légalement parce que l’opération qui a conduit à la pratiquer était exonérée de TVA. En revanche, les articles 187 à 189 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que le mécanisme de régularisation des déductions de TVA indues prévu à ces articles n’est pas applicable dans de tels cas, en particulier dans une situation telle que celle en cause au principal, où la déduction de TVA initialement opérée était injustifiée parce qu’il s’agissait d’une opération de livraison de terrains exonérée de TVA.
Sur les troisième et quatrième questions
46 Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions de la directive TVA relatives à la régularisation des déductions doivent être interprétées en ce sens que, dans le cas où la déduction de TVA initialement opérée ne pouvait pas l’être légalement, elles permettent de déterminer la date à laquelle naît l’obligation de régulariser la déduction de la TVA indue et la période au titre de laquelle cette régularisation doit intervenir.
47 Ces questions se rapportent aux conditions de la régularisation de la TVA. Or, ainsi qu’il est dit au point 43 du présent arrêt, le mécanisme de régularisation de la TVA prévu aux articles 187 à 189 de la directive TVA n’est pas applicable à une situation telle que celle en cause dans le litige au principal. C’est pourquoi il appartient aux États membres de déterminer dans un tel cas les modalités de cette régularisation, en application de l’article 186 de la directive TVA.
48 Toutefois, il incombe aux États membres, lorsqu’ils adoptent une réglementation nationale déterminant ces modalités, de respecter le droit de l’Union. Dans ces conditions, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation au droit de l’Union dont elle assure le respect, en particulier à ses principes fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 29 mai 1997, Kremzow, C‑299/95, EU:C:1997:254, point 15, et ordonnance du 26 mars 2009, Pignataro, C‑535/08, non publiée, EU:C:2009:204, point 22).
49 À cet égard, SEB bankas a fait valoir, dans ses observations écrites, qu’il est contraire aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime de procéder à une régularisation de la déduction de TVA concernant une opération ayant eu lieu en 2007, alors que, jusqu’à l’année 2013, l’administration fiscale a défendu elle-même le point de vue selon lequel cette opération était une opération imposable.
50 Toutefois, il convient, d’une part, de rappeler que la confiance légitime ne saurait se fonder sur une pratique illégale de l’administration (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 1986, Vlachou/Cour des comptes, 162/84, EU:C:1986:56, point 6). Or, selon la décision de renvoi, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a censuré, comme fondée sur une interprétation erronée du droit national, la pratique administrative en vertu de laquelle l’opération en cause avait été initialement qualifiée d’« opération imposable à la TVA », de sorte que la déduction de la TVA initialement opérée était illégale.
51 Il convient, d’autre part, d’indiquer que le principe de sécurité juridique ne s’oppose pas à une pratique administrative des autorités fiscales nationales consistant à révoquer, dans un délai de forclusion, une décision par laquelle elles ont reconnu à l’assujetti un droit à déduction de la TVA en lui réclamant cette taxe (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2016, Nigl e.a., C‑340/15, EU:C:2016:764, point 48 et la jurisprudence citée).
52 Toutefois, ce principe exige que la situation fiscale de l’assujetti, eu égard à ses droits et à ses obligations vis-à-vis de l’administration fiscale, ne soit pas indéfiniment susceptible d’être remise en cause (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2014, Fatorie, C‑424/12, EU:C:2014:50, point 46 et jurisprudence citée). C’est pourquoi le fait que le point de départ du délai de forclusion dépende des circonstances fortuites dans lesquelles l’illégalité de la déduction s’est fait jour et qu’il soit notamment fixé, comme le voudrait le gouvernement lituanien, à la date de la réception par l’acheteur de la note de crédit par laquelle le vendeur a rectifié unilatéralement le montant hors taxes du terrain en y incluant la TVA plusieurs années après la vente, est susceptible de méconnaître le principe de sécurité juridique, ce qu’il appartient au juge national d’apprécier.
53 Il y a lieu de répondre aux troisième et quatrième questions que l’article 186 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que, dans les cas où la déduction de TVA initialement opérée ne pouvait pas l’être légalement, il appartient aux États membres de déterminer la date à laquelle naît l’obligation de régulariser la déduction de la TVA indue et la période au titre de laquelle cette régularisation doit intervenir, dans le respect des principes du droit de l’Union, en particulier des principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Il appartient au juge national de vérifier si, dans un cas tel que celui en cause au principal, ces principes sont respectés.
Sur les dépens
54 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
1) L’article 184 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que l’obligation de régularisation des déductions de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) indues énoncée à cet article s’applique également dans les cas où la déduction initialement opérée ne pouvait pas l’être légalement parce que l’opération qui a conduit à la pratiquer était exonérée de TVA. En revanche, les articles 187 à 189 de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que le mécanisme de régularisation des déductions de TVA indues prévu à ces articles n’est pas applicable dans de tels cas, en particulier dans une situation telle que celle en cause au principal, où la déduction de TVA initialement opérée était injustifiée parce qu’il s’agissait d’une opération de livraison de terrains exonérée de TVA.
2) L’article 186 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que, dans les cas où la déduction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) initialement opérée ne pouvait pas l’être légalement, il appartient aux États membres de déterminer la date à laquelle naît l’obligation de régulariser la déduction de TVA indue et la période au titre de laquelle cette régularisation doit intervenir, dans le respect des principes du droit de l’Union, en particulier des principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Il appartient au juge national de vérifier si, dans un cas tel que celui en cause au principal, ces principes sont respectés.
Signatures
* Langue de procédure : le lituanien.
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