Zyla (Judgment) French Text [2019] EUECJ C-272/17 (23 January 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C27217.html
Cite as: [2019] EUECJ C-272/17, ECLI:EU:C:2019:49, EU:C:2019:49

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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

23 janvier 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des travailleurs – Égalité de traitement – Impôts sur le revenu – Cotisations de sécurité sociale – Travailleur ayant quitté l’État membre de son emploi au cours de l’année civile – Application de la règle prorata temporis à la réduction du prélèvement des cotisations »

Dans l’affaire C‑272/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), par décision du 12 mai 2017, parvenue à la Cour le 18 mai 2017, dans la procédure

K. M. Zyla

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de président de la dixième chambre, MM. F. Biltgen et E. Levits (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 mai 2018,

considérant les observations présentées :

–        pour Mme Zyla, par M. S. C. W. Douma, professeur,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. L. Noort et M. K. Bulterman, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et M. Kellerbauer, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 45 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme K. M. Zyla au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux finances, Pays-Bas) au sujet de la détermination du montant de la réduction prorata temporis du prélèvement afférente aux cotisations de sécurité sociale dont elle est redevable.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1) :

« Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

a)      les prestations de maladie ;

b)      les prestations de maternité et de paternité assimilées ;

c)      les prestations d’invalidité ;

d)      les prestations de vieillesse ;

[...] »

4        L’article 4 de ce règlement prévoit :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les personnes auxquelles le présent règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout État membre, que les ressortissants de celui-ci. »

5        L’article 5, sous a), dudit règlement est libellé comme suit :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement et compte tenu des dispositions particulières de mise en œuvre prévues, les dispositions suivantes s’appliquent :

a)      si, en vertu de la législation de l’État membre compétent, le bénéfice de prestations de sécurité sociale ou d’autres revenus produit certains effets juridiques, les dispositions en cause de cette législation sont également applicables en cas de bénéfice de prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d’un autre État membre ou de revenus acquis dans un autre État membre ».

6        Le titre II du règlement n° 883/2004, intitulé « Détermination de la législation applicable », comprend l’article 11 de celui-ci, qui dispose :

« 1.      Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre.

[...]

3.      Sous réserve des articles 12 à 16 :

a)      la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre ;

[...]

e)      les personnes autres que celles visées aux points a) à d)sont soumises à la législation de l’État membre de résidence, [...] »

 Le droit néerlandais

7        Selon l’article 8.1 de la Wet op de inkomstenbelasting 2001 (loi de 2001 relative à l’impôt sur le revenu), l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales sont perçus par les services fiscaux au moyen d’un prélèvement qualifié par cet article de combiné. Le montant total du « prélèvement combiné » dû par une personne est obtenu en additionnant le montant de l’impôt sur les revenus provenant du travail et d’autres sources, comme l’habitation et l’épargne, à celui des cotisations sociales. Ledit article prévoit que le taux du « prélèvement combiné » est celui qui résulte de la somme du taux d’imposition pour la première tranche et des taux de cotisations applicables. Cette loi prévoit également que le montant de ce « prélèvement combiné » peut être réduit, la « réduction de prélèvement combiné » étant entendue, au sens de ce même article, comme étant le montant total de la réduction de prélèvement afférente à l’impôt sur le revenu cumulé à celui de la réduction afférente aux cotisations de sécurité sociale.

8        Conformément à l’article 8.10 de la loi de 2001 relative à l’impôt sur le revenu, la « réduction générale de prélèvement » s’applique à tous les contribuables. Elle s’élevait, pour l’année 2013, à 2 001 euros.

9        Les cotisations de sécurité sociale sont régies par l’Algemene Ouderdomswet (loi sur l’assurance vieillesse), l’Algemene Nabestaandenwet (loi sur l’assurance généralisée des survivants) et l’Algemene Wet Bijzondere Ziektekosten (loi relative à l’assurance générale des frais de maladie spéciaux). Ont la qualité d’affiliés à ces trois systèmes d’assurance les résidents aux Pays-Bas ainsi que les non-résidents soumis à l’impôt sur le revenu en raison du travail salarié fourni dans cet État membre.

10      L’article 9 de la Wet financiering sociale verzekeringen (loi relative au financement de la sécurité sociale, ci-après la « WFSV ») dispose :

« Les cotisations de sécurité sociale dues sont les cotisations de sécurité sociale réduites à concurrence de la réduction de prélèvement afférente aux cotisations de sécurité sociale applicable à la personne redevable des cotisations. »

11      L’article 12, paragraphe 1, sous a) à c), de la WFSV détermine les modalités de la « réduction générale » de prélèvement afférente aux cotisations de sécurité sociale. Au paragraphe 3 de cette disposition, il est précisé que toute personne ayant cotisé durant la totalité de l’année civile a droit à cette réduction.

12      L’article 2.6a, du Regeling Wet financiering sociale verzekeringen (arrêté d’exécution de la loi relative au financement de la sécurité sociale, ci-après l’« arrêté d’exécution ») prévoit :

« À l’égard de celui qui n’est, pendant une partie de l’année civile, pas redevable de cotisations autrement que par décès, la réduction de prélèvement visée à l’article 12, paragraphe 1, sous a), b) et c), de la WFSV est réduite prorata temporis, proportionnellement à la période d’obligation de cotiser dans l’année civile. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

13      Mme Zyla, de nationalité polonaise, a travaillé aux Pays-Bas du 1er janvier au 21 juin 2013, période durant laquelle elle était affiliée au régime général de la sécurité sociale néerlandais et était redevable des cotisations sociales y afférentes. Mme Zyla s’est ensuite déplacée en Pologne, où elle a établi sa résidence et n’a accompli, au cours de l’année 2013, aucun travail rémunéré.

14      Pour le travail effectué au cours de l’année 2013 aux Pays-Bas, Mme Zyla a perçu un revenu de 9 401 euros. Sur ce dernier, un montant de 1 399 euros a été retenu à la source à titre de prélèvement sur salaire. L’intéressée était également redevable d’un montant de 2 928 euros à titre de cotisations de sécurité sociale. Lors de l’établissement de son avis d’imposition pour cette année, Mme Zyla a, en application du droit national, bénéficié, en sa qualité de résidente aux Pays-Bas, d’une réduction générale d’impôt portant tant sur le montant de l’impôt sur le revenu que sur celui des cotisations de sécurité sociale. Ont ainsi été portés en déduction de l’impôt sur le revenu et des cotisations de sécurité sociale dus un montant de 1 254 euros au titre de la réduction générale ainsi qu’un montant de 840 euros au titre de la réduction pour les salariés. La juridiction de renvoi précise que, dès lors que l’intéressée n’a plus été redevable de cotisations de sécurité sociale à partir du 22 juin 2013, l’administration fiscale a, conformément à l’article 2.6a, de l’arrêté d’exécution, réduit la partie de la réduction générale de prélèvement afférente à ces cotisations, proportionnellement à la période de cotisation obligatoire de Mme Zyla durant l’année 2013.

15      Le recours formé par Mme Zyla devant le rechtbank Zeeland-West-Brabant (tribunal de Zeeland-West-Brabant, Pays-Bas) contre cet avis d’imposition, par lequel elle fait valoir que l’article 2.6a, de l’arrêté d’exécution conduit à une différence de traitement entre résidents et non-résidents, qui constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs garantie à l’article 45 TFUE, ayant été rejeté, celle-ci a interjeté appel du jugement rendu devant le Gerechtshof ’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc, Pays-Bas). La juridiction d’appel a également rejeté les prétentions de la requérante au principal, au motif que, cette dernière n’ayant exercé une activité salariée aux Pays-Bas, au sens de l’article 45 TFUE, que pendant une période déterminée, elle ne pouvait prétendre au bénéfice du montant total de la partie de la réduction générale de prélèvement afférente aux cotisations de sécurité sociale. La juridiction d’appel relève également que la législation nationale, qui prévoit cette limitation du montant de la réduction générale de prélèvement, n’instaure aucune différence de traitement, dès lors qu’elle fait dépendre le montant des réductions accordées de l’affiliation ou non au régime de sécurité sociale nationale et de la durée de la période de cotisation.

16      Saisi d’un pourvoi en cassation formé par l’intéressée, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) s’interroge sur la conformité de la réduction partielle de prélèvement opérée à l’égard de Mme Zyla au regard du droit de l’Union et notamment de la jurisprudence de la Cour.

17      La juridiction de renvoi estime que l’article 45 TFUE pourrait être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application d’une réduction de prélèvement de cotisations sociales proportionnellement à la durée d’affiliation de l’assujetti, mais se demande néanmoins si un travailleur, qui a acquis la totalité de ses revenus annuels dans un État membre dans lequel il ne réside pas ou ne réside plus, ne devrait pas avoir droit à la totalité de la partie de la réduction de prélèvement afférente aux cotisations de sécurité sociale, bien que ce travailleur n’ait pas été affilié à la sécurité sociale de cet État membre pendant l’année entière.

18      Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 45 TFUE doit-il être interprété en ce sens que cette disposition fait obstacle à une réglementation d’un État membre qui a pour conséquence que le travailleur qui, sur la base du règlement [(CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1),] ou du règlement n° 883/2004, est affilié pendant une partie de l’année civile aux assurances sociales dans cet État membre, n’a droit à l’occasion du prélèvement des cotisations pour ces assurances sociales qu’à une fraction de la partie de la réduction générale de prélèvement afférente aux cotisations, [fraction] qui est fixée prorata temporis en fonction de la période d’affiliation, si, pendant le reste de l’année civile, il n’est pas affilié à la sécurité sociale de cet État membre et réside dans un autre État membre et qu’il a acquis l’intégralité (ou quasiment) de ses revenus de l’année dans le premier État membre ? »

 Sur la question préjudicielle

19      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 45 TFUE doit être interprété en ce qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui, en vue d’établir le montant des cotisations de sécurité sociale dues par un travailleur, prévoit que la réduction de prélèvement afférente à ces cotisations, à laquelle un travailleur a droit pour une année civile, est proportionnelle à la période pendant laquelle ce travailleur est affilié au régime de sécurité sociale dudit État membre, excluant ainsi de la réduction annuelle une fraction de celle-ci proportionnelle à toute période au cours de laquelle ce travailleur n’a pas été affilié à ce régime et a résidé dans un autre État membre sans y exercer d’activité professionnelle.

20      Il est de jurisprudence constante qu’un ressortissant de l’Union européenne, indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité, qui fait usage du droit à la libre circulation des travailleurs et qui a exercé une activité professionnelle dans un État membre autre que celui dont il est originaire, relève du champ d’application de l’article 45 TFUE (arrêt du 7 mars 2018, DW, C‑651/16, EU:C:2018:162, point 18 et jurisprudence citée).

21      Il s’ensuit que la situation de Mme Zyla, ressortissante polonaise, qui s’est rendue aux Pays-Bas pour y exercer une activité salariée du 1er janvier au 21 juin 2013 relève du champ d’application de l’article 45 TFUE.

22      Il résulte également de la jurisprudence de la Cour que l’ensemble des dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des personnes visent à faciliter, pour les ressortissants de l’Union, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l’Union et s’opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d’un autre État membre (arrêt du 7 mars 2018, DW, C‑651/16, EU:C:2018:162, point 21 et jurisprudence citée).

23      Ainsi, des dispositions qui empêchent ou dissuadent un ressortissant d’un État membre de quitter son État d’origine pour exercer son droit à la libre circulation constituent des entraves à cette liberté même si elles s’appliquent indépendamment de la nationalité des travailleurs concernés (arrêts du 16 février 2006, Rockler, C‑137/04, EU:C:2006:106, point 18, ainsi que du 16 février 2006, Öberg, C‑185/04, EU:C:2006:107, point 15 et jurisprudence citée).

24      À cet égard, il y a lieu de rappeler, à l’instar du gouvernement néerlandais dans ses observations écrites, que le principe de l’égalité de traitement inscrit à l’article 45 TFUE prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par l’application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat. À moins qu’elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi, une disposition de droit national, bien qu’indistinctement applicable selon la nationalité, doit être considérée comme indirectement discriminatoire dès lors qu’elle est susceptible, par sa nature même, d’affecter davantage les travailleurs migrants que les travailleurs nationaux et qu’elle risque, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers (arrêt du 5 décembre 2013, Zentralbetriebsrat der gemeinnützigen Salzburger Landeskliniken, C‑514/12, EU:C:2013:799, points 25 et 26).

25      En l’occurrence, l’article 2.6a, de l’arrêté d’exécution affecte de la même manière toutes les personnes qui n’ont pas été redevables des cotisations de sécurité sociale pendant une partie de l’année civile, sans opérer de distinction en fonction de leur nationalité. Ainsi que M. l’avocat général l’a constaté au point 47 de ses conclusions, ladite disposition n’établit donc aucune discrimination directe fondée sur la nationalité.

26      Toutefois, pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’indirectement discriminatoire, il n’est pas nécessaire qu’elle ait pour effet de favoriser l’ensemble des ressortissants nationaux ou de ne défavoriser que les seuls ressortissants des autres États membres à l’exclusion des nationaux (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Larcher, C‑523/13, EU:C:2014:2458, point 32 et jurisprudence citée). En outre, il découle de la jurisprudence citée aux points 22 et 23 du présent arrêt que même des entraves à la libre circulation des travailleurs ne présentant pas un caractère discriminatoire sont, en principe, interdites par l’article 45 TFUE.

27      En l’occurrence, aux fins de déterminer si l’article 2.6a, dudit arrêté constitue une mesure indirectement discriminatoire ou une entrave à la libre circulation des travailleurs, il convient de déterminer, en premier lieu, la nature fiscale ou sociale de cette disposition, dès lors que les règles de droit de l’Union applicables diffèrent dans l’un et l’autre cas.

28      À cet égard, il y a lieu de relever, ainsi qu’il a été constaté aux points 7 et 14 du présent arrêt, que la réduction de prélèvement au titre des cotisations sociales est fixée dans une législation relative à l’établissement de l’impôt sur le revenu qui combine à la fois le régime de recouvrement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques qui y sont assujetties et celui du recouvrement de leurs cotisations sociales.

29      Cependant, même si les impôts et les cotisations de sécurité sociale sont prélevés de manière combinée, les recettes fiscales sont affectées aux ressources générales des autorités, tandis que les recettes des cotisations de sécurité sociale alimentent les fonds affectés aux assurances spécifiques pour lesquelles les cotisations sont prélevées. La juridiction de renvoi précise que, dans l’économie de la réduction de prélèvement, la partie de cette réduction afférente à l’impôt est distinguée de la partie de la réduction afférente aux cotisations de sécurité sociale. Elle ajoute que, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, de la WFSV, le droit à la partie de la réduction de prélèvement afférente à ces cotisations n’existe que si l’intéressé est redevable de celles-ci.

30      Il en résulte que la réglementation en cause dans le litige au principal concerne des prélèvements qui sont affectés spécifiquement et directement au financement de la sécurité sociale. Cette réglementation présente ainsi un lien direct et suffisamment pertinent avec les lois qui régissent les branches de sécurité sociale énumérées à l’article 3 du règlement n° 883/2004 et relève, dès lors, du champ d’application dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2015, de Ruyter, C‑623/13, EU:C:2015:123, point 27 et jurisprudence citée). Le litige au principal porte ainsi sur une restriction éventuelle à la libre circulation des travailleurs causée par une mesure de nature sociale, qui fait intégralement partie du système de sécurité sociale national.

31      Dans ces conditions, les principes issus de la jurisprudence traitant des conditions d’assujettissement à l’impôt sur les revenus salariaux, découlant notamment des arrêts du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, EU:C:1995:31), et du 16 octobre 2008, Renneberg (C‑527/06, EU:C:2008:566), invoqués par Mme Zyla dans ses observations, ne sont pas applicables dans une situation telle que celle en cause au principal.

32      Cette appréciation n’est pas remise en cause par la circonstance, soulignée par la juridiction de renvoi, qu’un mécanisme de compensation permet d’imputer une partie de la réduction de cotisations de sécurité sociale sur la charge d’impôts sur le revenu, en diminuant cette dernière, lorsque le montant des cotisations de sécurité sociale est inférieur à celui de la réduction applicable auxdites cotisations.

33      La Cour a, en effet, déjà eu l’occasion de constater que les affiliés au régime de sécurité sociale néerlandais ne bénéficient qu’exceptionnellement de réductions d’impôts au titre des assurances sociales, dès lors que ce n’est que dans l’hypothèse où un affilié ne peut pas compenser les réductions de cotisations avec les cotisations dues qu’il peut prétendre au bénéfice de telles réductions d’impôts (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2005, Blanckaert, C‑512/03, EU:C:2005:516, point 47). Il s’ensuit que l’existence du mécanisme de compensation identifié au point 32 du présent arrêt est sans incidence sur la nature de la réduction de cotisations de sécurité sociale prévue par le droit néerlandais, laquelle, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 56 de ses conclusions, vise spécifiquement à adoucir l’effort économique que lesdites cotisations représentent pour le travailleur.

34      Cela étant, il ressort d’une jurisprudence constante que, si les États membres conservent en principe leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, ils doivent néanmoins, dans l’exercice de cette compétence, respecter le droit de l’Union et, notamment, les dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des travailleurs (voir, notamment, arrêt du 13 juillet 2016, Pöpperl, C‑187/15, EU:C:2016:550, point 22 et jurisprudence citée).

35      La disposition nationale en cause au principal relevant du système de sécurité sociale néerlandais, il convient de déterminer, en deuxième lieu, si, en tant que telle, elle constitue une mesure indirectement discriminatoire ou une entrave à la libre circulation des travailleurs.

36      À cet égard, comme il a été exposé au point 30 du présent arrêt, la situation de Mme Zyla entre dans le champ d’application des règles de coordination en matière de sécurité sociale issues du règlement n° 883/2004.

37      Il y a lieu de rappeler sur ce point que, afin d’assurer la libre circulation des travailleurs dans l’Union en retenant pour principe l’égalité de traitement de ceux-ci au regard des différentes législations nationales, le règlement n° 1408/71, puis le règlement n° 883/2004 ont mis en place un système de coordination portant notamment sur la détermination de la ou des législations applicables aux travailleurs salariés qui font usage, dans différentes circonstances, de leur droit à la libre circulation (arrêt du 26 février 2015, de Ruyter, C‑623/13, EU:C:2015:123, point 34 et jurisprudence citée).

38      Le caractère complet de ce système de règles de conflit a comme effet de soustraire au législateur de chaque État membre le pouvoir de déterminer à sa guise l’étendue et les conditions d’application de sa législation nationale quant aux personnes qui y sont soumises et quant au territoire à l’intérieur duquel les dispositions nationales produisent leurs effets (arrêt du 26 février 2015, de Ruyter, C‑623/13, EU:C:2015:123, point 35 et jurisprudence citée).

39      Dans l’affaire au principal, Mme Zyla, conformément à l’article 11, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous a), du règlement n° 883/2004, était, durant la période correspondant à l’exercice de son activité salariée aux Pays-Bas, soumise à la législation de cet État membre et affiliée au système de sécurité sociale néerlandais. En raison de cette affiliation, Mme Zyla a pu bénéficier, au titre de ladite période, de la réduction de prélèvement afférente aux cotisations de sécurité sociale. En revanche, Mme Zyla ayant cessé d’être affiliée au régime de sécurité sociale néerlandais et, partant, d’être redevable de cotisations à la suite de son départ des Pays-Bas et de son retour dans son État membre d’origine, elle n’a pas, en application de l’article 2.6a, de l’arrêté d’exécution, bénéficié de l’intégralité du montant de la réduction de prélèvement des cotisations de sécurité sociale.

40      Ce n’est donc qu’en ce qui concerne la seconde partie de l’année 2013 que la réglementation en cause au principal a entraîné une différence de traitement entre Mme Zyla et une personne affiliée au régime de sécurité sociale néerlandais durant l’ensemble de cette année. En effet, une telle personne, même si elle ne percevait plus, à l’instar de Mme Zyla, de revenus au cours de cette seconde partie de l’année, avait droit à l’intégralité de la réduction de cotisations, imputée en priorité sur ses cotisations de sécurité sociale et, subsidiairement, sur ses impôts. Ceci implique que, à revenu équivalent, l’application intégrale de la réduction afférente aux cotisations de sécurité sociale à une personne affiliée tout au long de l’année au régime de sécurité sociale néerlandais aboutit à une charge sociale, voire fiscale, moindre que celle supportée par une personne qui cesse d’être affiliée audit régime au cours de cette même année.

41      Or, compte tenu de la règle d’unicité de législation sociale inscrite à l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 883/2004 et à celle, inscrite au paragraphe 3, sous e), dudit article, selon laquelle une personne qui n’exerce pas une activité salariée ou non salariée est soumise à la seule législation sociale de l’État membre de sa résidence, une personne dans la situation de Mme Zyla ne pouvait plus relever du régime de sécurité sociale néerlandais après avoir cessé son activité professionnelle dans cet État membre et avoir cessé d’y résider.

42      Il en résulte que, comme l’a relevé à juste titre M. l’avocat général au point 63 de ses conclusions, une différence objective, au regard de la nature de la réglementation en cause, doit être constatée entre la situation d’une personne qui, telle Mme Zyla, cesse d’être affiliée au régime de sécurité sociale néerlandais au cours d’une année donnée et un travailleur qui demeure affilié à ce régime de sécurité sociale tout au long de cette même année.

43      La Cour a d’ailleurs jugé qu’il relève de la logique interne d’un régime national de sécurité sociale de réserver le bénéfice des réductions de cotisations aux seuls redevables de celles-ci, à savoir les affiliés à ce régime (arrêt du 8 septembre 2005, Blanckaert, C‑512/03, EU:C:2005:516, point 49).

44      Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 22 du présent arrêt, l’ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes vise à faciliter, pour les ressortissants de l’Union, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l’Union et s’oppose aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent exercer une activité sur le territoire d’un État membre autre que leur État membre d’origine. Dans ce contexte, les ressortissants des États membres disposent, en particulier, du droit qu’ils tirent directement du traité FUE, de quitter leur État membre d’origine pour se rendre sur le territoire d’un autre État membre et y séjourner, afin d’y exercer une activité (arrêt du 18 juillet 2017, Erzberger, C‑566/15, EU:C:2017:562, point 33 et jurisprudence citée).

45      Cependant, le droit primaire de l’Union ne saurait garantir à un travailleur qu’un déplacement dans un État membre autre que son État membre d’origine est neutre en matière de sécurité sociale, un tel déplacement, compte tenu des disparités existant entre les régimes et les législations des États membres, pouvant, selon le cas, être plus ou moins avantageux pour la personne concernée sur ce plan (arrêt du 18 juillet 2017, Erzberger, C‑566/15, EU:C:2017:562, point 34 et jurisprudence citée). En effet, le droit de l’Union garantit uniquement que les travailleurs exerçant une activité sur le territoire d’un État membre autre que leur État membre d’origine sont soumis aux mêmes conditions que les travailleurs de cet autre État.

46      Au regard de ce qui précède, l’article 2.6a, de l’arrêté d’exécution ne saurait être regardé ni comme une disposition indirectement discriminatoire ni comme une entrave à la libre circulation des travailleurs, interdites par l’article 45 TFUE.

47      Enfin, contrairement à ce que soutient la Commission européenne, cette appréciation n’est pas remise en cause par l’arrêt du 26 janvier 1999, Terhoeve (C‑18/95, EU:C:1999:22), ou par celui du 8 mai 1990, Biehl (C‑175/88, EU:C:1990:186).

48      En effet, le premier de ces deux arrêts concernait la charge de cotisations sociales dues par un travailleur simplement détaché de son État membre d’origine et qui, partant, en application des règles de coordination prévues dans le règlement n° 1408/71, demeurait, tout au long de la période considérée, affilié au régime de sécurité sociale dudit État membre en dépit de son détachement dans un autre État membre. Une telle situation se distingue fondamentalement de celle dans laquelle, comme en l’occurrence, un travailleur cesse d’être affilié à la sécurité sociale d’un État membre après y avoir arrêté son activité professionnelle et avoir déplacé sa résidence dans un autre État membre.

49      S’agissant du second arrêt, il suffit de constater que la différence de traitement en cause dans celui-ci était, contrairement à celle en cause dans la présente affaire, étrangère au régime national de sécurité sociale et, partant, ne relevait pas du système de coordination des règles en matière de législation sociale prévu par le règlement n° 1408/71, remplacé depuis lors par le règlement n° 883/2004.

50      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui, en vue d’établir le montant de cotisations de sécurité sociale dues par un travailleur, prévoit que la réduction de prélèvement afférente à ces cotisations, à laquelle un travailleur a droit pour une année civile, est proportionnelle à la période pendant laquelle ce travailleur est affilié au régime de sécurité sociale dudit État membre, excluant ainsi de la réduction annuelle une fraction de celle-ci proportionnelle à toute période au cours de laquelle ce travailleur n’a pas été affilié à ce régime et a résidé dans un autre État membre sans y exercer d’activité professionnelle.

 Sur les dépens

51      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui, en vue d’établir le montant de cotisations de sécurité sociale dues par un travailleur, prévoit que la réduction de prélèvement afférente à ces cotisations, à laquelle un travailleur a droit pour une année civile, est proportionnelle à la période pendant laquelle ce travailleur est affilié au régime de sécurité sociale dudit État membre, excluant ainsi de la réduction annuelle une fraction de celle-ci proportionnelle à toute période au cours de laquelle ce travailleur n’a pas été affilié à ce régime et a résidé dans un autre État membre sans y exercer d’activité professionnelle.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.

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