Transtec v Commission (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-616/15 (03 July 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T61615.html
Cite as: [2018] EUECJ T-616/15, ECLI:EU:T:2018:399, EU:T:2018:399

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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

3 juillet 2018 (*)

« FED – Pays ACP – Accord de Cotonou – Programme d’appui aux initiatives culturelles dans les pays africains de langue portugaise – Sommes versées par la Commission à l’entité chargée de l’exécution financière du programme en Guinée-Bissau – Recouvrement à la suite d’un audit financier – Compensation de créances – Proportionnalité – Enrichissement sans cause – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑616/15,

Transtec, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me L. Levi, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. A. Aresu et Mme S. Bartelt, puis par M. Aresu, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions de compensation contenues dans les lettres de la Commission des 27 août, 7, 16, 23 et 25 septembre 2015, visant au recouvrement de la somme de 624 388,73 euros, correspondant au montant d’une partie des avances versées à la requérante dans le cadre d’un programme d’appui aux initiatives culturelles en Guinée-Bissau, financé par le neuvième Fonds européen de développement (FED), augmenté d’intérêts de retard, et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir restitution des sommes prétendument liées à un enrichissement sans cause ainsi que réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi du fait du comportement de la Commission,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius et U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En application de l’accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 (JO 2000, L 317, p. 3), et approuvé au nom de la Communauté par la décision 2003/159/CE du Conseil, du 19 décembre 2002 (JO 2003, L 65, p. 27), le neuvième Fonds européen de développement (FED) a mis en place un programme d’appui aux initiatives culturelles destiné à cinq États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), à savoir les pays africains de langue officielle portugaise (ci-après les « PALOP »).

2        Les PALOP sont la République d’Angola, la République du Cap-Vert, la République de Guinée-Bissau, la République du Mozambique et la République démocratique de Sao Tomé-et-Principe.

3        Dans le cadre du programme d’appui aux initiatives culturelles qui leur était consacré, les PALOP ont bénéficié d’une décision de financement de la Commission européenne de l’ordre de 3 millions d’euros, mise en œuvre par la convention de financement portant la référence 9888/REG (ci-après la « convention de financement »), signée par la Commission le 19 décembre 2007 et par les PALOP, représentés par l’ordonnateur régional de la République de Guinée-Bissau, le 29 février 2008 et entrée en vigueur ce même jour. Ladite convention est arrivée à son terme le 31 décembre 2013.

4        En application de la convention de financement, le contrat de services portant la référence FED/2009/210-646 (ci-après le « contrat de services ») a été signé le 20 juillet 2009 entre l’ordonnateur national concerné, à savoir le ministre de l’Économie et des Finances de la République de Guinée-Bissau (ci-après l’« ordonnateur national »), en sa qualité de pouvoir adjudicateur, et la requérante, Transtec, qui est un cabinet de conseil en développement, dont l’activité est consacrée à la fourniture de services de coopération technique au profit d’institutions publiques, du secteur privé et d’autres organisations dans les économies émergentes.

5        Le contrat de services était également signé, pour aval, par le ministre de l’Éducation, de la Culture et de la Science de la République de Guinée-Bissau, en qualité de bénéficiaire, et visé par le chef de la délégation de l’Union européenne auprès de la République de Guinée-Bissau (ci-après le « chef de la délégation »), en sa qualité de bailleur de fonds.

6        Certaines des dispositions et des annexes du contrat de services ont fait l’objet d’avenants en 2011 et en 2012. Conclu, en vertu de son article 3, pour un montant de 344 992 euros et une période de 24 mois, ledit contrat a finalement porté, en vertu des différents avenants, sur un montant de 484 787 euros et une durée d’un peu plus de 36 mois, c’est-à-dire jusqu’au 31 août 2012. Les avenants étaient destinés à couvrir les dépenses relatives à l’exécution des différentes tâches de la requérante, détaillées aux annexes II et III de ce contrat, se rapportant à la prestation de services d’assistance technique auprès de l’unité de gestion du programme d’appui aux initiatives culturelles des PALOP.

7        En exécution du contrat de services, la requérante a préparé et signé un document portant la référence FED/2010/249-005, intitulé « Orçamento-programa de cruzeiro e de encerramento » (devis-programme de croisière et de clôture, ci-après le « devis-programme »), approuvé par l’ordonnateur national, signé pour aval par le bénéficiaire et visé par le chef de la délégation.

8        En vue d’appliquer le devis-programme et d’en couvrir tous les aspects opérationnels, la requérante s’est vu confier la gestion d’une dotation financière de l’ordre de 2 531 560 euros.

9        Conformément au contrat de services et au devis-programme, la requérante s’est acquittée des tâches qui lui avaient été assignées dans les délais impartis. Le 31 août 2012, au terme dudit contrat tel qu’amendé, elle a déclaré des dépenses de l’ordre de 475 108,25 euros au titre du contrat de services et de l’ordre de 1 679 933,71 euros en ce qui concerne la mise en œuvre du devis-programme.

10      La Commission a, par la suite, demandé deux audits, l’un portant sur le contrat de services et l’autre sur le devis-programme. Les deux projets de rapports d’audit, qui ont été établis respectivement les 12 et 25 mai 2014, ont identifié différentes dépenses qu’ils qualifiaient d’inéligibles, pour un total de 607 072,24 euros, devenus, après correction comptable, 607 096,08 euros, pour le devis-programme et 10 151,17 euros pour le contrat de services.

11      La requérante a transmis ses observations sur les projets de rapports d’audit le 11 juin 2014. La version finale de ces rapports, qui a été rendue le 25 juillet 2014, incluait les commentaires de l’auditeur sur les observations de la requérante.

12      À la suite de ces rapports, la délégation de l’Union européenne auprès de la République de Guinée-Bissau a fait siennes les conclusions de l’auditeur. Toutefois, avant que soit prise une décision quant au recouvrement de la somme relative au devis-programme, à savoir 607 096,08 euros, la requérante a été invitée, par courrier du 29 octobre 2014, à formuler ses observations à la Commission. Le 7 novembre 2014, la requérante a répondu à ce courrier.

13      Le 12 décembre 2014, par un courrier signé conjointement par le chef de la délégation et l’ordonnateur national, les objections et les arguments de la requérante ont été rejetés. Le 14 décembre 2014, la requérante a contesté la teneur de cette lettre et a réitéré sa position.

14      Le 26 mars 2015, la délégation de l’Union européenne auprès de la République de Guinée-Bissau a envoyé à la requérante la note de débit no 4940150201, d’un montant de 607 096,08 euros, portant comme libellé « Remboursement de fonds, selon rapport d’audit ». La note de débit a été suivie d’un courrier, daté du 30 mars 2015, aux termes duquel :

« Considérant le [d]evis-[p]rogramme […] pour lequel le rapport d’audit a établi un montant inéligible de 607 072,24 euros, nous vous transmettons par courrier séparé une note de débit dudit montant. L’article 40 [de l’annexe I du contrat de services, relatif au règlement des différends] n’est pas d’application sur le devis-[p]rogramme. Nous aimerions vous informer qu’une évaluation technique est en cours et que ses résultats seront versés au dossier. »

15      La requérante a, par courrier du 6 mai 2015, contesté la note de débit et le courrier d’accompagnement du 30 mars 2015. Elle a réécrit à la Commission le 22 juin 2015. Un courriel de la Commission, daté du 24 juin 2015, est alors parvenu à la requérante afin de l’informer qu’une réponse lui serait apportée dans les meilleurs délais.

16      La requérante ayant fait valoir d’autres créances dont elle disposait à l’égard de la Commission, cette dernière a décidé d’apurer les sommes dues par compensation entre créances et dettes pendantes, étant précisé que le montant à payer, selon la Commission, au titre du devis-programme a finalement été arrêté à 624 388,73 euros, afin d’y inclure 17 292,65 euros d’intérêts de retard.

17      Ainsi, la requérante a reçu de la direction générale (DG) « Budget » de la Commission six décisions de compensation, visant au recouvrement de la créance constituée par les dépenses qualifiées d’« inéligibles » dans le rapport d’audit relatif au devis-programme (ci-après la « créance litigieuse »). Lesdites décisions sont les suivantes :

–        la décision du 25 août 2015 procédant à une compensation de 45 581,87 euros (créance résiduelle sans les intérêts : 561 514,21 euros) ;

–        la décision du 27 août 2015 procédant à une compensation de 21 639,45 euros (créance résiduelle sans les intérêts : 539 874,76 euros) ;

–        la décision du 7 septembre 2015 procédant à une compensation de 48 715,20 euros (créance résiduelle sans les intérêts : 491 159,56 euros) ;

–        la décision du 16 septembre 2015 procédant à une compensation de 21 857,97 euros (créance résiduelle sans les intérêts : 469 301,59 euros) ;

–        la décision du 23 septembre 2015 procédant à une compensation de 422 302,02 euros (créance résiduelle sans les intérêts : 46 999,57 euros) ;

–        la décision du 25 septembre 2015 procédant à une compensation de 64 292,22 euros, en y incluant les intérêts de retard de 17 292,65 (extinction de la créance litigieuse).

18      Dès réception de la décision du 25 août 2015, la requérante a fait parvenir à la délégation de l’Union européenne auprès de la République de Guinée-Bissau le courrier du 26 août 2015, par lequel elle rappelait les termes de celui du 6 mai 2015 et demandait la suspension de toute mesure de mise à exécution de la note de débit dans l’attente de l’examen de sa position par les services de la Commission.

19      Par courrier du 2 octobre 2015, envoyé par courriel le 5 octobre 2015, le chef de la délégation a répondu à la requérante par la négative, en concluant par cette phrase :

« Toutefois, étant donné l’importance de la somme considérée en contestation, nous procédons à des études additionnelles dont vous serez tenus au courant. »

 Cadre juridique et contractuel

20      Le FED a été établi pour financer la coopération avec les États ACP, tout d’abord par le biais d’une annexe au traité CEE, puis par des accords internes des États membres réunis au sein du Conseil de l’Union européenne. À ce jour, il y a eu onze FED successifs et les accords internes relatifs à ces FED ont été conclus pour une durée correspondant à la durée des divers accords et conventions par lesquels l’Union européenne et ses États membres ont établi ce partenariat spécial avec les États ACP. Les montants dont ont été dotés les FED n’ont pas été inscrits au budget général de l’Union, ce qui explique que la gestion de chaque FED a été régie par un règlement financier spécifique.

21      Le présent recours s’inscrit dans le cadre de l’application du règlement financier, du 27 mars 2003, applicable au neuvième FED (JO 2003, L 83, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 309/2007 du Conseil, du 19 mars 2007 (JO 2007, L 82, p. 1) (ci-après le « règlement financier applicable au neuvième FED »).

22      Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’article 156 du règlement (CE) no 215/2008 du Conseil, du 18 février 2008, portant règlement financier applicable au dixième FED (JO 2008, L 78, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 370/2011 du Conseil, du 11 avril 2011 (JO 2011, L 102, p. 1) (ci-après le « règlement financier applicable au dixième FED »), les opérations financées à partir, notamment, du neuvième FED ont été soumises à l’application des dispositions du règlement financier applicable au dixième FED, à compter de son entrée en vigueur, le 20 mars 2008, en ce qui concerne les acteurs financiers, les opérations et les recettes, la liquidation, l’ordonnancement et le paiement des dépenses, les systèmes informatiques, la reddition des comptes ainsi que le contrôle externe et la décharge.

23      Par la suite, à compter du 6 mars 2015, les dispositions du règlement (UE) 2015/323 du Conseil, du 2 mars 2015, portant règlement financier applicable au onzième FED (JO 2015, L 58, p. 1), se sont appliquées aux opérations financées à partir des FED antérieurs, sans préjudice des engagements juridiques existants. En l’espèce, les opérations financées par la Commission en application de la convention de financement ayant fait l’objet d’engagements juridiques antérieurs à l’entrée en vigueur du règlement 2015/323, elles n’ont donc pas été soumises à l’application des dispositions dudit règlement.

 Contrat de services et devis-programme

24      Le contrat de services a été adopté conformément à l’article 5 de la convention de financement, en application duquel l’ordonnateur national concerné devait établir des contrats de services avec les organismes sélectionnés, chargés de préparer des devis-programmes adéquats (d’abord de « démarrage », ensuite de « croisière » et, enfin, de « clôture »), le tout avant le 18 décembre 2010.

25      Aux termes de l’article 80, paragraphe 4, du règlement financier applicable au neuvième FED, un devis-programme était défini comme étant « un document fixant les moyens matériels et les ressources humaines nécessaires, le budget ainsi que les modalités techniques et administratives de mise en œuvre de l’exécution du projet ».

26      Cette définition figurait également au point 2.4.1 du guide pratique des procédures applicables aux devis-programmes financés par le FED et le budget général de l’Union européenne de 2009 (ci-après le « guide »).

 Contrôles et audits de la Commission

27      Les articles 12 et 13 du règlement financier applicable au neuvième FED portaient sur le contrôle exercé par la Commission dans le cadre de l’exécution financière des projets et programmes soutenus par ledit FED.

28      L’article 13, paragraphe 3, du règlement financier applicable au neuvième FED prévoyait notamment ce qui suit :

« La mise en œuvre par les États ACP […] des actions financées sur les ressources du FED est soumise au contrôle de la Commission qui peut s’exercer soit par une approbation a priori, soit par un contrôle ex post, soit selon une procédure mixte […] »

29      Dans ce contexte, plusieurs systèmes de vérification et de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués ont été mis en place, en faveur de la Commission, par l’article 18 de l’annexe I de la convention de financement. Ces derniers incluaient, notamment, la possibilité de conduire un audit complet, si nécessaire, sur la base des pièces justificatives des comptes et documents comptables et de tout autre document relatif au financement du projet ou du programme, et ce jusqu’à la fin d’une période de sept ans à compter du dernier paiement. Au titre de l’article 18.4 de ladite annexe, les contrôles et audits pouvaient « s’étendre aux contractants et sous-contractants ayant bénéficié de fonds communautaires ». La réalisation d’audits financiers était également prévue par l’article 4.5 de l’annexe II de ladite convention et par l’article 25.1 de l’annexe I du contrat de services.

30      Par ailleurs, aux termes de l’article 4.15 du devis-programme, les dépenses effectuées au titre du devis-programme étaient également soumises à la réalisation d’un audit financier, dans le cadre duquel les auditeurs pouvaient procéder à toutes les vérifications comptables, techniques, administratives et juridiques qu’ils estimaient utiles ou nécessaires.

 Recouvrement de créances

31      S’agissant des éventuelles créances constatées par la Commission ou l’ordonnateur national, elles ont d’abord été soumises à l’application des articles 41 à 47 du règlement financier applicable au neuvième FED, puis, à compter de l’entrée en vigueur du règlement financier applicable au dixième FED, le 20 mars 2008, aux articles 63 à 65 de ce dernier règlement.

32      L’article 65, paragraphe 2, du règlement applicable au dixième FED reproduisait le contenu de l’article 46, paragraphe 3, du règlement financier applicable au neuvième FED. Ces dispositions, de même que l’article 80, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), conféraient au comptable de la Commission le pouvoir de procéder au recouvrement par compensation et à due concurrence des créances du FED ou de l’Union à l’égard de tout débiteur lui-même titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible à l’égard du FED ou de l’Union.

 Dépenses inéligibles

33      Le point 3.3.2 du guide distinguait les types de dépenses couvertes par les devis-programmes de celles couvertes par les contrats de services, dans les termes suivants :

« En cas d’opérations décentralisées indirectes privées (FED uniquement), les dépenses de personnel de l’entité concernée ainsi que ses propres dépenses de fonctionnement nécessaires à l’exécution financière de la partie régie du budget des différents devis-programmes ne peuvent pas être financées par la partie régie du budget des devis-programmes, ces dépenses étant couvertes par le budget du contrat de services signé avec cette entité. »

34      En ce qui concerne, premièrement, la récupération des montants alloués au titre du contrat de services faisant l’objet du présent recours, l’article 31.1 de l’annexe I dudit contrat stipulait :

« Le titulaire [du contrat de services] s’engage à rembourser au pouvoir adjudicateur les montants qui lui auraient été versés [au titre du contrat de services] en surplus par rapport au montant final dû au plus tard à la date limite mentionnée dans la note de débit ce qui correspond à 45 jours après la date d’émission de cette note de débit. »

35      À cet égard, l’article 31.3 de l’annexe I du contrat de services prévoyait que le pouvoir adjudicateur pouvait procéder au remboursement des sommes qui lui étaient dues par compensation avec des sommes dues au titulaire à quelque titre que ce soit et, le cas échéant, que la Commission en tant que bailleur de fonds pouvait se subroger au pouvoir adjudicateur.

36      En ce qui concerne, deuxièmement, la récupération des montants alloués au titre du devis-programme, l’article 4.14 du devis-programme précisait que les montants correspondant aux dépenses inéligibles devaient être remboursés sans retard par le régisseur d’avances et par le comptable ou, le cas échéant, par l’entité mentionnée au point 4.2. du devis-programme, à savoir la requérante.

37      Conformément au paragraphe introductif du point 4 du devis-programme, les dispositions techniques relatives à l’exécution du devis-programme devaient respecter les règles et les procédures décrites dans le guide. Le point 3.4.1 de ce dernier disposait notamment ce qui suit :

« L’endossement du devis-programme par le Chef de délégation implique son accord quant au financement […] dans la mesure où les règles et procédures prévues dans le présent guide pratique seront respectées. En cas de non-respect de ces règles et procédures, les dépenses relatives aux opérations en cause seront inéligibles au financement par les ressources de l’Union européenne. »

38      Le point 4.1.2 du guide prévoyait, par ailleurs, que, « pour être éligibles, les dépenses d[evai]ent être liées à la réalisation d’actions dans le devis-programme dûment approuvé et préalablement signé ».

 Procédure et conclusions des parties

39      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 novembre 2015, la requérante a introduit le présent recours.

40      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 22 janvier 2016, la Commission a soulevé une exception au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 21 mars 2016.

41      Par ordonnance du 30 mai 2016, la huitième chambre du Tribunal (ancienne composition) a décidé de joindre l’exception au fond.

42      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler les « décisions de compensation de la Commission […] contenues dans ses courriers des 25 août, 27 août, 7 septembre, 16 septembre et 23 septembre 2015 et visant au recouvrement de la somme de 624 388,73 euros » ;

–        condamner la Commission au paiement de la somme de 624 388,73 euros augmentés d’un intérêt de retard, à fixer sur le taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE) à augmenter de deux points ;

–        condamner la Commission à la réparation de son préjudice moral, évalué à un euro symbolique ;

–        condamner la Commission aux dépens.

43      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, se déclarer incompétent pour connaître du recours ;

–        à titre encore plus subsidiaire, rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

44      Dans l’exception, la Commission fait valoir, à titre liminaire, que l’objet du présent recours doit être limité à une demande d’annulation de cinq des six décisions de compensation visées au point 17 ci-dessus, en ce que la requérante a omis de contester la décision du 25 septembre 2015 dans la requête. Selon elle, il s’ensuit que le montant à prendre en considération dans le cadre du recours doit être limité à 560 096,51 euros.

45      Dans ses observations sur l’exception, la requérante ne conteste pas l’omission de la décision du 25 septembre 2015 dans les conclusions figurant dans la requête. Elle indique cependant que le montant dont elle réclame le paiement implique nécessairement la prise en compte de cette décision dans l’objet du recours. En outre, la requête ferait expressément référence à cette décision comme faisant partie des décisions contre lesquelles le recours est dirigé.

46      En vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, arrêt du 16 avril 2015, Parlement/Conseil, C‑317/13 et C‑679/13, EU:C:2015:223, point 17 et jurisprudence citée).

47      En l’espèce, dans la requête, la requérante indique de façon claire et non équivoque le montant dont elle demande le remboursement, lequel inclut le montant visé par la décision du 25 septembre 2015. En outre, cette décision y est désignée au moins une fois comme l’une des « décisions entreprises par le présent recours ».

48      Partant, l’omission de la décision du 25 septembre 2015 dans les parties de la requête relatives aux conclusions de la requérante est sans incidence sur l’objet du recours.

49      En effet, il ressort sans ambiguïté de la lecture de la requête que l’argumentation de la requérante vise notamment à obtenir l’annulation de l’ensemble des décisions de compensation visées au point 17 ci-dessus, lesquelles tendent toutes à obtenir le recouvrement de la créance litigieuse, ce qui permet non seulement au Tribunal d’exercer son contrôle, mais également à la requérante de préparer sa défense. Dans ses écritures, cette dernière a d’ailleurs apporté une réponse à ladite argumentation en faisant référence à ladite créance dans son entièreté.

50      Il en résulte que le présent recours est dirigé contre l’ensemble des décisions de compensation visées au point 17 ci-dessus (ci-après les « décisions attaquées »).

51      Il y a donc lieu de rejeter l’argumentation soulevé à titre liminaire par la Commission dans l’exception selon laquelle l’objet du recours doit être limité à une demande d’annulation de cinq des six décisions attaquées.

 Sur la compétence et la recevabilité

52      À l’appui de l’exception, la Commission soulève trois arguments.

53      Premièrement, la Commission excipe de l’irrecevabilité du recours au motif de l’absence dans la requête de moyens spécifiques concernant les décisions attaquées. Elle allègue, à cet égard, que les moyens soulevés par la requérante visent uniquement à remettre en cause le bien-fondé de la créance litigieuse, et non la régularité juridique et financière des actes de compensation faisant l’objet desdites décisions.

54      Deuxièmement, la Commission demande au Tribunal de se déclarer incompétent pour connaître du recours, eu égard à la circonstance que les décisions attaquées ne lui sont pas imputables. Elle soutient, d’une part, qu’elle est uniquement intervenue aux fins de garantir le financement du programme et, d’autre part, que son comptable a agi en se subrogeant à l’ordonnateur national, auquel lesdites décisions demeurent imputables.

55      Troisièmement, la Commission estime que la requérante a effectué un « détournement de procédure ». Selon elle, les décisions attaquées porteraient, en substance, sur les relations contractuelles entre la requérante et les autorités compétentes de la République de Guinée-Bissau, de sorte que la requérante ne saurait, en l’absence de clause compromissoire, soumettre le recours à l’examen du Tribunal.

56      Dans ses observations sur l’exception, la requérante soutient qu’elle est bien le destinataire des décisions attaquées. Ces dernières ne relèveraient pas d’un contexte contractuel et émaneraient de la Commission, agissant en vertu de ses compétences propres, au titre de ses prérogatives de puissance publique.

57      S’agissant de l’argumentation de la Commission selon laquelle la requérante a effectué un « détournement de procédure », il y a lieu de relever que le présent recours est fondé en partie sur l’article 263 TFUE et a notamment pour objet une demande d’annulation des décisions attaquées. À l’appui du recours, la requérante a, en substance, soulevé cinq moyens, à savoir un moyen tiré de l’« absence de base juridique », un moyen tiré de la violation du principe d’interdiction de l’enrichissement sans cause, un moyen tiré de la violation du pouvoir d’appréciation au titre des articles 42, 44, 45 et 47 du règlement financier applicable au neuvième FED et du principe de proportionnalité, un moyen tiré de la violation du principe de bonne administration et un moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation de la Commission concernant plusieurs constatations du rapport d’audit relatif au devis-programme.

58      Les références explicites à l’article 263 TFUE dans la requête et les intitulés des moyens invoqués dans celle-ci invitent ainsi le Tribunal à exercer ses compétences en matière de contrôle de légalité des décisions attaquées. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, un acte par lequel la Commission opère, comme dans chacune desdites décisions, une compensation extrajudiciaire entre les dettes et les créances résultant de différents rapports juridiques avec la même personne constitue un acte attaquable au sens de ladite disposition. C’est dans le cadre d’un tel recours en annulation qu’il revient au Tribunal d’examiner la légalité d’une ou de plusieurs décisions de compensation au regard des effets tenant à l’absence de versement effectif des sommes dues à la requérante (voir arrêt du 6 octobre 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑216/12, EU:T:2015:746, point 53 et jurisprudence citée).

59      Néanmoins, en soulevant un moyen tiré de l’« absence de base juridique » et un moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation de la Commission concernant plusieurs constatations du rapport d’audit relatif au devis-programme, la requérante demande en substance au Tribunal de constater que les décisions attaquées ne pouvaient se fonder sur la créance litigieuse. En effet, dans le cadre du moyen tiré de l’« absence de base juridique », elle fait notamment grief à la Commission de l’avoir désignée comme le débiteur de ladite créance, dont elle conteste le caractère exigible.

60      Le présent recours vise donc, en réalité, à obtenir non seulement l’annulation des décisions attaquées, la condamnation de la Commission au paiement de la somme de 624 388,73 euros et la réparation du préjudice moral de la requérante, mais également le constat du Tribunal que l’Union ne détient pas à l’égard de la requérante la créance litigieuse (voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑216/12, EU:T:2015:746, points 54 et 55).

61      Or, s’agissant de la nature de la créance litigieuse, d’une part, il convient de relever qu’il n’existe pas de relation contractuelle entre l’Union, représentée par la Commission, et la requérante. L’autre partie au contrat de services en application duquel la requérante a préparé le devis-programme est le ministre de l’Économie et des Finances de la République de Guinée-Bissau, et non l’Union, représentée par la Commission. Quant au devis-programme, la requérante a signalé, dans ses observations sur l’exception, qu’il ne s’agissait pas d’un contrat, mais d’un document de programmation visant l’exécution des fonds versés par la Commission conformément au budget établi par ses soins et ne créant pas d’engagements réciproques avec la Commission. Lors de l’audience, la Commission a indiqué qu’elle partageait la position de la requérante sur ce point. Elle a qualifié le devis-programme d’acte unilatéral pouvant être apparenté à une déclaration de volonté de la requérante, par le biais de laquelle cette dernière serait devenue responsable de la correcte exécution du projet.

62      À cet égard, il convient de préciser qu’il ressort de l’article 54, paragraphe 4, du règlement financier applicable au neuvième FED que les devis-programmes constituent des « engagements juridiques individuels » et qu’ils sont conclus par l’État ACP ou le pays ou territoire d’outre-mer bénéficiaire (PTOM) ou par la Commission en leur nom et pour leur compte. Par conséquent, la seule circonstance que le chef de la délégation a signé le devis-programme « pour approbation » ne saurait conduire à la conclusion qu’il s’agit d’un contrat entre la requérante et l’Union, représentée par la Commission, sauf à contredire le libellé même de ladite disposition.

63      En outre, le versement de la dotation financière allouée au devis-programme par la Commission constituait la mise en œuvre de l’obligation de paiement à laquelle celle-ci était tenue au titre de l’article 54, paragraphe 3, sous a), du règlement financier applicable au neuvième FED, sans qu’une telle obligation ait été prévue par le devis-programme. Dans ces conditions, les droits de la Commission afférents aux créances ayant pour origine cette même dotation financière ne sauraient, non plus, découler du devis-programme et s’inscrivaient uniquement dans le cadre de l’exercice des prérogatives de droit de l’Union dont la Commission était titulaire en vertu des différents règlements financiers encadrant les ressources allouées aux FED.

64      D’autre part, il y a lieu de relever que la créance litigieuse était uniquement fondée sur les constatations du rapport d’audit relatif au devis-programme, lequel avait été établi conformément à l’article 4.15 du devis-programme et à l’article 4.5 de la convention de financement, sans qu’il soit fait référence aux dispositions du contrat de services. Il ressort, par ailleurs, du point 2.5 de ce rapport que seules les dépenses inéligibles constatées dans le cadre de la gestion du budget constitué par les contributions financières de l’Union sous forme de régies d’avance étaient concernées par ledit rapport. Ce dernier n’incluait donc pas les dépenses couvertes par ledit contrat, à savoir les dépenses de personnel de la requérante et ses propres dépenses de fonctionnement nécessaires à l’exécution financière de la partie régie du budget du devis-programme.

65      Il s’ensuit que la question de l’existence de la créance litigieuse ne relève ni du contexte contractuel lié à la conclusion du contrat de services entre la requérante et l’ordonnateur national, ni de l’interprétation des stipulations d’un contrat, ou d’une quelconque convention de subvention, conclu entre la requérante et l’Union, représentée par la Commission.

66      Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la Commission, la requérante n’a pas effectué un « détournement de procédure » en soumettant la demande d’annulation des décisions attaquées au Tribunal. En effet, selon la jurisprudence, les juridictions de l’Union peuvent être saisies d’un recours sur le fondement de l’article 263 TFUE si l’acte attaqué vise à produire des effets juridiques contraignants qui se situent en dehors d’une relation contractuelle liant les parties et qui impliquent l’exercice de prérogatives de puissance publique conférées à l’institution en sa qualité d’autorité administrative (ordonnance du 29 septembre 2016, Investigación y Desarrollo en Soluciones y Servicios IT/Commission, C‑102/14 P, non publiée, EU:C:2016:737, point 55 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 20).

67      Par ailleurs, s’agissant de l’argumentation de la Commission selon laquelle les décisions attaquées ne lui sont pas imputables dans la mesure où elles les a adoptées en se subrogeant à l’ordonnateur national, il y a lieu de souligner que les dispositions financières applicables aux ressources du FED, à savoir l’article 46, paragraphe 3, du règlement financier applicable au neuvième FED et l’article 80, paragraphe 1, du règlement financier applicable au dixième FED, visant le recouvrement par compensation des créances, ne prévoyaient pas de régime de subrogation. Un tel régime était uniquement prévu aux termes de l’article 31.1 du contrat de services. Or, il ressort du point 64 ci-dessus que les dispositions dudit contrat n’étaient pas applicables aux fins du recouvrement de la créance litigieuse. En tout état de cause, dès lors que la subrogation permet la transmission d’une créance à un subrogataire, lequel devient titulaire des droits liés à la créance, force est de constater que les décisions attaquées demeurent, même dans le cas d’une subrogation, imputables à la Commission.

68      Enfin, s’agissant de l’argumentation de la Commission visant l’irrecevabilité des conclusions en annulation de la requérante, elle ne saurait être accueillie. Conformément à l’article 63, paragraphes 2 et 3, du règlement financier applicable au dixième FED, la vérification par l’ordonnateur et le comptable compétents que la créance soit certaine, liquide et exigible constitue une condition préalable à l’adoption d’une décision de recouvrement et vaut, a fortiori, s’agissant d’une décision de compensation de créances au titre de l’article 65 du règlement financier applicable au dixième FED. Partant, il ne saurait être dénié à la requérante le pouvoir de contester l’existence de la créance que la Commission détient à son égard, dès lors qu’elle constitue la base juridique même des décisions attaquées.

69      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le Tribunal est compétent pour connaître du présent litige. L’exception de la Commission doit être rejetée et le recours déclaré recevable dans son ensemble.

 Sur le fond

 Sur les conclusions en annulation

70      Il convient de traiter les premier, troisième et cinquième moyens avant le quatrième moyen, tiré de la violation des garanties procédurales, dans la mesure où ils concernent l’« absence de base juridique » précise aux prétentions de la Commission ainsi que l’étendue de son pouvoir d’appréciation au titre des dispositions financières applicables dans le cadre de l’exécution des ressources du FED et visent à établir qu’elle a commis des erreurs manifestes d’appréciation en entérinant certaines constatations du rapport d’audit relatif au devis-programme.

71      Quant au deuxième moyen, il convient de l’examiner dans le cadre de l’analyse du chef de conclusions tendant à obtenir restitution des sommes prétendument liées à un enrichissement sans cause de la Commission augmentées d’un intérêt de retard, à fixer sur le taux directeur de la BCE, à augmenter de deux points. Ledit chef de conclusions sera examiné à la suite des conclusions en annulation.

–       Sur le premier moyen, tiré de l’« absence de base juridique »

72      En premier lieu, la requérante fait valoir que, dans les décisions attaquées, la Commission n’a pas identifié de « base juridique » précise à ses prétentions et a, par conséquent, violé le principe de sécurité juridique. À cet égard, elle se fonde sur les courriers des 29 octobre et 12 décembre 2014 ainsi que 2 octobre 2015, dans lesquels, pour justifier l’existence d’une créance de l’Union à son égard, la Commission aurait fait référence aux seuls articles 28 à 31 des conditions générales du contrat de services ainsi qu’aux « règles financières applicables au [neuvième] FED », sans autre précision.

73      En second lieu, la requérante soutient qu’elle ne saurait être considérée comme le débiteur de la créance litigieuse, dans la mesure où elle a agi comme intermédiaire entre la Commission et l’État de la République de Guinée-Bissau, dont elle est juridiquement distincte. Elle allègue que l’article 46 du règlement financier applicable au neuvième FED ne permettait pas le recouvrement d’une créance auprès d’une entité privée intervenant dans le cadre d’une opération décentralisée indirecte qui n’était pas le bénéficiaire des sommes visées. Selon elle, il ressort de l’article 3 de l’annexe I de la convention de financement que l’État bénéficiaire demeurait responsable de la mise en œuvre du programme à l’égard de la Commission. À cet égard, elle précise que les sommes qualifiées d’inéligibles au titre du devis-programme n’ont pas servi à couvrir ses coûts et n’ont pas été affectées à une quelconque marge bénéficiaire.

74      La Commission conteste les arguments de la requérante. Elle affirme que l’article 13, paragraphe 3, et les articles 42 à 47 du règlement financier applicable au neuvième FED conféraient à son comptable le pouvoir de procéder au recouvrement de la créance litigieuse et constituaient, dès lors, la base juridique des décisions attaquées. En outre, elle avance que la requérante ne saurait être considérée comme un simple intermédiaire financier et était pleinement responsable de la gestion des fonds alloués au titre du devis-programme, en application de l’article 80 dudit règlement, dont le paragraphe 3 disposait que « l’organisme [de droit privé] concerné se charge[ait] de l’exécution du projet ou programme à la place de l’ordonnateur national ».

75      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe de sécurité juridique fait partie des principes généraux du droit de l’Union, dont le Tribunal doit assurer le respect. Il requiert que tout acte qui vise à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit de l’Union, qui doit être expressément indiquée comme base légale de l’acte, et prescrit la forme juridique que celui-ci doit revêtir (voir arrêt du 12 décembre 2007, Italie/Commission, T‑308/05, EU:T:2007:382, point 123 et jurisprudence citée). Cette obligation s’applique a fortiori aux décisions adressées à des personnes physiques ou morales visées à l’article 288, quatrième alinéa, TFUE.

76      Toutefois, l’omission de la référence à la base juridique précise d’un acte ou d’une décision peut ne pas constituer un vice substantiel lorsque celle-ci peut être déterminée à l’appui d’autres éléments de l’acte ou de la décision en cause. Une référence explicite est cependant indispensable lorsque, à défaut de celle-ci, les intéressés et la juridiction de l’Union compétente sont laissés dans l’incertitude quant à la base juridique précise (arrêts du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86, EU:C:1987:163, point 9, et du 12 décembre 2007, Italie/Commission, T‑308/05, EU:T:2007:382, point 124).

77      En l’espèce, il convient de constater que les décisions attaquées comportent, dans leur note en bas de page respective, une référence explicite à l’article 65 du règlement financier applicable au dixième FED et à l’article 80 du règlement no 966/2012.

78      Or, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 65 du règlement financier applicable au dixième FED, cette disposition confère, en vertu de son paragraphe 2, la possibilité à la Commission de procéder au recouvrement des créances du FED par compensation.

79      Concernant l’article 80 du règlement no 966/2012, il convient de préciser que le paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette disposition a remplacé l’article 83 du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 357, p. 1), lequel s’appliquait mutatis mutandis à la mise en œuvre de l’article 65, paragraphe 2, du règlement financier applicable au dixième FED, conformément à l’article 65, paragraphe 7, de ce dernier règlement.

80      Il en découle que, dans la mesure où les décisions attaquées étaient fondées sur l’article 65 du règlement financier applicable au dixième FED et l’article 80 du règlement no 966/2012, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir manqué à son obligation de fournir une base juridique précise pour procéder à des actes de compensation dans les décisions attaquées.

81      Quant à la question de savoir si la Commission pouvait, à juste titre, se fonder sur la créance litigieuse pour procéder aux actes de compensation faisant l’objet des décisions attaquées, en ce sens qu’elle n’aurait, selon la requérante, pas identifié de « base juridique » précise à ses prétentions, il convient de rappeler que la créance litigieuse est fondée, ainsi qu’il ressort clairement des décisions attaquées et de la note de débit, sur le rapport d’audit relatif au devis-programme. Or, le point 2.2 dudit rapport identifie de manière explicite l’ensemble des dispositions ayant permis d’établir la créance litigieuse.

82      S’agissant, par ailleurs, des arguments de la requérante relatifs à sa qualité d’intermédiaire entre la Commission et la République de Guinée-Bissau, ils font, en substance, grief à la Commission d’avoir adopté les décisions attaquées sans qu’aucune base juridique ne lui permette de l’identifier comme le débiteur de la créance litigieuse et, par conséquent, comme le destinataire desdites décisions.

83      À cet égard, d’abord, il y a lieu de préciser qu’il ressort de l’article 64, paragraphe 2, du règlement applicable au dixième FED que la Commission peut, sans préjudice des responsabilités des États ACP, « formaliser la constatation d’une créance à charge de personnes autres que les États dans une décision qui forme titre exécutoire dans les conditions définies à l’article [299] du traité ».

84      Il en découle que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission disposait, au titre de l’article 64, paragraphe 2, du règlement applicable au dixième FED, d’une base juridique lui permettant de constater une créance à l’égard de la requérante en tant qu’entité de droit privée, distincte de l’État bénéficiaire, en l’occurrence, la République de Guinée-Bissau.

85      Ensuite, il convient de vérifier si, en l’espèce, la créance litigieuse était exigible, au sens de l’article 63, paragraphes 2 et 3, du règlement financier applicable au dixième FED, à l’égard de la requérante.

86      À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 4.14 du devis-programme prévoyait, en des termes explicites, qu’il incombait au régisseur ou au comptable désigné par la requérante, ou à celle-ci, de procéder au remboursement des sommes inéligibles et que ce n’était que lorsque ceux-ci faisaient défaut et qu’aucune garantie bancaire n’avait été obtenue avant le paiement de la dotation initiale que le représentant du pays bénéficiaire, à savoir l’ordonnateur national, pouvait être tenu d’effectuer le remboursement de ces sommes.

87      Il s’ensuit que, conformément à l’article 4.14 du devis-programme, la requérante s’était engagée unilatéralement, en établissant le devis-programme, à rembourser les éventuelles dépenses inéligibles constatées par la Commission. C’est, dès lors, à bon droit que la Commission l’a considérée comme le débiteur de la créance litigieuse.

88      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les points 2.5 et 4.1.5 du guide, lesquels prévoyaient respectivement que, « quelle que soit l’étendue des pouvoirs et responsabilités délégués, la responsabilité financière de l’exécution des devis-programmes vis-à-vis de la Commission […] rest[ait] toujours du ressort du représentant concerné du(des) pays bénéficiaire(s) » et que « en cas d’émission d’un ordre de recouvrement, le représentant concerné du(des) pays bénéficiaire(s) d[eva]it s’assurer du remboursement effectif de la somme due ».

89      En effet, il ressort du paragraphe introductif du point 4 du devis-programme que les éléments développés dans ce point visaient à spécifier et à compléter les dispositions du guide applicables au devis-programme, de sorte que ces dernières ne sauraient être invoquées aux fins de remettre en cause la responsabilité financière des entités établie par les dispositions spécifiques du devis-programme.

90      De la même manière, dans la mesure où la convention de financement s’appliquait à un ensemble de programmes ou projets ne faisant pas nécessairement l’objet d’une gestion décentralisée indirecte privée, elle ne saurait être invoquée aux fins de contredire le sens des engagements spécifiques pris par la requérante au titre du devis-programme.

91      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les sommes qualifiées d’inéligibles au titre du devis-programme n’ont pas servi à couvrir ses coûts et n’ont pas été affectées à une quelconque marge bénéficiaire, il ne saurait prospérer. Ainsi qu’il ressort de l’article 65, paragraphe 2, du règlement applicable au dixième FED, le recouvrement par compensation peut s’effectuer concernant les « créances à l’égard de tout débiteur ». Il est donc susceptible de viser toute dotation financière de la Commission, confiée dans le cadre de la gestion des ressources du FED, qu’il s’agisse ou non de sommes versées afin de couvrir les coûts ou la rémunération du débiteur ou visant à lui conférer une marge bénéficiaire.

92      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen.

–       Sur les troisième et cinquième moyens, tirés de la violation du pouvoir d’appréciation de la Commission au titre des dispositions financières applicables dans le cadre de l’exécution des ressources du FED, de la violation du principe de proportionnalité et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant certaines constatations du rapport d’audit relatif au devis-programme

93      Par le troisième moyen, d’une part, la requérante soutient que la Commission n’a pas exercé le pouvoir d’appréciation lui ayant été conféré par les dispositions du règlement financier applicable au neuvième FED, relatives à la constatation et au recouvrement des créances, lues en combinaison avec le guide, en ce qu’elle s’est contentée d’entériner les appréciations de l’auditeur sans adopter de décision autonome à la suite de la production du rapport d’audit relatif au devis-programme.

94      D’autre part, la requérante fait valoir que la Commission a commis une violation du principe de proportionnalité en ne mettant pas en balance l’impact de la créance et la valeur du contrat de services et en ne tenant pas compte du fait que le contrat de services prévoyait des sanctions au cas où la requérante n’exécutait pas les obligations lui incombant au titre dudit contrat. Elle soutient que la Commission a également omis de prendre en considération le fait que les dépenses qualifiées d’inéligibles ont été engagées et versées par elle aux différents bénéficiaires finaux et que le montant de la créance litigieuse atteint jusqu’à 97 % des sommes payées par elle auxdits bénéficiaires.

95      La Commission conteste les arguments de la requérante. Elle estime que le rapport d’audit relatif au devis-programme était correct et bien argumenté, de sorte qu’elle pouvait l’accepter en se dispensant de commentaires superflus. S’agissant de la prise en compte des éléments relatifs à la valeur du contrat de services et aux sanctions prévues par ce même contrat, elle rappelle que ledit contrat et le devis-programme doivent être considérés comme des documents distincts.

96      Par le cinquième moyen, la requérante affirme que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation, dans la mesure où elle a notamment entériné les constatations financières nos 1, 2 et 8 du rapport d’audit relatif au devis-programme.

97      À cet égard, il convient de préciser que, dans le cadre de la constatation financière no 1 dudit rapport d’audit, intitulée « Dépassement d’exécution des lignes budgétaires », l’auditeur a identifié des dépenses inéligibles d’un montant de 200 779,27 euros, au motif du dépassement en interne de plusieurs rubriques du budget du devis-programme, à la suite de la réallocation de dépenses initialement incorrectement classées par la requérante.

98      Dans le cadre de la constatation financière no 2, intitulée « Dépenses liées aux contrats de subvention après la période des avenants no 1 », l’auditeur a considéré que les dépenses intervenues pendant la période de mise en œuvre des avenants no 2 des divers contrats de subvention, d’un montant de 312 265,42 euros, étaient inéligibles, au motif qu’il n’y avait pas eu de continuité entre la fin des avenants no 1 (entre les 24 janvier et 16 avril 2012) et le début des avenants no 2 (le 23 mai 2012).

99      Dans le cadre de la constatation financière no 8, intitulée « Dépenses en dehors de la période contractuelle », l’auditeur a conclu que certaines dépenses, d’un montant total de 32 585 euros, étaient intervenues après la fin du devis-programme et étaient, par conséquent, inéligibles.

100    S’agissant de la constatation financière no 1, la requérante soutient que le point 3.5.2 du guide, l’article 2.1 de l’annexe I de la convention de financement et l’article 4.12 du devis-programme permettaient uniquement la réallocation de montants entre les rubriques principales du budget ou au sein de la même rubrique principale, de sorte qu’une réallocation de montants entre les sous-rubriques du budget ne pouvait être effectuée. Concernant certains des montants réalloués, l’auditeur n’aurait pas fourni une motivation suffisante. En outre, la requérante affirme que, à la suite du reclassement du montant indiqué à la ligne budgétaire 390000 à la ligne budgétaire 177000 par l’auditeur, elle a été contrainte d’assurer les coûts liés à la nécessité, d’une part, de maintenir au-delà du terme prévu les deux premières garanties financières et, d’autre part, de contracter une troisième garantie financière.

101    La Commission fait valoir que le budget du devis-programme doit être considéré comme la somme de ses éléments constitutifs et que les reclassements et les corrections comptables apportées par l’auditeur ont été effectuées sur la base d’une analyse rigoureuse des originaux des pièces justificatives des dépenses visées.

102    S’agissant de la constatation financière no 2, la requérante reconnaît l’absence de continuité entre la fin des avenants no 1 et le début des avenants no 2 des contrats de subvention. Toutefois, elle reproche, en substance, à la Commission de refuser d’accorder aux avenants des contrats de subvention le bénéfice de la rétroactivité, qu’elle a autorisée concernant l’avenant no 2 du contrat de services aux fins de remédier à son propre retard dans la conclusion de l’avenant dudit contrat, ce qui l’a contrainte à poursuivre l’exécution de sa mission, sans contrat, entre le 1er janvier et le 10 février 2012.

103    La Commission soutient que, conformément aux articles 11 et 14.1 des conditions générales applicables aux contrats de subvention conclus dans le cadre des actions extérieures à l’Union européenne, telles que reprises par le devis-programme et annexées à chaque contrat de subvention, la période de mise en œuvre des actions concernées ne pouvait être légalement prolongée.

104    S’agissant de la constatation financière no 8, la requérante fait valoir que les dépenses exposées sont liées à des services réalisés pendant la période du devis-programme, à savoir des activités de monitoring et de révision des travaux effectuées dans le cadre des contrats de subvention, avant la fin de la période opérationnelle, le 30 juin 2012.

105    La Commission affirme que la requérante ne saurait prétendre avoir fourni les services concernés dans leur totalité, tout en omettant de fournir les rapports finaux concernant ces services avant la date requise et de produire des éléments de preuve au soutien de sa conclusion.

106    Il convient de rappeler que le principe de bonne gestion financière des ressources de l’Union est inscrit à l’article 4 du règlement financier applicable au neuvième FED et à l’article 6, sous d), du règlement financier applicable au dixième FED. Ainsi qu’il ressort de l’article 11 de ce dernier règlement, il inclut les principes d’économie, d’efficience et d’efficacité.

107    L’obligation de la Commission de veiller à la bonne gestion financière des ressources de l’Union, conformément à l’article 317 TFUE, et la nécessité de lutter contre la fraude aux financements de l’Union confèrent une importance fondamentale aux engagements relatifs aux conditions financières (arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 126).

108    Il s’ensuit que, en l’espèce, l’obligation de la requérante de présenter des dépenses engagées pendant la période d’exécution du projet et conformément aux exigences stipulées dans le devis-programme, le guide et la convention de financement constituait un engagement essentiel, visant à permettre à la Commission de disposer des données nécessaires pour vérifier si les contributions versées étaient éligibles au financement du FED et d’exiger, le cas échéant, le recouvrement des créances constatées.

109    Eu égard au principe de bonne gestion financière et, en particulier, au principe d’efficacité, il ne saurait, par ailleurs, être reproché à la Commission de s’être fondée sur les conclusions du rapport d’audit relatif au devis-programme pour faire valoir les créances dont elle était titulaire en tant que bailleur de fonds, pour autant que celles-ci lui paraissaient exactes et justifiées.

110    Nonobstant cette considération, il ressort de l’article 63, paragraphe 1, et de l’article 65, paragraphe 2, du règlement financier applicable au dixième FED que l’ordonnateur compétent désigné par la Commission était tenu de vérifier la réalité et le montant de la dette, ainsi que ses conditions d’exigibilité, et pouvait annuler ou ajuster le montant de la créance.

111    Dès lors, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation lors du recouvrement de créances, la Commission ne saurait échapper à un contrôle juridictionnel. Si tel était le cas, la marge d’appréciation de l’ordonnateur compétent de cette dernière deviendrait en réalité un pouvoir quasi arbitraire, à l’écart du contrôle du juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2011, Grèce/Commission, T‑81/09, non publié, EU:T:2011:366, point 142).

112    C’est à l’aune de ces considération qu’il convient d’examiner si une appréciation autonome et suffisante a été effectuée au titre des dispositions du règlement financier applicable au dixième FED et, le cas échéant, si c’est à bon droit que la Commission a considéré que les irrégularités financières commises par la requérante étaient d’une gravité suffisamment élevée pour rendre nécessaire, à la lumière du principe de proportionnalité, la récupération de l’intégralité des dépenses inéligibles identifiées dans le rapport d’audit relatif au devis-programme.

113    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 116 et jurisprudence citée).

114    En l’occurrence, il convient d’apprécier si les actes de compensation, en ce qu’ils étaient fondés sur la créance litigieuse notamment formée par les dépenses inéligibles au titre des constatations nos 1, 2 et 8 du rapport d’audit relatif au devis-programme, ne dépassaient pas ce qui était nécessaire à la réalisation des objectifs de bonne gestion financière et de lutte contre la fraude aux financements de l’Union, tels que rappelés aux points 105 et 106 ci-dessus.

115    S’agissant, d’abord, de la constatation financière no 1 du rapport d’audit, il y a lieu de constater que l’argument de la requérante, par lequel elle soutient qu’elle a dû assumer l’ensemble des frais de garanties bancaires et des autres frais liés aux subventions et aux garanties budgétées, est fondé sur des affirmations erronées. En effet, la réallocation effectuée par l’auditeur à l’égard de la ligne budgétaire 177000, intitulée « Autres coûts avec subventions et garanties », consistait à en déduire un montant de 53 279,17 euros, de sorte que le montant total exécuté, après correction, s’élevait à 2 672,17 euros. À la suite des corrections de l’auditeur, aucune dépense inéligible n’incombait, par conséquent, à la requérante en vertu de la ligne budgétaire 177000.

116    En définitive, les corrections de l’auditeur apportées aux différentes lignes budgétaires ont conduit à l’identification de dépenses inéligibles d’un montant de 80 988,96 euros, en ce qu’elles ont augmenté ou ont causé le dépassement de certaines sous-rubriques du budget (pour les lignes budgétaires 250000, 320000, 340000, 350000, 370000, 112000 et 172000). Toutefois, en ce qui concerne d’autres sous-rubriques du budget, la réallocation effectuée par l’auditeur a eu pour conséquence de réduire le dépassement budgétaire (pour les lignes budgétaires 154000, 174000 et 360000), voire de le supprimer (pour les lignes budgétaires 152000, 156000, 177000 et 39000).

117    À la suite des corrections de l’auditeur, un montant de 50 554,74 euros a, par conséquent, été déduit du montant total correspondant aux dépassements budgétaires imputables à la requérante dans l’exécution du budget final du devis-programme. Dès lors, la réallocation effectuée par l’auditeur ne représente qu’un montant de 30 434,22 euros (à savoir la différence entre 80 988,96 euros et 50 554,74 euros) sur le montant total de 200 779,27 euros, correspondant à l’ensemble des dépenses inéligibles identifiées dans le cadre de la constatation financière no 1.

118    Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir entériné les corrections de l’auditeur dans la mesure où celles-ci ne représentaient qu’une portion limitée du montant total correspondant aux dépassements budgétaires imputables à la requérante, dont cette dernière n’a contesté ni l’existence ni l’ampleur. En outre, ces corrections ayant été effectuées par l’auditeur sur le fondement des pièces et des factures présentées, sur place, par la requérante à l’auditeur, la Commission n’était, en tout état de cause, pas en mesure d’effectuer un examen propre quant au détail des montants devant être affectés à chaque ligne budgétaire.

119    Dès lors, en approuvant la constatation financière no 1 du rapport d’audit, la Commission n’a pas commis de violation du principe de proportionnalité. Il ne saurait, par ailleurs, lui être reproché d’avoir omis d’effectuer une appréciation autonome des constatations de l’auditeur, dans la mesure où elle n’était pas en possession de l’ensemble des pièces prises en compte par l’auditeur.

120    De la même manière, s’agissant de la constatation financière no 8 du rapport d’audit, il y a lieu de considérer que, dès lors que la requérante n’a pas été en mesure de fournir à la Commission les rapports finaux relatifs aux services réalisés avant la fin de la période contractuelle et ne disposait que de factures postérieures à la date de fin du devis-programme, elle n’a présenté aucune preuve permettant de conclure à une erreur manifeste d’appréciation de la Commission ou à une violation du principe de proportionnalité.

121    En revanche, s’agissant de la constatation financière no 2 du rapport d’audit, il convient de constater que, ainsi que la requérante l’a fait valoir, à juste titre, dans ses écritures et lors de l’audience, la Commission n’a pas tenu compte de la circonstance que la conclusion de l’avenant no 2 du contrat de services avait également fait l’objet d’un retard, entre le 1er janvier et le 10 février 2012.

122    À cet égard, il convient de préciser qu’il ressort d’un courriel du 23 janvier 2012 adressé à la requérante par un représentant de la Commission, fourni en annexe de la requête, que l’approbation de la prorogation du contrat de services n’avait toujours pas eu lieu à cette date. Dans ce courriel, le représentant de la Commission, attaché aux affaires politiques et aux relations avec les médias au sein de la délégation de l’Union européenne auprès de la République de Guinée-Bissau, exprimait son regret quant au retard encouru et assurait que la rétroactivité de la prorogation dudit contrat « ne [posait] pas de question ».

123    Il s’ensuit que, en ordonnant le recouvrement des dépenses constatées dans le cadre de la constatation financière no 2 du rapport d’audit, la Commission a, en substance, refusé d’étendre aux avenants des contrats de subvention le bénéfice de la rétroactivité qu’elle avait accordée à l’avenant du contrat de services, en pleine connaissance du caractère tardif de sa prorogation.

124    Ce refus pouvait être légalement fondé sur le texte des conditions générales applicables aux contrats de subvention conclus dans le cadre des actions extérieures à l’Union européenne, dans la mesure où, d’une part, en application de l’article 11.1 desdites conditions générales, toute prolongation de la période de mise en œuvre des contrats de subvention devait faire l’objet d’une demande du bénéficiaire de la subvention, conformément à l’article 9, lequel prévoyait qu’un « contrat [de subvention] ne [pouvait] être modifié que pendant sa période d’exécution », et, d’autre part, conformément à l’article 14.1 de ces mêmes conditions générales, seuls les coûts effectivement encourus pendant la « période de mise en œuvre de l’action » pouvaient être qualifiés d’éligibles.

125    Ce refus était cependant susceptible de constituer une violation du principe de proportionnalité, dès lors que, dans le courriel du 23 janvier 2012, le représentant de la Commission avait expressément encouragé la requérante à poursuivre la collaboration efficace jusqu’au terme du programme et loué sa persévérance « malgré tous les obstacles et péripéties […] rencontrés ».

126    Dans ces conditions, et dès lors que la mise en œuvre du projet reposait in fine, en application des dispositions du devis-programme, et, en particulier, de son point 1.5.4.3, sur l’attribution de subventions par la requérante aux bénéficiaires finaux, l’exécution du projet ne pouvait se poursuivre, conformément aux assurances fournies par la Commission concernant la rétroactivité de l’avenant au contrat de services, sans que la requérante assure, à son tour, la continuité de la mise en œuvre des contrats de subvention.

127    À cet égard, il y a lieu en outre de constater que les dépenses inéligibles au titre de la constatation financière no 2 représentent un montant total de 312 265,42 euros, qui correspond à la moitié de la créance litigieuse et a fait l’objet de versements aux bénéficiaires finaux avec lesquels la requérante a conclu les contrats de subvention.

128    Compte tenu de ces éléments, il convient de conclure, en l’espèce, d’une part, qu’il n’y a pas eu de fraude aux financements de l’Union et, d’autre part, que les intérêts de l’Union liés à la nécessité de garantir le respect du principe de bonne gestion financière n’ont pas été affectés de manière significative à cet égard.

129    Il s’ensuit que la Commission aurait dû constater, au regard des circonstances particulières de l’espèce et, notamment, du retard dans la conclusion de l’avenant au contrat de services qui lui était imputable ainsi que des conséquences de la décision de recouvrement pour la requérante, le caractère disproportionné de l’acte de recouvrement concernant les conclusions de l’auditeur dans le cadre de la constatation financière no 2 du rapport d’audit.

130    À titre subsidiaire, le Tribunal rappelle que, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent en principe un acte attaquable que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (voir ordonnance du 8 février 2010, Alisei/Commission, T‑481/08, EU:T:2010:32, point 48 et jurisprudence citée).

131    Comme la requérante l’a fait valoir, à juste titre, lors de l’audience, le rapport d’audit n’est pas un acte attaquable. Un rapport d’audit ne fait que constater les irrégularités éventuelles déjà existantes ainsi que les créances qui en résultent et ne modifie donc en rien la situation juridique du débiteur de ces créances (voir, en ce sens, ordonnance du 8 février 2010, Alisei/Commission, T‑481/08, EU:T:2010:32, point 67).

132    C’est notamment pour cette raison que, ainsi qu’il ressort du point 107 ci-dessus et de la jurisprudence (voir, en ce sens, ordonnance du 8 février 2010, Alisei/Commission, T‑481/08, EU:T:2010:32, point 53), la Commission ne saurait se fonder, dans le cadre de l’adoption de l’acte de compensation fixant définitivement sa position, sur les conclusions d’un audit qu’à la condition qu’elles lui paraissent exactes et justifiées. Dans ce contexte, elle ne saurait se dispenser, comme elle l’a fait en l’espèce, d’apprécier les conclusions du rapport d’audit à la lumière du principe de proportionnalité.

133    Partant, il y a lieu d’accueillir le recours sur le fondement des troisième et cinquième moyens, uniquement en ce qu’il concerne la constatation financière no 2 du rapport d’audit relatif au devis-programme.

–       Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

134    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission n’a pas respecté les garanties procédurales visées à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

135    Premièrement, la requérante soutient que la Commission n’a pas communiqué les motifs en vertu desquels celle-ci a décidé de maintenir sa position exprimée dans le courrier du 29 octobre 2014, à la suite de ses observations détaillées, contenues dans son courrier du 7 novembre 2014 et son courriel du 14 décembre 2014.

136    Deuxièmement, la requérante fait grief à la Commission de s’être contentée d’avoir produit une réponse de deux pages à son courrier du 6 mai 2015, alors que ce dernier comportait sept pages d’arguments détaillés. Elle ajoute que ladite réponse n’a été communiquée que par courrier du 2 octobre 2015, soit après un délai de cinq mois, ce qui l’aurait laissée dans l’incertitude. Dans ce dernier courrier, il serait, en outre, indiqué que des « études additionnelles » étaient en cours, ce qui signifiait que la Commission allait poursuivre l’examen du dossier.

137    Troisièmement, la requérante allègue que le rapport d’audit, et, en particulier, sa constatation financière no 1, n’a pas été accompagné d’une motivation suffisante. Elle estime ne pas avoir été en mesure de comprendre la portée de cette constatation et des décisions attaquées et d’exercer son droit d’être entendue.

138    La Commission fait valoir que les observations de la requérante en ce qui concerne le déroulement de la procédure ayant mené à la constatation de la créance litigieuse et à sa compensation par des créances dont celle-ci se prévaut sont erronées. À cet égard, elle rappelle que le courrier de la requérante du 7 novembre 2014 et son courriel du 14 décembre 2014 lui auraient été envoyés en réponse à son courrier du 29 octobre 2014, dans lequel elle faisait part de son intention de procéder au recouvrement de ladite créance et l’invitait à présenter ses observations.

139    Selon la Commission, la requérante n’avance aucun élément de preuve de nature à démontrer que le courrier du 2 octobre 2015 n’apportait pas une réponse satisfaisante à ses observations du 6 mai 2015. En outre, la référence aux « études additionnelles » en cours aurait eu pour seul objectif de couvrir l’éventualité où de nouvelles raisons justifieraient la réouverture du dossier.

140    Il convient de rappeler que, conformément à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union ». L’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte précise que ce droit comporte notamment « le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ».

141    Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, le respect des droits de la défense exige que les destinataires de décisions, qui affectent de manière sensible leurs intérêts, soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (voir arrêts du 21 septembre 2000, Mediocurso/Commission, C‑462/98 P, EU:C:2000:480, point 36 et jurisprudence citée, et du 26 septembre 2013, Texdata Software, C‑418/11, EU:C:2013:588, point 83 et jurisprudence citée).

142    En l’espèce, la Commission a invité la requérante, par un courrier du 29 octobre 2014, à présenter ses observations, dans un délai de deux semaines à compter de la réception dudit courrier, sur son intention de procéder au recouvrement de la créance litigieuse. Les 7 novembre et 14 décembre 2014 ainsi que les 6 mai et 22 juin 2015, la requérante a été en mesure d’adresser quatre courriers à la Commission avant l’adoption des décisions attaquées. Par ailleurs, la Commission a laissé s’écouler un délai raisonnable entre le courrier de la requérante du 6 mai 2015 et l’adoption des décisions attaquées, à compter du 25 août 2015.

143    Il en découle que la requérante a été en mesure de faire connaître utilement son point de vue et, dès lors, d’exercer son droit d’être entendue avant l’adoption des décisions attaquées.

144    Cette conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par la circonstance que la requérante n’a obtenu de réponse à son courrier du 6 mai 2015 qu’après l’adoption des décisions attaquées.

145    En effet, le droit d’être entendu n’inclut pas le droit à un débat contradictoire entre l’auteur des actes attaqués et leur destinataire, mais garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, point 36, et du 9 février 2017, M, C‑560/14, EU:C:2017:101, points 25 et 31).

146    Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de conclure que la Commission n’a pas violé le droit d’être entendue de la requérante, visé à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte.

147    Par ailleurs, s’agissant des arguments de la requérante par lesquels elle fait valoir que la Commission s’est contentée de produire un courrier de deux pages en réponse à son courrier du 6 mai 2015 et de répondre sommairement à ses explications détaillées des 7 novembre et 14 décembre 2014, ils relèvent davantage de l’examen de l’obligation de motivation de la Commission édictée à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte et à l’article 296 TFUE.

148    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).

149    Dans le cadre de décisions individuelles, l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 148 et jurisprudence citée).

150    En l’espèce, la requérante ne saurait toutefois se fonder uniquement sur la longueur de la réponse de la Commission à son courrier du 6 mai 2015, celle-ci ne pouvant constituer, en elle-même, un élément pertinent aux fins d’établir une violation de l’obligation de motivation au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. En outre, la requérante ne saurait omettre la circonstance que, ainsi qu’il ressort clairement des décisions attaquées, le raisonnement de la Commission était fondé sur le rapport d’audit relatif au devis-programme, qui a été communiqué à la requérante, ainsi que les explications de l’auditeur financier y figurant.

151    En tout état de cause, la requérante ne saurait prétendre avoir fourni des explications détaillées par son courrier du 7 novembre 2014 et son courriel du 14 décembre 2014, dès lors qu’il ressort clairement de ce dernier que celui-ci visait, avant tout, à demander que l’article 40 du contrat de services, qui prévoyait la possibilité d’un règlement amiable, soit appliqué à l’égard de la créance litigieuse. Elle se contentait de soutenir que les conclusions des rapports d’audit étaient « erronées, juridiquement inadmissibles, partiales et découlant d’un raisonnement unilatéral », sans soumettre d’éléments de preuve ou d’arguments supplémentaires.

152    C’est donc à bon droit que la Commission a estimé qu’elle pouvait maintenir sa position, sans fournir de motifs supplémentaires à la requérante à la suite des courriers ou courriels en cause.

153    Partant, il convient de rejeter le quatrième moyen.

 Sur les conclusions tendant à obtenir restitution des sommes prétendument liées à un enrichissement sans cause de l’Union

154    Par le deuxième moyen, soulevé à l’appui du chef de conclusions tendant à obtenir restitution des sommes formées par la créance litigieuse, la requérante soutient que, dans la mesure où les décisions attaquées sont dépourvues de base légale et ont eu pour conséquence d’améliorer le patrimoine de la Commission d’un montant total de 624 388,73 euros – à savoir le montant de la créance litigieuse, qui s’élevait à 60 096,08 euros, augmenté des intérêts –, elle est fondée à demander la restitution des sommes liées à cet enrichissement sans cause.

155    La Commission affirme avoir démontré que la créance litigieuse était fondée sur une base juridique solide et était imputable à la requérante. Elle allègue qu’aucune violation du principe d’interdiction de l’enrichissement sans cause ne saurait donc être invoquée en l’espèce.

156    Selon une jurisprudence établie, une action en restitution fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union exige, pour être accueillie, la preuve d’un enrichissement sans base légale valable de l’Union et d’un appauvrissement du demandeur lié audit enrichissement (voir arrêt du 28 juillet 2011, Agrana Zucker, C‑309/10, EU:C:2011:531, point 53 et jurisprudence citée).

157    En effet, conformément aux principes communs aux droits des États membres, le droit à restitution de la part de la personne enrichie est subordonné à l’absence de fondement juridique de l’enrichissement en cause [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, points 44 à 46 et 49].

158    En l’espèce, il ne saurait être considéré que la compensation de créances effectuée par la Commission était dépourvue de fondement juridique, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier moyen ci-dessus, les décisions attaquées ont été adoptées en application des dispositions du règlement financier applicable au dixième FED et du règlement no 966/2012. En outre, la requérante s’était engagée unilatéralement, dans le devis-programme, à rembourser à la Commission les dépenses inéligibles au financement du FED.

159    Il en découle que la Commission ne saurait être soumise, au motif d’un enrichissement sans cause de l’Union, à l’obligation de restituer le montant de la créance litigieuse, formée par les dépenses inéligibles constatées dans le rapport d’audit relatif au devis-programme.

160    En revanche, la Commission devra tirer les conséquences de l’annulation partielle des décisions de compensation, fondée sur une violation du principe de proportionnalité.

161    Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen ainsi que le chef de conclusions tendant à obtenir restitution des sommes formées par la créance litigieuse, augmenté d’un intérêt de retard, à fixer sur le taux directeur de la BCE, à augmenter de deux points.

 Sur les conclusions en indemnité

162    La requérante estime qu’elle a subi un préjudice moral, au motif de l’incertitude causée par le retard de la réponse de la Commission à son courrier du 6 mai 2015 et d’une atteinte à son image et à sa réputation. Elle fait valoir que les décisions attaquées ont mis en cause sa légitimité en tant qu’opérateur et partenaire habituel de la Commission.

163    La Commission fait valoir que la demande indemnitaire de la requérante est purement symbolique et ne répond pas aux trois conditions prévues aux articles 268 et 340 TFUE, en vertu desquelles il convient d’établir l’illégalité du comportement reproché à la Commission, l’existence d’un préjudice réel et un lien de causalité entre le comportement en cause et le préjudice invoqué.

164    Concernant la réparation symbolique du préjudice moral, il ressort de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la combinaison d’un ensemble de conditions relatives à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué. Ladite responsabilité ne saurait être tenue pour engagée sans que soient réunies toutes les conditions auxquelles se trouve ainsi subordonnée l’obligation de réparation définie à ladite disposition (voir arrêt du 11 décembre 2014, Heli-Flight/AESA, T‑102/13, EU:T:2014:1064, point 116 et jurisprudence citée).

165    Par ailleurs, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir arrêt du 14 septembre 2017, Bodson e.a./BEI, T‑504/16 et T‑505/16, EU:T:2017:603, point 77 et jurisprudence citée).

166    En l’espèce, il convient de relever, premièrement, en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché à la Commission, que la requérante n’invoque pas d’autre élément que les moyens avancés à l’appui de la demande en annulation, deuxièmement, que seuls les troisième et cinquième moyens ont été partiellement accueillis et, troisièmement, que l’annulation des décisions attaquées constitue en elle-même une réparation adéquate du préjudice moral invoqué, dans la mesure où la requérante n’a produit aucun élément de preuve susceptible d’établir l’existence d’un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation partielle des décisions attaquées avant de conclure au rejet des conclusions en indemnité.

167    Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions en indemnité de la requérante.

 Sur les dépens

168    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

169    En l’espèce, dans la mesure où les décisions attaquées ne doivent être annulées que partiellement, le Tribunal décide que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de compensation contenues dans les lettres de la Commission européenne des 27 août, 7, 16, 23 et 25 septembre 2015, visant au recouvrement de la somme de 624 388,73 euros, correspondant au montant d’une partie des avances versées à la requérante dans le cadre d’un programme d’appui aux initiatives culturelles en Guinée-Bissau, financé par le neuvième Fonds européen de développement (FED), augmenté d’intérêts de retard, sont, en partie, annulées, dans la mesure où elles visent le recouvrement d’un montant de 312 265,42 euros, correspondant au montant des dépenses inéligibles identifiées par la constatation financière no 2 du rapport d’audit FED 2007/20859 relatif au devis-programme de croisière et de clôture portant la référence FED/2010/249-005.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission et Transtec supporteront chacun leurs propres dépens.

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.

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