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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Europa Terra Nostra v Parliament (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-13/17 (11 July 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T1317.html Cite as: [2018] EUECJ T-13/17, EU:T:2018:428, ECLI:EU:T:2018:428 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
11 juillet 2018 (*)
« Droit institutionnel – Parlement européen – Décision octroyant une subvention à une fondation politique – Préfinancement fixé à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée – Obligation de fournir une garantie bancaire de préfinancement – Règlement financier – Règles d’application du règlement financier – Règlement (CE) no 2004/2003 relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen – Proportionnalité – Détournement de pouvoir »
Dans l’affaire T‑13/17,
Europa Terra Nostra eV, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Me P. Richter, avocat,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté par M. N. Görlitz, Mmes C. Burgos et S. Alves, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision FINS-2017-30 du Parlement européen, du 12 décembre 2016, relative à l’octroi d’une subvention à la requérante, en ce que cette décision limite le préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention et subordonne son versement à la fourniture d’une garantie bancaire,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva et M. R. Barents (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La requérante, Europa Terra Nostra eV, est une fondation politique au niveau européen, au sens de l’article 2, point 4, du règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1, ci-après la « fondation politique »).
2 La requérante est affiliée à Alliance for Peace and Freedom (APF), laquelle est un parti politique au niveau européen, au sens de l’article 2, point 3, du règlement no 2004/2003 (ci-après le « parti politique »).
3 Aux termes de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 2004/2003, une fondation politique ne peut soumettre une demande de financement au titre du budget général de l’Union européenne que via le parti politique auquel elle est affiliée. Aux termes de l’article 5, paragraphe 5, du règlement no 2004/2003, lorsqu’un parti politique reconnu perd cette qualité, les fondations politiques qui lui sont affiliées sont également exclues du financement.
Faits relatifs à la procédure de vérification visant APF
4 Par lettre enregistrée le 12 mai 2016, quatre groupes politiques du Parlement européen ont demandé au président du Parlement de lancer, conformément à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 2004/2003 et à l’article 225 du règlement intérieur du Parlement, dans sa version applicable aux faits de l’espèce (ci-après le « règlement intérieur »), la procédure de vérification prévue par ces dispositions (ci-après la « procédure de vérification ») afin de s’assurer qu’APF continuait de remplir les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement no 2004/2003 (ci-après la « demande de vérification »).
5 Le même jour, le président du Parlement a informé la conférence des présidents du Parlement de la réception de la demande de vérification et un communiqué de presse annonçant le lancement de la procédure de vérification visant APF a été publié.
6 Par courriel du 16 mai 2016, APF a demandé au secrétariat de la commission compétente aux fins de l’article 225 du règlement intérieur, en l’occurrence la commission des affaires constitutionnelles du Parlement (ci-après la « commission des affaires constitutionnelles »), de lui fournir de plus amples informations sur la procédure de vérification en cours la visant. Par courriel du 3 juin 2016, le secrétariat de la commission des affaires constitutionnelles a répondu à APF.
7 Par lettre enregistrée le 26 mai 2016, le président du Parlement a chargé la commission des affaires constitutionnelles de vérifier, conformément à l’article 225 du règlement intérieur, si APF continuait de respecter les principes sur lesquels l’Union est fondée.
8 Par courriel du 9 novembre 2016, le secrétariat de la commission des affaires constitutionnelles a invité APF à une réunion « pour un échange de vues qui lui donner[ait] l’opportunité de répondre aux allégations selon lesquelles [elle] a violé [les principes sur lesquels l’Union est fondée] ». Cette réunion était fixée au 17 novembre 2016.
9 Par courrier daté du 14 novembre 2016, APF a refusé de déférer à cette invitation dans la mesure où elle n’avait pas été « correctement invitée » et n’avait pas pu prendre connaissance du dossier contenant les allégations la mettant en cause. En outre, APF relevait que la question de savoir si l’« échange de vues » auquel elle était invitée renvoyait à l’« audition » prévue par l’article 5 du règlement no 2004/2003 n’était pas claire, auquel cas la commission des affaires constitutionnelles était incompétente pour y procéder.
10 Par lettre enregistrée le 23 novembre 2016, le président de la commission des affaires constitutionnelles a fait part au président du Parlement de la décision d’inviter formellement APF à une audition ultérieure et lui a demandé de convoquer sans délai une réunion du comité composé de personnalités indépendantes, prévu à l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 2004/2003 (ci-après le « comité des personnalités indépendantes »), afin que ce dernier puisse rendre son avis.
11 Par lettre enregistrée le 14 décembre 2016 (ci-après la « lettre du 14 décembre 2016 »), le président de la commission des affaires constitutionnelles a invité formellement APF à participer à l’audition prévue le 9 février 2017 et a clarifié, à cette occasion, le rôle de la commission des affaires constitutionnelles dans le cadre de la procédure de vérification, tout en lui transmettant le dossier devant servir de base à l’audition.
Faits relatifs à la demande de financement de la requérante
12 Dans le cadre de l’exercice budgétaire 2016, la requérante a présenté, pour la première fois, une demande de financement à la charge du budget général de l’Union. Elle a obtenu une subvention d’un montant maximal de 197 625 euros. Un préfinancement d’un montant de 158 100 euros, représentant 80 % du montant maximal de la subvention octroyée, lui a été accordé. Le versement d’un préfinancement supplémentaire d’un montant de 39 525 euros, représentant les 20 % restants du montant maximal de la subvention octroyée, était subordonné à la production d’une garantie bancaire couvrant 40 % du montant total de la subvention octroyée.
13 Par lettre datée du 28 septembre 2016, la requérante a présenté une nouvelle demande de financement auprès du Parlement dans le cadre de l’exercice budgétaire 2017.
14 Le 5 décembre 2016, le secrétaire général du Parlement a adressé une note au bureau du Parlement présentant les résultats de l’évaluation des demandes de subventions reçues pour l’exercice budgétaire 2017 de partis et fondations politiques et invitant ce dernier à arrêter la liste des bénéficiaires et des montants octroyés en tenant compte du résultat de l’évaluation.
15 Lors de sa réunion du 12 décembre 2016, le bureau du Parlement a adopté la décision FINS-2017-30 accordant une subvention d’un montant maximal de 262 098,21 euros à la requérante pour l’exercice budgétaire 2017 (ci-après la « décision attaquée »). Aux termes des mesures établies à l’article I.4.1 de la décision attaquée, le montant du préfinancement était fixé à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée, soit 86 492 euros, et son paiement était subordonné à la production par la requérante d’une garantie bancaire portant sur un montant équivalent (ci-après, prises ensemble, les « mesures contestées »). La décision attaquée a été signée le 15 décembre 2016 et notifiée à la requérante par lettre datée du 21 décembre 2016.
16 Par lettre datée du 29 décembre 2016, la requérante a demandé au Parlement le réexamen de la décision attaquée.
17 Par lettre enregistrée le 4 janvier 2017, le directeur général des finances du Parlement lui a répondu que ni le règlement no 2004/2003, ni la décision du bureau du Parlement européen du 29 mars 2004 fixant les modalités d’application du règlement no 2004/2003, telle que modifiée (JO 2014, C 63, p. 1, ci-après la « décision du bureau du 29 mars 2004 ») ne prévoyaient un tel réexamen et l’a informée de son droit d’introduire un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne.
Procédure et conclusions des parties
18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 janvier 2017, la requérante a introduit le présent recours.
19 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé qu’il soit statué sur le présent recours selon une procédure accélérée, conformément à l’article 152 du règlement de procédure du Tribunal. Le 23 janvier 2017, le Parlement a déposé ses observations sur cette demande.
20 Par décision du 9 février 2017, le Tribunal (huitième chambre) a rejeté la demande de procédure accélérée.
21 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 février 2017, la requérante a introduit une demande d’aide juridictionnelle au titre de l’article 147 du règlement de procédure. Cette demande a été enregistrée sous le numéro T‑13/17 AJ.
22 Par ordonnance du 6 juillet 2017, Europa Terra Nostra/Parlement (T‑13/17 AJ, non publiée), le président de la huitième chambre du Tribunal a rejeté la demande d’aide juridictionnelle.
23 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée en ce qu’elle limite le préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée et subordonne son versement à la constitution d’une garantie bancaire ;
– condamner le Parlement aux dépens.
24 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
25 Aucune des parties n’ayant demandé la tenue d’une audience dans le délai prévu à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal (huitième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.
26 Partant, la demande de jonction aux fins de la phase orale de la procédure de la présente affaire avec le recours introduit par APF contre la décision du Parlement lui octroyant une subvention, recours enregistré sous le numéro T‑16/17, Alliance for Peace and Freedom/Parlement, présentée par le Parlement dans son mémoire en défense, est devenue sans objet.
En droit
27 La requérante demande l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle limite le préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée et subordonne son paiement à la constitution d’une garantie bancaire.
28 À l’appui de cette demande, elle invoque, en substance, trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »), du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement financier (JO 2012, L 362, p. 1, ci-après les « règles d’application du règlement financier ») et du principe de proportionnalité. Le deuxième moyen est tiré de la violation des articles 11 et 12 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le troisième moyen est tiré d’un détournement de pouvoir.
Sur la violation du règlement financier, des règles d’application du règlement financier et du principe de proportionnalité
29 Le premier moyen est divisé en trois branches. La première branche est prise de la violation de l’interdiction d’exiger la constitution d’une garantie pour les subventions de faible valeur. La deuxième branche est tirée de l’absence d’intérêt légitime du Parlement à adopter les mesures contestées. La troisième branche est tirée de la violation du principe de proportionnalité.
Sur la première branche du premier moyen, relative aux subventions de faible valeur
30 La requérante fait valoir que l’obligation de constitution d’une garantie bancaire viole l’article 134, paragraphe 2, du règlement financier ainsi que l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier, qui interdisent l’exigence de constitution d’une garantie pour les subventions de faible valeur.
31 Elle soutient que, pour déterminer si une subvention est de faible valeur, il convient de procéder à une comparaison avec les montants maximaux des subventions octroyées aux autres fondations politiques par le Parlement. Cette notion doit donc être appréciée au cas par cas, au terme d’un calcul comparatif. À titre subsidiaire, elle soutient que, pour des raisons de proportionnalité, un montant minimal de 60 000 euros aurait dû lui être versé sans conditions et que la constitution d’une garantie aurait pu être exigée pour le seul montant excédant cette limite.
32 Le Parlement conteste les arguments de la requérante.
33 L’article 134, paragraphe 1, du règlement financier dispose que l’ordonnateur compétent peut, s’il le juge approprié et proportionné, au cas par cas et sous réserve d’une analyse du risque, exiger du bénéficiaire une garantie préalable afin de limiter les risques financiers liés au versement des préfinancements. Le paragraphe 2 de ce même article dispose que les garanties ne sont pas exigées dans le cas de subventions de faible valeur.
34 L’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier énonce que, afin de limiter les risques financiers liés au versement de préfinancements, l’ordonnateur compétent peut, sur la base d’une analyse du risque, exiger du bénéficiaire une garantie préalable, dont le montant peut atteindre celui du préfinancement, sauf dans le cas des subventions de faible valeur, soit fractionner le versement en plusieurs tranches.
35 Pour déterminer si une subvention est de faible valeur, il y a lieu de se reporter à l’article 185 des règles d’application du règlement financier, aux termes duquel sont considérées comme telles les subventions inférieures ou égales à 60 000 euros. Force est donc de constater que le libellé de cet article ne soutient pas l’interprétation avancée par la requérante. En effet, cette disposition ne contient pas de référence relative à une appréciation au cas par cas ou à une analyse comparative. Elle fixe un seuil au-delà duquel une subvention ne saurait être considérée comme étant de faible valeur.
36 En l’espèce, le montant de la subvention accordée à la requérante par le Parlement est supérieur à 60 000 euros. Dès lors, cette subvention ne constitue pas une subvention de faible valeur.
37 Il ressort également des dispositions citées aux points 33 à 35 ci-dessus que la subvention est envisagée comme une somme indivisible, d’une valeur soit inférieure ou égale, soit supérieure à 60 000 euros. Ces dispositions ne permettent pas de diviser la subvention en une part de 60 000 euros, pouvant être versée sans garantie préalable, et en une autre part pour le surplus, dont le versement serait susceptible d’être conditionné à la constitution d’une garantie bancaire.
38 Dès lors, les arguments invoqués par la requérante ne sont pas de nature, en l’espèce, à mettre en cause la légalité de la garantie bancaire demandée par le Parlement.
39 Par conséquent, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.
Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à l’absence d’intérêt légitime du Parlement à adopter les mesures contestées
40 La requérante fait valoir que le Parlement n’a pas d’intérêt légitime à adopter les mesures contestées, dans la mesure où, premièrement, la demande de vérification est manifestement non fondée, deuxièmement, le Parlement a provoqué le prétendu besoin de recourir auxdites mesures en retardant volontairement la conclusion de la procédure de vérification visant APF et, troisièmement, le risque financier qui sous-tend l’adoption des mesures contestées serait bien moindre que celui mis en avant par le Parlement.
41 En ce qui concerne le premier grief, la requérante soutient qu’il n’existe pas, en l’espèce, d’éléments laissant supposer avec un degré suffisant de probabilité qu’APF puisse être exclue du financement de l’Union à l’issue de la procédure de vérification en cours la visant. Une demande de vérification fondée sur l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 2004/2003 doit être étayée et assortie d’éléments de preuve. Or, rien de tel ne ressortirait de la demande de vérification, prétendument transmise par la lettre du 14 décembre 2016, qui serait donc dénuée de toute substance et manifestement non fondée.
42 Le Parlement conteste les arguments de la requérante.
43 Il ressort du dossier que la requérante effectue un amalgame entre la demande de vérification et le dossier établi par la commission des affaires constitutionnelles qui a été transmis au comité des personnalités indépendantes ainsi qu’à la requérante en tant qu’annexe à la lettre du 14 décembre 2016. Il n’est dès lors pas clair si, par le biais de ses arguments, la requérante entend mettre en cause la régularité de la demande de vérification et également, ou alternativement, soutenir que la légalité des mesures contestées serait subordonnée à l’existence d’un degré suffisant de probabilité que le parti politique concerné par la procédure de vérification, en l’occurrence APF, soit exclu du financement à l’issue de ladite procédure. Ce manque de clarté ne paraît toutefois pas de nature à influer sur la réponse à apporter au présent grief.
44 En effet, il ne ressort pas du libellé de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 2004/2003, ou de celui de l’article 225, paragraphe 1, du règlement intérieur, qu’une demande de vérification introduite par un quart des membres du Parlement, représentant au moins trois groupes politiques au sein du Parlement, doive être étayée ou assortie d’éléments de preuve. La requérante l’admet d’ailleurs elle-même aux points 14 et 15 de la réplique.
45 Par ailleurs, selon l’article 225, paragraphe 2, du règlement intérieur, la commission compétente, en l’occurrence la commission des affaires constitutionnelles, avant de soumettre une proposition de décision au Parlement, entend le parti politique concerné et sollicite puis examine l’avis du comité des personnalités indépendantes.
46 Il ressort des dispositions citées aux points 44 et 45 ci-dessus que l’introduction d’une demande de vérification n’est pas soumise à l’obligation de fournir des éléments de preuve et que l’introduction d’une telle demande a pour seul effet de permettre l’ouverture de la procédure de vérification qui sera diligentée par la commission des affaires constitutionnelles. C’est donc dans le cadre du déroulement de la procédure de vérification elle-même que les divers indices et éléments de preuve sont collectés. Rien n’empêche les auteurs d’une demande de vérification de présenter, dès le dépôt de la demande, des éléments de preuve ou d’évoquer les raisons qui les poussent à formuler cette demande. Toutefois, aucune des dispositions applicables ne l’exige.
47 Il convient donc de rejeter comme non fondé l’argument de la requérante tendant à mettre en cause la régularité de la demande de vérification.
48 En ce qui concerne l’argument selon lequel la légalité des mesures contestées serait subordonnée à l’existence d’un degré suffisant de probabilité que la procédure de vérification visant APF aboutisse à l’exclusion effective de ce parti politique du financement, il y a lieu de relever que la requérante n’invoque aucune disposition juridique au soutien de cet argument.
49 De plus, comme le fait valoir le Parlement, ni l’article 134, paragraphe 1, du règlement financier, lu conjointement avec l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier, ni l’article 6, paragraphe 1, de la décision du bureau du 29 mars 2004 ne permettent d’accueillir l’argument avancé par la requérante, puisque l’existence d’un risque financier est susceptible de justifier l’adoption des mesures contestées.
50 D’une part, en vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement financier et de l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier, c’est au terme d’une analyse du risque que l’ordonnateur compétent peut subordonner le versement d’un préfinancement à la constitution d’une garantie préalable afin de limiter les risques financiers liés au versement des préfinancements, ou fractionner le versement en plusieurs tranches. C’est donc l’analyse du risque effectuée par l’ordonnateur compétent qui sous-tend son éventuelle décision. Cette notion de risque a un contenu indéterminé et laisse ainsi à l’ordonnateur compétent une marge d’appréciation. Cette marge d’appréciation doit, toutefois, s’exercer dans les limites qu’impose le respect de l’objectif fixé à la mesure adoptée par l’ordonnateur par le libellé des dispositions en cause, à savoir « limiter les risques financiers liés au versement des préfinancements ».
51 D’autre part, l’article 6, paragraphe 1, de la décision du bureau du 29 mars 2004 dispose, quant à lui, que, « sauf décision contraire du bureau [du Parlement] », la subvention sera versée en tant que préfinancement aux bénéficiaires en une tranche unique équivalant à 80 % du montant maximal de la subvention octroyée. Il ressort ainsi du libellé de cette disposition que les fondations politiques affiliées aux partis politiques ne bénéficient pas d’un droit absolu au paiement d’un préfinancement équivalant à 80 % du montant maximal de la subvention octroyée et que le bureau du Parlement dispose d’une marge d’appréciation lorsqu’il détermine le montant du préfinancement qui leur est accordé. Ce montant doit néanmoins être proportionnel aux risques financiers inhérents au versement de préfinancements.
52 Il résulte des points 50 et 51 ci-dessus que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, ce n’est pas le haut degré de probabilité que la procédure de vérification aboutisse à l’exclusion du financement du parti politique concerné qui doit fonder la décision de limiter le montant du préfinancement et d’exiger la constitution d’une garantie préalable, mais l’existence d’un risque financier pour le budget général de l’Union et, plus largement, pour les intérêts financiers de l’Union résultant du versement des préfinancements envisagés.
53 En l’espèce, le versement du préfinancement a été fixé à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée, à savoir 86 492 euros, et couplé à la constitution d’une garantie bancaire. Il ressort de la lettre de notification de la décision attaquée du 21 décembre 2016 que le bureau du Parlement a pris en considération le risque lié à la procédure de vérification en cours lancée à l’égard d’APF et que :
« S’il s’avère [qu’APF] n’a pas respecté les principes sur lesquels l’Union européenne est fondée, [elle] doit être exclu[e] du financement. Si c’est le cas, [la requérante] qui lui est affiliée sera elle aussi exclue (article 5, paragraphe 5, du règlement no 2004/2003). Conformément à l’article 225, paragraphe 4, [du règlement intérieur], la décision constatant qu’un parti ne respecte pas les principes sur lesquels l’Union européenne est fondée (et qu’il sera donc exclu du financement) produirait un effet rétroactif à partir du jour du dépôt de la demande [de vérification]. Compte tenu de ce risque, [des] mesures de limitation des risques sont justifiées. »
54 Ainsi que l’a précisé le Parlement dans ses écritures, un tel scénario aurait, en effet, pour conséquence d’obliger la requérante à restituer au budget général de l’Union non seulement le préfinancement fixé dans la décision attaquée, à savoir 86 492 euros, mais également le préfinancement pour l’exercice budgétaire 2016 affecté à des dépenses engagées après la date de la demande de vérification, à savoir le 12 mai 2016. En outre, il ressort du budget prévisionnel de fonctionnement établi par la requérante pour l’exercice budgétaire 2017 que ses membres ne paient pas de cotisations et que le montant de ses ressources propres, à savoir 8 500 euros provenant de donations et 41 575 euros provenant d’autres ressources propres, demeure inférieur au montant du préfinancement accordé dans la décision attaquée. Par ailleurs, comme la requérante le souligne elle-même au point 50 de la requête, elle ne dispose d’aucun actif.
55 Il ressort de ces considérations que le bureau du Parlement a tenu compte du risque lié à la procédure de vérification en cours visant APF et a retenu à bon droit qu’il existait un risque qu’APF cesse de satisfaire à la condition d’éligibilité établie à l’article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement no 2004/2003 et que la requérante soit par conséquent rétroactivement exclue du financement, ce qui entraînerait des demandes de remboursement à son égard d’un montant considérable pour elle. L’analyse du risque effectuée par le bureau du Parlement est ainsi liée au risque de perte financière pesant sur le budget général de l’Union. Partant, le Parlement a pu légitimement limiter le montant du préfinancement accordé et conditionner son versement à la constitution d’une garantie préalable dans l’attente de l’issue de la procédure de vérification visant APF, afin de préserver les intérêts financiers de l’Union.
56 Les autres arguments avancés par la requérante dans la réplique ne parviennent pas à remettre en cause cette conclusion.
57 En premier lieu, la requérante soutient que la reconnaissance d’un large pouvoir d’appréciation au profit du Parlement pour exiger la constitution d’une garantie et fixer le montant du préfinancement violerait son droit à un recours effectif, consacré à l’article 47, premier alinéa, de la Charte, dans la mesure où seul un contrôle juridictionnel entier permettrait de garantir ce droit.
58 Selon une jurisprudence constante, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard, soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent (arrêts du 4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, EU:C:2013:363, point 53, et du 23 octobre 2014, Unitrading, C‑437/13, EU:C:2014:2318, point 20).
59 En l’espèce, la requérante a eu accès à la décision attaquée et a pu la contester devant le Tribunal par l’intermédiaire du présent recours, introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE.
60 De plus, contrairement à ce que soutient la requérante, la reconnaissance, aux points 50 et 51 ci-dessus, d’une marge d’appréciation au profit du Parlement ne fait pas obstacle à l’exercice d’un contrôle juridictionnel des mesures contestées, mais permet simplement d’effectuer ce contrôle dans le cadre de la marge du pouvoir ainsi reconnue (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, Dextro Energy/Commission, C‑296/16 P, non publié, EU:C:2017:437, point 46).
61 Par conséquent, l’argument de la requérante tiré de la violation de son droit à un recours juridictionnel effectif doit être rejeté comme non fondé.
62 En second lieu, la requérante affirme que le bureau du Parlement, lors de l’adoption de la décision attaquée, aurait dû faire entrer en ligne de compte les informations dont disposait la commission des affaires constitutionnelles dans le cadre de la procédure de vérification en cours à l’égard d’APF afin d’évaluer de façon sommaire les chances de succès de la demande de vérification. Le bureau du Parlement aurait ainsi dû établir que cette demande était dénuée de substance et manifestement non fondée en ce qu’elle n’établit pas de comportement contestable d’APF. Il n’aurait donc pas dû limiter le montant du préfinancement et subordonner son versement à la constitution d’une garantie bancaire.
63 À cet égard, force est de constater que l’argument de la requérante repose sur la prémisse erronée selon laquelle la possibilité de limiter le montant du préfinancement et celle d’exiger la constitution d’une garantie préalable seraient liées à la probabilité que la procédure de vérification aboutisse à l’exclusion effective du financement d’APF. Or, tel ne saurait être le cas, ainsi qu’il découle des points 48 à 55 ci-dessus.
64 Par conséquent, il convient de rejeter l’argument de la requérante relatif à l’examen de la demande de vérification par le bureau du Parlement comme non fondé et, par suite, le premier grief de la deuxième branche du premier moyen dans son ensemble.
65 En ce qui concerne le deuxième grief, la requérante soutient que le Parlement n’a pas d’intérêt légitime à la constitution d’une garantie bancaire dans la mesure où il aurait volontairement retardé la conclusion de la procédure de vérification visant APF et aurait donc provoqué lui-même son prétendu besoin de couverture du risque financier. Le Parlement aurait ainsi violé le principe du respect du délai raisonnable, figurant à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 2004/2003. Il aurait également agi de mauvaise foi et en méconnaissance de l’adage nemo potest venire contra factum proprium. Ce retard dans la procédure de vérification ne saurait être imputable au refus d’APF de participer à la réunion du 17 novembre 2016, car cette dernière aurait eu debonnes raisonsde ne pas y déférer.
66 Le Parlement conteste les arguments de la requérante.
67 En ce qui concerne, premièrement, la violation de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 2004/2003, il y a lieu de relever que, aux termes de cette disposition, avant de procéder à la vérification, le Parlement entend le parti politique concerné et demande au comité des personnalités indépendantes de rendre un avis dans un délai raisonnable.
68 Il ressort de la jurisprudence que, lorsque la durée d’une procédure n’est pas fixée par une disposition du droit de l’Union, le caractère raisonnable du délai pris par l’institution pour adopter l’acte en cause doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence. Ainsi, le caractère raisonnable d’un délai ne saurait être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié dans chaque cas d’espèce en fonction des circonstances de la cause (arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑264/11 P, EU:T:2013:461, point 49).
69 En l’espèce, il est erroné d’affirmer, comme le fait la requérante, que le Parlement n’a absolument rien fait pendant six mois, c’est-à-dire entre le 12 mai 2016, date de la demande de vérification, et le 9 novembre 2016, date de l’invitation d’APF par la commission des affaires constitutionnelles à la réunion d’« échange de vues » du 17 novembre 2016, pour poursuivre la procédure de vérification visant APF. En effet, ainsi qu’il ressort des points 5 et 6 ci-dessus, différentes actions ont été entreprises par le Parlement dans les semaines qui ont suivi le dépôt de la demande de vérification. De plus, il découle des différentes dates d’impression des documents du dossier constitué par la commission des affaires constitutionnelles et annexé à la lettre du 14 décembre 2016 que sa constitution a commencé, au plus tard, le 9 juin 2016 et s’est achevée, au plus tôt, le 11 novembre 2016.
70 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 46 ci-dessus, c’est lors du déroulement de la procédure de vérification que les éléments de preuve sont collectés, sous l’égide de la commission des affaires constitutionnelles. Or, le parti politique concerné par la procédure de vérification ne saurait être auditionné avant que de tels éléments n’aient été réunis. De même, le comité des personnalités indépendantes ne saurait rendre son avis sans avoir pris connaissance de ces mêmes éléments. Dès lors, ce n’est qu’une fois que les éléments de preuve ont été réunis que l’audition du parti politique concerné peut avoir lieu et l’avis du comité des personnalités indépendantes être formulé. Or, ainsi qu’il résulte du point 69 ci-dessus, la collecte des éléments de preuve a duré au moins jusqu’au 11 novembre 2016.
71 Ainsi, il y a lieu de constater que l’intervalle écoulé entre l’introduction de la demande de vérification, le 12 mai 2016, et l’invitation d’APF par la commission des affaires constitutionnelles à la réunion d’« échange de vues », le 9 novembre 2016, semble raisonnable et approprié eu égard aux circonstances susmentionnées, sans que le refus d’APF de participer à cette réunion prévue pour le 17 novembre 2016 ait pu avoir une incidence sur la durée de la procédure. En effet, même si cette réunion avait eu lieu à la date prévue, la procédure de vérification visant APF n’aurait pas pu être clôturée avant l’adoption de la décision attaquée, le 12 décembre 2016, dans la mesure où l’avis du comité des personnalités indépendantes faisait toujours défaut à cette date-là.
72 Par conséquent, l’argument tiré de la violation du principe du respect du délai raisonnable doit être rejeté comme non fondé.
73 En ce qui concerne, deuxièmement, la mauvaise foi du Parlement invoquée par la requérante, il y a lieu de relever que cette dernière n’apporte aucun élément de preuve démontrant les agissements incriminés et se contente de se référer dans ses écrits à une « tactique de retard », à ses « soupçons » que le Parlement « joue (délibérément) la montre » ou encore que ce dernier « instrumentalise » la procédure de vérification visant APF afin de la priver de ses ressources.
74 Par conséquent, cet argument doit être rejeté comme étant non fondé.
75 En ce qui concerne, troisièmement, la violation du principe nemo potest venire contra factum proprium, force est de constater que cet argument est formulé en des termes trop généraux et imprécis pour que le Tribunal soit tenu d’y répondre.
76 En effet, la requérante s’étant limitée à énoncer une violation de ce principe sans expliciter, ne serait-ce que succinctement, en quoi consisterait cette violation, cet argument doit être rejeté comme étant irrecevable. Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui (ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, points 20 et 21 ; arrêts du 17 mai 2017, PG/Frontex, T‑583/16, non publié, EU:T:2017:344, point 90, et du 15 juin 2017, Bay/Parlement, T‑302/16, non publié, EU:T:2017:390, point 25).
77 Partant, il convient de rejeter cet argument comme irrecevable faute d’avoir été précisé et, par suite, le deuxième grief de la deuxième branche du premier moyen dans son ensemble.
78 En ce qui concerne le troisième grief, la requérante soutient, en substance, que le risque financier qui sous-tend l’adoption des mesures contestées serait bien moindre que celui mis en avant par le Parlement, dans la mesure où l’obligation de remboursement des sommes préalablement versées ne saurait courir à partir du jour du dépôt de la demande de vérification, mais seulement à compter du jour de l’adoption de la décision finale du Parlement à ce sujet. Selon elle, l’article 225, paragraphe 4, du règlement intérieur, qui établit cette règle, ne peut pas s’appliquer à des tiers. Le règlement intérieur serait un acte purement interne au Parlement qui ne constitue pas un fondement juridique permettant d’affecter les droits des tiers. Il pourrait uniquement préciser les pouvoirs d’intervention déjà prévus par le règlement no 2004/2003, mais ne saurait en créer de nouveaux. Or, le règlement no 2004/2003 ne prévoit pas d’exclusion rétroactive du financement. Dès lors, l’obligation de remboursement ne pourrait prendre effet qu’à compter du jour de l’adoption de la décision du Parlement à ce sujet. Le risque financier, à supposer qu’il existe, serait donc bien moindre que celui mis en avant dans la décision attaquée.
79 La requérante soutient, également, que a fortiori l’obligation de remboursement des sommes préalablement versées ne saurait commencer à courir qu’à compter du jour où elle a pris connaissance du risque de remboursement par le biais de la décision attaquée, notifiée le 21 décembre 2016. Toute autre solution serait contraire aux principes de l’État de droit, notamment au principe de protection de la confiance légitime, qui prohibent d’ordonner la récupération de sommes pour une période antérieure au moment où l’intéressée a été informée du risque de remboursement.
80 Le Parlement conteste les arguments de la requérante.
81 Il convient d’examiner successivement chacun des arguments exposés par la requérante.
82 Premièrement, il convient de constater que, bien que la requérante n’ait pas, ainsi que l’a relevé le Parlement dans ses écritures, formellement soulevé l’illégalité de l’article 225, paragraphe 4, du règlement intérieur, son argumentation exposée au point 78 ci-dessus consiste à mettre en cause la légalité de cette disposition.
83 Il convient également de relever que l’exception d’illégalité soulevée par la requérante n’a été invoquée que dans la réplique. Or, la Cour a jugé que le cadre du litige est déterminé par la requête introductive d’instance et qu’une exception d’illégalité est irrecevable au stade de la réplique (arrêt du 11 juillet 1985, Salerno e.a./Commission et Conseil, 87/77, 130/77, 22/83, 9/84 et 10/84, non publié, EU:C:1985:318, points 36 et 37). En outre, l’exception d’illégalité n’est fondée sur aucun élément de droit ou de fait qui se serait révélé au cours de la procédure au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir, par analogie, arrêt du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, EU:T:2005:339, point 51).
84 En effet, le Parlement, dans sa lettre du 21 décembre 2016 notifiant la décision attaquée, se réfère expressément à l’article 225, paragraphe 4, du règlement intérieur dans le cadre de son appréciation du risque en lien avec la procédure de vérification en cours visant APF.
85 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme irrecevable l’exception d’illégalité soulevée par la requérante.
86 Deuxièmement, en ce qui concerne la violation « des principes de l’État de droit », il convient de relever que l’interprétation de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, telle qu’elle ressort du point 76 ci-dessus, vise également les conditions de recevabilité de la réplique, qui est destinée, selon l’article 83, paragraphe 1, du même règlement, à compléter la requête (voir, par analogie, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 61).
87 En l’espèce, la requérante allègue une violation « des principes de l’État de droit » sans expliciter, ne serait-ce que succinctement, lesquels de ces principes, en dehors du principe de protection de la confiance légitime, seraient visés par une telle violation. Partant, cet argument doit être rejeté comme irrecevable faute d’avoir été précisé, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 76 ci-dessus.
88 Troisièmement, en ce qui concerne la violation du principe de protection de la confiance légitime, à supposer que cet argument, soit recevable, il y a lieu de rappeler que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation dans laquelle il ressort que l’administration de l’Union a fait naître chez lui des espérances fondées, en lui fournissant des assurances précises sous la forme de renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (voir arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 165 et jurisprudence citée).
89 À cet égard, la requérante se contente d’affirmer qu’ordonner la récupération de sommes pour une période au cours de laquelle elle n’avait pas connaissance de cette possibilité serait contraire à ce principe et ne rapporte donc pas la preuve qu’elle avait reçu de la part du Parlement des assurances précises susceptibles de faire naître chez elle des espérances légitimes dans le maintien du financement. Partant, cet argument doit, en tout état de cause, être rejeté comme étant non fondé. Par suite, le troisième grief de la deuxième branche du premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.
90 Au vu de ce qui précède, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme partiellement irrecevable et partiellement non fondée.
Sur la troisième branche du premier moyen, relative à la violation du principe de proportionnalité
91 La requérante soutient que la limitation du montant du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée et l’exigence de constitution d’une garantie bancaire, ainsi que la combinaison de ces deux mesures, violent le principe de proportionnalité.
– Sur la limitation du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée
92 La requérante fait valoir que ses activités sont presque exclusivement financées au moyen du préfinancement. La limitation du montant du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée affecterait substantiellement sa capacité opérationnelle, ce qui serait disproportionné en comparaison du besoin de couverture financière du Parlement.
93 Le Parlement conteste les arguments de la requérante.
94 À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt du 11 juin 2009, Agrana Zucker, C‑33/08, EU:C:2009:367, point 31).
95 Ainsi que cela a été indiqué au point 51 ci-dessus, il ressort de l’article 6, paragraphe 1, de la décision du bureau du 29 mars 2004 que le bureau du Parlement dispose d’une marge d’appréciation lorsqu’il détermine le montant du préfinancement.
96 S’agissant du cas d’espèce, il y a lieu de considérer que la fixation du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée apparaît comme une mesure appropriée et nécessaire à la réalisation de l’objectif légitime poursuivi, à savoir la protection des intérêts financiers de l’Union, compte tenu du risque que la requérante soit dans l’impossibilité de rembourser les fonds déjà perçus si la procédure de vérification visant APF venait à aboutir à son exclusion du financement.
97 L’argument de la requérante selon lequel la limitation du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée affecterait de façon significative sa capacité opérationnelle ne fait que confirmer le risque pour le Parlement de ne pas pouvoir recouvrer les sommes déjà versées. Si le bureau du Parlement avait autorisé le versement à la requérante d’un préfinancement de 80 % du montant maximal de la subvention octroyée, le préjudice pour le budget général de l’Union aurait été encore supérieur.
98 Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les inconvénients qui lui ont été causés seraient disproportionnés par rapport au but poursuivi par le Parlement, à savoir la protection des intérêts financiers de l’Union, il convient de noter que le Parlement a mis en balance les différents intérêts en cause. En effet, le montant du préfinancement accordé (86 492 euros), auquel il faut ajouter le cas échéant les ressources propres de la requérante disponibles à cette période, aurait vraisemblablement permis à la requérante d’organiser les évènements politiques et les autres évènements programmés pour les premiers mois de 2017. De plus, la requérante aurait encore eu la possibilité de surmonter d’éventuelles difficultés financières en prenant elle-même certaines mesures pendant la durée de la procédure de vérification visant APF afin d’augmenter ses ressources propres, de manière à pouvoir continuer à financer ses activités. Elle aurait ainsi pu procéder, par exemple, à un appel aux dons ou aurait pu exiger le paiement de cotisations de la part de ses membres.
99 Dès lors, le premier grief de la troisième branche du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.
– Sur l’exigence de constitution d’une garantie bancaire
100 La requérante fait valoir que l’exigence de constitution d’une garantie bancaire serait disproportionnée. Premièrement, elle soutient qu’elle serait dans l’impossibilité objective de constituer une telle garantie, dans la mesure où elle ne dispose d’aucun actif. Deuxièmement, l’obligation de constituer une garantie reviendrait dans les faits à l’exclure du financement, et ce avant qu’une décision au fond ait été rendue sur la demande de vérification. Cela mettrait en péril son existence et paralyserait son travail politique. Troisièmement, les dommages causés par l’exigence de constitution d’une garantie seraient irréversibles et ne seraient pas atténués par le versement a posteriori des montants retenus en cas de décision favorable à APF à l’issue de la procédure de vérification la visant. Quatrièmement, la requérante reproche au Parlement d’avoir combiné deux types de mesures de limitation des risques, à savoir l’exigence d’une garantie bancaire et le versement du préfinancement en plusieurs tranches, avec la limitation du montant du préfinancement. Enfin, la requérante reproche au Parlement l’absence d’une analyse des risques.
101 Le Parlement conteste les arguments de la requérante.
102 En ce qui concerne, premièrement, l’impossibilité objective d’obtenir une garantie bancaire, il y a lieu de constater que la requérante ne produit aucun document venant attester un refus de lui accorder une telle garantie de la part des banques éventuellement consultées. Elle se contente de proposer le témoignage d’une personne à citer par l’intermédiaire d’APF.
103 Il y a lieu de rappeler que la partie qui fait la demande d’une mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction doit fournir au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de la mesure pour les besoins de l’instance (voir arrêt du 23 mai 2014, European Dynamics Luxembourg/BCE, T‑553/11, non publié, EU:T:2014:275, point 318 et jurisprudence citée).
104 Or, il y a lieu d’observer que la requérante se contente d’indiquer le nom d’une personne, sans expliquer dans sa requête ou sa réplique les liens que cette personne entretient potentiellement avec elle, APF ou les banques concernées. En outre, il ne ressort pas de ces écrits que cette personne ait été un témoin direct des circonstances évoquées. Pour finir, la requérante n’explique pas les raisons pour lesquelles elle serait dans l’impossibilité de produire spontanément une déclaration de ladite personne.
105 Dès lors, il n’est pas certain que ce témoignage permette d’établir, d’autant plus à lui seul, la véracité des allégations de la requérante.
106 Par conséquent, la demande de mesure d’instruction de la requérante doit être rejetée, ainsi que l’allégation de cette dernière relative à son impossibilité objective de constituer une garantie bancaire, qui n’est étayée par aucun autre élément de preuve.
107 En ce qui concerne, deuxièmement et troisièmement, la mise en péril de son existence et l’irréversibilité des dommages subis, il y a lieu de constater que la requérante ne présente aucun élément venant attester l’imminence d’un tel péril ou de tels dommages et se contente d’affirmations générales sans apporter aucun élément de preuve concret.
108 En ce qui concerne, quatrièmement, la combinaison des différents instruments de garantie, la requérante critique le fait que la limitation du montant du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée ait été combinée avec l’exigence de constitution d’une garantie bancaire. Le bureau du Parlement aurait pu, en lieu et place, prendre une mesure unique moins contraignante pour elle, à savoir fractionner le montant du préfinancement en plusieurs tranches.
109 À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le bureau du Parlement n’a pas décidé de cumuler l’exigence d’une garantie bancaire avec un fractionnement du versement du préfinancement en plusieurs tranches, sur la base de l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier. Ainsi qu’il ressort du point 15 ci-dessus, il s’est contenté, en l’espèce, de combiner le versement d’une tranche unique de préfinancement avec l’exigence d’une garantie bancaire.
110 Quant à la combinaison, en l’espèce, d’un montant de préfinancement réduit avec l’exigence de la constitution d’une garantie bancaire, il y a lieu de relever que le montant total des ressources propres de la requérante, à savoir 50 075 euros (8 500 euros provenant de donations et 41 575 euros provenant d’autres ressources propres), correspond à environ 58 % du montant de la garantie préalable exigée. Dès lors, compte tenu du risque d’exclusion de la requérante du financement et du risque issu de son impossibilité de restituer au Parlement ne serait-ce que le préfinancement de 33 % du montant maximal de la subvention octroyée, le versement d’un préfinancement de 80 % du montant maximal de la subvention octroyée en plusieurs tranches sans garantie bancaire, suggéré par la requérante comme une alternative, ne constitue pas une mesure qui aurait permis de protéger de manière suffisante les intérêts financiers de l’Union. La capacité financière limitée de la requérante, mise en avant par la requérante elle-même aux points 48 et 50 de la requête, ne fait que renforcer l’idée selon laquelle le préfinancement déjà mis à sa disposition ne pourrait pas être recouvré avec succès dans le cas de son exclusion du financement au terme de la procédure de vérification visant APF.
111 En ce qui concerne, enfin, la prétendue absence de mise en balance des différents intérêts en cause dans le cadre de l’analyse des risques exigée par l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier, il ressort des points 53, 54, 98 et 110 ci-dessus qu’une telle mise en balance a été effectuée par le Parlement.
112 Partant, aucun des arguments avancés par la requérante n’est en mesure d’établir que, en adoptant la décision attaquée, le Parlement aurait violé le principe de proportionnalité.
113 Dès lors, le second grief de la troisième branche du premier moyen doit être rejeté comme non fondé. Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.
Sur la violation des articles 11 et 12 de la Charte
114 Par son deuxième moyen, la requérante allègue une violation de ses droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association, consacrés aux articles 11 et 12 de la Charte. La décision attaquée mettrait en péril son existence et produirait le même effet qu’une interdiction de parti politique ou d’association. Elle l’exclurait ainsi de facto de la concurrence politique au niveau européen.
115 À supposer que la requérante soit titulaire des droits reconnus aux articles 11 et 12 de la Charte, il convient de relever que ces dispositions ne lui reconnaissent pas de droit pécuniaire en sa qualité de fondation politique. Le fait de ne pas verser une somme d’argent à un parti politique, à une fondation politique ou à une association n’équivaut pas à une interdiction de parti politique ou d’association. Les mesures contestées ne sauraient, par conséquent, être considérées comme des restrictions injustifiées à la liberté d’expression ou à la liberté d’association, garanties par les articles 11 et 12 de la Charte.
116 Dès lors, les arguments de la requérante relatifs à la violation des articles 11 et 12 de la Charte doivent être rejetés comme non fondés.
117 Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.
Sur le détournement de pouvoir
118 Le troisième moyen de la requérante est tiré d’un prétendu détournement de pouvoir qu’aurait commis le Parlement en adoptant les mesures contestées, dans la mesure où son objectif réel serait de nuire à la requérante en la privant de ses moyens de subsistance économique et de l’exclure de facto de la concurrence politique au niveau européen. À cette fin, le Parlement aurait lancé une procédure de vérification visant APF dépourvue de tout fondement et aurait retardé intentionnellement ladite procédure afin de se donner des raisons d’adopter les mesures contestées. Il s’agirait d’une manœuvre purement politique visant à supprimer le financement d’un parti politique peu apprécié et de sa fondation politique affiliée ainsi qu’à manipuler la concurrence politique au niveau européen. Par conséquent, pour des raisons politiques, le Parlement aurait utilisé abusivement les pouvoirs conférés par le règlement no 2004/2003 à des fins discriminatoires, ce qui serait interdit par l’article 21, paragraphe 1, de la Charte.
119 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles dont il est excipé ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêt du 20 septembre 2017, Tilly-Sabco/Commission, C‑183/16 P, EU:C:2017:704, point 64).
120 Or, force est de constater que la requérante n’a pas produit de tels indices.
121 D’une part, s’agissant des fins visées par le Parlement lors de l’adoption des mesures contestées, aucun élément avancé par la requérante ne permet d’affirmer que cette institution poursuivait un but exclusif, ou à tout le moins déterminant, autre que celui exposé aux points 53 et 54 ci-dessus, à savoir la limitation des risques liés à la procédure de vérification en cours visant APF et, plus largement, la protection des intérêts financiers de l’Union.
122 À cet égard, il ressort clairement tant de la note du secrétaire général du Parlement du 5 décembre 2016 présentant l’évaluation des demandes de subventions que de la lettre de notification de la décision attaquée du 21 décembre 2016 que les mesures contestées sont motivées par le risque que la requérante soit exclue du financement au terme de la procédure de vérification visant APF et qu’elle doive faire face à d’éventuelles demandes de remboursement ultérieures.
123 En ce qui concerne les allégations relatives au lancement de la procédure de vérification visant APF par le Parlement, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 2004/2003 et à l’article 225, paragraphe 1, du règlement intérieur, cette procédure doit être engagée par au moins un quart des membres du Parlement, représentant au moins trois groupes politiques. En revanche, c’est le bureau du Parlement qui prend les décisions sur les demandes de financement. Le bureau du Parlement n’a pas d’influence sur la question de savoir si, et quand, un quart des membres du Parlement engagent une procédure de vérification.
124 En ce qui concerne les allégations relatives à la durée de la procédure de vérification visant APF, il y a lieu de rappeler que cette durée n’apparaît pas déraisonnable pour les raisons indiquées au point 71 ci-dessus.
125 D’autre part, s’agissant de l’évitement d’une procédure, la requérante ne prétend pas que le Parlement a cherché à contourner une procédure prévue par le droit primaire.
126 Dès lors, il convient de rejeter le troisième moyen comme non fondé et, par suite, le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
127 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente instance, conformément aux conclusions du Parlement.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Europa Terra Nostra eV est condamnée aux dépens.
Collins | Kancheva | Barents |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2018.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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