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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Transavia Airlines v Commission (Competition - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-591/15 (13 December 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T59115.html Cite as: [2018] EUECJ T-591/15, EU:T:2018:946, ECLI:EU:T:2018:946 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)
« Aides d’État – Contrat de services aéroportuaires et de services marketing – Accord conclu par la chambre de commerce et d’industrie de Pau-Béarn avec Transavia – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Notion d’aide d’État – Imputabilité à l’État – Chambre de commerce et d’industrie – Avantage – Critère de l’investisseur privé – Récupération – Article 41 de la charte des droits fondamentaux – Droit d’accès au dossier – Droit d’être entendu »
Dans l’affaire T‑591/15,
Transavia Airlines CV, établie à Schiphol (Pays-Bas), représentée par Mes R. Elkerbout et M. Baneke, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et S. Noë, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2015/1227 de la Commission, du 23 juillet 2014, concernant l’aide d’État SA.22614 (C 53/07) mise à exécution par la France en faveur de la chambre de commerce et d’industrie de Pau-Béarn, Ryanair, Airport Marketing Services et Transavia (JO 2015, L 201, p. 109),
LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),
composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas, D. Spielmann (rapporteur), Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, juges,
greffier : M. P. Cullen, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 26 octobre 2017,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
Mesures en cause
1 La requérante, Transavia Airlines CV, est une compagnie aérienne dite à bas coûts, établie aux Pays-Bas, qui assure depuis trois aéroports de ce pays des vols charter et des lignes régulières vers plus de 100 destinations en Europe et en Afrique du Nord.
2 L’aéroport Pau-Pyrénées (ci-après l’« aéroport de Pau ») est situé dans le département des Pyrénées-Atlantiques, en France. Il est exploité par la chambre de commerce et d’industrie (CCI) Pau Béarn (ci-après la « CCIPB »). Le 1er janvier 2007, la propriété de l’aéroport de Pau a été transférée de la République française à un groupement de collectivités locales, le syndicat mixte de l’aéroport Pau Pyrénées, dont sont membres le conseil régional Nouvelle-Aquitaine, le conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées et plus d’une dizaine de communautés de communes. Devenant le propriétaire de l’aéroport de Pau, ledit syndicat mixte s’est substitué à l’État en tant qu’autorité concédante et a repris le contrat de concession conclu avec la CCIPB, laquelle est donc restée l’exploitant de l’aéroport après le transfert de propriété audit syndicat mixte.
3 Le 23 janvier 2006, la CCIPB a conclu un contrat avec la requérante (ci-après le « contrat de 2006 »), par lequel cette dernière s’est engagée à assurer une ligne aérienne d’au moins 156 vols entre l’aéroport de Pau et celui de Schiphol, desservant la ville d’Amsterdam (Pays-Bas), sur une base annuelle, répartis sur au moins trois jours par semaine. Pour l’usage de l’infrastructure de l’aéroport de Pau, la requérante était tenue de payer une rémunération. Ce contrat a été conclu pour une période de trois ans à compter du 26 avril 2006, date du lancement de la ligne aérienne concernée, et pouvait être renouvelé pour une période supplémentaire de deux ans.
4 En outre, le contrat de 2006 comportait l’engagement de la part de la requérante à fournir des services marketing, qui consistaient, notamment, en des publicités sur son site Internet, en contrepartie du versement par la CCIPB d’un montant de 250 000 euros pour les deux premières années sur la base de 156 vols au départ par an. Si ce minimum de vols n’était pas atteint, le montant devait être ajusté proportionnellement. Pour la troisième année, le paiement était fixé à 12,50 euros par passager au départ, avec un plafond annuel de 250 000 euros. Par ailleurs, il était prévu que, en cas de renouvellement du contrat de 2006, la requérante reçoive, pour les quatrième et cinquième années, des montants déterminés par passager au départ.
5 Le contrat de 2006 a donné lieu à des versements pour un total de 700 000 à 900 000 euros de la CCIPB à la requérante au titre des prestations marketing effectuées par cette dernière entre les 26 avril 2006 et 29 octobre 2009. Le contrat de 2006 a été tacitement renouvelé le 26 avril 2009. Toutefois, la requérante a décidé de résilier le contrat de 2006 en raison des résultats décevants de la liaison aérienne.
Procédure administrative
6 Par courrier du 25 janvier 2007, les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, un accord que la CCIPB avait conclu avec Airport Marketing Services Ltd (ci-après « AMS »), une filiale de la compagnie aérienne Ryanair Ltd.
7 Par lettre du 28 novembre 2007, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’encontre de certains accords que la CCIPB avait conclu avec Ryanair et AMS (ci-après la « décision d’ouverture »). Le contrat de 2006 ne faisait pas l’objet de cette procédure. La décision d’ouverture a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 15 février 2008 (JO 2008, C 41, p. 11). Lors de la procédure, la Commission a engagé un consultant indépendant pour l’assister dans l’analyse des contrats conclus par la CCIPB avec les compagnies aériennes actives sur l’aéroport de Pau. Dans son rapport du 30 mars 2011, le consultant a examiné tant les contrats de services aéroportuaires et les contrats de services marketing conclus avec Ryanair et AMS que le contrat de 2006.
8 Par lettre du 25 janvier 2012 (ci-après la « décision d’extension »), la Commission a notifié à la République française sa décision d’étendre la procédure formelle d’examen et d’examiner tous les contrats conclus par la CCIPB avec Ryanair et AMS de 2003 à 2011. Par cette même décision, la Commission a également étendu la procédure au contrat de 2006. Elle a invité les autorités françaises à transmettre immédiatement une copie de la décision d’extension aux bénéficiaires potentiels de l’aide. Par la publication de cette décision au Journal officiel de l’Union européenne le 31 mars 2012 (JO 2012, C 96, p. 22), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures faisant l’objet de la procédure.
9 La requérante n’a pas présenté d’observations. Lors de la procédure devant le Tribunal, elle a observé qu’elle n’avait pas été informée par les autorités françaises de l’enquête menée par la Commission. Selon la requérante, la Commission non plus n’avait pas pris contact avec elle pour l’inviter à présenter ses commentaires.
10 Par courriers des 24 février, 13 et 19 mars 2014, dans le cadre de l’adoption, le 4 avril 2014, des nouvelles lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes (JO 2014, C 99, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 »), la Commission a invité les autorités françaises et les parties intéressées à présenter leurs observations sur l’application des lignes directrices de 2014 notamment à la présente affaire. Le 19 mars 2014, les autorités françaises ont présenté des observations.
11 Par ailleurs, la Commission, par un avis publié le 15 avril 2014 au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2014, C 113, p. 30), a invité les États membres et les parties intéressées à soumettre leurs commentaires, y compris dans la présente affaire, à la lumière de l’entrée en vigueur des lignes directrices de 2014. La CCIPB a notamment formulé des commentaires.
12 La requérante n’a pas présenté d’observations.
Décision attaquée
13 Au terme de la procédure formelle d’examen, la Commission a adopté la décision (UE) 2015/1227, du 23 juillet 2014, concernant l’aide d’État SA.22614 (C 53/07) mise à exécution par la France en faveur de la CCIPB, Ryanair, AMS et la requérante (ci-après la « décision attaquée ».)
14 Dans la décision attaquée, la Commission a procédé à une description des mesures faisant l’objet de la décision d’ouverture et de la décision d’extension. Ces mesures consistaient notamment, d’une part, dans des apports financiers à l’aéroport de Pau concernant les subventions d’équipement ainsi que le financement des coûts liés aux missions régaliennes (considérants 88 à 107 de la décision attaquée) et, d’autre part, dans le contrat de 2006 (considérants 83 à 86 de la décision attaquée).
15 La Commission a considéré que les subventions d’équipement de 2004 et 2009 en faveur de l’aéroport de Pau constituaient des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE qui étaient néanmoins compatibles avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE (considérant 581 de la décision attaquée).
16 Par ailleurs, la Commission a considéré que le contrat de 2006 constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE qui était incompatible avec le marché intérieur.
17 S’agissant de l’existence de l’aide, la Commission a constaté que la conclusion du contrat de 2006 par la CCIPB était imputable à la République française (considérants 265 à 281 de la décision attaquée).
18 Pour déterminer l’existence d’un avantage économique, la Commission a examiné si un opérateur en économie de marché hypothétique agissant à la place de la CCIPB et guidé par des perspectives de rentabilité aurait conclu un contrat semblable.
19 À cet égard, la Commission a considéré qu’il y avait lieu de s’écarter, aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, de la méthode consistant à effectuer une comparaison avec le « prix du marché » (ci-après l’« analyse comparative ») et de s’en tenir à une analyse ex ante de rentabilité incrémentale (ci-après l’« analyse de rentabilité incrémentale ») (considérants 359 à 372 de la décision attaquée).
20 En outre, la Commission a constaté que la CCIPB avait établi un plan d’affaires en amont de la conclusion du contrat de 2006 avec la requérante au sujet de la liaison Pau-Amsterdam. Estimant que ce plan constituait le point de départ approprié afin d’appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché, sauf sur le point de l’horizon temporel retenu dans l’évaluation, la Commission a constaté au terme de son analyse de rentabilité que, pour la période couverte, à l’exception de l’année 2009, le contrat de 2006 conduisait à des flux incrémentaux annuels qui étaient tous négatifs. Elle a donc considéré que la valeur actualisée nette des flux incrémentaux annuels était nécessairement négative quel que soit le taux d’actualisation retenu. Elle en a déduit que le contrat de 2006 impliquait un avantage économique en faveur de la requérante, qui était d’ailleurs sélectif (considérants 434 à 440 de la décision attaquée).
21 Enfin, la Commission a calculé le montant d’aide récupérable à partir de la partie négative du flux incrémental prévisible au moment de la conclusion de la transaction. Elle a obtenu le montant indicatif, concernant l’aide effectivement versée de 2006 à 2009 au titre du contrat de 2006, de 300 000 à 599 999 euros.
22 Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :
« Article premier
[…]
3. L’aide d’État octroyée illégalement par la [République française] en faveur de Transavia, en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], au titre du contrat de services aéroportuaires et marketing conclu le 23 janvier 2006 par la [CCIPB] avec Transavia est incompatible avec le marché intérieur.
[…]
Article 3
1. La [République française] est tenue de se faire rembourser les aides visées à l’article 1er par les bénéficiaires.
2. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective.
3. Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission et au règlement (CE) no 271/2008 modifiant le règlement (CE) no 794/2004.
4. La [République française] annule tous les paiements en suspens des aides visées à l’article 1er à compter de la date d’adoption de la présente décision.
Article 4
1. La récupération des aides visées à l’article 1er est immédiate et effective.
2. La [République française] veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans les quatre mois suivant la date de sa notification.
Article 5
1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, la [République française] communique les informations suivantes à la Commission :
a) les montants d’aide à récupérer en application de l’article 3 ;
b) le calcul des intérêts de récupération ;
c) une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision ;
d) les documents démontrant que les bénéficiaires ont été mis en demeure de rembourser les aides.
2. La [République française] tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète des aides visées à l’article 1er. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants des aides et les intérêts déjà récupérés auprès des bénéficiaires. »
Procédure et conclusions des parties
23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 octobre 2015, la requérante a introduit le présent recours.
24 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 2016, la requérante a introduit une demande de mesures d’organisation de la procédure, par laquelle elle a demandé à la Commission de produire certains documents.
25 La Commission a présenté ses observations dans le délai imparti.
26 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 88 de son règlement de procédure, a invité la Commission et la requérante à répondre à certaines questions et a demandé à la Commission de produire certains documents.
27 Par décision du 21 juin 2017, le Tribunal a décidé de renvoyer l’affaire devant la sixième chambre élargie.
28 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 26 octobre 2017.
29 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’article 1er, paragraphe 3, et, dans la mesure où ils la concernent, les articles 3 à 5 de la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
30 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
31 La requérante invoque six moyens à l’appui du recours, tirés, premièrement, de la violation du principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et des droits de la défense, deuxièmement, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que la Commission a imputé erronément à la République française l’aide constatée, troisièmement, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et d’une insuffisance de motivation en ce que la Commission a appliqué erronément le critère de l’opérateur en économie de marché en concluant que le contrat de 2006 procurait un avantage économique, quatrièmement, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que la Commission a considéré à tort que l’avantage présumé était sélectif, cinquièmement, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission n’a pas examiné si l’avantage présumé avait effectivement des effets négatifs pour la concurrence et, sixièmement, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission quant à la détermination du montant de l’aide à rembourser.
Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la Charte et des droits de la défense
32 La requérante soutient que la Commission a violé le principe de bonne administration consacré par l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) et b), de la Charte en ne lui donnant pas la possibilité de faire valoir son point de vue avant d’adopter la décision attaquée et en lui refusant l’accès à son dossier administratif. De ce fait, la Commission aurait porté atteinte aux droits de la défense de la requérante. Ces erreurs de procédure justifieraient l’annulation partielle de la décision attaquée.
33 En particulier, la requérante souligne que la Charte fait partie du droit primaire de l’Union européenne et qu’elle prévaut sur toute disposition contraire du droit dérivé de l’Union, tels le règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), et le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).
34 À l’appui de ce moyen, la requérante fait valoir qu’elle a le droit d’invoquer le droit à une bonne administration prévu à l’article 41 de la Charte, puisque l’enquête en matière d’aide d’État menée par la Commission au sujet du contrat de 2006 doit être considérée comme une « affaire » de la requérante au sens de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte. Elle estime disposer dès lors des droits procéduraux prévus à l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la Charte. D’une part, depuis l’entrée en vigueur de la Charte, les parties bénéficieraient d’un important droit additionnel par rapport aux droits conférés par le règlement no 659/1999, consistant à être entendues La requérante aurait notamment le droit d’être entendue, au titre de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, sur une base individuelle, et non uniquement en tant que membre d’un groupe ouvert de parties intéressées, avant que la mesure individuelle l’affectant défavorablement ne soit prise à son égard. La Commission pouvait, sans éprouver de difficultés, identifier la requérante et aurait dû la contacter individuellement et lui permettre de faire connaître son point de vue. En effet, son enquête portait spécifiquement sur le contrat de 2006, auquel la requérante était partie. De plus, la Commission aurait conduit une enquête limitée et unilatérale en ne l’ayant pas impliquée dans la procédure administrative alors qu’elle était la seule à pouvoir expliquer les considérations commerciales sous-tendant la conclusion du contrat de 2006. D’autre part, l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte accorderait à la requérante le droit de consulter le dossier de la Commission. Cette dernière ayant négligé de l’impliquer en temps utile dans la procédure ayant abouti à la décision attaquée, la requérante aurait eu un intérêt d’autant plus important au respect de ce droit. En rejetant la demande d’accès au dossier au titre du règlement no 1049/2001, demande d’ailleurs limitée à certains documents, tels que notamment le plan d’affaires, la Commission aurait privé la requérante de toute possibilité de défendre ses intérêts d’une manière efficace. À cet égard, la requérante relève que la Commission avait tiré du plan d’affaires une conclusion toute différente de celle de l’expert-comptable qui avait donné à la requérante l’assurance que ce plan satisfaisait au critère de l’investisseur privé.
35 La Commission conteste cette argumentation.
36 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que l’article 41 de la Charte prévoit le droit à une bonne administration. Aux termes du paragraphe 1 de cet article, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions de l’Union. En outre, aux termes de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, ce droit comporte notamment, premièrement, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard et, deuxièmement le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires.
37 Les explications relatives à la Charte, publiées au Journal officiel de l’Union européenne du 14 décembre 2007 (JO 2007, C 303, p. 17), précisent que l’article 41 de cette dernière est fondé sur l’existence de l’Union en tant que communauté de droit dont les caractéristiques ont été développées par la jurisprudence qui a consacré la bonne administration comme principe général de droit. Par ailleurs, selon l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, ces explications sont dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres.
38 En outre, selon la jurisprudence, il appartient à l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14).
39 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental de droit de l’Union. Ce principe exige que la personne contre laquelle la Commission a entamé une procédure administrative ait été mise en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation quant à l’existence d’une violation du droit de l’Union (arrêt du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C‑32/95 P, EU:C:1996:402, point 21 ; voir, également, arrêt du 30 avril 2014, Tisza Erőmű/Commission, T‑468/08, non publié, EU:T:2014:235, point 204 et jurisprudence citée).
40 En second lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE est une procédure ouverte uniquement à l’encontre de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide. Seul l’État membre concerné, en tant que destinataire de la future décision de la Commission, peut donc se prévaloir de véritables droits de la défense. En revanche, les entreprises bénéficiaires des aides et leurs concurrentes sont uniquement considérées comme étant des intéressés dans la procédure, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Aucune disposition ne réserve, parmi les intéressés, un rôle particulier aux bénéficiaires de l’aide. Ces derniers ne peuvent se prévaloir de droits aussi étendus que les droits de la défense en tant que tels et ne sauraient prétendre à un débat contradictoire avec la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, points 82 et 83, et du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, points 71 et 78).
41 Ainsi, les intéressés, contrairement à l’État membre responsable de l’octroi de l’aide, ne disposent pas, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 58).
42 En outre, il est de jurisprudence constante que, lors de la phase d’examen visé à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission a l’obligation de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêt du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission, C‑49/05 P, non publié, EU:C:2008:259, point 68 et jurisprudence citée).
43 En ce qui concerne cette obligation, la Cour a jugé que la publication d’un avis au Journal officiel constituait un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure (arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 17) et que cette communication visait exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toute information destinée à éclairer la Commission dans son action future (arrêts du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, EU:C:1973:87 point 19, et du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, point 56).
44 Cette jurisprudence confère essentiellement aux intéressés le rôle de sources d’information pour la Commission dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État. Il s’ensuit que, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, les intéressés disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 74 et jurisprudence citée).
45 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le premier moyen de la requérante.
46 À cet égard, il y a lieu de souligner que la requérante est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, de sorte qu’elle a le droit de voir l’enquête de la Commission relative au contrat de 2006 menée de manière impartiale et équitable au sens de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, et ce d’autant plus que la constatation d’aide d’État à l’égard du contrat de 2006 est susceptible d’entraîner pour elle des conséquences financières en termes de recouvrement des montants reçus.
47 Toutefois, le raisonnement de la requérante ne peut être suivi lorsqu’elle considère que l’article 41, paragraphe 2, de la Charte lui accorde le droit d’être mise en demeure personnellement par la Commission de présenter ses observations ou de faire connaître son point de vue d’une autre manière avant l’adoption de la décision attaquée et le droit d’avoir accès au dossier administratif de la Commission en matière d’aides d’État.
48 En effet, si le droit à une bonne administration prévu à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte reflète l’obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments de l’affaire, l’article 41, paragraphe 2, de la Charte énumère, quant à lui, un ensemble de droits à respecter par l’administration de l’Union, y compris les droits de la défense, qui comportent le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier.
49 Or, dans la procédure de contrôle des aides d’État, la requérante, en tant que bénéficiaire de l’aide, ne peut se prévaloir de véritables droits de la défense.
50 Il a déjà été jugé que la Charte n’avait pas pour objet de modifier la nature du contrôle des aides d’État mis en place par le traité FUE ou de conférer à des tiers un droit de regard que l’article 108 TFUE ne prévoyait pas (voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission, T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029, point 60, et du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T‑1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 86).
51 À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que la requérante, en étant une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ne saurait se prévaloir d’une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte au motif que la Commission n’aurait pas sollicité personnellement ses observations quant à la procédure d’examen de l’aide. En effet, l’octroi du droit d’être individuellement contacté par la Commission, tel que revendiqué par la requérante, reviendrait à modifier le rôle de source d’information que les intéressés jouent pour l’essentiel dans la procédure de contrôle des aides d’État. L’argument de la requérante selon lequel l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la Charte serait vidé de son sens si une entreprise était obligée de vérifier chaque jour dans le Journal officiel si des enquêtes avaient été ouvertes ou des décisions adoptées à son égard doit donc être écarté.
52 Par ailleurs, la circonstance que l’enquête de la Commission portait spécifiquement sur le contrat de 2006, auquel la requérante était partie, de sorte que la Commission n’aurait éprouvé aucune difficulté à identifier la requérante parmi toutes les parties intéressées potentielles, n’était pas de nature à obliger la Commission à mettre en demeure la requérante individuellement.
53 En effet, il est à remarquer que les « intéressés » visés par l’article 108, paragraphe 2, TFUE sont non seulement l’entreprise, ou les entreprises, favorisée par une aide, mais tout autant les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi de l’aide, notamment les entreprises concurrentes et les organisations professionnelles. Selon la jurisprudence, il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires, et la publication d’un avis au Journal officiel apparaît comme un moyen adéquat en vue d’avertir tous les intéressés (arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 17).
54 Par conséquent, la Commission pouvait se borner à publier l’avis au Journal officiel concernant l’ouverture de la procédure visant le contrat de 2006 sans violer le principe de bonne administration prévu à l’article 41 de la Charte. À cet égard, la Commission a pris soin d’inviter les autorités françaises, dans la décision d’extension, à transmettre immédiatement une copie de cette décision aux bénéficiaires potentiels de l’aide.
55 En second lieu, s’agissant du droit d’accès aux documents revendiqué par la requérante au titre de l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte, la Cour a déjà jugé que, si les intéressés dans le cadre d’une procédure de contrôle des aides d’État étaient en mesure d’obtenir l’accès aux documents du dossier administratif de la Commission, le régime de contrôle des aides d’État serait mis en cause. En effet, indépendamment de la base juridique sur laquelle il est accordé, l’accès au dossier permet aux intéressés d’obtenir l’ensemble des observations et des documents présentés à la Commission et, le cas échéant, de prendre position sur ces éléments dans leurs propres observations, ce qui est susceptible de modifier la nature de la procédure de contrôle des aides d’État (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, points 58 et 59).
56 Par ailleurs, si la requérante a demandé à la Commission, au titre du règlement no 1049/2001, de lui donner accès à certains documents de son dossier administratif, et notamment au rapport du 30 mars 2011 du consultant engagé par la Commission, au plan d’affaires relatif à la liaison Pau-Amsterdam et aux observations des autorités françaises au sujet des décisions d’ouverture et d’extension, force est néanmoins de constater qu’elle n’a présenté cette demande qu’après l’adoption de la décision attaquée. Dans ces circonstances, le rejet de la demande d’accès par la Commission, le 15 octobre 2015, ne saurait, en tout état de cause, affecter la légalité de la décision attaquée, puisque la Commission ne peut respecter d’éventuels droits de la défense que pendant la procédure administrative.
57 Il s’ensuit que la Commission, en adoptant la décision attaquée sans avoir mis en demeure la requérante individuellement et sans lui avoir accordé accès à son dossier administratif, n’a méconnu ni le principe de bonne administration prévu à l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la Charte, ni ses droits de la défense, sans préjudice, toutefois, de ses droits procéduraux en tant que partie intéressée garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
58 Aucun des autres arguments avancés par la requérante n’est de nature à renverser ces conclusions.
59 En premier lieu, l’argument de la requérante selon lequel un recours en annulation à l’encontre de la décision de la Commission du 15 octobre 2015 ne saurait en temps utile aboutir à un jugement du Tribunal sur la validité de cette décision doit également être rejeté. En effet, pour autant que la requérante cherche à démontrer, par un jugement du Tribunal, que la Commission aurait violé ses droits de la défense, il suffit de renvoyer aux points 56 et 57 ci-dessus.
60 En deuxième lieu, pour autant que la requérante met en cause la validité des règlements nos 659/1999 et 1049/2001 comme étant contraires à l’article 41 de la Charte, il convient en tout état de cause de rejeter cet argument, puisqu’il est fondé sur la prémisse erronée que la Charte accorde aux intéressés, y compris aux bénéficiaires d’aides d’État, le droit d’être mis en demeure individuellement de présenter des observations dans une procédure d’aides d’État et d’avoir accès au dossier administratif de la Commission.
61 En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel les parties requérantes dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission (T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029), et du 5 février 2015, Ryanair/Commission (T‑500/12, non publié, EU:T:2015:73), invoquées par la Commission, étaient des plaignants, il suffit de rappeler qu’aucun rôle particulier n’est réservé aux bénéficiaires dans le cadre du contrôle des aides d’État (voir point 40 ci-dessus). De même, le fait que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission (T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209), la partie requérante était une entité infra-étatique octroyant l’aide ne remet pas en cause la pertinence de la référence à cet arrêt dans le cadre de la présente affaire, puisque, dans ledit arrêt, le juge de l’Union se prononçait de manière générale sur les droits procéduraux des parties intéressées, y compris ceux des bénéficiaires, dans les procédures de contrôle d’aides d’État. En outre, bien que l’arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376), concerne une procédure d’aides d’État clôturée avant que la Charte ne fasse partie du droit primaire de l’Union, cet arrêt est pertinent en ce qu’il met en exergue le fait qu’un droit d’accès au dossier administratif de la Commission en faveur du bénéficiaire de l’aide mettrait en cause le régime de contrôle des aides d’État.
62 En quatrième lieu, dans la mesure où il résulte de ce qui précède que la Commission n’a violé ni l’article 41 de la Charte ni les droits de la défense de la requérante, il n’est pas utile d’examiner la thèse de cette dernière selon laquelle le résultat de la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent si la Commission l’avait mise en mesure de faire utilement connaître son point de vue.
63 Il s’ensuit que les arguments de la requérante mentionnés ci-dessus doivent être écartés.
64 Cependant, dans la mesure où, dans le cadre du présent moyen, est invoquée la violation des droits de la défense, il convient d’examiner le droit dont disposent les intéressés, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir jurisprudence citée au point 44 ci-dessus).
65 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 6 du règlement no 659/1999, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, cette décision peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur (arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 80).
66 La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen doit ainsi mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à ladite procédure lors de laquelle elles auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. À cette fin, il suffit que les parties intéressées connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché intérieur (arrêt du 30 avril 2002, Governement of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, point 138).
67 En l’espèce, il convient de rappeler que, par la décision d’extension, la Commission a notamment étendu la procédure formelle d’examen au contrat de 2006. Par la publication de cette décision au Journal officiel de l’Union européenne du 31 mars 2012, elle a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures en cause. Par ailleurs, elle a invité les autorités françaises à transmettre immédiatement une copie de la lettre du 25 janvier 2012 aux bénéficiaires potentiels de l’aide en question.
68 Or, dans la décision d’extension, la Commission a suffisamment clairement exposé les motifs sur le fondement desquels elle avait conclu provisoirement que le contrat de 2006 pouvait constituer une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
69 En effet, dans la décision d’extension, d’abord, la Commission a présenté des informations générales concernant l’aéroport de Pau et indiqué que, selon les informations dont elle disposait, notamment celles avancées par le consultant indépendant, un contrat de services marketing d’une durée de trois ans et donnant lieu à des versements au titre du marketing pour un certain montant total avait été conclu avec la requérante. Elle a, par ailleurs, mentionné qu’elle ne disposait ni de ce contrat ni d’informations plus précises à cet égard. Ensuite, elle a évoqué l’existence éventuelle d’un avantage économique octroyé à la requérante en indiquant que l’analyse qu’elle avait effectuée en ce qui concernait les contrats avec Ryanair et AMS était susceptible de s’appliquer mutatis mutandis au contrat conclu avec la requérante. Cette analyse concernait notamment l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché. En outre, elle a mentionné que les montants des subventions accordés à la requérante avaient été mentionnés dans la liste des subventions publiques fournie par la République française. La Commission a invité les autorités françaises à fournir des explications plus détaillées ainsi que des preuves que ces versements avaient été faits en conformité avec le critère de l’investisseur avisé.
70 L’allégation de la requérante selon laquelle la Commission a conduit un examen limité et unilatéral qui était fondé exclusivement sur les informations fournies par la CCIPB et par les autorités françaises doit être rejeté. En effet, la publication de l’avis au Journal officiel de l’Union européenne constituait un moyen adéquat pour faire connaître à la requérante la conduite d’une procédure à l’encontre du contrat de 2006 (voir point 45 ci-dessus).
71 De même, le fait que les autorités françaises n’aient pas transmis une copie de la décision d’extension à la requérante ne saurait être reproché à la Commission. En tout état de cause, une copie de cette décision avait été publiée au Journal officielde l’Union européenne.
72 Par ailleurs, par la publication d’un avis le 15 avril 2014 au Journal officiel (voir point 11 ci-dessus), la Commission a invité les parties intéressées à soumettre leurs commentaires, y compris dans la présente affaire, à la lumière de l’entrée en vigueur des lignes directrices de 2014. Ainsi, la requérante a eu l’opportunité de se prononcer sur les approches exposées dans les lignes directrices de 2014 aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, à savoir l’analyse comparative et l’analyse de rentabilité incrémentale. En outre, la requérante a été en mesure de s’exprimer sur la méthodologie retenue par la Commission, à savoir l’analyse de rentabilité incrémentale.
73 Il s’ensuit que, lors de la procédure formelle d’examen ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, la Commission n’a pas méconnu les droits procéduraux de la requérante.
74 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le premier moyen dans son intégralité.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que les aides d’État constatées ont erronément été imputées à la République française
75 La requérante relève que la Commission n’a pas considéré nécessaire d’établir que le contrat de 2006 était imputable à l’État au sens de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), au motif que la CCIPB elle-même était une autorité publique. Elle fait valoir que la Commission a erronément imputé la conclusion du contrat de 2006 à l’État. D’une part, la Commission aurait à tort qualifié la CCIPB d’autorité publique, dont toutes les décisions étaient imputables à l’État, et négligé son rôle d’entreprise (premier grief). D’autre part, la Commission se serait contredite dans son analyse de la nature de la CCIPB (second grief).
Sur le premier grief, tiré de la nature de la CCIPB
76 La requérante fait valoir que la Commission a, à tort, qualifié la CCIPB d’autorité publique et négligé son rôle d’entreprise. Tout d’abord, l’article L 710-1 du code de commerce français, invoqué par la Commission, ne préciserait pas le statut juridique exact des CCI, alors que le caractère hybride des CCI, remplissant un rôle d’organe de représentation des entreprises et d’entreprise indépendante, indiquerait qu’elles ne sont pas des autorités publiques. De plus, la Commission n’aurait apporté aucune preuve concrète que les activités commerciales des CCI, et notamment celles de la CCIPB, étaient secondaires, subordonnées à leurs missions d’intérêt général et uniquement conçues pour concourir à la réalisation de ces missions. Par ailleurs, le financement partiel des CCI par des recettes fiscales n’impliquerait aucune hiérarchie entre les missions publiques et les missions commerciales. Au contraire, la soumission des CCI au droit privé et à la juridiction des tribunaux civils contredirait plutôt leur qualification d’autorité publique.Enfin, même si les activités commerciales de la CCIPB étaient subordonnées à ses missions publiques, la gestion de l’aéroport de Pau serait néanmoins une activité commerciale, de sorte que la CCIPB aurait dû être considérée comme une entreprise.
77 La requérante en déduit que la Commission n’aurait pas suffisamment étayé sa conclusion selon laquelle la CCIPB devait être considérée comme une autorité publique, et non comme une entreprise. En raison de ce manque de justification, elle ne serait pas en mesure de vérifier si la Commission avait à juste titre refusé d’appliquer les indices de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294).
78 La Commission conteste cette argumentation.
79 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 1, TFUE déclare incompatible avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
80 À cet égard, il convient de rappeler que, pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (voir arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a., C‑345/02, EU:C:2004:448, point 35 et jurisprudence citée).
81 Il y a lieu de souligner qu’une intervention de l’État, ou au moyen de ressources d’État, ne doit pas nécessairement être une mesure arrêtée par le pouvoir central de l’État concerné. Elle peut tout aussi bien émaner d’une autorité infra-étatique. Selon une jurisprudence constante, une mesure prise par une collectivité territoriale et non par le pouvoir central est susceptible de constituer une aide dès lors que sont remplies les conditions posées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, EU:C:1987:437, point 17, et du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, point 55). En d’autres termes, les mesures prises par des entités infra-étatiques (décentralisées, fédérées, régionales ou autres) des États membres, quels que soient leur statut juridique et leur désignation, tombent, au même titre que les mesures prises par le pouvoir fédéral ou central, dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, si les conditions prévues par cette disposition sont remplies (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, points 108 et 110 et jurisprudence citée).
82 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que les principes fondamentaux de la législation française sur les CCI sont restés inchangés au cours de la période sous examen. Ainsi, les CCI sont des établissements publics institués par la loi, administrés par des dirigeants d’entreprises élus et placés sous la tutelle de l’État. De plus, le code de commerce français qualifie les CCI de corps intermédiaires de l’État, leur objectif premier étant d’accomplir les missions d’intérêt général que leur confie la loi, à savoir, pour l’essentiel, la représentation des intérêts de l’industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics, le soutien aux entreprises locales et le développement de l’attractivité et de l’aménagement des territoires. La décision attaquée explique également que les activités industrielles et commerciales des CCI, telles que la gestion d’équipements aéroportuaires, sont accessoires à l’exercice de leurs missions d’intérêt général et sont conçues pour concourir à la réalisation de celles-ci. Par ailleurs, la législation nationale prévoit des modalités de financement spécifiques pour les CCI. À cet égard, leurs ressources sont constituées de recettes fiscales, de subventions ou proviennent des activités de formation et de gestion d’infrastructures de transport, ce qui corroborerait le fait que leurs activités industrielles et commerciales sont accessoires à leurs missions d’intérêt général (considérants 265 à 270 de la décision attaquée).
83 En ce qui concerne la CCIPB, à laquelle la gestion de l’aéroport de Pau a été confiée, la décision attaquée s’est référée aux affirmations des autorités françaises selon lesquelles, pour la CCIPB, une activité commerciale telle que la gestion de l’aéroport de Pau n’était pas exercée dans une perspective de rentabilité, mais dans le but de concourir aux missions d’intérêt général dont elle a été investie, à savoir le développement de l’activité économique et de l’attractivité du territoire (considérants 271 à 273 de la décision attaquée).
84 Dans ce contexte, la Commission a pu considérer à juste titre, sur la base de tous ces éléments de fait, que les CCI, telles que la CCIPB, devaient être considérées comme des autorités publiques dont toutes les décisions, au même titre que celles de l’administration centrale de l’État ou des collectivités territoriales, étaient imputables à l’État (considérant 274 de la décision attaquée). À cet égard, conformément à la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus, le fait que le contrat de 2006 a été conclu par la CCIPB, donc par une entité infra-étatique et non par le pouvoir central, n’est pas, en lui-même, de nature à soustraire cette mesure du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
85 Ce résultat n’est pas contredit par les arguments de la requérante tirés de la nature hybride des CCI et du caractère économique de l’activité de gestion aéroportuaire de la CCIPB. D’une part, certes, cette dernière assure, au sein de son organisation, la gestion de l’aéroport de Pau et a décidé de conclure un contrat avec la requérante relatif à l’exploitation de lignes aériennes. S’il convient dès lors de considérer, sous cet aspect, la CCIPB comme ayant des activités économiques, à l’instar d’une entreprise (arrêt du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, point 93), il est toutefois constant que la gestion de l’aéroport de Pau a été intégrée dans les structures de la CCIPB, que la Commission a considérée sur la base d’un faisceau d’indices comme une autorité publique. Or, rien n’exclut qu’une activité économique soit exercée par un organe de l’État (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C‑41/90, EU:C:1991:161, point 21), quelle que soit d’ailleurs la position de cet organe dans l’organisation de l’État, qu’il appartienne à l’administration centrale ou qu’il soit une entité décentralisée, telle que la CCIPB.
86 D’autre part, dès lors que le contrat de 2006 avait été conclu par la CCIPB, qui est un organe d’État, il n’y avait pas lieu, pour la Commission, de déterminer l’imputabilité étatique au regard des critères de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294). En effet, cette jurisprudence a été fondée par la Cour sur le constat, figurant au point 52 de cet arrêt, qu’une entreprise publique pouvait agir avec plus ou moins d’indépendance, en fonction du degré d’autonomie qui lui était laissé par l’État, et que, dès lors, l’exercice effectif du contrôle de l’État dans un cas concret ne saurait être automatiquement présumé Or, la situation de la CCIPB est différente dans la mesure où cette entité, tout en exerçant une activité économique et en concluant le contrat de 2006, est un organe de l’État, au regard des éléments évoqués aux points 82 et 83 ci-dessus.
87 Par ailleurs, ces éléments retenus par la Commission pour conclure que la CCIPB constitue un organe de l’État, à savoir son statut d’établissement public, ses missions d’intérêt général et sa soumission à la tutelle étatique, correspondent à certains indices que la jurisprudence a identifiés comme pertinents pour imputer des mesures prises par une entreprise publique à l’État (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 56).
88 Enfin, la Commission a constaté, bien qu’à titre surabondant, dans la décision attaquée, qu’il n’y avait pas lieu de faire la distinction entre la CCIPB et le service spécifique de la CCIPB qui exerçait l’activité économique de gestion de l’aéroport de Pau, ce service n’ayant pas de personnalité juridique propre, distincte de la CCIPB, et n’étant qu’une partie des services internes de la CCIPB dépourvue d’une autonomie décisionnelle sauf pour ce qui touchait à la gestion quotidienne de l’aéroport de Pau. Ainsi, la Commission a constaté que les différents contrats de services aéroportuaires et de services marketing avaient été signés par le président de la CCIPB après avoir obtenu l’autorisation de l’assemblée générale de la CCIPB. De même, les autorités françaises n’ont pas soutenu que la conclusion du contrat de 2006 avec la requérante devait être imputée uniquement à ce service (considérant 280 de la décision attaquée).
89 Dans ces conditions, la Commission a pu considérer à bon droit que les mesures prises par la CCIPB, y compris la conclusion du contrat de 2006, étaient imputables à l’État.
90 Aucun des autres arguments avancés par la requérante n’est de nature à renverser cette conclusion.
91 En effet, en premier lieu, s’agissant du reproche de la requérante selon lequel la Commission n’apporte aucune preuve que les activités commerciales de la CCIPB sont secondaires et subordonnées à ses missions d’intérêt général, il y a lieu de relever que, d’une part, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas affirmé que les activités économiques de la CCIPB étaient d’une importance secondaire et que, d’autre part, la Commission a fondé le caractère accessoire desdites activités économiques par rapport aux missions d’intérêt général de la CCIPB aussi bien sur le dispositif législatif relatif aux CCI que sur les déclarations des autorités françaises (considérants 266 à 269 de la décision attaquée). Or, la requérante n’a apporté aucun élément permettant de remettre en cause cette analyse.
92 En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les CCI sont soumises au droit privé et aux compétences des tribunaux civils et commerciaux, il y a lieu de souligner que, tout en admettant que ce constat, pour autant qu’il soit correct, peut constituer un élément pertinent pour refuser à la CCIPB la qualification d’autorité publique, il ne constitue qu’un élément parmi d’autres pour apprécier la nature de l’entité concernée, qui ne remet pas, à lui seul, en cause la qualification d’autorité publique fondée sur tous les autres éléments évoqués par la décision attaquée (voir points 82 et 83 ci-dessus).
93 En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante tiré du financement partiel des CCI par des recettes fiscales, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission pouvait à suffisance de droit considérer que le financement des CCI par des recettes non commerciales tendait à corroborer le caractère accessoire des activités économiques par rapport aux missions d’intérêt général (voir considérant 270 de la décision attaquée).
94 En quatrième et dernier lieu, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante, tiré d’un défaut de justification ou de motivation, selon lequel elle n’était pas en mesure de vérifier si le refus de la Commission d’appliquer les indices de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), était justifié, cette dernière ayant erronément qualifié la CCIPB d’autorité publique, et non d’entreprise. En effet, la Commission a exposé, aux considérants 269 à 276 de la décision attaquée, de manière suffisamment claire en quoi la situation des CCI, combinant des missions d’intérêt général et l’exercice d’activités économiques, se distinguait de celle des entreprises publiques à propos desquelles la Cour avait rendu l’arrêt susvisé.
95 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier grief du deuxième moyen.
Sur le second grief, tiré de la motivation contradictoire de la décision attaquée
96 La requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que la Commission s’est contredite dans son analyse de la nature de la CCIPB. La décision attaquée contiendrait une contradiction à propos de la CCIPB. En effet, la Commission aurait considéré la CCIPB comme une autorité publique dans le cadre de l’examen de l’imputabilité du contrat de 2006 à l’État et, dans le même temps, comme une entreprise bénéficiaire d’une aide d’État aux fins de la même activité, à savoir la gestion de l’aéroport de Pau. De ce fait, la Commission aurait également commis une erreur de droit. La CCIPB ne pourrait pas, en sa qualité de gestionnaire de l’aéroport de Pau, être en même temps une composante de l’État et une entreprise bénéficiaire d’une aide à propos d’une même activité, ces deux qualifications s’excluant mutuellement. La requérante considère que cette contradiction entraîne un défaut de motivation qui ne lui permet pas d’identifier le critère sur le fondement duquel, dans la décision attaquée, la Commission a imputé la conclusion du contrat de 2006 à l’État.
97 La Commission conteste cette argumentation.
98 À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que, dans le cadre de l’examen des mesures accordées à la CCIPB en tant que gestionnaire de l’aéroport de Pau, la Commission a constaté que la CCIPB assurait l’exploitation commerciale des infrastructures et d’équipements aéroportuaires et que les subventions d’équipement qui lui avaient été octroyées en 2004 et en 2009 constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérants 488 et 531 de la décision attaquée).
99 Ensuite, il doit être relevé que, dans le cadre de l’examen des aides accordées à la requérante, la Commission s’est fondée sur de nombreux éléments, tels que le statut d’établissement public institué par la loi, l’accomplissement des missions d’intérêt général, le caractère accessoire des activités économiques et la tutelle étatique, pour en déduire que la CCIPB constituait une autorité publique dont le comportement était imputable à l'État (considérants 269 à 276 de la décision attaquée). Or, la conclusion du contrat de 2006 faisait partie de ce comportement.
100 Force est donc de constater que la Commission a considéré que la CCIPB, par son activité économique, bénéficiait d’aides d’État, en l’occurrence de subventions d’équipements, mais aussi qu’elle était une entité qui, considérée comme une entité publique, avait consenti à l’octroi d’une aide à la requérante, en l’occurrence par la conclusion du contrat de 2006.
101 Néanmoins, les aides d’État en cause étant distinctes, et ayant d’ailleurs fait l’objet d’un examen séparé dans la décision attaquée, il ne saurait être considéré, comme le prétend la requérante, que les qualifications de bénéficiaire d’aide et d’entité considérée comme une autorité publique soient, en l’occurrence, incompatibles. En effet, une entité publique peut être bénéficiaire d’une aide d’État, dès lors qu’il s’agit d’une entreprise active sur un marché. Toutefois, rien n’exclut que l’établissement public, ayant été investi des missions d’intérêt général sous la tutelle de l’État et exerçant, dans ce cadre, une activité économique, puisse non seulement être considéré comme une autorité publique, mais également, dans le contexte d’une mesure distincte, accorder une aide à des entreprises, telles que la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, points 143 et 145).
102 À cet égard, il convient de rappeler que rien n’empêche qu’une activité économique soit exercée par un organe de l’État (arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C‑41/90, EU:C:1991:161, point 21). De même, le fait qu’une entité exerce à la fois des activités économiques et des activités qui ne le sont pas n’empêche pas de la qualifier d’entreprise au sens des règles sur les aides d’État en ce qui concerne les premières activités (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, EU:C:2002:617, point 74).
103 De plus, l’intégration d’une entité, telle que l’exploitant d’un aéroport, dans les structures de l’administration publique ne s’oppose pas à ce que cette entité puisse bénéficier d’une aide. En effet, il convient de rappeler que l’existence ou non d’une personnalité juridique distincte de celle de l’État, attribuée par le droit national à un organe exerçant des activités économiques, est sans influence sur l’existence de relations financières entre l’État et cet organe et, partant, sur la possibilité pour ledit organe de bénéficier d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, points 128 et 129 et jurisprudence citée).
104 Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, la décision attaquée n’est pas entachée d’une contradiction ni d’une erreur de droit ou d’un défaut de motivation en ce qu’elle qualifie la CCIPB à la fois de bénéficiaire d’aide et d’autorité publique.
105 Dès lors, il y a lieu d’écarter le second grief du deuxième moyen et, au vu de tout ce qui précède, de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et d’une insuffisance de motivation en ce que le critère de l’opérateur en économie de marché a été appliqué de manière erronée
106 Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas correctement appliqué le critère de l’opérateur en économie de marché et, de ce fait, a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ce moyen est divisé en deux branches. D’une part, la Commission aurait notamment insuffisamment motivé son choix d’appliquer l’analyse de rentabilité incrémentale au lieu de l’analyse comparative. D’autre part, elle aurait notamment commis des erreurs manifestes d’appréciation dans la réalisation de l’analyse de rentabilité incrémentale et la décision attaquée serait, en outre, entachée d’une insuffisance de motivation sur ce point.
107 La Commission rejette cette argumentation.
108 Avant d’examiner les deux branches du présent moyen, il convient de rappeler à titre liminaire que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité FUE, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 87 et jurisprudence citée).
109 La Cour a néanmoins jugé que le contrôle juridictionnel était limité, en ce qui concernait la question de savoir si une mesure entrait dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lorsque les appréciations portées par la Commission présentaient un caractère technique ou complexe (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 88).
110 À cet égard, lorsqu’il y a lieu, pour la Commission, afin de vérifier si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’appliquer le critère de l’investisseur privé avisé dans une économie de marché, l’usage de ce critère implique, en général, de la part de la Commission une appréciation économique complexe (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 89).
111 Toutefois, bien qu’il n’appartienne pas au Tribunal de substituer sa propre appréciation économique à celle de la Commission, il ressort d’une jurisprudence désormais constante de la Cour que le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 91 et jurisprudence citée).
Sur la première branche, tirée de ce que la Commission a insuffisamment motivé son choix d’appliquer l’analyse de rentabilité incrémentale au lieu de l’analyse comparative
112 La requérante fait valoir que la Commission a insuffisamment motivé son choix d’appliquer l’analyse de rentabilité incrémentale au lieu de l’analyse comparative.
113 Dans la décision attaquée, la Commission a rappelé que le paragraphe 53 des lignes directrices de 2014 prévoyait deux méthodes d’appréciation aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché :
– l’analyse comparative selon laquelle une aide en faveur d’une compagnie aérienne utilisant un aéroport pouvait, en principe, être exclue dès lors que le prix facturé pour les services aéroportuaires correspondait au prix du marché ;
– l’analyse de rentabilité incrémentale selon laquelle l’existence d’une telle aide pouvait être exclue s’il pouvait être démontré, au moyen d’une analyse ex ante, que l’accord entre l’aéroport et la compagnie aérienne entraînerait pour l’aéroport un apport marginal positif aux recettes (considérant 359 de la décision attaquée).
114 La Commission a également rappelé que, dans les lignes directrices de 2014, elle exprimait le doute qu’il soit actuellement possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services aéroportuaires. Elle a dès lors estimé qu’une analyse de rentabilité incrémentale constituait le critère le plus pertinent aux fins de l’appréciation des accords conclus par les aéroports avec les compagnies aériennes (considérant 361 de la décision attaquée).
115 Aux considérants 362 à 369 de la décision attaquée, la Commission s’est, en outre, fondée en substance sur les considérations suivantes pour écarter l’analyse comparative :
– la structure des coûts et des recettes tend à différer fortement d’un aéroport à un autre (considérant 362 de la décision attaquée) ;
– la libéralisation du marché du transport aérien complique toute analyse strictement comparative ; les relations commerciales entre aéroports et compagnies aériennes présentent une grande variété et sont donc peu comparables sur la base d’un prix par rotation ou par passager (considérant 363 de la décision attaquée) ;
– ni les autorités françaises ni aucun tiers intéressé n’ont proposé d’échantillon d’aéroports suffisamment comparables à l’aéroport de Pau qui puisse être utilisé à titre de comparaison dans la présente affaire (considérant 365 de la décision attaquée) ;
– une analyse comparative aurait été de toute façon impraticable dans le cas d’espèce, puisque les transactions à analyser sont des ensembles complexes formés par un contrat de services aéroportuaires et un contrat de services marketing (considérant 366 de la décision attaquée) ;
– ainsi, une comparaison des seules redevances aéroportuaires facturées par la CCIPB aux compagnies aériennes concernées avec les redevances aéroportuaires facturées dans d’autres aéroports ne fournirait aucune indication utile et la recherche d’un échantillon de transactions comparables, comprenant des prestations marketing et des services d’assistance en escale équivalents, relèverait de l’impossible (considérant 367 de la décision attaquée) ;
– même s’il peut être établi que les prix en cause dans les différentes transactions sont équivalents ou supérieurs au prix du marché, les transactions en cause ne sauraient être conformes au prix du marché si l’opérateur en économie de marché s’attend à ce qu’elles engendrent des coûts incrémentaux supérieurs aux recettes incrémentales (considérant 368 de la décision attaquée).
116 Dans ces conditions, la Commission a considéré que l’approche préconisée en général dans les lignes directrices de 2014, à savoir l’analyse de la rentabilité incrémentale, devait être appliquée en l’espèce (considérant 370 de la décision attaquée).
117 Il convient d’examiner, au regard des arguments de la requérante, si la Commission pouvait à bon droit écarter l’analyse comparative et si elle a suffisamment motivé sa décision sur ce point.
118 En premier lieu, la requérante fait valoir qu’il existe une certaine hiérarchie entre les méthodes de l’analyse comparative et de l’analyse de rentabilité incrémentale. Selon la jurisprudence, la Commission ne pourrait s’appuyer sur l’analyse de rentabilité incrémentale que s’il n’est pas possible d’appliquer l’analyse comparative. Aux fins de vérifier si l’avantage accordé à une entreprise fausse la concurrence, l’analyse comparative serait la méthode la plus appropriée, puisque l’apport marginal positif pour le donneur de l’aide serait également influencé par des facteurs qui sont indépendants de tout avantage pour l’entreprise telle que l’efficacité de l’activité du donneur de l’aide.
119 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que les conditions que doit remplir une mesure pour relever de la notion d’« aide » au sens de l’article 107 TFUE ne sont pas satisfaites si l’entreprise bénéficiaire pouvait obtenir le même avantage que celui qui a été mis à sa disposition au moyen de ressources d’État dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché (arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 78, et du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 70). Cette appréciation s’effectue en principe par l’application du critère de l’opérateur en économie de marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 71).
120 En vue de déterminer si une mesure étatique constitue une aide, il y a lieu d’apprécier si, dans des circonstances similaires, un opérateur en économie de marché, d’une taille qui puisse être comparée à celle des organismes gérant le secteur public, aurait pu être amené à conclure le contrat en cause (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, points 40 et 42).
121 Toutefois, déterminer si un opérateur en économie de marché aurait procédé à un arrangement tel que celui en cause ne saurait nécessairement impliquer pour la Commission l’obligation d’utiliser la méthode de l’analyse comparative. En effet, cette méthode ne constitue qu’un instrument analytique parmi d’autres en vue de déterminer si l’entreprise bénéficiaire a reçu un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, points 43 et 44).
122 En effet, le choix de l’instrument approprié appartient à la Commission dans le cadre de son obligation de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte, y compris de la situation de l’entreprise bénéficiaire et du marché concerné, pour vérifier si l’entreprise bénéficiaire a perçu un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, points 251 et 258, et du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 45).
123 En l’espèce, sans qu’il ne soit besoin d’apprécier à ce stade si la Commission a suffisamment motivé son refus de réaliser une analyse comparative, il y a lieu de considérer qu’elle pouvait donc sans commettre d’erreur analyser de manière circonstanciée, aux considérants 359 à 372 de décision attaquée, quelle était, dans le cas d’espèce, la méthode la plus appropriée à choisir aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé. Ainsi, doutant qu’il soit actuellement possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services aéroportuaires et tenant compte des considérations liées à la divergence des coûts et des recettes entre aéroports, de la faible comparabilité des transactions entre aéroports et compagnies aériennes, de la difficulté de trouver un échantillon d’aéroports et de transactions comparables et de la fourniture des services à un prix conduisant à une perte incrémentale, la Commission a retenu la méthode de l’analyse de rentabilité incrémentale tout en écartant celle de l’analyse comparative.
124 Cette approche de la Commission n’est pas infirmée par la jurisprudence invoquée par la requérante, à savoir l’arrêt du 3 juillet 2003, Chronopost e.a./Ufex e.a. (C‑83/01 P, C‑93/01 P et C‑94/01 P, EU:C:2003:388, points 38 et 39), selon laquelle, en l’absence de toute possibilité de comparer la situation d’une entreprise publique avec celle d’une entreprise privée n’opérant pas dans un secteur réservé, les conditions normales de marché, qui sont nécessairement hypothétiques, doivent s’apprécier par référence aux éléments objectifs et vérifiables qui sont disponibles, tels que les coûts supportés par l’entreprise publique. En effet, cette jurisprudence doit être lue dans le contexte des circonstances de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, à savoir l’impossibilité d’appliquer une analyse comparative et donc l’absence de choix entre une telle analyse et d’autres méthodes. Par conséquent, dans l’arrêt susmentionné, contrairement à ce que la requérante soutient, la Cour ne s’est pas prononcée sur l’existence d’une hiérarchie entre l’analyse comparative et d’autres méthodes, mais a uniquement constaté l’impossibilité de recourir à une analyse comparative dans le cas d’espèce.
125 Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante liée à l’existence d’une certaine hiérarchie entre l’analyse comparative et l’analyse de rentabilité incrémentale doit être rejetée.
126 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée quant à l’appréciation de la Commission selon laquelle il n’était pas possible d’appliquer l’analyse comparative dans le cas des services aéroportuaires.
127 Premièrement, la requérante fait valoir que la Commission n’a présenté aucun élément factuel démontrant que la situation de l’aéroport de Pau était effectivement si différente de celle des autres aéroports européens qu’il était impossible de déterminer un prix de marché. En outre, les compagnies aériennes elles-mêmes, telles que la requérante, compareraient les coûts par rotation ou par passager des aéroports pour décider d’ajouter ou non une destination à leur réseau.
128 À cet égard, il y a lieu de relever que, pour considérer que l’analyse comparative ne pouvait être retenue dans le cas des services aéroportuaires, la Commission a constaté, au considérant 362 de la décision attaquée, que la structure des coûts et des recettes tendait à différer fortement d’un aéroport à un autre et, à l’appui de cette constatation, a énuméré une série d’indicateurs de divergence. En outre, la Commission a constaté, au considérant 363 de la décision attaquée, que, comme le cas d’espèce en témoignait, les relations commerciales entre aéroports et compagnies aériennes ne reposaient pas forcément sur une liste de prix publics en regard de prestations individuelles, mais présentaient une grande variété et que, en conséquence, les transactions étaient peu comparables sur la base d’un prix par rotation ou par passager. Par ailleurs, la Commission a considéré au considérant 365 de la décision attaquée qu’aucun tiers intéressé n’avait proposé un échantillon d’aéroports de comparaison qui puissent être utilisés dans la présente affaire et qui soient suffisamment comparables à l’aéroport de Pau.
129 Par conséquent, la Commission a présenté des éléments factuels démontrant le manque de comparabilité, d’une part, entre les aéroports, dont celui de Pau, et, d’autre part, entre les transactions passées par les aéroports avec les compagnies aériennes.
130 Le fait queles compagnies aériennes elles-mêmes, telles que la requérante, comparent les coûts par rotation ou par passager des aéroports pour décider d’ajouter ou non une destination à leur réseau ne remet pas en cause ces éléments factuels, tels que constatés par la Commission.
131 Partant, il y a lieu d’écarter l’argumentation de la requérante.
132 Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’analyse de la Commission selon laquelle les accords entre aéroports et compagnies aériennes sont trop complexes pour que puisse être appliqué le critère de l’opérateur en économie de marché est dépourvue de fondement. Comme la Commission l’aurait reconnu elle-même, ces accords portaient sur différents services avec des prix correspondants, à savoir le prix des services d’assistance en escale et le prix des prestations marketing, et le prix de chacun de ces services pouvait être comparé au prix du marché. La décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée quant à l’appréciation de la Commission selon laquelle les accords entre les aéroports et les compagnies aériennes seraient si différents qu’ils rendaient toute comparaison impossible.
133 Cette argumentation ne saurait prospérer.
134 Certes, la Commission a constaté au considérant 366 de la décision attaquée que les transactions à analyser comportaient plusieurs prix, à savoir les diverses redevances aéroportuaires, le prix des services d’assistance en escale et le prix des prestations marketing. Toutefois, cette constatation s’inscrit dans l’analyse selon laquelle les transactions en cause sont des ensembles complexes formés par un contrat de services aéroportuaires et un contrat de services marketing, parfois réunis par un seul support juridique, et que chacune de ces transactions engendre un ensemble complexe de flux financiers entre le gestionnaire de l’aéroport et la compagnie aérienne et ses filiales, formé par les recettes provenant des redevances aéroportuaires, les recettes liées aux services d’assurances en escale et les recettes liées aux prestations marketing.
135 La Commission en a déduit au considérant 367 de la décision attaquée qu’une comparaison des seules redevances aéroportuaires facturées par la CCIPB aux compagnies aériennes concernées avec les redevances aéroportuaires facturées dans les aéroports de comparaison ne fournirait aucune indication utile quant au respect du critère de l’opérateur en économie de marché et que, pour appliquer une analyse comparative valable aux transactions, il faudrait à tout le moins trouver dans les aéroports de l’échantillon de comparaison un ensemble de transactions comparables, comprenant en particulier des prestations marketing équivalentes et des services d’assistance en escale équivalents. D’après la Commission, la recherche d’un tel échantillon de transactions comparables relèverait de l’impossible, tant sont complexes et spécifiques les transactions faisant l’objet de l’appréciation, et ce d’autant plus que les prix des services d’assistance en escale et des services marketing sont rarement des données publiques et seraient difficilement accessibles pour constituer une base de comparaison.
136 Par ailleurs, il ressort du dossier que le contrat de 2006 comporte la fourniture de services aéroportuaires et de services marketing, engendrant des flux financiers entre la CCIPB et la requérante.
137 D’ailleurs, l’exigence de la Commission que les transactions en cause, étant des ensembles complexes de services, soient comparées avec un échantillon de transactions comparables est conforme à la jurisprudence selon laquelle, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, il est nécessaire d’envisager la transaction commerciale dans son ensemble en vue de vérifier si l’entité étatique s’est comportée comme un opérateur rationnel en économie de marché. En effet, la Commission a l’obligation de tenir compte, dans l’évaluation des mesures litigieuses, de tous les éléments pertinents et de leur contexte (voir arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 59 et jurisprudence citée).
138 La requérante n’a apporté aucun élément concret remettant en cause cette approche de la Commission.
139 Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante selon laquelle la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée quant à l’appréciation de la Commission selon laquelle les contrats entre aéroports et compagnies aériennes ne sont pas comparables.
140 Troisièmement, la requérante fait valoir que la constatation par la Commission, au considérant 363 de la décision attaquée, que les pratiques commerciales entre les aéroports et les compagnies aériennes ne reposent pas forcément sur une liste de prix publics en regard des prestations individuelles n’empêche pas d’utiliser ces listes pour l’analyse comparative. Les prix réels étant, en raison des réductions obtenues, inférieurs aux prix publics pour les services aéroportuaires, un accord ne serait pas plus favorable que les prix publics et ne serait pas dès lors, par hypothèse, plus favorable que les prix effectifs du marché.
141 À cet égard, il suffit de constater que le niveau plus bas des prix négociés ne suffit pas en soi pour considérer qu’une analyse comparative sur la base des listes de prix publics constitue une approche valable. Comme il a été exposé aux points 134 à 138 ci-dessus, les transactions commerciales, telles que celles conclues entre la CCIPB et la requérante, ne peuvent utilement être comparées en se limitant aux listes de prix publics des services aéroportuaires fournis par les aéroports de comparaison et excluant, de ce fait, la prise en compte notamment de la rémunération des services marketing. Comme la Commission le relève à juste titre, la rémunération des services marketing perçue par la requérante joue un rôle important dans l’économie du contrat de 2006.
142 En troisième lieu, la requérante fait valoir que laCommission était à même d’appliquer l’analyse comparative pour les ports maritimes, mais pas pour les aéroports de l’Union.
143 À cet égard, il suffit de rappeler que la notion d’aide d’État revêt un caractère juridique et doit être interprétée uniquement sur la base de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et non sur la base de toute pratique administrative antérieure de la Commission, à la supposer établie (voir arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 46 et jurisprudence citée).
144 En quatrième lieu, la requérante fait valoir, dans la réplique, qu’il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait recherché s’il existait suffisamment d’aéroports privés qui permettraient de définir un critère de référence. Le fait que l’analyse comparative n’a été proposée par aucune partie intéressée ne suffirait pas pour l’écarter au profit de l’analyse de rentabilité incrémentale.
145 À cet égard, il convient de relever que ce moyen vise l’étendue des obligations d’enquête incombant à la Commission lorsqu’elle est appelée à appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché au contrat de 2006.
146 Conformément à la jurisprudence, la Commission a l’obligation, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, de tenir compte, dans l’évaluation d’une mesure, de tous les éléments pertinents et de son contexte (voir arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 59 et jurisprudence citée).
147 À cet égard, doit être considérée comme étant pertinente toute information susceptible d’influencer de manière non négligeable le processus décisionnel d’un opérateur en économie de marché privé normalement prudent et diligent, se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État membre concerné (voir, par analogie, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 60).
148 Il convient également de rappeler que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 70).
149 Or, les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » incluent ceux qui apparaissaient pertinents pour l’évaluation à effectuer conformément à la jurisprudence rappelée au point 147 ci-dessus et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 71).
150 En l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever que, dans la décision d’ouverture, la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations.
151 Il ressort de la décision attaquée que, lors de la procédure administrative, Ryanair a soutenu, dans une étude du 9 avril 2013, qu’il était possible d’appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché en se fondant sur une comparaison avec les pratiques commerciales d’autres aéroports européens (considérant 364 de la décision attaquée) et qu’aucun tiers intéressé n’avait proposé à la Commission d’échantillon d’aéroports de comparaison qui puissent être utilisés dans la présente affaire et qui soient comparables à l’aéroport de Pau (considérant 365 de la décision attaquée).
152 En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la Commission a expliqué qu’elle s’était fondée sur l’information produite par les parties intéressées, dont notamment les rapports présentés par Ryanair, et qu’elle avait considéré cette information suffisante.
153 Deuxièmement, contrairement à ce que suggère la requérante, il ressort de la décision attaquée que le fait que les tiers intéressés n’aient pas proposé d’échantillon d’aéroports de référence qui puisse être utilisé n’était pas la seule raison justifiant de ne pas retenir un tel échantillon.
154 Ainsi, la Commission a indiqué dans la décision attaquée que, même si un tel échantillon avait été disponible, une analyse comparative était de toute façon impraticable en raison notamment du fait que les transactions en cause étaient des ensembles complexes de services et des flux financiers, qu’il faudrait trouver dans les aéroports de l’échantillon un ensemble de transactions comparables, que la recherche d’un tel échantillon de transactions comparables relèverait de l’impossible en raison de leur complexité ainsi que de la spécificité et du caractère non publique des données de prix et que, en tout état de cause, un opérateur en économie de marché n’aurait pas intérêt à offrir des services ou des biens à des prix conduisant à une perte incrémentale (voir considérants 366 à 368 de la décision attaquée).
155 Troisièmement, il ressort de la décision attaquée et des observations de la Commission lors de l’audience que l’approche de celle-ci s’inscrit dans le cadre de ses doutes, exprimés dans les lignes directrices de 2014, qu’il soit possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services fournis par les aéroports.
156 Dans ces conditions, la Commission a pu choisir, dans le cas d’espèce, de procéder à une analyse de rentabilité incrémentale plutôt qu’à une analyse comparative, sans devoir obtenir, sur sa demande, de plus amples informations sur l’existence d’aéroports suffisamment comparables à l’aéroport de Pau. Partant, l’argument de la requérante doit être écarté.
157 En cinquième lieu, la requérante fait valoir que la Commission a fondé son choix de l’analyse de rentabilité incrémentale sur les lignes directrices de 2014. Or, ces lignes directrices n’étaient pas encore entrées en vigueur au moment de la signature du contrat de 2006, et n’étaient donc pas applicables pour apprécier le contrat de 2006 sous l’angle du critère de l’opérateur en économie de marché. Leur application serait inconciliable avec le principe de sécurité juridique. Les lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’État au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux, publiées au Journal officiel de l’Union européenne le 9 décembre 2005 (JO 2005, C 312, p. 1, ci-après les « lignes directrices de 2005 »), qui étaient applicables à l’époque, ne comportaient aucune indication sur l’application de ce critère. Dès lors, les lignes directrices applicables au litige ne permettaient pas de déterminer un mode d’évaluation.
158 À cet égard, il y a lieu de constater que, aux termes du paragraphe 171 des lignes directrices de 2014, celles-ci s’appliquent à partir du 4 avril 2014 et remplacent les lignes directrices de 1994 sur l’aviation, intitulées « Application des articles 92 et 93 du traité CE et de l’article 61 de l’accord EEE aux aides d’État dans le secteur de l’aviation », publiées au Journal officiel des Communautés européennes le 10 décembre 1994 (JO 1994, C 350, p. 5), ainsi que les lignes directrices de 2005 à compter de cette date.
159 Cependant, par un avis publié au Journal officiel du 15 avril 2014 (voir point 11 ci-dessus), compte tenu de l’entrée en vigueur des lignes directrices de 2014, la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures à l’égard desquelles elle avait ouvert les procédures formelles d’examen, y compris celle concernant l’aéroport de Pau. La Commission explique aux paragraphes 54 à 66 des lignes directrices de 2014 les raisons pour lesquelles elle estime que l’analyse de rentabilité incrémentale constitue le critère le plus pertinent aux fins de l’appréciation des arrangements conclus entre les aéroports et les compagnies aériennes.
160 Dès lors, même si le contrat de 2006 entre la requérante et la CCIPB a été conclu avant l’entrée en vigueur des lignes directrices de 2014, force est de constater que la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles elle considérait que l’analyse de rentabilité incrémentale devait en principe être préférée à l’analyse comparative et a, par ailleurs, mis les parties intéressées, y compris la requérante, en mesure de faire connaître leur point de vue à cet égard.
161 En outre, le choix de la méthode appropriée, entre l’analyse comparative ou l’analyse de rentabilité incrémentale, pour appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché relève de la notion objective de l’aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ainsi, il appartient à la Commission, dans le cadre de son obligation de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’arrangement concerné et de son contexte, pour vérifier si l’entreprise bénéficiaire a perçu un avantage qu’elle n’aurait pas obtenu dans les conditions normales de marché (voir point 122 ci-dessus), de choisir la méthode la plus appropriée compte tenu des circonstances de l’espèce aux fins de l’application dudit critère, les lignes directrices de 2014 constituant à cet égard un élément de contexte au regard duquel la décision attaquée a été prise.
162 Dès lors, le fait que la Commission s’est référée aux lignes directrices de 2014 afin de choisir la méthode appropriée pour appliquer le critère de l’opérateur en économie de marche ne saurait être critiqué, même si le contrat de 2006 a été conclu avant l’entrée en vigueur des lignes directrices de 2014.
163 Partant, l’argument de la requérante concernant les lignes directrices de 2014 doit être rejeté.
164 Il résulte de ce qui précède que la première branche du troisième moyen doit être rejetée.
Sur la seconde branche, tirée d’un manquement de la Commission à son obligation de diligence et d’impartialité, des erreurs manifestes d’appréciation et de la motivation insuffisante de la décision attaquée quant à l’analyse de rentabilité incrémentale
165 La requérante fait valoir que, en réalisant l’analyse de rentabilité incrémentale, la Commission a manqué à son obligation de diligence et d’impartialité et commis des erreurs manifestes d’appréciation. De plus, la Commission n’aurait pas suffisamment motivé ses conclusions.
166 En particulier, la requérante invoque quatre griefs, tirés, premièrement, du fait que la Commission s’est comportée de manière négligente en ne prenant pas contact avec l’expert-comptable qui avait contrôlé le plan d’affaires, deuxièmement, du fait que la Commission a envisagé un horizon temporel trop court, troisièmement, de ce que la Commission n’a erronément pas pris en compte les motifs de la CCIPB sous-tendant la conclusion du contrat de 2006 et, quatrièmement, de ce que la Commission n’a pas indiqué clairement les revenus et les avantages qu’elle avait pris en compte.
167 Étant donné que le quatrième grief porte sur un défaut de motivation, il convient de l’examiner avant les trois autres griefs, après quoi seront examinés les premier, troisième et deuxième griefs.
168 Dans la décision attaquée, la Commission rappelle que la CCIPB a préparé un plan d’affaires en amont de la conclusion du contrat de 2006 au sujet de la liaison Pau-Amsterdam. Elle considère que ce plan d’affaires constitue un point de départ approprié afin d’appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché au contrat de 2006 et qu’elle n’a pas de raison de mettre en cause les hypothèses retenues, sauf sur un point, à savoir l’horizon temporel retenu dans l’évaluation (considérant 434 de la décision attaquée). Il ressort de la décision attaquée que, tout en retenant un horizon temporel de sept ans et en n’appliquant pas de taux d’actualisation aux flux annuels prévisionnels pour le calcul de la valeur actualisée nette, le plan d’affaires prévoyait que l’investissement ne devenait rentable qu’à partir de la septième année (considérants 435 et 436 de la décision attaquée).
169 De plus, la Commission expose dans la décision attaquée qu’elle a invité les autorités françaises à procéder à une analyse élaborée en s’appuyant sur les informations objectives connues de la CCIPB au moment de la conclusion du contrat de 2006. Ainsi, ces autorités ont pris le « résultat financier annuel » du plan d’affaires et en ont déduit l’impôt sur les sociétés pour les années où les flux étaient positifs, puis elles ont appliqué un taux d’actualisation de 6,5 % et ont obtenu une valeur actualisée nette de -100 000 à -200 000 euros, calculée à la date prévue d’ouverture de la ligne Pau-Amsterdam (considérants 437 et 438 de la décision attaquée).
170 Toutefois, la Commission considère que tant le plan d’affaires que le calcul des autorités françaises reposent sur une estimation de rentabilité sur la période de 2006 à 2012, alors que le contrat de 2006ne devait s’appliquer, selon ses propres termes, que jusqu’en 2009 et que l’analyse de rentabilité prévisionnelle devait être faite sur la période initiale d’application du contrat de 2006. Elle note qu’une valeur actualisée nette recalculée pour la période de 2006 à 2009, en se fondant sur les flux annuels présentés dans le plan d’affaires pour ces années seulement et en utilisant le taux d’actualisation proposé par les autorités françaises, serait de - 300 000 à -400 000 euros (considérant 439 de la décision attaquée).
171 Enfin, en ce qui concerne spécifiquement l’évaluation des recettes et des coûts, la version non confidentielle de la décision attaquée, à laquelle la requérante a eu accès, indique, dans le tableau no 12, intitulé « Plan d’affaires adapté, pour la liaison Amsterdam-Pau avec Transavia », figurant sous le considérant 440 de ladite décision, les montants du trafic (passagers) pour les années 2006 à 2012 et le montant de la valeur actualisée nette pour la période de 2006 à 2009, s’élevant à -300 000 à -400 000 euros. En revanche, il y a lieu de constater que les autres données figurant dans le tableau, à savoir les recettes, les coûts, le résultat financier annuel, le résultat cumulé, les impôts sur les sociétés et le flux financier incrémental après ces impôts, ont été occultées.
– Sur le manque de précision des revenus et des avantages de l’aéroport de Pau pris en compte dans l’analyse de rentabilité incrémentale
172 La requérante fait valoir que la décision attaquée est insuffisamment motivée, étant donné qu’elle n’indique pas clairement les revenus et les avantages du plan d’affaires qui ont été pris en compte pour calculer le résultat financier de l’aéroport de Pau. Ainsi, elle ne serait pas en mesure de vérifier si la Commission a tenu compte de tous les revenus pertinents de cet aéroport lorsqu’elle a examiné le contrat de 2006 au regard du critère de l’opérateur en économie de marché. À cet égard, la requérante relève que le contrat de 2006 a généré divers types de revenus pour l’aéroport de Pau, tels que les montants qu’elle a payés pour l’utilisation de l’infrastructure de l’aéroport, les recettes provenant des dépenses des passagers dans les magasins de l’aéroport et les profits d’activités liées aux aires de stationnement et aux transports en taxi. En outre, le contrat de 2006 pourrait procurer d’autres avantages à l’aéroport liés aux « effets externes » provenant de l’augmentation du nombre de compagnies aériennes opérant sur l’aéroport, rendant celui-ci plus attractif pour d’autres parties, telles que des compagnies aériennes et des magasins, et laissant présager une augmentation de revenus.
173 En réponse à une question du Tribunal, la requérante ajoute qu’elle ne dispose pas de suffisamment d’informations sur les recettes et les coûts pris en compte par la Commission pour déterminer le montant de l’avantage dont elle aurait bénéficié. Il en serait ainsi tant pour le montant total des coûts et des recettes et pour les types de coûts et de recettes pris en compte que pour la manière dont ces coûts et ces recettes ont été imputés au contrat de 2006.
174 La Commission rétorque que le troisième moyen porte sur une violation alléguée de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et non sur une violation de l’article 296 TFUE. Le grief de la requérante reviendrait précisément à considérer que la décision attaquée n’a pas été motivée à suffisance de droit. À supposer que ce grief soit déclaré recevable, la Commission relève que les recettes prévues dans le plan d’affaires comprennent tant les redevances aéroportuaires que les revenus extra-aéronautiques. Cette pratique serait habituelle dans le secteur et conforme aux lignes directrices de 2014, qui prescrivent expressément que ce type de revenus doit être pris en compte. Dans ces circonstances, la Commission estime qu’elle n’était pas tenue de l’indiquer explicitement dans la décision attaquée.
175 À titre liminaire, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission. En effet, même si le grief tiré de l’absence d’indication claire des revenus et des avantages est indiqué dans la section de la requête se rapportant au moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il y a lieu de constater que ce grief fait valoir que l’absence de précision des revenus et des avantages dans la décision attaquée ne permet pas à la requérante de vérifier si la Commission a bien examiné le contrat de 2006 au regard du critère de l’opérateur en économie de marché, de sorte que la Commission aurait insuffisamment motivé sa conclusion selon laquelle le contrat de 2006 comportait des mesures d’aide en faveur de la requérante.
176 Par conséquent, contrairement à ce que prétend la Commission, le grief de la requérante porte sur une violation de l’article 296 TFUE. De plus, il ressort dudit grief qu’il est demandé au Tribunal de contrôler le respect de l’obligation de motivation, et non la légalité au fond des motifs. Il s’ensuit que, dans le cadre du présent grief, les arguments visant à contester le bien-fondé de la décision attaquée sont inopérants et dénué de pertinence. (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2016, Simet/Commission, T‑15/14, EU:T:2016:124, point 130).
177 En ce qui concerne le bien-fondé de ce grief concernant la motivation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63, et du 27 avril 2017, Germanwings/Commission, T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289, point 32).
178 Cela étant, un défaut de motivation ne saurait être justifié par l’obligation édictée à l’article 339 TFUE de respecter le secret professionnel. Conformément à la jurisprudence, l’obligation de respecter les secrets d’affaires ne saurait être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’exigence de motivation de son contenu essentiel (arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 48).
179 En l’espèce, il convient de constater que la Commission ne précise pas aux considérants 434 à 440 de la décision attaquée, qui appliquent le critère de l’opérateur en économie de marché au contrat de 2006, les éventuels avantages provenant du contrat de 2006, ni les types de recettes et de coûts du plan d’affaires pris en compte pour calculer le résultat financier de l’aéroport de Pau. Cette partie de la décision attaquée ne détaille pas non plus le montant pour chaque type de recettes et de coûts. De plus, même si la Commission indique dans le tableau no 12 de la décision attaquée les montants du trafic de passagers pour les années 2006 à 2012 et le montant de la valeur actualisée nette pour la période de 2006 à 2009, elle occulte toutes les autres données dans ce tableau, et notamment les montants totaux des recettes et des coûts.
180 Toutefois, l’absence de précision tant des avantages que des types de recettes et de coûts et de leurs montants dans cette partie de la décision attaquée ne permet pas de conclure à un défaut de motivation au sens de l’article 296 TFUE.
181 En effet, en premier lieu, il convient de souligner que l’analyse de la Commission par laquelle elle a appliqué le critère de l’opérateur en économie de marché au contrat de 2006 fait partie de la section 8.1.1.2 (considérants 282 à 440) de la décision attaquée, dans laquelle la Commission a examiné si Ryanair et AMS ainsi que la requérante avaient bénéficié d’un avantage sélectif en concluant des contrats avec le gestionnaire de l’aéroport. Dans cette section, la Commission a tout d’abord indiqué au considérant 283 de la décision attaquée que, pour apprécier si l’entreprise bénéficiaire avait reçu un avantage économique, il convenait d’appliquer aux mesures en question le critère de l’opérateur en économie de marché. Elle a souligné que ce critère consistait à déterminer si un opérateur hypothétique agissant à la place de la CCIPB et guidé par des perspectives de rentabilité aurait conclu un contrat semblable. La Commission a ensuite analysé, dans un premier temps, une série de questions d’ordre général afin d’appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché correctement (considérants 284 à 380 de la décision attaquée) et, dans un second temps, l’application de ce critère aux contrats en cause, et notamment au contrat de 2006 (considérants 434 à 440 de la décision attaquée).
182 Ainsi, dans un premier temps, la Commission a considéré que l’une des questions générales à examiner était de savoir quels bénéfices un opérateur en économie de marché aurait pu attendre des contrats de services marketing. Elle a constaté, aux considérants 332 à 358 de la décision attaquée, que le seul bénéfice tangible que cet opérateur pourrait attendre d’un tel contrat serait un possible effet positif sur le nombre de passagers empruntant les liaisons aériennes visées par les contrats en cause, pour la durée de l’exploitation de ces liaisons prévue par les contrats. La Commission a considéré que les autres bénéfices éventuels seraient jugés trop incertains par un opérateur en économie de marché pour être pris en considération de manière quantifiée. Elle a notamment considéré au considérant 340 de la décision attaquée que l’effet positif des services marketing fournis par la requérante à la CCIPB sur la fréquentation d’autres liaisons aériennes que celle visée par le contrat de 2006 apparaissait beaucoup plus hypothétique, et en tout état de cause trop incertain pour être pris en compte de manière quantifiée par un opérateur en économie de marché. De même, elle a indiqué au considérant 343 de la décision attaquée que les considérations liées au manque de caractère durable des effets des services marketing fournis par AMS s’appliquaient également au contrat de 2006. Par ailleurs, au terme de l’analyse des questions générales, la Commission a formulé aux considérants 377 à 380 de la décision attaquée sa conclusion sur les modalités d’application du critère de l’opérateur en économie de marché. Ainsi, elle a souligné au considérant 377 de la décision attaquée la nécessité de déterminer la rentabilité incrémentale attendue de la mise en œuvre des contrats en estimant notamment, d’une part, les recettes incrémentales futures, incluant les recettes provenant des redevances aéronautiques et des services d’assistance en escale ainsi que les recettes extra-aéronautiques provenant du trafic supplémentaire, et, d’autre part, les coûts incrémentaux futurs, incluant les coûts d’exploitation et les éventuels coûts d’investissements incrémentaux ainsi que les coûts des prestations marketing. La Commission a ajouté au considérant 378 de la décision attaquée qu’il devait résulter de ces calculs des flux annuels futurs correspondant à la différence entre les recettes et les coûts incrémentaux, à actualiser si nécessaire avec un taux reflétant le coût du capital pour le gestionnaire de l’aéroport. Elle a indiqué qu’une valeur actualisée nette négative révélait la présence d’un avantage.
183 Dans un second temps, la Commission a examiné aux considérants 434 à 440 de la décision attaquée le contrat de 2006 sous l’angle du critère de l’opérateur en économie de marché. Elle a notamment estimé, au considérant 434 de la décision attaquée, que le plan d’affaires préparé par la CCIPB en amont de la conclusion du contrat de 2006 constituait un point de départ approprié afin d’appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché au contrat de 2006 et qu’elle n’avait pas de raison de mettre en cause les hypothèses retenues, sauf pour ce qui est de l’horizon temporel retenu dans l’évaluation.
184 La Commission a fait apparaître que les hypothèses retenues dans le plan d’affaires étaient conformes à l’approche qu’elle avait exposée dans la partie générale de son analyse à propos des avantages, des recettes et des coûts qu’il convenait de prendre en compte afin d’appliquer correctement le critère de l’opérateur en économie de marché.
185 Par conséquent, la décision attaquée permettait à la requérante de comprendre que les prétendus « effets externes » rendant l’aéroport de Pau plus attractif pour d’autres parties, telles que des compagnies aériennes et des magasins, n’étaient pas pris en compte dans le plan d’affaires dès lors que la Commission avait constaté que le seul bénéfice tangible pris en compte était un possible effet positif sur le nombre de passagers empruntant les liaisons aériennes faisant l’objet des contrats en cause et pour la durée de ces liaisons. De même, la décision attaquée permettait à la requérante de comprendre que le plan d’affaires tenait compte à la fois des redevances aéroportuaires et des recettes extra-aéronautiques provenant du trafic supplémentaire engendré par la mise en œuvre du contrat de 2006 ainsi que d’éventuels coûts d’investissement et d’exploitation.
186 En deuxième lieu, il convient de constater que nombre d’autres passages de la décision attaquée font également apparaître la méthodologie suivie par la Commission, quant aux recettes et aux coûts à prendre en compte pour apprécier la rentabilité incrémentale du contrat de 2006. Premièrement, s’agissant des recettes aéronautiques incrémentales, la Commission a indiqué aux considérants 410 et 411 de la décision attaquée qu’elle avait retenu comme montants unitaires prévisionnels de redevance à l’atterrissage et de redevance passagers les redevances publiques en vigueur au moment de la conclusion du contrat de 2006, en intégrant une indexation de 2 % par an, et qu’elle avait retenu les montants fixes par rotation, sans indexation, des redevances pour les services d’assistance en escale, telles qu’elles avaient été prévues dans le contrat de 2006. La Commission a expliqué au considérant 412 de la décision attaquée la manière de calculer le produit des trois redevances aéronautiques susmentionnées. Deuxièmement, s’agissant des coûts incrémentaux, la Commission a expliqué, lors de l’analyse des contrats passés avec Ryanair et AMS, au considérant 419 de la décision attaquée, que, selon les autorités françaises, aucun investissement n’avait dû être réalisé au sein de l’aéroport de Pau en raison des différents contrats faisant l’objet de la procédure formelle d’examen. Par ailleurs, elle a détaillé, au considérant 422 de la décision attaquée, les types de coûts d’exploitation retenus par le plan d’affaires de la requérante, y compris notamment les coûts de personnel. Si ces explications de coûts ont été fournies dans le cadre de l’analyse des contrats avec deux autres entreprises, à savoir Ryanair et AMS, elles permettaient à la requérante de connaître les types de coûts qui ont été pris en compte dans l’analyse de son propre contrat. Troisièmement, la Commission mentionne, dans le tableau no 12 reproduit sous le considérant 440 de la décision attaquée, l’achat des services marketing comme l’un des coûts à prendre en compte dans l’analyse de rentabilité incrémentale.
187 En troisième lieu, il convient de relever que la Commission a énoncé, sans être contredite sur ce point par la requérante, que la prise en compte des redevances aéroportuaires et des redevances non aéronautiques était une pratique habituelle dans le secteur pour apprécier la rentabilité d’une nouvelle ligne aérienne. Il en ressort que la requérante ne saurait ignorer que, pour constituer une analyse financière complète, le plan d’affaires préparé par la CCIPB devait inclure une estimation des recettes extra-aéronautiques.
188 En quatrième lieu, il convient de constater que la Commission a indiqué au considérant 370 de la décision attaquée que l’approche préconisée en général dans les lignes directrices de 2014, à savoir l’analyse de rentabilité incrémentale, devait être appliquée au cas présent. Or, aux termes du paragraphe 64 des lignes directrices de 2014, il convient, aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, de tenir compte tant des recettes escomptées générées par les activités non aéronautiques liées à l’activité de la compagnie aérienne que des redevances aéroportuaires. De plus, le paragraphe 64 des lignes directrices de 2014 prévoit qu’il faut prendre en compte tous les coûts marginaux escomptés supportés par l’aéroport liés à l’activité de la compagnie aérienne dans cet aéroport. Ainsi, la lecture des lignes directrices de 2014 confirme que, lorsque la Commission a considéré au considérant 434 de la décision attaquée que le plan d’affaires constituait un point de départ approprié pour l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, ce plan d’affaires prenait en considération les deux types de recettes ainsi que les coûts marginaux escomptés pertinents.
189 Contrairement à ce que prétend la requérante, le fait que les lignes directrices de 2014 n’étaient pas encore entrées en vigueur au moment de l’adoption du plan d’affaires n’empêche pas qu’elles fassent partie du contexte dans lequel la décision attaquée a été prise. En effet, au moment de l’adoption de cette dernière, les lignes directrices de 2014 avaient déjà été adoptées et publiées au Journal officiel, de sorte qu’elles peuvent servir d’élément du contexte au regard duquel il convient d’examiner la motivation de la décision attaquée.
190 Il résulte de tout ce qui précède que la version non confidentielle de la décision attaquée fait clairement apparaître la nature des avantages, les types de recettes et de coûts incrémentaux ainsi que la méthodologie retenus dans le plan d’affaires que la Commission a pris comme point de départ de l’examen du critère de l’opérateur en économie de marché.
191 Certes, la décision attaquée ne détaille pas les montants totaux des recettes et des coûts ni le montant pour chaque type de recettes et de coûts dans le plan d’affaires et, par ailleurs, elle occulte le montant global des recettes et des coûts. Elle ne reproduit pas non plus les hypothèses retenues dans le plan d’affaires dans leur intégralité.
192 Toutefois, ainsi qu’il découle de la jurisprudence, dès lors que la décision litigieuse fait ressortir clairement le raisonnement suivi par la Commission pour permettre d’en contester ultérieurement le bien-fondé devant la juridiction compétente, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques ou chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie ce raisonnement (arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 108, et du 27 avril 2017, Germanwings/Commission, T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289, point 45).
193 Or, en l’espèce, il peut être considéré que ni le montant pour chaque type de recettes et de coûts ni le montant global des recettes et des coûts n’apparaissent nécessaires pour que la requérante puisse connaître les types de recettes et de coûts retenus dans le plan d’affaires que la Commission a pris en compte et pour qu’elle soit en mesure de développer des moyens à cet égard dans le cadre du présent litige.
194 Dès lors, la requérante était en mesure de contester utilement le bien-fondé des choix opérés.
195 S’agissant de la question de savoir si les circonstances de l’espèce exigeaient que la motivation spécifie les données occultées dans la version non confidentielle de la décision attaquée, il y a lieu de souligner que la requérante n’a pas précisé la pertinence des données occultées aux fins du présent recours. Elle n’a pas expliqué l’importance du détail des montants des recettes et des coûts ni pour la compréhension du raisonnement suivi par la Commission ni pour le développement de ses moyens relatifs au critère de l’opérateur en économie de marché ou au montant de l’aide. Elle n’a pas non plus précisé quels autres moyens elle aurait souhaité développer à l’appui du présent recours, si elle avait eu accès aux données occultées (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, points 56 et 57, et du 8 janvier 2015, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, T‑58/13, non publié, EU:T:2015:1, point 76).
196 Partant, il n’est pas établi que la Commission a méconnu l’obligation de motivation.
197 Dans ces conditions, le grief tiré du défaut de motivation doit être écarté comme non fondé.
– Sur l’absence de contact avec l’expert-comptable qui avait contrôlé le plan d’affaires relatif au contrat de 2006
198 La requérante fait valoir que la Commission a manqué à son devoir de diligence et d’impartialité, puisque, lors de son analyse du plan d’affaires relatif au contrat de 2006, elle n’a pas pris contact avec l’expert-comptable qui avait contrôlé le plan et déclaré que celui-ci satisfaisait au critère de l’investisseur privé, même si le contrat de 2006 se référait expressément à cette déclaration. En se fondant aveuglement sur l’analyse différente des autorités françaises, la Commissionaurait mis en doute les hypothèses envisagées dans le plan d’affaires et la déclaration de l’expert-comptable. Or, le contrôle du plan et cette déclaration faisant partie du contrat de 2006, la Commission ne pouvait pas en faire abstraction et les écarter sans aucune justification, notamment lorsqu’elle aboutissait à une autre conclusion.
199 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
200 À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, en matière d’aides d’État, la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures incriminées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (voir arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 63 et jurisprudence citée).
201 En l’espèce, il est constant que la CCIPB avait préparé un plan d’affaires en amont de la décision de conclure le contrat de 2006.
202 De plus, le contrat de 2006 prévoyait que les paiements à la requérante étaient subordonnés à l’approbation du plan d’affaires par un auditeur indépendant et que cette approbation incluait la confirmation par cet auditeur que le plan d’affaires était conforme au critère de l’investisseur privé. Il est également constant que la Commission n’a pas demandé aux autorités françaises la production de la déclaration de l’expert-comptable.
203 Il n’en ressort toutefois pas que la Commission a manqué à son obligation de conduire son examen du contrat de 2006 de manière diligente et impartiale.
204 En effet, tout d’abord, il convient de relever que, par la publication de la décision d’extension au Journal officiel, la Commission a invité tous les intéressés à présenter leurs observations sur les mesures en cause, y compris le contrat de 2006. Par conséquent, la requérante a eu l’opportunité de faire des commentaires concernant la déclaration de l’expert-comptable et l’importance qu’elle y accordait.
205 De plus, il ressort de la décision attaquée que la Commission a considéré que le plan d’affaires de la CCIPB, tel qu’attesté par l’expert-comptable comme conforme au critère de l’opérateur en économie de marché, constituait un point de départ approprié afin d’appliquer ce critère. Ainsi, la Commission n’a pas mis en doute les hypothèses retenues dans le plan d’affaires, sauf sur un point, à savoir l’horizon temporel.
206 Enfin, il appartenait à la Commission d’effectuer sa propre analyse des éléments de fait qu’elle avait rassemblés dans le cadre de son enquête, y compris le plan d’affaires.
207 Dans ces conditions, la Commission n’a pas manqué à son devoir de diligence lorsqu’elle n’a pas demandé à la requérante de lui fournir la déclaration de l’expert-comptable.
208 Pour conclure, contrairement à ce que prétend la requérante, l’approche de la Commission ne témoigne pas d’une confiance aveugle dans l’analyse des autorités françaises. Il ressort de la décision attaquée que, constatant que le plan d’affaires n’appliquait pas de taux d’actualisation aux flux annuels prévisionnels, la Commission a invité les autorités françaises à procéder à une analyse élaborée en s’appuyant sur des informations objectives connues de la CCIPB au moment de la conclusion du contrat de 2006. Ainsi, les autorités françaises ont présenté une analyse utilisant un certain taux d’actualisation pour calculer la valeur actualisée nette. La Commission a toutefois recalculé la valeur actualisée nette et considéré, par ailleurs, que cette valeur était négative, quel que soit le taux actualisation appliqué (considérants 436 à 440 de la décision attaquée).
209 Partant, il y a lieu d’écarter l’argumentation de la requérante.
– Sur la prise en compte d’un horizon temporel trop court
210 La requérante fait valoir que la Commission a envisagé un horizon temporel trop court dans l’application du critère de l’opérateur en économie de marché. En affirmant qu’un tel opérateur, agissant à la place de la CCIPB, n’aurait pas compté sur la reconduction du contrat de 2006 au-delà de la durée initiale de trois ans, elle aurait négligé de prendre en compte diverses circonstances particulières de la réalité économique dans laquelle opèrent la requérante et les aéroports lorsqu’ils s’engagent dans une collaboration.
211 À cet égard, en premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a négligé de prendre en compte la durée de vie moyenne de ses liaisons aériennes. L’aperçu de ces liaisons assurées depuis 2005 démontrerait que sa collaboration avec les aéroports de destination avait une durée généralement plus longue que trois ans et qu’une durée de six ans n’était pas exceptionnelle. La CCIPB pouvait donc dès la signature du contrat de 2006 raisonnablement présumer que la collaboration avec la requérante se poursuivrait au-delà du premier terme et même au-delà de l’horizon temporel retenu par le plan d’affaires.
212 En deuxième lieu, la requérante estime que la Commission a négligé le fait que, par définition, elle envisage des collaborations à plus long terme. Un opérateur en économie de marché prendrait des risques calculés pour étendre son entreprise. Pour la requérante, l’ouverture d’une nouvelle liaison aérienne représentait un investissement qui ne pouvait devenir bénéficiaire qu’à long terme. Des pertes de démarrage d’une nouvelle liaison seraient fréquentes dans le domaine de l’aviation.
213 Le contrat initial que la requérante passait avec un aéroport prévoyait le démarrage d’une nouvelle liaison aérienne censée procurer aux deux parties des avantages à long terme. Une durée du contrat limitée initialement à trois ans ne contredirait pas l’intention des parties de collaborer à long terme. Les opérateurs ne concluraient pas des contrats indépendamment de leur contexte réel qui intègre le modèle commercial et l’expérience des parties au contrat. Le contrat de 2006 prévoyait expressément la possibilité d’une prolongation.La perspective à long terme dans laquelle se plaçait la requérante ressortirait également des intentions exprimées au cours des négociations contractuelles entre les parties. Par ailleurs, la prolongation initiale par la requérante du contrat de 2006 en dépit du déficit de la liaison aérienne démontrerait qu’elle déployait tous ses efforts pour maintenir la collaboration avec la CCIPB au-delà du premier terme du contrat.
214 En troisième lieu, la requérante considère que la Commission n’a pas tenu compte de la crise financière mondiale de 2008 deux ans après la conclusion du contrat de 2006 et un an avant son éventuelle reconduction. Cette circonstance imprévue serait pertinente pour déterminer l’horizon temporel lors de la conclusion du contrat de 2006, puisqu’elle mettait en cause la rentabilité et la durée de vie de la liaison aérienne en cause. Au moment de la conclusion du contrat de 2006, la CCIPB n’aurait pas été tenue de présumer que la rentabilité et la durée de vie de la liaison fussent influencées négativement par la crise financière de 2008.
215 La Commission conclut au rejet de l’argumentation de la requérante.
216 À cet égard, il ressort de la jurisprudence (voir point 120 ci-dessus) qu’il y a lieu d’examiner si la Commission a pu considérer à bon droit qu’un opérateur en économie de marché, agissant à la place de la CCIPB, aurait évalué l’intérêt de conclure le contrat de 2006 en retenant un horizon temporel limité à la durée dudit contrat.
217 Le comportement d’un opérateur dans une économie de marché est guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme (arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑305/89, EU:C:1991:142, point 20). Un tel opérateur souhaitant maximiser ses bénéfices est prêt à courir des risques calculés dans la détermination de la rémunération appropriée à escompter pour son investissement.
218 En l’espèce, la Commission a considéré dans la décision attaquée que, en évaluant l’intérêt de conclure le contrat de 2006, un opérateur en économie de marché aurait choisi comme horizon temporel pour son évaluation la durée dudit contrat. Elle a également considéré qu’un opérateur en économie de marché n’aurait pas compté sur la reconduction du contrat de 2006 à son expiration, dans les mêmes termes ou en des termes distincts, et ce d’autant plus que les compagnies à bas coûts telles que la requérante étaient connues pour faire évoluer leurs activités de manière très dynamique, qu’il s’agisse d’ouvertures et de fermetures de liaisons ou d’augmentations et de réductions de fréquences. Elle en a déduit que toute reconduction des contrats était une perspective future éloignée et trop incertaine pour qu’un opérateur en économie de marché puisse fonder sur cette perspective des décisions économiques raisonnables (considérants 393 et 394 de la décision attaquée).
219 De même, la Commission a considéré au considérant 439 de la décision attaquée que l’analyse de rentabilité incrémentale devait être faite sur la période d’application du contrat de 2006 telle que prévue à l’origine, et non sur une période plus longue, en raison du fait qu’un opérateur en économie de marché raisonnable et prudent ne pouvait pas tabler, lors de la conclusion du contrat, sur un renouvellement de celui-ci, que ce soit dans des termes identiques ou dans des termes différents.
220 En outre, il est constant que le contrat de 2006 n’a été conclu que pour une durée initiale de trois ans, sans clause de renouvellement automatique. La requérante ne précise pas, par ailleurs, la nature des intentions des parties exprimées au cours des négociations précontractuelles quant à une collaboration à plus long terme.
221 Dans ce contexte, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, considérer qu’un opérateur en économie de marché aurait évalué la rentabilité du contrat de 2006 eu égard aux coûts et aux recettes escomptés pour sa durée d’application, à savoir trois ans.
222 En outre, la Commission a pu considérer, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, qu’il était très difficile pour un gestionnaire d’aéroport d’évaluer la probabilité qu’une compagnie aérienne souhaite poursuivre l’exploitation d’une liaison aérienne au-delà de la durée pour laquelle elle s’était engagée dans le contrat de services aéroportuaires, sachant que les compagnies aériennes, en particulier à bas coûts, ont montré qu’elles géraient les ouvertures et les fermetures des liaisons de façon très dynamique (voir considérants 355 et 394 de la décision attaquée). Dans ces conditions, la Commission a pu considérer sans commettre d’erreur qu’un opérateur en économie de marché prudent, agissant à la place de la CCIPB, n’aurait pas tablé sur la volonté de la compagnie aérienne de prolonger l’exploitation de la liaison aérienne concernée à l’expiration du contrat de 2006.
223 Certes, la CCIPB a adopté un plan d’affaires d’une durée de sept ans, couvrant donc une période allant bien au-delà de la durée du contrat de 2006. Toutefois, il est significatif que le plan d’affaires préparé par la CCIPB n’engage en aucune manière la requérante, qui regagne sa liberté de ne pas poursuivre l’exploitation de la liaison aérienne à l’expiration de la durée initiale du contrat de 2006.
224 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir considéré qu’un opérateur en économie de marché avisé, agissant à la place de la CCIPB, ne pouvait pas, en prenant des risques calculés, tabler au moment de la conclusion du contrat de 2006 sur le renouvellement de celui-ci.
225 Par ailleurs, les éléments apportés par la requérante afin de démontrer que la durée de vie moyenne des liaisons aériennes qu’elle desservait allait bien au-delà de trois ans ne sauraient être décisifs. Le comportement d’un opérateur en économie de marché doit être apprécié en plaçant ce dernier dans une situation la plus proche possible de celle du gestionnaire de l’aéroport de Pau. Or, comme la Commission le souligne, la durée initiale du contrat de 2006 conclu par la CCIPB avec la requérante se limitait à trois ans.
226 Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait, à tort, pas tenu compte de l’événement imprévu qu’a constitué la crise financière de 2008, il y a lieu de rappeler que sont seuls pertinents, notamment aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l’opération en cause a été prise (arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 105, et du 27 avril 2017, Germanwings/Commission, T‑375/15, EU:T:2017:289, point 66).
227 En l’espèce, lorsque la Commission a constaté, dans la décision attaquée, qu’un opérateur en économie de marché avisé n’aurait pas, au moment de la conclusion du contrat de 2006, tenu compte d’une prolongation de celui-ci, elle l’a fait en effectuant une analyse ex ante de la rentabilité d’un investissement effectué en 2006, et non sur des éléments ultérieurs imprévisibles.
228 De même, le fait que la requérante a effectivement renouvelé le contrat de 2006 le 26 avril 2009 ne constitue pas un élément pertinent.
229 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que, aux fins de l’analyse de rentabilité incrémentale, un opérateur en économie de marché avisé, agissant à la place de la CCIPB, n’aurait pas retenu, au moment de la conclusion du contrat de 2006, un horizon temporel allant au-delà de la période initiale d’application dudit contrat.
– Sur le fait que la Commission n’a pas pris en compte les motifs de la CCIPB sous-tendant la conclusion du contrat de 2006
230 La requérante fait valoir que, en considérant que les pertes sur la période initiale que la liaison aérienne en cause devait entraîner pour l’aéroport de Pau établissaient qu’un opérateur en économie de marché n’aurait pas conclu le contrat de 2006, la Commission n’a erronément pas pris en compte les motifs sous-tendant la décision de la CCIPB de conclure ledit contrat et a négligé la réalité économique dans laquelle opèrent les aéroports régionaux. La CCIPB aurait conclu le contrat de 2006 en raison, premièrement, de l’augmentation attendue de la notoriété, et donc de la valeur, de l’aéroport de Pau, deuxièmement, de l’accès au réseau international de l’aéroport de Schiphol, troisièmement, de la diversification des compagnies aériennes présentes sur l’aéroport de Pau, et notamment d’une indépendance accrue à l’égard d’Air France et de Ryanair, et, quatrièmement, de la promotion de la région aux alentours dudit aéroport. a requérante a ajouté, lors de l’audience, en se fondant sur le plan d’affaires préparé par la CCIPB, que le contrat de 2006 permettait une utilisation plus efficace de la capacité de l’infrastructure et, par ailleurs, une croissance de l’aéroport de Pau en évitant des investissements de capacité supplémentaires, en termes de nouveaux parcs de stationnement et de nouvelles aires de stationnement des avions.
231 La requérante renvoie à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission et au paragraphe 66 des lignes directrices de 2014, selon lequel la Commission, lorsqu’elle procède à l’appréciation d’accords entre aéroports et compagnies aériennes, prend également en compte la mesure dans laquelle lesdits accords peuvent être considérés comme s’inscrivant dans le cadre d’une stratégie globale des aéroports censée les amener à la rentabilité, tout au moins à long terme.
232 La Commission rétorque, dans ses écritures et lors de l’audience, que les avantages invoqués par la requérante n’étaient pas importants, de sorte qu’ils n’ont pas été pris en compte. Lors de l’audience, elle a également tiré argument du paragraphe 66 des lignes directrices de 2014.
233 À cet égard, il convient de souligner d’emblée que, selon la jurisprudence, la qualification d’une mesure d’aide d’État ne saurait dépendre d’une appréciation subjective de la Commission et doit être déterminée indépendamment de toute pratique administrative antérieure de cette institution, à la supposer établie (voir arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 46 et jurisprudence citée).
234 Il s’ensuit qu’il n’est pas utile d’examiner si la pratique invoquée par la requérante est avérée.
235 Par ailleurs, il y a lieu d’examiner le grief de la requérante selon lequel la Commission n’a erronément pas pris en compte les motifs sous-tendant la décision de la CCIPB de conclure le contrat de 2006 au regard du critère de l’opérateur en économie de marché, tel qu’il ressort de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et non des lignes directrices de 2014 (voir point 158 ci-dessus).
236 En outre, il y a lieu de rappeler que la Commission a l’obligation, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, de tenir compte, dans l’évaluation d’une mesure, de tous les éléments pertinents et de son contexte (voir arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 59 et jurisprudence citée).
237 En premier lieu, la requérante fait valoir que les entreprises effectuent souvent de gros investissements pour bâtir leur réputation et accroître la valeur de leur marque dans une stratégie à long terme, même si elles encourent des pertes pendant la période initiale. En particulier, les petits aéroports régionaux souffriraient souvent d’un déficit de notoriété, d’une mauvaise image et d’une importante pression concurrentielle due aux liaisons ferroviaires à grande vitesse. insi, la CCIPB pouvait raisonnablement s’attendre à ce que l’ouverture d’une nouvelle liaison aérienne en collaboration avec la requérante et la publicité sur le site Internet et dans la lettre d’information de cette dernière accroîtraient la notoriété et, à plus long terme, la valeur de l’aéroport de Pau. Dans la réplique, la requérante renvoie à l’analyse de la Commission dans les lignes directrices de 2005, qui décrivent les obstacles que les petits aéroports doivent surmonter pour élargir leur offre.
238 À cet égard, il y a lieu de souligner d’emblée que, comme la Commission l’a indiqué à juste titre, le fait que la position des aéroports régionaux soit moins favorable que celle des grands aéroports internationaux ne signifie pas, en soi, qu’un opérateur en économie de marché aurait pu être amené à signer des contrats qui l’exposaient à des pertes au cours de la durée du contrat, sans perspectives réalistes de bénéfices à long terme.
239 Par ailleurs, la Commission a expliqué que la valeur ajoutée de la requérante pour l’aéroport de Pau concernait surtout le marché néerlandais et que la notoriété de l’aéroport de Pau aux Pays-Bas ne saurait donc être dissociée de la ligne desservie par la requérante. Il y a lieu de constater que la requérante n’apporte aucun élément spécifique pour démontrer que l’augmentation de cette notoriété avait en soi une valeur économique concrète pour la CCIPB.
240 En outre, comme la Commission le relève également, à l’époque de la conclusion du contrat de 2006, l’aéroport de Pau était déjà desservi par deux grandes compagnies aériennes internationales, à savoir Air France et Ryanair, dont la première assure de nombreux vols au départ et à destination de cet aéroport. Dans ces conditions, la requérante n’a pas démontré que l’aéroport de Pau souffrait d’un déficit d’image que le partenariat avec la requérante permettait à la CCIPB de surmonter.
241 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le contrat de 2006 offrait à la CCIPB l’accès au pôle d’échanges de l’aéroport de Schiphol et aux correspondances de son réseau mondial.
242 À cet égard, la Commission a expliqué, dans ses écritures et lors de l’audience, que la requérante était une compagnie à bas prix qui s’appuyait sur une logique de liaison de point à point, s’adressant notamment aux passagers originaires des Pays-Bas voyageant en avion d’Amsterdam (Pays-Bas) à Pau et inversement, et non aux passagers qui prenaient un vol à Pau pour atteindre leur destination finale via le pôle d’échanges de Schiphol. Comme la Commission l’a expliqué, il convient d’attendre de la plupart des passagers se rendant en avion de Pau vers une destination à l’étranger qu’ils utilisent surtout les liaisons aériennes fréquentes, assurées par Air France entre Pau et Paris (France), dont les horaires sont alignés sur ceux des vols internationaux de cette compagnie, pour prendre ensuite un vol vers leur destination finale à l’étranger.
243 Inversement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le contrat de 2006 était à même de rendre l’aéroport de Pau accessible depuis un plus grand nombre d’aéroports grâce au pôle d’échanges de Schiphol, il y a lieu de constater que la requérante n’a présenté aucun élément démontrant qu’il serait attrayant pour les passagers de pays tiers de se rendre à l’aéroport de Schiphol avec une autre compagnie aérienne pour prendre ensuite un vol de la requérante à destination de Pau plutôt que de se rendre à Pau avec un vol assuré, avec une grande fréquence, par Air France entre Paris, ou Lyon (France), et Pau.
244 En troisième lieu, la requérante fait valoir que l’ouverture de la nouvelle liaison aérienne prévue par le contrat de 2006 contribuait à la diversification des compagnies aériennes, l’aéroport de Pau devenant de ce fait moins dépendant d’Air France.
245 À cet égard, il suffit de relever que la requérante n’a présenté aucun élément concret démontrant que la diminution alléguée de la dépendance envers Air France avait, pour un opérateur en économie de marché agissant à la place de la CCIPB, une valeur économique telle qu’il aurait conclu un contrat en dépit des prévisions d’absence de rentabilité initiale et du caractère incertain de son renouvellement.
246 En quatrième lieu, la requérante fait valoir que le contrat de 2006 permettait une meilleure utilisation de l’infrastructure et, par ailleurs, une croissance de l’aéroport de Pau en évitant des investissements de capacité.
247 À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a expliqué lors de l’audience que l’analyse financière reflétait une utilisation plus efficace de l’infrastructure. Étant donné que le passage du plan d’affaires invoqué par la requérante lors de l’audience à l’appui de son argument indiquait que l’augmentation du trafic, et donc des recettes, devait permettre de mieux répartir et étaler les charges et les coûts de fonctionnement de l’infrastructure, et partant, de faire baisser ceux-ci, il y a lieu de considérer que cette explication n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
248 Par ailleurs, s’agissant de l’argument concernant des possibilités de croissance de l’aéroport de Pau qui éviteraient des investissements de capacité supplémentaires, il y a lieu de relever que la requérante n’a apporté aucun élément concret démontrant que cet avantage allégué avait pour un opérateur en économie de marché agissant à la place de la CCIPB une valeur économique telle qu’il aurait conclu un contrat en dépit des prévisions d’absence de rentabilité initiale et du caractère incertain de son renouvellement.
249 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’il n’est pas établi que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en n’ayant pas pris en compte, dans son analyse de rentabilité incrémentale, les avantages que la requérante considère résulter pour la CCIPB du contrat de 2006.
250 Ainsi, il n’est pas utile de se prononcer sur l’argument que, lors de l’audience, la Commission a tiré du paragraphe 66 des lignes directrices de 2014.
251 En cinquième lieu, la requérante considère que la CCIPB a acheté ses services marketing non seulement pour investir dans l’aéroport de Pau, mais également pour promouvoir la région aux alentours dudit aéroport. Dès lors, la Commission aurait dû examiner si une partie de la rémunération des services marketing avait été acquise à des fins d’intérêt général.
252 À cet égard, il y lieu de rappeler que, aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un investisseur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État, seuls les bénéfices et les obligations liés à la situation de ce dernier en qualité d’investisseur, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, sont à prendre en compte (voir arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 79 et jurisprudence citée).
253 En l’espèce, la Commission a examiné dans la décision attaquée si la CCIPB avait agi comme un opérateur en économie de marché lorsqu’elle a conclu le contrat de 2006. Les considérations liées à l’intérêt général, telles que la promotion de la région, ne relèvent pas de ce cadre. Par conséquent, c’est à juste titre que la Commission ne les a pas pris en considération aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché.
254 Partant, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante au sujet des motifs sous-tendant la décision de la CCIPB de conclure le contrat de 2006.
– Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure
255 Le 11 avril 2016, la requérante a demandé au Tribunal d’ordonner que la Commission produise trois documents, à savoir le rapport que le consultant indépendant engagé par la Commission avait adressé à cette dernière le 30 mars 2011, le plan d’affaires que la CCIPB avait établi pour les besoins du contrat de 2006 et l’analyse du plan d’affaires que les autorités françaises avaient effectuée à la demande de la Commission.
256 La requérante considère qu’elle a besoin de ces documents pour pouvoir s’opposer adéquatement à la décision attaquée. Le refus de la Commission de lui accorder l’accès à ces documents limiterait fortement les moyens qu’elle peut invoquer à l’encontre de la décision attaquée. En particulier, elle ne pourrait pas vérifier si les documents utilisés par la Commission peuvent fonder les conclusions de la décision attaquée. De plus, la requérante souhaite également pouvoir examiner ces documents pour vérifier si elle peut en tirer d’autres conclusions.
257 Elle estime que la présente demande d’adoption des mesures d’organisation de la procédure pouvait uniquement être formulée le même jour que celui du dépôt de la réplique, puisque, d’une part, au moment de l’introduction de la requête, la Commission n’avait pas encore répondu à sa demande confirmative au titre du règlement no 1049/2001 et, d’autre part, elle souhaitait attendre le mémoire en défense de la Commission pour décider de déposer une réplique et demander, le cas échéant, la tenue d’une audience.C’est pourquoi elle aurait toujours un intérêt à recevoir les documents demandés. Elle souhaite, le cas échéant, les invoquer au cours de la phase orale de la procédure.
258 La Commission rétorque que la demande introduite par la requérante est tardive. En tout état de cause, elle considère que la communication des documents visés n’est pas nécessaire pour mettre l’affaire en état d’être jugée.
259 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon l’article 88, paragraphe 1, du règlement de procédure, les mesures d’organisation de la procédure peuvent être prises ou modifiées à tout stade de la procédure, soit d’office, soit à la demande d’une partie principale.
260 Par ailleurs, l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure stipule :
« La demande visée au paragraphe 1 doit indiquer avec précision l’objet des mesures sollicitées et les raisons de nature à les justifier. Lorsque cette demande est formulée après le premier échange de mémoires, la partie qui présente la demande doit exposer les raisons pour lesquelles elle n’a pas pu la présenter antérieurement. »
261 En l’espèce, il y lieu de constater que la requérante a formulé sa demande au stade du dépôt de la réplique, et donc après le premier échange de mémoires. En outre, elle ne parvient pas à démontrer qu’elle n’a pas pu présenter sa demande antérieurement.
262 En effet, d’une part, le règlement de procédure ne subordonne pas la possibilité de présenter une demande d’adoption d’une mesure d’organisation de procédure à l’obtention d’une décision définitive sur une demande d’accès aux documents au titre du règlement no 1049/2001. La nature du régime d’accès aux documents prévue par ce règlement est différente de celle du régime applicable aux mesures d’organisation de la procédure prévue par le règlement de procédure. Si le règlement no 1049/2001 vise à offrir au public un droit d’accès le plus large possible aux documents des institutions, l’article 89, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que les mesures d’organisation de la procédure visent à assurer, dans les meilleures conditions, la mise en état des affaires, le déroulement des procédures et le règlement des litiges. Il découle de l’autonomie des deux régimes que l’attente d’une prise de position de la part d’une institution sur une demande confirmative au titre du règlement no 1049/2001 n’empêche pas de formuler, pour le même document, une demande de mesures d’organisation de la procédure.
263 D’autre part, le souhait exprimé par la requérante d’attendre le mémoire en défense pour l’examiner préalablement n’est pas suffisant en soi pour conclure qu’elle ne pouvait pas, dans le cas d’espèce, formuler sa demande lors du premier échange de mémoires.
264 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la demande de mesures d’organisation de procédure de la requérante doit être écartée comme étant irrecevable au titre de l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure.
265 Par ailleurs, il convient de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, point 319 et jurisprudence citée).
266 À cet égard, le Tribunal a demandé à la Commission la production du plan d’affaires.
267 S’agissant de la demande de production du rapport de l’expert indépendant, il y a lieu de constater que la Commission ne s’est pas fondée, aux considérants 434 à 440 de la décision attaquée, sur ce rapport lorsqu’elle a apprécié le contrat de 2006 au regard de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché. Le rapport de l’expert n’est donc pas pertinent pour le cas d’espèce et la demande doit être écartée.
268 S’agissant de la demande de production de l’analyse des autorités françaises, il y a lieu de constater que, dans la requête, la requérante n’a pas critiqué l’entérinement par la Commission, au considérant 438 de la décision attaquée, de l’analyse des autorités françaises, qui ont pris le résultat financier annuel du plan d’affaires et en ont déduit l’impôt sur les sociétés pour ensuite appliquer un taux d’actualisation de 6,5 % pour calculer la valeur actualisée nette. La production de l’analyse des autorités françaises n’est donc pas nécessaire pour le résultat du présent litige. Il y a donc lieu d’écarter la demande de production de l’analyse des autorités françaises.
269 Au vu de tout de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter la demande de la requérante pour autant qu’elle vise le rapport de l’expert indépendant et l’analyse des autorités françaises.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE du fait que la Commission a, à tort, considéré l’avantage économique comme sélectif
270 La requérante fait valoir que, en se fondant sur le fait que l’avantage présumé n’était conféré qu’à une seule entreprise, la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit que l’avantage était sélectif. En effet, les avantages contractuels ne seraient pas nécessairement sélectifs. La Commission aurait dû vérifier si ces avantages n’étaient pas ouverts à d’autres utilisateurs, actuels ou potentiels, de l’aéroport de Pau. De plus, il ressortirait des termes mêmes du contrat de 2006 que les prétendus avantages dudit contrat avaient effectivement été ouverts à d’autres utilisateurs.
271 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 1, TFUE interdit les aides favorisant certaines entreprises ou certaines productions, c’est-à-dire les aides sélectives (arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, point 54).
272 Il importe de rappeler également que l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être clairement distinguée de la détection concomitante d’un avantage économique en ce que, lorsque la Commission a décelé la présence d’un avantage, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée, elle est tenue d’établir, en outre, que cet avantage profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises. Il lui incombe, pour ce faire, de démontrer, en particulier, que la mesure en cause introduit des différenciations entre les entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable. Il faut donc que l’avantage soit octroyé de façon sélective et qu’il soit susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d’autres (arrêts du 4 juin 2015, Commission/MOL, C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 59, et du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 48).
273 Il convient, cependant, d’observer que l’exigence de sélectivité diverge selon que la mesure en cause est envisagée comme un régime général d’aide ou comme une aide individuelle. Dans ce dernier cas, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité. En revanche, lors de l’examen d’un régime général d’aide, il est nécessaire d’identifier si la mesure en cause, nonobstant le constat qu’elle procure un avantage de portée générale, le fait au bénéfice exclusif de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activités (voir, en ce sens, arrêts du 4 juin 2015, Commission/MOL, C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 60, et du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 49).
274 Il convient ensuite de relever que, au considérant 440 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que l’avantage octroyé à la requérante par le contrat de 2006 était sélectif, puisqu’il n’était conféré qu’à une seule entreprise.
275 Le contrat de 2006 comporte les termes individuellement convenus entre les parties. Il précise la liaison aérienne devant être assurée par la requérante et les services que la CCIPB est tenue de fournir à la requérante. Le contrat de 2006 comporte également l’engagement de la requérante de fournir des services marketing. De plus, il fixe de manière détaillée les redevances aéroportuaires et la rémunération pour les services marketing que la requérante et la CCIPB verseront.
276 Dans ces circonstances, le contrat de 2006 comportant des conditions spécifiquement consenties entre l’aéroport de Pau et la requérante et induisant un avantage en faveur de cette dernière, il a, de ce fait, un caractère sélectif.
277 Par ailleurs, si le contrat de 2006 a été conclu sur une base non exclusive et indiquait que les conditions accordées à la requérante seraient également appliquées à toute compagnie aérienne avec laquelle la CCIPB déciderait d’ouvrir une nouvelle ligne internationale à bas prix, il ressort néanmoins des termes mêmes du contrat de 2006 que ces conditions seraient modulées en fonction des caractéristiques des lignes internationales créées. De plus, comme la Commission le relève, la CCIPB n’était pas tenue de conclure des contrats complémentaires avec des compagnies à bas prix et pouvait estimer trop coûteux de conclure de nouveaux contrats entraînant des frais trop élevés.
278 Si les redevances aéroportuaires réglementées sont en principe applicables à toutes les compagnies aériennes utilisatrices de l’aéroport de Pau, la structure de la rémunération des services marketing, laquelle, d’après le contrat de 2006, était d’ailleurs fondée sur l’approbation du plan d’affaires par un auditeur indépendant, était spécifique à la relation entre la CCIPB et la requérante.
279 Aussi n’est-il pas nécessaire de vérifier si le contrat de 2006 accorde des avantages à la requérante par rapport à d’autres opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, comme elle le prétend (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2015, Orange/Commission, T‑385/12, non publié, EU:T:2015:117, point 52).
280 En effet, le critère de la comparaison du bénéficiaire avec d’autres opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par la mesure trouve son origine et sa justification dans le cadre de l’appréciation du caractère sélectif de mesures d’application potentiellement générale. Un tel critère n’est donc pas pertinent lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’apprécier le caractère sélectif d’une mesure ad hoc, qui ne concerne qu’une seule entreprise et qui vise à modifier certaines contraintes concurrentielles qui lui sont spécifiques (arrêts du 26 octobre 2016, Orange/Commission, C‑211/15 P, EU:C:2016:798, points 53 et 54, et du 26 février 2015, Orange/Commission, T‑385/12, non publié, EU:T:2015:117, point 53).
281 Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté.
Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission n’a pas recherché s’il existait effectivement des effets négatifs du contrat de 2006 pour la concurrence
282 La requérante fait valoir que la Commission a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE et commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle a négligé d’analyser les effets négatifs que le contrat de 2006 aurait effectivement eu pour la concurrence sur le marché aérien de l’Union. À cet égard, elle relève que, en dehors de Ryanair, d’Air France et d’elle-même, les autres compagnies aériennes n’avaient pas d’intérêt à l’ouverture d’une liaison aérienne et n’étaient pas intéressées par l’aéroport de Pau, de sorte que, en l’absence de concurrents, le contrat de 2006 n’avait aucun effet sur la concurrence. Dans la réplique, elle ajoute que la Commission a négligé de vérifier si le contrat de 2006 était susceptible de fausser la concurrence.
283 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
284 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission est tenue non d’établir l’existence d’une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et d’une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt du 26 octobre 2016, Orange/Commission, C‑211/15 P, EU:C:2016:798, point 64 et jurisprudence citée).
285 Dès lors, il y a lieu de constater que, la Commission n’étant pas tenue d’examiner si le contrat de 2006 avait effectivement créé une distorsion de concurrence, le moyen de la requérante doit être écarté.
286 S’agissant du grief pris de ce que la Commission aurait omis de vérifier si l’avantage conféré par le contrat de 2006 était susceptible de fausser la concurrence, force est de constater qu’il est irrecevable en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, puisqu’il s’agit d’un grief nouveau, soulevé pour la première fois au stade de la réplique.
287 À titre surabondant, ce grief n’est pas fondé.
288 En effet, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges au sein de l’Union, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêt du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, EU:C:2009:272, point 52 et jurisprudence citée).
289 À cet égard, la circonstance qu’un secteur économique a fait l’objet d’une libéralisation au niveau de l’Union est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur la concurrence ainsi que leur effet sur les échanges entre États membres (voir arrêt du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, EU:C:2009:272, point 53 et jurisprudence citée).
290 La décision attaquée consacre les considérants 441 à 443, sous le titre « Distorsion de concurrence », à l’examen des effets de la mesure litigieuse sur la concurrence.
291 La Commission rappelle en substance auxdits considérants que, depuis l’entrée en vigueur du troisième volet de libéralisation du transport aérien, composé du règlement (CEE) no 2407/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant les licences des transporteurs aériens (JO 1992, L 240, p. 1), du règlement (CEE) no 2408/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (JO 1992, L 240, p. 8), et du règlement (CEE) no 2409/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, sur les tarifs des passagers et de fret des services aériens (JO 1992, L 240, p. 15), rien n’empêche les transporteurs aériens de l’Union d’exploiter des vols sur les liaisons aériennes au sein de l’Union et elle explique que les avantages reçus par la requérante par le biais du contrat de 2006 ont renforcé sa position par rapport à tous les autres transporteurs aériens de l’Union, en concurrence effective ou potentielle avec la requérante sur les liaisons où elle est présente. Elle en a déduit que ces avantages ont faussé ou menacé de fausser la concurrence et affecté les échanges au sein de l’Union.
292 Cette analyse de la Commission doit être approuvée au regard de la jurisprudence citée aux points 288 et 289 ci-dessus.
293 L’argument de la requérante selon lequel, en dehors des compagnies aériennes desservant déjà l’aéroport de Pau, aucune autre compagnie aérienne ne se serait montrée intéressée par ledit aéroport ne saurait infirmer cette analyse. En effet, il est constant que, outre la requérante et Ryanair, la compagnie aérienne Air France est le principal opérateur de l’aéroport de Pau, de sorte que l’aide accordée à la requérante était susceptible de renforcer la position concurrentielle de la requérante par rapport à cette compagnie aérienne. En outre, la Commission pouvait à bon droit considérer que, dans un secteur ouvert à la concurrence, l’octroi des avantages par le contrat de 2006 renforçait la position de la requérante par rapport à tous les autres transporteurs aériens de l’Union en concurrence effective ou potentielle sur les liaisons aériennes où la requérante était présente.
294 Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être écarté.
Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission quant à la détermination du montant de l’aide d’État
295 La requérante soutient que la Commission a erronément assimilé le prétendu avantage aux flux incrémentaux négatifs de l’aéroport de Pau.
296 À cet égard, elle fait valoir que, si, comme en l’espèce, la Commission décide d’ordonner la récupération d’un montant déterminé, elle doit établir, d’une façon aussi précise que possible, la valeur réelle de l’aide dont l’entreprise a bénéficié.S’appuyant sur l’arrêt du 5 février 2015, Ryanair/Commission (T‑500/12, non publié, EU:T:2015:73),elle considère, premièrement, que la Commission aurait dû examiner la mesure dans laquelle l’avantage allégué avait été répercuté par la requérante sur ses passagers, deuxièmement, que la Commission n’a, à tort, pas évalué l’avantage concurrentiel dont la requérante aurait réellement bénéficié en raison des pertes supposées de l’aéroport de Pau et, troisièmement, que la Commission n’a pas suffisamment expliqué pourquoi le recouvrement du montant en cause était nécessaire pour rétablir la situation antérieure, dans la mesure où, d’une part, il conviendrait d’imputer sur ce montant tous les effets externes positifs que le contrat de 2006 aurait apportés à l’aéroport de Pau et où, d’autre part, la requérante ne devrait pas rembourser des pertes résultant d’actions inefficaces de l’aéroport de Pau.
297 Selon la requérante, le fait que la détermination du montant à récupérer pourrait relever d’un processus complexe ne saurait justifier que la Commission ne tienne pas compte des principes évoqués dans l’arrêt du 5 février 2015, Ryanair/Commission (T‑500/12, non publié, EU:T:2015:73). Il ne ressortirait pas de cet arrêt que la nature involontaire et le caractère indirect des mesures fiscales concernées dussent être considérés comme des conditions d’application de ces principes.
298 La Commission rejette l’ensemble des arguments de la requérante comme étant non fondés.
299 Il convient de rappeler que l’obligation pour l’État membre concerné de supprimer, par voie de récupération, une aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché intérieur vise, selon une jurisprudence constante, au rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide. Cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire ou, dans d’autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective. Par cette restitution, le bénéficiaire perd, en effet, l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, points 89 et 90 et jurisprudence citée).
300 Il convient de rappeler également qu’aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit, en effet, que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (voir arrêt du 20 mars 2014, Rousse Industry/Commission, C‑271/13 P, non publié, EU:C:2014:175, point 77 et jurisprudence citée).
301 Toutefois, si la Commission décide d’ordonner la récupération d’un montant déterminé, elle doit, conformément à son obligation d’examen diligent et impartial d’un dossier dans le cadre de l’article 108 TFUE, déterminer, d’une façon aussi précise que les circonstances de l’affaire le permettent, la valeur de l’aide dont l’entreprise a bénéficié (arrêt du 30 avril 2014, Dunamenti Erőmű/Commission, T‑179/09, non publié, EU:T:2014:236, point 177).
302 En rétablissant la situation antérieure au versement de l’aide, d’une part, la Commission est tenue de s’assurer que l’avantage réel de l’aide est éliminé et ainsi d’ordonner la récupération de la totalité de l’aide. Elle ne saurait, par souci de clémence pour le bénéficiaire, ordonner la récupération d’une somme inférieure à la valeur de l’aide reçue par ce dernier. D’autre part, la Commission n’est pas habilitée, pour marquer sa désapprobation en ce qui concerne la gravité de l’illégalité, à ordonner la récupération d’un montant supérieur à la valeur de l’aide reçue par le bénéficiaire (arrêt du 30 avril 2014, Dunamenti Erőmű/Commission, T‑179/09, non publié, EU:T:2014:236, point 198).
303 Cette jurisprudence est également applicable lorsque la Commission fixe dans sa décision un montant indicatif de l’aide à récupérer.
304 En l’espèce, pour déterminer le montant de l’aide à récupérer, la Commission a calculé, pour le contrat de 2006, le montant d’aide annuel récupérable, pour chaque année durant laquelle ledit contrat a été appliqué, à partir de la partie négative du flux incrémental prévisible (recettes moins coûts) au moment de la conclusion du contrat de 2006, telle que déterminée en vertu de l’analyse de rentabilité incrémentale effectuée. Elle a précisé que ce montant correspondait aux sommes qu’il aurait fallu prévoir de déduire chaque année du montant des prestations marketing ou d’ajouter aux redevances aéroportuaires et aux redevances d’assistance en escale facturées à la requérante pour que la valeur actualisée nette du contrat de 2006 soit positive, en d’autres termes pour que celui-ci soit conforme au principe de l’opérateur en économie de marché (considérant 589 de la décision attaquée).
305 Il s’ensuit que la Commission s’est acquittée de son obligation de calculer la valeur de l’aide dont la requérante a bénéficié au titre du contrat de 2006. En effet, contrairement à ce que prétend la requérante, il ressort du point 305 ci-dessus que, pour ce faire, elle a procédé à une analyse de rentabilité incrémentale et a comparé, d’une part, les sommes qu’un opérateur en économie de marché aurait été prêt à payer pour les prestations marketing ou aurait exigé de la requérante pour la fourniture de ses services aéroportuaires et, d’autre part, les sommes que la CCIPB a effectivement payées ou reçues.
306 En revanche, pour déterminer le montant de l’aide à récupérer, la Commission n’était pas tenue d’examiner si, et dans quelle mesure, la requérante avait effectivement utilisé l’avantage économique résultant des montants correspondant aux flux incrémentaux annuels négatifs qu’elle avait obtenu grâce au contrat de 2006 (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 100).
307 En effet, la récupération d’une aide illégale implique la restitution de l’avantage procuré par celle-ci à son bénéficiaire, et non la restitution de l’éventuel bénéfice économique réalisé par celui-ci par l’exploitation de cet avantage. Un tel bénéfice peut ne pas être identique à l’avantage constituant ladite aide, voire s’avérer inexistant, sans que cette circonstance puisse justifier la non-récupération de cette même aide, ou la récupération d’une somme différente de celle constituant l’avantage procuré par l’aide illégale en cause (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 92).
308 Par conséquent, toute décision de la requérante de répercuter intégralement ou partiellement l’avantage obtenu grâce au contrat de 2006 sur ses clients est dépourvue de pertinence pour déterminer le montant de l’aide à restituer (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 99).
309 De même, l’avantage, tel qu’identifié par la Commission dans la décision attaquée, ne consistait pas dans le fait que la requérante avait pu améliorer sa position concurrentielle sur le marché. Il consistait, tout simplement, dans le fait qu’elle avait encaissé le montant nominal des flux incrémentaux annuels négatifs résultant du contrat de 2006. La question de savoir si elle a exploité cet avantage d’une certaine manière sur le marché concerne l’évaluation de l’éventuel bénéfice qu’elle a pu réaliser par l’exploitation de l’avantage accordé, une telle évaluation étant sans pertinence pour la récupération de l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 102).
310 Enfin, étant donné que la Commission a ordonné le recouvrement de l’avantage, égal en montant au flux incrémental prévisible, découlant du contrat de 2006 conclu avec la CCIPB, agissant comme un opérateur en économie de marché, il y a lieu de considérer que la décision attaquée n’a fait que rétablir la situation légale antérieure au versement de l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C‑75/97, EU:C:1999:311, points 64 à 66). Eneffet, le recouvrement de ce montant enlève à la requérante l’avantage dont elle a bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents, qui consistait en des conditions financières qu’elle n’aurait pas reçues dans des conditions normales de marché.
311 Tant la valeur des prétendues externalités positives pour l’aéroport de Pau que l’éventuelle inefficacité de cet aéroport sont sans pertinence pour la réalisation de l’objectif du rétablissement de la situation antérieure, lequel est atteint dès lors que la requérante perd l’avantage dont elle a bénéficié. À titre surabondant, le critère de l’opérateur en économie de marché, qui est appliqué dans le but de déterminer si une mesure confère un avantage, ne vise pas à exiger une efficacité minimale dans l’opération d’une activité. En effet, selon la jurisprudence, l’application de ce critère vise à déterminer si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé comparable aurait pu être amené à accorder la mesure en question (voir point 119 ci-dessus). À cet égard, il y a lieu de prendre en compte la structure des coûts et des recettes de l’entité publique dont le comportement est comparé à celui d’un opérateur en économie de marché.
312 Il ressort des considérations exposées ci-dessus que le sixième moyen ne saurait être retenu et que le recours doit par conséquent être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
313 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Transavia Airlines CV est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
Berardis | Papasavvas | Spielmann |
Csehi | Spineanu-Matei |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.
Signatures
* Langue de procédure : le néerlandais.
1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.
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