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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> France v Commission (Judgment) French Text [2019] EUECJ T-26/18 (12 March 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T2618.html Cite as: ECLI:EU:T:2019:153, [2019] EUECJ T-26/18, EU:T:2019:153 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
12 mars 2019 (*)
« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par la France – Corrections financières ponctuelles et forfaitaires – Régime d’aides à la surface – Système d’identification des parcelles agricoles – Détermination des superficies éligibles – Maintien des terres agricoles dans de bonnes conditions agricoles et environnementales – Particularités topographiques – Landes et parcours – Système de contrôle national établi sur une définition non conforme des surfaces éligibles – Proportionnalité – Obligation de motivation – Apurement de conformité – Erreur la plus probable – Erreur de droit »
Dans l’affaire T‑26/18,
République française, représentée par MM. F. Alabrune, D. Colas, Mme A.-L. Desjonquères et M. S. Horrenberger, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. A. Lewis et D. Triantafyllou, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2017/2014 de la Commission, du 8 novembre 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 292, p. 61),
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin et Mme M. J. Costeira (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le présent recours concerne quatre groupes de corrections financières par lesquelles la Commission européenne a écarté du financement de l’Union européenne la somme de 104 176 705,73 euros correspondant à certaines dépenses effectuées par la République française au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), à savoir :
– un premier groupe de corrections ponctuelles, appliquées aux aides directes à la surface du premier pilier de la politique agricole commune (PAC) octroyées en France pour les années de demande 2013 et 2014 (enquête AA/2014/008/FR), en raison des défaillances constatées dans le système d’identification des parcelles agricoles (ci-après le « SIPA ») au regard des contrôles sur place et, en particulier, du fait que la réglementation française permettait l’utilisation de ratios préalablement définis pour la prise en compte des particularités topographiques dans la surface agricole, de manière non conforme à la réglementation de l’Union, ce qui avait conduit les autorités françaises à ne pas toujours écarter des surfaces inéligibles (2 246 700 euros) ;
– un deuxième groupe de corrections forfaitaires, de 10 % et de 25 %, en fonction de la présence ou non d’une surface en estive collective, appliquées aux aides directes à la surface du premier pilier octroyées en France pour les années de demande 2013 et 2014 (enquête AA/2014/008/FR), au motif qu’il avait été constaté que, sur 29 départements concernés, les autorités françaises avaient considéré comme étant éligibles des surfaces principalement boisées à très faible ressource herbagère ou non accessibles aux animaux, déclarées comme « landes et parcours », alors que ces surfaces ne respectaient pas les conditions posées par la réglementation française et celle de l’Union (59 828 816,97 euros) ;
– un troisième groupe de corrections forfaitaires, de 100 %, appliquées aux aides directes à la surface relevant du premier pilier octroyées en Corse (France) pour les années de demande 2013 et 2014 (enquête AA/2014/008/FR), en raison, notamment, des défaillances constatées dans le système de contrôle des aides à la surface, tout particulièrement du fait que des surfaces inéligibles n’avaient toujours pas été écartées, et au motif que ces défaillances avaient déjà été observées dans le cadre de la procédure de conformité couvrant les années de demande 2008 à 2012, mais que les autorités françaises n’avaient pas apporté de modifications dans l’approche suivie à cet égard (28 973 945,46 euros).
– un quatrième groupe de corrections ponctuelles, correspondant à l’erreur la plus probable (ci-après l’« ELPP ») pour la population relevant des aides du Feader couvertes par le système intégré de gestion et de contrôle (ci-après le « SIGC »), en ce qui concerne la période de programmation 2014/2020, et appliquées à la suite de la procédure d’apurement de conformité et d’apurement des comptes se rapportant à l’exercice financier de l’année 2015 de l’organisme payeur français, l’Agence de services et de paiement (ci-après l’« ASP ») (enquête CEB/2016/047/FR) (13 127 243,30 euros).
Sur les premier, deuxième et troisième groupes de corrections concernant les aides directes à la surface relevant du premier pilier
2 Du 24 au 28 novembre 2014, les services de la Commission ont réalisé, en France, une enquête portant sur le secteur des aides à la surface du premier pilier sollicitées pour les années de demande 2013 et 2014 (ci-après l’« enquête AA/2014/008/FR »).
3 Par lettre du 25 février 2015, la Commission a, d’une part, communiqué à la République française les résultats de l’enquête AA/2014/008/FR, en application de l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59), (ci-après la « première communication du 25 février 2015 »), et, d’autre part, demandé à la République française de lui communiquer des informations complémentaires.
4 Le 26 juin 2015, la République française a transmis à la Commission ses observations ainsi que les informations complémentaires sollicitées en ce qui concernait l’enquête AA/2014/008/FR.
5 Le 3 juillet 2015, la Commission a invité les autorités françaises à une réunion bilatérale, laquelle a eu lieu à Bruxelles (Belgique) le 7 juillet 2015.
6 Le procès-verbal de cette réunion a été communiqué aux autorités françaises par lettre de la Commission du 28 juillet 2015.
7 Par lettres du 22 septembre 2015 et du 22 octobre 2015, la République française a communiqué à la Commission des informations complémentaires.
8 Du 30 novembre au 4 décembre 2015, les services de la Commission ont réalisé, en France, une enquête complémentaire afin de vérifier le chiffrage, proposé par les autorités françaises, du préjudice financier supporté par le FEAGA du fait des irrégularités commises.
9 Par lettres du 15 décembre 2015, du 23 décembre 2015 et du 12 janvier 2016, la République française a communiqué à la Commission des informations complémentaires relatives au chiffrage dudit préjudice financier.
10 En réponse à une lettre de la Commission du 25 janvier 2016, la République française a, par lettres du 27 janvier 2016, du 12 février 2016, du 22 février 2016 et du 26 février 2016, communiqué à la Commission d’autres informations complémentaires à cet égard.
11 Par lettre du 20 mai 2016, envoyée sur le fondement de l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014 (ci-après la « communication officielle du 20 mai 2016 »), la Commission a officiellement communiqué à la République française sa proposition d’exclure du financement de l’Union un montant de 117 439 017,55 euros pour non-conformité de la mise en œuvre du système d’aide à la surface en France aux règles de l’Union lors des années de demande 2013 et 2014. Cette proposition de correction était fondée sur plusieurs constatations de défaillances.
12 En particulier, premièrement, ladite proposition de correction était fondée sur des déficiences du système d’identification des parcelles agricoles – système d’information géographique (SIPA – SIG), mis en place par les autorités françaises, dénommé « Registre parcellaire géographique » (RPG).
13 Deuxièmement, la proposition de correction était également fondée sur des problèmes liés à la définition des superficies éligibles résultant d’une interprétation incorrecte que les autorités françaises avaient continué d’effectuer de l’article 34 du règlement (CE) no 1122/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO 2009, L 316, p. 65). Cette interprétation les avait conduites à ne pas toujours écarter des surfaces inéligibles au regard de la réglementation de l’Union sur les « bonnes conditions agricoles et environnementales » (ci-après les « BCAE »).
14 À cet égard, en premier lieu, il était reproché à la réglementation française de permettre l’utilisation de ratios préalablement définis pour la prise en compte des particularités topographiques dans la surface agricole, ce qui n’aurait pas assuré le contrôle du « maintien » des terres agricoles dans des BCAE, conformément à l’article 6 du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO 2009, L 30, p. 16).
15 En second lieu, il était aussi reproché aux autorités françaises d’avoir considéré comme étant des particularités topographiques et, partant, comme étant éligibles des surfaces principalement boisées à très faible ressource herbagère ou non accessibles aux animaux, déclarées comme « landes et parcours », alors que ces surfaces ne respectaient pas les conditions posées par la réglementation française et celle de l’Union, puisqu’elles ne rentraient pas dans le champ d’application de l’article 34, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009, ni dans la notion de « pâturages permanents » figurant à l’article 2, sous c), du règlement (CE) no 1120/2009 de la Commission, du 29 octobre 2009, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le titre III du règlement no 73/2009 (JO 2009, L 316, p. 1).
16 Troisièmement, la proposition de correction était, par ailleurs, fondée sur la non-conformité de la méthode utilisée par les autorités françaises pour le calcul des paiements et des sanctions en 2013 et en 2014, ainsi que sur l’absence de recouvrement rétroactif.
17 Quatrièmement, la proposition de correction était, enfin, fondée sur certains problèmes liés à la Corse. La Commission a considéré que les trois premières constatations de défaillances susmentionnées étaient applicables pour chacun des deux départements de Corse, à savoir la Haute-Corse et la Corse-du-Sud. S’agissant de la Haute-Corse, la Commission a indiqué que, en l’absence de modifications dans l’approche suivie jusqu’à présent, ayant un effet réel sur le terrain, les corrections appliquées à ce département dans les enquêtes précédentes allaient continuer à s’appliquer pour les années de demande 2013 et 2014. Elle a également considéré que la correction forfaitaire de 100 % pour la Haute-Corse continuait à s’appliquer.
18 En conséquence, conformément à la méthodologie exposée dans les lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes (ci-après les « lignes directrices de 2015 »), la Commission a proposé, dans la communication officielle du 20 mai 2016, d’appliquer une série de corrections financières, décrites au point 1 ci-dessus, aux constatations de défaillances, détaillées aux points 12 à 17 ci-dessus.
19 Par lettre du 22 juin 2016, les autorités françaises ont saisi l’organe de conciliation au sujet de la correction financière retenue par la Commission en ce qui concernait le département de la Haute-Corse. Elles ont fait valoir, en substance, que l’argument de la Commission pour justifier le rejet du chiffrage qu’elles proposaient à cet égard n’était pas suffisant au regard de la réglementation de l’Union et que la proposition de correction forfaitaire de 100 % concernant le cas de la Haute-Corse n’était pas conforme aux procédures de chiffrage du préjudice prévu dans cette réglementation.
20 Le 19 décembre 2016, l’organe de conciliation a rendu son avis. Il a, en substance, constaté que la conciliation n’était pas possible à ce stade et considéré qu’une correction de 100 % serait probablement disproportionnée par rapport au risque réel pour le FEAGA. En conséquence, il a invité les services de la Commission à envisager une correction inférieure.
21 Le 21 février 2017, la Commission a arrêté sa position finale. Elle a maintenu sa position initiale exposée dans la communication officielle du 20 mai 2016, en précisant qu’une correction forfaitaire de 100 % était justifiée dans la mesure où les informations disponibles montraient que les déficiences concernant le contrôle des aides en Haute-Corse étaient si graves qu’elles constituaient une non-conformité totale avec les règles de l’Union et qu’elles généraient un risque pour le FEAGA très élevé.
22 Le 24 octobre 2017, la Commission a établi le rapport de synthèse reprenant les résultats des contrôles effectués, les griefs reprochés aux autorités françaises ainsi que les réponses apportées. Dans ce rapport, elle a indiqué que sa position, au regard des manquements constatés, demeurait inchangée.
Sur le quatrième groupe de corrections concernant les aides du Feader couvertes par le SIGC
23 Le 15 février 2016, la Commission française de certification des comptes des organismes payeurs des dépenses financées par les fonds européens agricoles (ci-après la « CCCOP ») a présenté à la Commission son rapport d’audit, relatif au Feader, en vue de la certification des comptes de l’ASP se rapportant à l’exercice financier de l’année 2015 (ci-après le « rapport de certification »).
24 La CCCOP a, au point 12 du rapport de certification, intitulé « Tests de validation des transactions opérationnelles et non opérationnelles », répertorié les résultats des tests concernant la population-strate relevant des aides du Feader couvertes par le SIGC, dans le cadre de la période de programmation 2014/2020 (RDR3). Ces résultats se fondaient sur un échantillon de 89 tests effectués par la CCCOP.
25 À cet égard, la CCCOP a, d’abord, fait état, au point 12.2.4 du rapport de certification, intitulé « Évaluation et constatations », d’anomalies consistant en des écarts de surface dus à la non-conformité des règles d’éligibilité nationales à la réglementation de l’Union. La CCCOP a indiqué que, dans quatorze tests, des surfaces dont il avait été constaté qu’elles étaient éligibles, en contrôle sur place de premier rang, en application de la réglementation française pertinente, relative aux règles portant sur le maintien des BCAE, avaient été exclues dans le cadre du travail de revérification, car ces surfaces n’étaient pas éligibles au regard des dispositions de la réglementation de l’Union.
26 En particulier, la CCCOP a précisé, au point 12.2.4 du rapport de certification, que les quatorze surfaces pour lesquelles des écarts avaient été constatés avec le résultat du contrôle sur place initial pouvaient être classées comme suit. D’une part, pour neuf d’entre elles, il s’agissait de surfaces dans lesquelles des mares, des étangs ou encore des talus boisés avaient été définis comme éléments topographiques admissibles par la réglementation française s’ils n’excédaient pas un pourcentage de la surface agricole utile de l’îlot, mais non conformes à l’article 34, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009, car non individuellement protégés par des spécifications de taille. D’autre part, pour cinq d’entre elles, il s’agissait de surfaces dans lesquelles des bois, des bosquets ou des surfaces sans strate herbacée (creux de vallons) avaient été retenus comme surfaces fourragères éligibles en contrôle sur place de premier niveau, mais exclus en revérification après qu’il avait été constaté qu’ils ne présentaient pas de strate herbacée suffisante ou n’étaient pas pénétrables par les animaux, de sorte que ces surfaces ne répondaient pas à la définition de pâturages permanents et de superficies fourragères de l’article 2 du règlement no 1120/2009.
27 En outre, hormis lesdites anomalies constatées dans quatorze tests et relatives aux écarts de surface dus à la non-conformité des règles d’éligibilité nationales à la réglementation de l’Union, la CCCOP a mentionné, au point 12.2.4 du rapport de certification, avoir relevé d’autres types d’anomalies. Ces dernières concernaient des écarts de surface dus au non-respect des procédures nationales, constatés dans 21 tests, ainsi que des anomalies autres que les écarts de surfaces, relevées dans certains dossiers.
28 Par ailleurs, s’agissant des tests de validation classiques, la CCCOP a indiqué, au point 12.2.4 du rapport de certification, avoir également relevé des anomalies dues au fait que des surfaces non éligibles, en application de la réglementation de l’Union, n’avaient pas été retirées lors des contrôles administratifs ou sur place, car elles étaient conformes aux dispositions nationales. Il s’agissait, en particulier, de surfaces dans lesquelles des mares et des affleurements rocheux avaient été définis comme éléments topographiques admissibles par la réglementation nationale s’ils n’excédaient pas un pourcentage de la surface agricole utile de l’îlot, mais n’étaient pas conformes à l’article 34, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009, car non individuellement protégés par des spécifications de taille.
29 Sur le fondement notamment des constatations susmentionnées, la CCCOP est parvenue, au point 12.4 du rapport de certification, intitulé « Résultat global du test de la population Feader lorsque l’approche stratifiée est adoptée », à la conclusion que le taux d’ELPP s’élevait à 6,45 %, soit 78 956 171,99 euros. À cet égard, la CCCOP a indiqué que le seuil de signification correspondant à 2 % de la valeur des dépenses était dépassé par le taux d’ELPP. La CCCOP a ensuite précisé qu’un tel dépassement s’expliquait, entre autres raisons, par une anomalie financière du fait de l’inéligibilité de surfaces boisées retenues initialement comme surfaces fourragères.
30 Sur la base du rapport de certification de la CCCOP, la Commission a ouvert l’enquête de conformité CEB/2016/047/FR et, ainsi, entamé la procédure d’apurement de conformité visée à l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014 et à l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549).
31 Par lettre du 29 avril 2016, la Commission a communiqué à la République française les résultats de l’enquête CEB/2016/047/FR, en application de l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014. En particulier, elle a indiqué avoir considéré que, en ce qui concerne l’ASP, les autorités françaises ne s’étaient pas totalement conformées aux exigences du droit de l’Union et, partant, envisager d’exclure du financement de l’Union certaines dépenses du Feader, conformément à l’article 52 du règlement no 1306/2013. La Commission a également invité les autorités françaises à une réunion bilatérale, laquelle a eu lieu à Bruxelles, le 30 septembre 2016.
32 Le procès-verbal de cette réunion bilatérale a été communiqué aux autorités françaises par lettre de la Commission du 4 novembre 2016. Dans ce procès-verbal, la Commission a conclu que, en tenant compte des discussions ayant eu lieu lors de ladite réunion et des analyses complémentaires menées ultérieurement, l’ELPP pour le Feader s’élevait finalement à une valeur de 13 127 243,30 euros, en ce qui concernait la période de programmation 2014/2020 (RDR3). La Commission y a précisé qu’une telle valeur dépassait le seuil de signification en ce qui concernait le fonds, lequel était de 13 051 515,79 euros pour cette période de programmation. En conséquence, dès lors que la valeur de l’ELPP dépassait le seuil de signification, la Commission a proposé une correction financière portant sur l’ELPP d’un montant de 13 127 243,30 euros, en ce qui concernait la période de programmation 2014/2020.
33 Par lettre du 3 avril 2017, envoyée sur le fondement de l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014, la Commission a officiellement communiqué à la République française sa proposition d’exclure du financement de l’Union un montant de 13 127 243,30 euros, correspondant à l’ELPP pour la population relevant des aides du Feader couvertes par le SIGC, en ce qui concerne la période de programmation 2014/2020. La Commission a ainsi maintenu sa position et exposé les motifs justifiant cette proposition, lesquels étaient identiques à ceux figurant dans le procès-verbal du 4 novembre 2016. La Commission a également précisé, au point 1.6 de cette communication officielle, intitulé « Erreur la plus probable établie à la suite des tests de validation », avoir établi ladite proposition conformément au chapitre 10 des lignes directrices de 2015.
34 Le 24 octobre 2017, la Commission a établi le rapport de synthèse reprenant les résultats de l’enquête de conformité CEB/2016/047/FR, les griefs reprochés aux autorités françaises ainsi que les réponses apportées. Dans ce rapport, elle a indiqué que sa position, au regard des manquements constatés, demeurait inchangée.
Décision attaquée
35 Le 8 novembre 2017, la Commission a adopté la décision d’exécution (UE) 2017/2014 de la Commission, du 8 novembre 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Feader (JO 2017, L 292, p. 61, ci-après la « décision attaquée »).
36 Dans la décision attaquée, la Commission a notamment imposé les corrections suivantes :
– une correction financière de 2 246 700 euros concernant les dépenses relatives aux aides directes à la surface du premier pilier afférentes à la France (années de demande 2013 et 2014), en raison des défaillances constatées dans le SIPA et, en particulier, du fait de l’utilisation irrégulière de ratios préalablement définis pour la prise en compte des particularités topographiques dans la surface agricole (sous le motif intitulé « Lacunes constatées dans le SIPA ») ;
– une correction financière de 59 828 816,97 euros concernant les dépenses relatives aux aides directes à la surface relevant du premier pilier afférentes à la France (années de demande 2013 et 2014), pour avoir irrégulièrement considéré comme étant éligibles des surfaces principalement boisées à très faible ressource herbagère ou non accessibles aux animaux, déclarées comme « landes et parcours » [sous le motif intitulé « Détermination des surfaces inéligibles (“landes et parcours”) »] ;
– une correction financière de 28 973 945,46 euros concernant les dépenses relatives aux aides directes à la surface relevant du premier pilier afférentes à la Corse (années de demande 2013 et 2014), en raison des défaillances graves constatées dans le système de contrôle desdites aides (sous le motif intitulé « Système de contrôle gravement déficient, Corse ») ;
– une correction financière de 13 127 243,30 euros, correspondant à l’ELPP pour la population relevant des aides du Feader couvertes par le SIGC afférentes à la France, en ce qui concerne la période de programmation 2014/2020, et appliquée à la suite de la procédure d’apurement de conformité et d’apurement des comptes de l’ASP (exercice financier 2015) (sous le motif intitulé « ELPP – Feader SIGC – 2014/2020 »).
37 Les motifs justifiant l’imposition des corrections financières à l’origine de l’adoption de la décision attaquée figurent dans le rapport de synthèse établi par la Commission le 24 octobre 2017. En ce qui concerne la République française, ces motifs sont identiques à ceux exposés par la Commission dans la communication officielle du 20 mai 2016 en ce qui concerne l’enquête AA/2014/008/FR et dans celle du 3 avril 2017 en ce qui concerne l’enquête CEB/2016/047/FR.
Procédure et conclusions des parties
38 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 janvier 2018, la République française a introduit le présent recours.
39 Le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal le 28 mars 2018.
40 La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 23 mai 2018.
41 La duplique a été déposée au greffe du Tribunal le 6 juillet 2018.
42 Le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.
43 La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler partiellement la décision attaquée en ce qu’elle inclut une correction de 2 246 700 euros du fait d’une prise en compte des particularités topographiques dans le cadre des BCAE prétendument non conforme, en ce qui concerne les « [l]acunes constatées dans le SIPA » pour les années de demande 2013 et 2014 ;
– annuler partiellement la décision attaquée en ce qu’elle inclut une correction forfaitaire portant sur l’ensemble des surfaces qui comportent au moins une parcelle qualifiée de « landes et parcours » et non seulement sur les parcelles qualifiées de « landes et parcours », en ce qui concerne la « [d]étermination des surfaces inéligibles (“landes et parcours”) » pour les années de demande 2013 et 2014 ;
– annuler partiellement la décision attaquée en ce qu’elle applique une correction forfaitaire de 100 % au département de la Haute-Corse, en ce qui concerne le « [s]ystème de contrôle gravement déficient, Corse » pour les années de demande 2013 et 2014 ;
– annuler partiellement la décision attaquée en ce qui concerne 1’« ELPP – Feader SIGC – 2014/2020 » dans le cadre de l’enquête CEB/2016/047 ;
– condamner la Commission aux dépens.
44 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la République française aux dépens.
En droit
45 À l’appui de son recours, la République française invoque plusieurs moyens, lesquels peuvent être répertoriés comme suit.
46 S’agissant du premier groupe de corrections ponctuelles, appliquées aux aides directes à la surface du premier pilier octroyées en France pour les années de demande 2013 et 2014, en raison des défaillances constatées dans le SIPA et, en particulier, du fait de l’utilisation irrégulière de ratios préalablement définis pour la prise en compte des particularités topographiques dans la surface agricole, la République française invoque un moyen unique. Ce moyen est tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et de son annexe III.
47 S’agissant du deuxième groupe de corrections forfaitaires, de 10 % et de 25 %, appliquées aux aides directes à la surface du premier pilier octroyées en France pour les années de demande 2013 et 2014, au motif qu’ont été irrégulièrement considérées comme étant éligibles des surfaces principalement boisées à très faible ressource herbagère ou non accessibles aux animaux, déclarées comme « landes et parcours », la République française invoque également un moyen unique. Ce moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité.
48 S’agissant du troisième groupe de corrections forfaitaires, de 100 %, appliquées aux aides directes à la surface relevant du premier pilier octroyées en Corse pour les années de demande 2013 et 2014, en raison des défaillances graves constatées dans le système de contrôle desdites aides, la République française invoque deux moyens. Le premier est tiré d’une violation du principe de proportionnalité. Le second est tiré d’une violation de l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014 et de l’obligation de motivation.
49 S’agissant du quatrième groupe de corrections ponctuelles, correspondant à l’ELPP pour la population relevant des aides du Feader couvertes par le SIGC octroyées en France, en ce qui concerne la période de programmation 2014/2020, et appliquées à la suite de la procédure d’apurement de conformité et d’apurement des comptes se rapportant à l’exercice financier de l’année 2015 de l’ASP, la République française invoque un moyen unique. Ce moyen est tiré d’une erreur de droit commise en ce que la Commission s’est fondée sur des données qu’elle a retenues en violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et de son annexe III.
Sur le premier groupe de corrections ponctuelles, appliquées en raison de l’utilisation irrégulière de ratios préalablement définis pour la prise en compte des particularités topographiques
50 Par son moyen unique, la République française fait valoir que la décision attaquée viole l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et son annexe III, en ce qu’elle considère, d’une part, que des éléments tels que des affleurements rocheux, des mares ou des bosquets, prévus par la réglementation française en cause, ne relèvent pas des BCAE et, d’autre part, que le droit de l’Union impose la protection individuelle de chaque élément du paysage et, partant, que l’évaluation desdits éléments par des ratios ou des pourcentages préalablement définis, dans cette réglementation française, ne permettrait pas de les intégrer dans la superficie totale des parcelles agricoles, en vertu de l’article 34, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009.
51 En premier lieu, la République française prétend que les affleurements rocheux, les mares et les bosquets peuvent constituer des particularités topographiques au sens de l’annexe III du règlement no 73/2009. À cet égard, d’une part, elle soutient que la liste des particularités topographiques figurant dans cette annexe n’est pas limitative. D’autre part, elle considère que cette interprétation aurait été confirmée par la Cour dans l’arrêt du 16 juillet 2009, Horvath (C‑428/07, EU:C:2009:458).
52 En second lieu, la République française conteste la position de la Commission, rappelée dans la première communication du 25 février 2015 et dans la communication officielle du 20 mai 2016, selon laquelle il découlerait de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et de son annexe III que chaque particularité topographique doit être maintenue individuellement dans des BCAE.
53 En effet, d’abord, cette position serait manifestement erronée, dans la mesure où l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et son annexe III n’imposent nullement aux États membres de maintenir les particularités topographiques dans des BCAE et de les entretenir. Il ressortirait du considérant 4 et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 que le maintien des BCAE auquel les États membres doivent veiller se rapporterait aux terres agricoles et non aux particularités topographiques. De même, l’exigence d’entretien visée à l’annexe III du règlement no 73/2009 se rapporterait également à l’entretien des terres agricoles et non à celui des particularités topographiques. En outre, ladite position serait contraire à une interprétation systématique et téléologique de ladite annexe.
54 À cet égard, la République française fait valoir que la question de l’entretien des éléments topographiques et du maintien des terres dans des BCAE n’est pas directement liée à l’admissibilité des terres aux aides de la PAC. Ainsi, un prétendu non-maintien des éléments topographiques n’aurait pas pour conséquence de diminuer la surface éligible d’une parcelle.
55 Par ailleurs, la République française estime que sa réglementation nationale n’empêche pas de contrôler le maintien des terres agricoles dans des BCAE, dès lors que le ratio minimal de particularités topographiques dans la parcelle concernée est un critère fiable, objectif et contrôlable. De surcroît, elle ne voit pas en quoi son approche permettant l’utilisation de ratios négligerait la dimension environnementale des BCAE. En tout état de cause, la Commission ne démontrerait pas que le recours à un ratio minimal serait néfaste pour l’environnement au point d’être interdit.
56 La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la République française et conclut au rejet de ce moyen unique comme étant non fondé.
57 À titre liminaire, il convient de déterminer le fondement de la correction financière en cause de 2 246 700 euros, imposée dans la décision attaquée, en ce qui concerne les « [l]acunes constatées dans le SIPA » relatives aux « particularités topographiques », pour les années de demande 2013 et 2014.
58 À cet égard, il y a lieu de relever que ce fondement est clairement précisé dans la communication officielle du 20 mai 2016, ainsi que préalablement dans la première communication du 25 février 2015. En effet, il ressort de ces deux communications que, s’agissant des « [p]roblèmes liés à la définition des superficies éligibles » et, en particulier, des « [é]léments de paysage et particularités topographiques », la Commission reproche à la République française de continuer à permettre, dans sa réglementation nationale relative aux règles des BCAE, l’utilisation de ratios préalablement définis pour la prise en compte des particularités topographiques dans la surface agricole éligible. Or, selon la Commission, le fait de fixer la superficie totale des particularités topographiques admissibles, en pourcentage de la surface agricole de l’îlot, ne permettrait pas de contrôler le « maintien » des terres agricoles dans des BCAE, tel que cela est prescrit à l’article 6 du règlement no 73/2009. Il serait, dès lors, nécessaire d’individualiser les particularités topographiques afin d’assurer ce contrôle.
59 Il s’ensuit que, en l’espèce, la Commission n’a pas exclu, a priori, que les affleurements rocheux, les mares et les bosquets puissent constituer des particularités topographiques, au sens de l’annexe III du règlement no 73/2009. La Commission n’a pas non plus exclu, a priori, que ces éléments du paysage litigieux puissent relever des BCAE visées à l’article 6 et à l’annexe III du règlement no 73/2009. En revanche, la Commission a constaté que les conditions nécessaires à cette fin n’étaient pas réunies en l’espèce. En particulier, elle a considéré que la réglementation française en cause n’avait pas permis aux autorités nationales de contrôler le « maintien » des éléments du paysage litigieux dans des BCAE, puisque, pour assurer ce contrôle du « maintien » dans des BCAE, une individualisation précise desdits éléments serait nécessaire, ce que ladite réglementation n’aurait pas prévu.
60 Il incombe, dès lors, au Tribunal de déterminer si la Commission était en droit d’exiger, dans le cadre de la définition des superficies éligibles, une individualisation précise des éléments du paysage litigieux et, partant, de conclure que la prise en compte desdits éléments par des ratios préalablement définis, tels que ceux fixés dans la réglementation française en cause, ne permettait pas de les intégrer dans la superficie totale des parcelles agricoles.
61 À cet égard, il importe, d’emblée, de relever que des éléments du paysage tels que les affleurements rocheux, les mares et les bosquets ne sauraient, en principe, être éligibles dans la superficie totale des parcelles agricoles, car ils ne répondent pas à la définition de « parcelle agricole » visée à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1122/2009. En effet, cette dernière notion est entendue comme une surface continue de terres déclarée par un agriculteur, sur laquelle un seul groupe de cultures est cultivé.
62 Cependant, aux termes de l’article 34, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009, « [t]out élément caractéristique visé dans les actes cités à l’annexe II du règlement […] no 73/2009 ou pouvant relever des [BCAE] visées à l’article 6 et à l’annexe III dudit règlement est intégré dans la superficie totale de la parcelle agricole ». L’inclusion desdits éléments du paysage litigieux dans la superficie totale des parcelles agricoles est donc admise aux conditions prévues dans cette disposition. Toutefois, cette inclusion étant une exception, elle doit être interprétée de manière restrictive.
63 Ainsi, pour être éligibles dans la superficie totale d’une parcelle agricole, les éléments du paysage tels que les affleurements rocheux, les mares et les bosquets doivent pouvoir relever des BCAE visées à l’article 6 et à l’annexe III du règlement no 73/2009. L’article 6 de ce règlement s’intitule précisément « [BCAE] » et prévoit, en substance, à son paragraphe 1, que les États membres doivent veiller à ce que toutes les terres agricoles, en particulier celles qui ne sont plus exploitées à des fins de production, soient maintenues dans des BCAE. De plus, conformément à cette disposition, les États membres doivent définir des exigences minimales pour les BCAE sur la base du cadre fixé à l’annexe III dudit règlement, en tenant compte des caractéristiques des zones concernées, ces États ne pouvant pas définir des exigences minimales qui ne sont pas prévues dans ce cadre.
64 À cet égard, l’annexe III du règlement no 73/2009, intitulée « [BCAE] visées à l’article 6 [du règlement no 73/2009] », fixe un cadre de base pour les BCAE et définit les exigences minimales pour celles-ci. Le tableau en annexe III inclut, notamment, l’entrée suivante :
Thème | Normes obligatoires | Normes facultatives |
Niveau minimal d’entretien : Assurer un niveau minimal d’entretien et éviter la détérioration des habitats | Maintenir les particularités topographiques, y compris, le cas échéant, les haies, étangs, fossés, alignement d’arbres, en groupes ou isolés, et bordures de champs | Densité minimale du bétail et/ou régimes appropriés |
Établissement et/ou maintien d’habitats | ||
Éviter l’empiétement de végétation indésirable sur les terres agricoles | Interdire l’arrachage d’oliviers | |
Protéger les pâturages permanents | Maintenir les oliveraies et les vignes en de bonnes conditions végétatives |
65 Il ressort de ce tableau répertoriant les exigences minimales pour les BCAE que, en ce qui concerne le thème relatif au niveau minimal d’entretien des terres agricoles, il est exigé de « maintenir les particularités topographiques », à titre de norme obligatoire pour ces BCAE. Ce « maintien » des particularités topographiques contribue ainsi au « maintien » des terres agricoles dans des BCAE, au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, lequel renvoie précisément à l’annexe III de ce règlement.
66 Il s’ensuit que l’argument de la République française selon lequel le maintien des BCAE auquel les États membres doivent veiller se rapporterait aux terres agricoles et non aux particularités topographiques ne saurait valablement prospérer. En effet, cet argument irait à l’encontre de l’article 34, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009, concernant les éléments caractéristiques relevant des BCAE, lequel renvoie expressément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et à son annexe III et, partant, au devoir de « maintien » des particularités topographiques dans des BCAE.
67 Les États membres disposent, certes, comme le soutient la République française, d’une marge d’appréciation en ce qui concerne la définition des exigences minimales relatives aux BCAE, reconnue par la Cour dans l’arrêt du 16 juillet 2009, Horvath (C‑428/07, EU:C:2009:458). Néanmoins, ainsi qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, celle-ci doit être conforme aux dispositions du droit de l’Union applicables, et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit de « normes obligatoires » comme celles qui portent sur le maintien des particularités topographiques.
68 Dès lors, à supposer même que, comme le prétend la République française, les affleurements rocheux, les mares et les bosquets puissent constituer des particularités topographiques, il n’en demeure pas moins que, afin de faire partie des BCAE visées à l’annexe III du règlement no 73/2009, ils doivent nécessairement être « maintenus ». En effet, ainsi que l’exige la norme obligatoire, concernant le niveau minimal d’entretien des terres agricoles, fixée à ladite annexe, en vertu de l’article 6 de ce règlement, les particularités topographiques doivent être « maintenues » pour pouvoir « relever des [BCAE] visées à l’article 6 et à l’annexe III dudit règlement ».
69 En outre, contrairement à ce que soutient la République française, le maintien des éléments topographiques dans des BCAE est lié à l’éligibilité des superficies des parcelles agricoles aux aides à la surface de la PAC. En effet, conformément à l’article 34, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009, afin d’être « intégré dans la superficie totale de la parcelle agricole » et donc d’être éligible auxdites aides, tout élément caractéristique doit pouvoir « relever des [BCAE] visées à l’article 6 et à l’annexe III dudit règlement ». Or, ainsi qu’il ressort de cette annexe, en ce qui concerne les particularités topographiques, cela exige que ces dernières soient « maintenues ». Cette exigence du « maintien » des particularités topographiques entraîne inévitablement celle de pouvoir contrôler ce maintien.
70 À cet égard, il importe de relever que l’exigence de pouvoir contrôler le « maintien » des particularités topographiques ne saurait valablement être satisfaite que si une individualisation précise de ces particularités est effectuée. En effet, il est nécessaire d’identifier individuellement chacune des particularités topographiques au sein de la parcelle agricole concernée afin de pouvoir contrôler leur maintien dans des BCAE. Seule une telle appréciation distinctive est adéquatement en mesure de répondre aux exigences visées à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et son annexe III et, partant, aux conditions d’éligibilité de l’article 34, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009.
71 En revanche, une évaluation globale des particularités topographiques par des ratios, ainsi que le prévoit la réglementation française en cause, viderait de son sens la notion même de « maintien » de ces particularités dans des BCAE et permettrait de considérer comme étant éligibles des surfaces en raison d’un ratio et non de leur particularité topographique. En outre, en permettant l’utilisation de ratios préalablement définis pour la prise en compte des particularités topographiques, l’exception relative à tout élément caractéristique, prévue à l’article 34, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009, deviendrait ainsi un simple ratio de tolérance au sein de la parcelle agricole concernée.
72 Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la République française, il ne suffit pas que l’exploitant agricole soit à même « de connaître, [de] surveiller et [d’]entretenir les éléments topographiques de sa parcelle », comme le prévoit la réglementation française en cause. En effet, encore faut-il que les autorités nationales puissent contrôler le maintien de ces particularités topographiques. Or, en l’espèce, la République française n’a pas démontré que, malgré la présence d’un système de ratios, ces autorités, d’une part, avaient la possibilité de contrôler, de manière efficace, le maintien desdites particularités topographiques situées dans les parcelles agricoles et, d’autre part, avaient effectivement procédé à ce contrôle.
73 Il s’ensuit que la Commission était en droit d’exiger, dans le cadre de la définition des superficies éligibles, une individualisation précise des éléments du paysage litigieux et, partant, de conclure que la prise en compte desdits éléments par des ratios préalablement définis, tels que ceux fixés dans la réglementation française en cause, ne permettait pas de les intégrer dans la superficie totale des parcelles agricoles.
74 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas, dans la décision attaquée, violé l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et son annexe III. Partant, le moyen unique soulevé par la République française à cet égard doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur le deuxième groupe de corrections forfaitaires, de 10 % et de 25 %, appliquées au motif qu’ont été irrégulièrement considérées comme étant éligibles des surfaces déclarées comme « landes et parcours »
75 Par son moyen unique, la République française soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité dans la décision attaquée. Ce principe aurait en effet été violé dès lors qu’a été appliquée une correction financière portant sur l’ensemble des surfaces couvertes par des demandes comportant au moins une parcelle déclarée comme « landes et parcours » et non seulement sur les parcelles déclarées comme « landes et parcours », alors que l’irrégularité ne concernait que ces parcelles et que la Commission disposait de l’assiette exacte relative auxdites parcelles dans les 29 départements français identifiés comme étant à risque du fait du problème particulier des « landes et parcours ».
76 À cet égard, la République française reconnaît que des erreurs ont été commises, de sorte que la Commission pouvait imposer une correction financière, mais elle conteste la méthode suivie par la Commission pour arrêter cette correction. La Commission aurait dû appliquer le taux d’erreur qu’elle estimait correct aux seules parcelles déclarées comme « landes et parcours » et n’aurait pas dû inclure les mares, les bosquets et les affleurements rocheux extérieurs aux « landes et parcours » pour déterminer le montant de la correction.
77 En outre, la République française considère que la Commission n’a, en tout état de cause, pas respecté le principe de proportionnalité en rejetant le chiffrage qu’elle avait proposé pendant la procédure administrative et en lui substituant la méthode qu’elle avait appliquée, à savoir l’imposition d’un taux forfaitaire de 10 % et de 25 % selon les cas, et cela sans avoir apporté d’éléments convaincants.
78 À cet égard, la République française précise, notamment, que la Commission n’a étayé aucun des chiffres qu’elle a avancés dans ses conclusions à la suite de l’enquête complémentaire dans trois départements sélectionnés visant à vérifier à nouveau le chiffrage proposé par les autorités françaises, figurant dans la communication officielle du 20 mai 2016. De plus, la République française souligne que les autorités françaises ont apporté, lors de la procédure administrative, des données complémentaires pour 14 départements faisant tous partie des 29 départements concernés, fournissant ainsi un échantillon significatif du groupe dans lequel la non-conformité constatée par la Commission pouvait raisonnablement se produire, conformément à l’article 12, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) no 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 (JO 2014, L 255, p. 18). Cependant, ces données aurait été écartées par la Commission, au motif que ces quatorze départements n’étaient pas ceux dans lesquels avait eu lieu ladite enquête, ce qui serait par ailleurs inexact.
79 La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la République française et conclut au rejet de ce moyen unique comme étant non fondé.
80 Il convient, d’emblée, de relever que, dans le cadre de la procédure d’apurement des comptes du FEAGA, la Commission a l’obligation de procéder à une correction financière si les dépenses dont le financement est demandé n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union.
81 À cet égard, l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014 prévoit, en substance, que, lorsque la Commission constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union, elle se fonde sur ses propres conclusions et prend en considération les informations mises à disposition par les États membres, afin de déterminer les montants à exclure du financement de l’Union. En outre, le paragraphe 2 dudit article dispose, en substance, que si, à la suite d’une enquête, la Commission considère que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément auxdites règles, elle communique ses conclusions à l’État membre concerné en indiquant, notamment, le niveau provisoire de correction financière qu’elle considère comme étant approprié par rapport à ses conclusions. Dans sa réponse à la communication de la Commission, cet État a la possibilité, en particulier, de lui démontrer que l’ampleur réelle du non-respect ou le risque pour les fonds sont inférieurs à ce qui a été indiqué par la Commission.
82 Il convient de rappeler également que, selon la jurisprudence, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêt du 24 avril 2008, Belgique/Commission, C‑418/06 P, EU:C:2008:247, point 135).
83 En effet, la gestion du financement du FEAGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union et est fondée sur la confiance entre les autorités nationales et les autorités de l’Union. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du FEAGA, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (arrêt du 7 juin 2013, Portugal/Commission, T‑2/11, EU:T:2013:307, point 132).
84 Il appartient donc à l’État membre de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des calculs de la Commission, afin de démontrer que les doutes de cette dernière n’étaient pas fondés (voir arrêt du 16 juin 2015, Portugal/Commission, T‑3/11, non publié, EU:T:2015:388, point 29 et jurisprudence citée).
85 Il convient d’observer, en outre, que l’autorité de l’Union qu’est en l’espèce la Commission se doit de répondre explicitement aux éléments d’information précis et détaillés que met en avant un État membre qui, au cours de la procédure administrative, cherche à s’acquitter de la charge de la preuve qui lui incombe pour démontrer les conséquences financières des carences constatées, en nouant à cette fin un dialogue avec la Commission afin de trouver la solution la plus conforme aux exigences de la réglementation applicable (arrêt du 16 février 2017, Roumanie/Commission, T‑145/15, EU:T:2017:86, point 50).
86 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante et à la lumière des orientations de la Commission figurant dans les lignes directrices de 2015, lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par l’Union, une correction forfaitaire peut être envisagée par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2015, Italie/Commission, T‑44/11, non publié, EU:T:2015:469, point 89 et jurisprudence citée).
87 Il a été jugé, à cet égard, qu’une correction arrêtée par la Commission conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière tend à éviter la mise à la charge des fonds de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue pas une sanction. La jurisprudence a ainsi reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations de la Commission permettent à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de l’Union ainsi que d’éviter que la Commission n’exerce son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2015, Italie/Commission, T‑44/11, non publié, EU:T:2015:469, point 87 et jurisprudence citée).
88 De plus, s’agissant du principe de proportionnalité, il ressort de la jurisprudence que ce principe, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts poursuivis (voir arrêts du 3 mars 2016, Espagne/Commission, T‑675/14, non publié, EU:T:2016:123, point 51 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 127 et jurisprudence citée).
89 C’est à la lumière de l’ensemble de ces considérations qu’il convient d’examiner le moyen unique, tiré de la violation du principe de proportionnalité.
90 En l’espèce, la République française soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité dans la décision pour deux raisons.
91 Premièrement, elle reproche à la Commission d’avoir appliqué une correction financière portant sur l’ensemble des surfaces couvertes par des demandes comportant au moins une parcelle déclarée comme « landes et parcours » et non seulement sur les parcelles déclarées comme « landes et parcours », alors que l’irrégularité ne concernait que ces parcelles et que la Commission disposait de l’assiette exacte relative auxdites parcelles dans les 29 départements français identifiés comme étant à risque du fait du problème particulier des « landes et parcours ». Deuxièmement, elle reproche à la Commission d’avoir rejeté le chiffrage qu’elle avait proposé pendant la procédure administrative et de lui avoir imposé une correction forfaitaire de 10 % et de 25 %, sans avoir apporté d’éléments convaincants.
92 À cet égard, il importe de souligner que la République française reconnaît qu’un certain nombre d’erreurs ont été commises en ce qui concerne les aides directes à la surface du premier pilier octroyées en France pour les années de demande 2013 et 2014, de sorte que la Commission pouvait conclure à l’imposition d’une correction financière. En particulier, elle admet que les autorités françaises ont irrégulièrement considéré comme étant éligibles des surfaces principalement boisées à très faible ressource herbagère ou non accessibles aux animaux, déclarées comme « landes et parcours », alors que les conditions d’éligibilité de ces surfaces n’étaient pas systématiquement contrôlées. Le litige porte donc sur les conséquences à tirer de ces erreurs et, en particulier, sur la méthode suivie par la Commission pour arrêter la correction financière qui en résulte.
93 En ce qui concerne la première raison invoquée par la République française, mentionnée au point 91 ci-dessus, il ressort du dossier (annexe 1 de la réplique) que cette dernière a, dans sa lettre du 26 juin 2015, fourni à la Commission un tableau qui détaille les surfaces déclarées comme « landes et parcours » en 2014 dans les 29 départements français identifiés comme étant à risque du fait du problème particulier des « landes et parcours ». En particulier, ce tableau répertorie, pour chacun de ces départements, premièrement, lesdites surfaces exprimées en hectare, deuxièmement, celles considérées « en anomalie par extrapolation », selon le taux d’erreur de l’audit, également exprimées en hectare, troisièmement, la valeur moyenne départementale des droits à paiement unique, exprimée en euros, ainsi que, quatrièmement, la valorisation de ces mêmes surfaces en 2014, exprimée également en euros.
94 Cependant, la Commission a considéré, dans sa lettre du 28 juillet 2015, que ce chiffrage des autorités françaises était incomplet, car il ne prenait pas en compte dans sa totalité le préjudice pour le FEAGA. La Commission leur a donc demandé de fournir le chiffrage des sanctions. En effet, ainsi qu’il ressort du point 1.3.8 des lignes directrices de 2015, la non-application par les États membres du dispositif de sanctions administratives prévu par la législation entraîne un préjudice financier pour le budget de l’Union et, par conséquent, ces sanctions devraient relever du champ d’application des corrections financières. Or, ce n’est qu’en ce qui concerne les bénéficiaires des aides et non pour ce qui est des surfaces, comme la République française tend à le suggérer dans le tableau qu’elle a fourni (annexe 1 de la réplique), que les sanctions peuvent être calculées. Ainsi, une approche limitée aux surfaces n’a pas permis de couvrir la totalité du risque encouru par le FEAGA.
95 En réponse à cette demande de la Commission, les autorités françaises ont fourni, par lettre du 22 octobre 2015 (annexe 8 de la requête), un second chiffrage, intégrant cette fois-ci les éventuelles sanctions, réalisé « à partir des dossiers de la campagne PAC 2014 contenant au moins un îlot déclaré [comme “landes et parcours”] ». Ensuite, c’est sur le fondement de ce second chiffrage soumis par les autorités françaises que la Commission a appliqué la correction financière.
96 Force est de constater que, contrairement à ce que prétend la République française, la Commission ne disposait pas de l’assiette exacte relative aux parcelles déclarées comme « landes et parcours » dans les 29 départements concernés. En effet, le premier chiffrage proposé par les autorités françaises n’incluait pas les éventuelles sanctions et, partant, n’a pas permis de couvrir la totalité du risque encouru par le FEAGA. Le second chiffrage, quant à lui, bien qu’intégrant les éventuelles sanctions, concernait des dossiers « contenant au moins un îlot déclaré [comme “landes et parcours”] » et non seulement les parcelles déclarées comme « landes et parcours ». L’assiette exacte et précise relative à ces dernières n’avait pas été identifiée et calculée. De même, il ressort de la communication officielle du 20 mai 2016 que, lors des vérifications opérées par la suite par la Commission, des divergences dans la photo-interprétation desdites parcelles ont été rencontrées et que, malgré les informations fournies, celles-ci ne pouvaient pas non plus être mesurées, ni quantifiées.
97 Il s’ensuit que, bien qu’elle ait fourni à la Commission les deux chiffrages susmentionnés, la République française n’a pas été en mesure de présenter à la Commission un chiffrage permettant de déterminer avec précision l’ampleur réelle du risque pour le FEAGA et, en particulier, d’évaluer l’assiette exacte relative aux parcelles déclarées comme « landes et parcours ». En effet, les propositions de la République française étaient soit incomplètes, soit imprécises et, en tout état de cause, elles n’ont pas permis de démontrer les conséquences financières réelles et circonscrites des défaillances constatées.
98 Or, ainsi que cela ressort des points 83 et 84 ci-dessus, il appartient à l’État membre concerné de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres. En effet, seul cet État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du FEAGA. Cela résulte également du point 1.3.6. des lignes directrices de 2015, qui prévoit que, si les services de la Commission ne disposent pas des informations nécessaires pour calculer les montants indûment dépensés, l’État membre est tenu de fournir les éléments nécessaires pour identifier ces montants ou pour extrapoler le préjudice financier.
99 Dès lors, la République française ne saurait reprocher à la Commission d’avoir appliqué une correction financière portant sur l’ensemble des surfaces couvertes par des demandes comportant au moins une parcelle déclarée comme « landes et parcours ». Partant, la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité à cet égard.
100 En ce qui concerne le second argument invoqué par la République française, mentionné au point 91 ci-dessus, il ressort de la communication officielle du 20 mai 2016 que la Commission a procédé à la vérification du chiffrage, proposé par les autorités françaises, de l’impact financier des surfaces en cause dans les 29 départements concernés. À la suite d’une enquête complémentaire menée sur place par la Commission et de plusieurs échanges épistolaires qui ont suivi, la Commission a constaté, en substance, que les données fournies par les autorités françaises, tout particulièrement les taux d’erreur, présentaient des différences avec celles déterminées par la Commission. En outre, hormis le problème de traçabilité, la Commission a surtout relevé que des divergences dans la photo-interprétation des parcelles déclarées comme « landes et parcours » avaient également été rencontrées et que, malgré les informations fournies, celles-ci ne pouvaient pas être mesurées, ni quantifiées. La Commission en a conclu que le chiffrage proposé par les autorités françaises ne pouvait pas être accepté et, partant, a considéré que l’absence du contrôle clé en cause justifiait l’application d’une correction forfaitaire.
101 Force est, d’une part, de constater que la Commission a rejeté le chiffrage des autorités françaises en s’appuyant sur des éléments concluants. En effet, la Commission a particulièrement pu relever une différence importante entre les taux d’erreur estimés par ces autorités et ceux qu’elle avait elle-même définis. En outre et en tout état de cause, elle a constaté des divergences dans la photo-interprétation, de sorte qu’elle n’a pas pu mesurer, ni quantifier les parcelles déclarées comme « landes et parcours », celles-ci n’étant pas toujours clairement identifiables, surtout les estives. À cet égard, il importe de souligner que la République française n’a jamais contesté ces divergences.
102 D’autre part, il convient de constater que la Commission a, à juste titre, appliqué une correction forfaitaire. En effet, conformément à l’article 12, paragraphe 6, du règlement délégué no 907/2014 et ainsi qu’il ressort des points 86 et 87 ci-dessus, lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par l’Union, une correction forfaitaire peut être envisagée par la Commission. À cet égard, il est précisé au point 3.1. des lignes directrices de 2015 que les corrections forfaitaires sont envisagées lorsque les informations résultant de l’enquête ne permettent pas d’évaluer le préjudice financier causé au budget de l’Union par le calcul ou l’extrapolation, mais permettent en revanche de conclure que l’État membre a omis d’effectuer les vérifications adéquates de la légalité et de la régularité des demandes ayant donné lieu à un paiement, ce qui est le cas en l’espèce.
103 Il convient également de constater que, en l’absence du contrôle clé en cause, la Commission a pu, à juste titre, appliquer une correction forfaitaire de 10 %. À cet égard, il ressort du point 3.1. des lignes directrices de 2015 que, « [l]orsqu’un ou plusieurs contrôles clés[, c’est-à-dire des vérifications nécessaires pour établir l’admissibilité d’une aide,] ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont jugés inefficaces pour déterminer l’admissibilité d’une demande ou pour prévenir les irrégularités, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 10 %, car il peut raisonnablement être conclu qu’il existait un risque élevé de préjudice financier important pour le budget de l’Union ».
104 De même, l’application d’une correction forfaitaire de 25 % était justifiée en l’espèce compte tenu des différences rencontrées entre les résultats des autorités françaises et de la Commission pour les estives. À cet égard, conformément audit point 3.1. des lignes directrices de 2015 et comme l’explique à juste titre la Commission dans la communication officielle du 20 mai 2016, ce taux est applicable lorsque le système de contrôle est absent ou gravement déficient, ce qui était le cas en l’espèce.
105 Dans ces conditions, il s’ensuit que c’est à tort que la République française reproche à la Commission d’avoir rejeté le chiffrage qu’elle avait proposé et de lui avoir imposé une correction forfaitaire de 10 % et de 25 %, sans avoir apporté d’éléments convaincants. Partant, la Commission n’a pas non plus violé le principe de proportionnalité à cet égard.
106 Dès lors, le moyen unique soulevé par la République française doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur le troisième groupe de corrections forfaitaires, de 100 %, appliquées en raison des défaillances graves dans le système de contrôle des aides à la surface en Corse
Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité
107 La République française soutient que l’application d’une correction de 100 % à toutes les aides à la surface du premier pilier octroyées en Haute-Corse est disproportionnée. En particulier, elle estime que les conditions d’application d’un taux de correction forfaitaire de 100 % prévues dans les lignes directrices de 2015, telles qu’elles sont interprétées par la jurisprudence, ne sont pas réunies en l’espèce. En effet, selon la République française, le SIGC français ne saurait être regardé comme constitutif d’un manquement complet au respect des règles de l’Union susceptible de rendre tous les paiements irréguliers.
108 À cet égard, la République française fait valoir que, s’il existe une divergence d’interprétation entre elle et la Commission quant à la prise en compte tant de certaines particularités topographiques que des « landes et parcours », la réglementation française en la matière n’est pas étrangère à celle de l’Union. De même, elle souligne que, si certains défauts ont pu aboutir à ce que certaines surfaces soient considérées comme étant éligibles alors qu’elles ne respectaient pas les conditions d’éligibilité, il ne peut en être déduit que le système de contrôle français est complètement étranger à la réglementation de l’Union et qu’il fait abstraction des éléments de fond du régime d’aide aux surfaces et de ses objectifs.
109 En outre, la République française allègue que la Commission n’a pas respecté le principe de proportionnalité en appliquant à l’identique le taux de correction de 100 % qu’elle avait appliqué antérieurement, c’est-à-dire pour les années de demande 2008 à 2012. En effet, la Commission aurait dû prendre en compte des éléments dont elle ne disposait pas dans sa décision antérieure, notamment des éléments de chiffrage du préjudice fournis par les autorités françaises ou encore les progrès réalisés par ces dernières à la suite de l’adoption et de la mise en œuvre, en novembre 2013, du plan national d’action relatif aux aides à la surface.
110 La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la République française et conclut au rejet de ce premier moyen comme étant non fondé.
111 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêt du 24 avril 2008, Belgique/Commission, C‑418/06 P, EU:C:2008:247, point 135).
112 Il ressort également de la jurisprudence qu’une correction arrêtée par la Commission conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière tend à éviter la mise à la charge des fonds de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue pas une sanction (voir arrêt du 31 mars 2011, Grèce/Commission, T‑214/07, non publié, EU:T:2011:130, point 136 et jurisprudence citée).
113 En ce qui concerne le montant de la correction financière appliquée en l’espèce, la jurisprudence considère que la Commission peut aller jusqu’à refuser la prise en charge par les fonds agricoles européens de l’intégralité des dépenses exposées si elle constate qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle suffisants (arrêt du 11 juin 2009, Grèce/Commission, T‑33/07, non publié, EU:T:2009:195, point 140). Cependant, la Commission doit respecter le principe de proportionnalité, qui exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêts du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25, et du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T‑260/94, EU:T:1997:89, point 144).
114 En ce qui concerne le type de correction appliqué en l’espèce, il y a lieu de rappeler que, à la lumière des orientations de la Commission établies dans les lignes directrices de 2015, lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par l’Union, une correction forfaitaire peut être envisagée (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2003, Royaume‑Uni/Commission, C‑346/00, EU:C:2003:474, point 53). À cet égard, la jurisprudence a reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations de la Commission permettaient à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de l’Union ainsi que d’éviter que la Commission n’exerçât son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2008, Italie/Commission, T‑181/06, non publié, EU:T:2008:331, point 234).
115 En particulier, il ressort des lignes directrices de 2015 qu’un taux de correction forfaitaire à hauteur de 25 % est justifié et que ce taux peut même être fixé à un niveau encore plus élevé. En effet, le point 3.2.5. de ces lignes est libellé comme suit :
« “[Lorsque] [l]’application par un État membre d’un système de contrôle est jugée absente ou gravement déficiente, et [qu’]il existe des preuves d’irrégularités et de négligence importantes dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses”, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 25 %, dans la mesure où il peut être raisonnablement estimé que la liberté de soumettre impunément des demandes irrecevables occasionnera des préjudices financiers extrêmement élevés pour le budget de l’Union.
Le taux de correction peut être fixé à un niveau encore plus élevé lorsque cela se justifie. Ce sera le cas lorsque, sur la base d’informations fournies par l’État membre, la population à risque a été (très) restreinte. De même, la totalité de la dépense peut être écartée du financement de l’Union lorsque les déficiences sont si graves qu’elles constituent un non-respect total des règles de l’Union, de nature à rendre tous les paiements irréguliers. »
116 Il convient de relever que le point 3.2.5. des lignes directrices de 2015 est formulé dans des termes similaires à ceux du document no VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document no VI/5330/97 »).
117 Or, en ce qui concerne le document no VI/5330/97, le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger qu’une correction de 100 % trouve à s’appliquer sur le fondement de ce document, lorsqu’un système de contrôle existant est complètement étranger à la réglementation de l’Union pertinente, fait abstraction des éléments de fond du régime d’aide en cause et de ses objectifs et ne permet même pas, du fait de sa nature, de déceler les pratiques des opérateurs concernés, qui contournent ou manipulent ces éléments de fond. En effet, ces carences de contrôles créent un risque que tous les paiements effectués dans le cadre du régime d’aide en cause soient irréguliers. Ainsi, ces carences s’assimilent, du fait de leurs conséquences financières pour les ressources des fonds, à des interventions qui se situent en dehors d’un régime d’aide de l’Union [arrêts du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, T‑344/05, non publié, EU:T:2011:440, point 200, et du 10 juillet 2014, Grèce/Commission, T‑376/12, EU:T:2014:623, point 112 (non publié)].
118 Ainsi, il résulte de cette jurisprudence que ce ne sont pas tant les carences dans l’application de certains contrôles clés que la méconnaissance des éléments de fond du régime d’aide en cause et de ses objectifs qui justifient l’application d’une correction financière de 100 %. L’absence de satisfaction de la ou des conditions de fond de l’octroi d’une aide justifie l’exclusion de la totalité des dépenses [arrêt du 10 juillet 2014, Grèce/Commission, T‑376/12, EU:T:2014:623, point 123 (non publié)].
119 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le grief de la République française dirigé contre l’application d’une correction financière forfaitaire de 100 % aux aides directes à la surface relevant du premier pilier octroyées en Haute-Corse pour les années de demande 2013 et 2014.
120 À titre liminaire, il convient de rappeler que, en l’espèce, la République française ne conteste pas que des superficies non éligibles ont été observées dans le SIGC et ont, dès lors, été admises, de manière irrégulière, aux paiements relevant des aides à la surface du FEAGA en Haute-Corse, en raison d’un problème systémique d’interprétation des règles d’éligibilités des surfaces. Les erreurs dans la définition des superficies éligibles concernaient essentiellement les éléments de paysage et les particularités topographiques, qui ont fait l’objet des points 50 à 74 ci-dessus, mais aussi les surfaces déclarées comme « landes et parcours ».
121 De même, la République française ne conteste pas à cet égard la non-conformité de la définition des surfaces fourragères à très faible ressource herbagère, déclarées comme « landes et parcours », en Haute-Corse, avec la définition des « pâturages permanents » visée à l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009, ni le fait que cette non-conformité a donné lieu à des paiements indus.
122 En revanche, la République française conteste la correction de 100 % qui lui a été appliquée, au motif que les conditions d’application de ce taux, prévues par les lignes directrices de 2015, ne seraient pas réunies en l’espèce. En particulier, elle considère que le SIGC ne saurait être regardé comme constitutif d’un manquement complet au respect des règles de l’Union susceptible de rendre tous les paiements irréguliers.
123 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 2 du règlement no 73/2009, doit s’entendre par :
« […]
b) “exploitation”, l’ensemble des unités de production gérées par un agriculteur et situées sur le territoire d’un même État membre ;
c) “activité agricole”, la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l’élevage et la détention d’animaux à des fins agricoles, ou le maintien des terres dans de[s] [BCAE] au sens de l’article 6 ;
[...]
h) “surface agricole”, l’ensemble de la superficie des terres arables, des pâturages permanents ou des cultures permanentes. »
124 L’article 34 du règlement no 73/2009 prévoit ce qui suit :
«1. L’aide au titre du régime de paiement unique est octroyée aux agriculteurs après activation d’un droit au paiement par hectare admissible. Les droits au paiement activés donnent droit au paiement des montants qu’ils fixent.
2. Aux fins du présent règlement, on entend par “hectare admissible” :
a) toute surface agricole de l’exploitation et les surfaces plantées de taillis à courte rotation (code NC ex 0602 90 41) utilisées aux fins d’une activité agricole ou, en cas d’utilisation également pour des activités autres qu’agricoles, essentiellement utilisées à des fins agricoles [...]
[...]
La Commission définit, conformément à la procédure visée à l’article 141, paragraphe 2, [dudit règlement] les modalités relatives à l’utilisation d’hectares admissibles pour des activités non agricoles.
Sauf en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, les hectares admissibles remplissent les conditions d’admissibilité tout au long de l’année civile. »
125 L’article 2 du règlement no 1120/2009 disposait ce qui suit :
« Aux fins du titre III du règlement [...] no 73/2009 et aux fins du présent règlement, on entend par :
[…]
c) “pâturages permanents” : les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage, à l’exclusion des superficies mises en jachère [...] ; à cette fin, on entend par “herbe et autres plantes fourragères herbacées”, toutes les plantes herbacées se trouvant traditionnellement dans les pâturages naturels ou normalement comprises dans les mélanges de semences pour pâturages ou prairies dans l’État membre (qu’ils soient ou non utilisés pour faire paître les animaux) [...] ;
[…]
k) “superficie fourragère” : la superficie de l’exploitation disponible pendant toute l’année civile pour l’élevage d’animaux, y compris les superficies utilisées en commun et les superficies soumises à une culture mixte. Ne sont pas comptés dans cette superficie :
Les bâtiments, les bois, les étangs, les chemins,
[…] »
126 Il découle de ces dispositions du droit de l’Union que la détermination du nombre de droits au paiement visés par l’article 34, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 auxquels peuvent prétendre les agriculteurs dépend du nombre d’hectares admissibles, lesquels sont déterminés sur la base de la surface agricole d’une exploitation donnée, celle-ci incluant les terres arables, les pâturages permanents et les cultures permanentes.
127 Dès lors, si des surfaces sont irrégulièrement qualifiées de terres arables, de pâturages permanents ou de cultures permanentes, les hectares correspondant auxdites surfaces sont illégalement intégrés dans le nombre d’hectares admissibles aux droits au paiement. Cela a pour conséquence que le montant des aides à la surface sera supérieur à celui auquel les agriculteurs concernés auraient eu droit si la surface agricole de leurs exploitations avait été correctement évaluée.
128 Il résulte de ces mêmes dispositions du droit de l’Union que le périmètre de la surface agricole d’une exploitation détermine le nombre de droits au paiement et, partant, le montant des aides à la surface alloué à ladite exploitation. En conséquence, la détermination de la surface agricole d’une exploitation constitue une condition de fond pour l’octroi des aides à la surface.
129 En effet, si ladite surface est incorrectement déterminée sur la base d’une définition d’un ou plusieurs éléments qui la composent (les terres arables, les pâturages permanents et les cultures permanentes) non conforme au droit de l’Union, il s’agit bien d’une erreur qui affecte l’une des conditions de fond du régime d’aides à la surface, à savoir la détermination du périmètre de la surface agricole sur la base duquel sont calculés les droits au paiement.
130 En outre, si le SIGC d’un État membre est lui-même conçu sur la base de ladite définition non conforme au droit de l’Union, ledit système ne sera nécessairement pas apte à déceler les erreurs afférentes à la détermination des surfaces agricoles, c’est-à-dire des erreurs concernant une condition de fond du régime des aides à la surface.
131 En l’espèce, il convient de relever que le SIGC mis en œuvre en Haute-Corse par les autorités françaises reposait, notamment, sur une définition des surfaces fourragères à très faible ressource herbagère, déclarées comme « landes et parcours », qui n’était pas conforme à la définition des « pâturages permanents » visée à l’article 2, sous c), du règlement no 1120/2009. Partant, la définition desdites surfaces fourragères applicable en Haute-Corse méconnaissait une condition essentielle de fond du régime des aides à la surface, à savoir la détermination précise des surfaces éligibles. Par ailleurs, il n’a pas été contesté que, dans de nombreux cas, cela avait permis aux agriculteurs de déclarer des terres non admissibles.
132 De même, ainsi qu’il ressort des points 57 à 74 ci-dessus, en ce qui concerne les surfaces incluant des particularités topographiques, le SIGC était fondé sur une interprétation erronée de la prise en compte des éléments du paysage litigieux, tels les affleurements rocheux, les mares et les bosquets, de sorte qu’ils ne pouvaient pas être intégrés dans la définition de la superficie totale éligible de la parcelle agricole au sens de l’article 34, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009. Ainsi, l’interprétation effectuée en Haute-Corse contrevenait aux conditions d’éligibilité des surfaces requises par le droit de l’Union aux fins de l’octroi d’une aide à la surface.
133 À cet égard, s’agissant des problèmes liés à la définition des superficies éligibles, il ressort de la première communication du 25 février 2015 que, lors des enquêtes précédentes portant sur les années de demande 2008 à 2012, des superficies ont été trouvées dans le SIGC et ont été admises pour paiements à la suite des contrôles administratifs et sur place, tout particulièrement en Haute-Corse. Cette communication précise que, cependant, il a été constaté pendant l’instruction administrative en cause (enquête AA/2014/008/FR) que, en dépit de l’adoption et de la mise en œuvre d’un plan d’action en France, en novembre 2013, les erreurs rencontrées avant 2014, relatives à la définition des superficies éligibles, persistaient pour les contrôles réalisés en 2014 sous la nouvelle réglementation française. Selon la Commission, le dispositif en place ne garantissait donc toujours pas une conformité avec les dispositions du droit de l’Union et cela remettait en cause l’exactitude de l’information dans le SIGC mis à jour. Ce constat de la Commission n’est pas contesté par la République française.
134 Il s’ensuit que la définition des superficies éligibles, non conforme aux dispositions du droit de l’Union, était à l’origine des déficiences particulièrement graves du SIGC mis en place par la République française en Haute-Corse. En effet, sur la base de cette définition, ont été admises, de manière quasi-systématique, des surfaces inéligibles, ce qui atteste l’existence d’un dysfonctionnement suffisamment grave du système de contrôle. Ladite définition méconnaissait ainsi une condition essentielle de fond du régime des aides à la surface, à savoir la détermination précise des surfaces éligibles, telle que visée dans les dispositions du droit de l’Union.
135 Or, conformément à la jurisprudence, citée aux points 117 et 118 ci-dessus, laquelle interprète le document no VI/5330/97, lui-même repris dans des termes similaires dans les lignes directrices de 2015, la méconnaissance des conditions de fond du régime d’aide en cause justifie l’exclusion de la totalité des dépenses.
136 Par conséquent, la Commission était en droit d’imposer à la République française une correction financière forfaitaire de 100 %, dès lors que les déficiences en cause méconnaissaient lesdites conditions de fond et, partant, étaient si graves qu’elles constituaient un non-respect total des règles de l’Union, de nature à rendre tous les paiements irréguliers. La Commission a ainsi procédé à une correcte application des lignes directrices de 2015, telles qu’elles sont interprétées par la jurisprudence, de sorte que la République française ne saurait valablement soutenir que les conditions d’application d’un taux de correction forfaitaire de 100 %, prévues dans ces lignes directrices, n’étaient pas réunies en l’espèce.
137 Par ailleurs, le fait que la Commission a appliqué à l’identique le taux de correction de 100 % qu’elle avait imposé à la République française pour les années de demande 2008 à 2012 n’est pas opérant pour considérer que ce taux est trop élevé en l’espèce.
138 En tout état de cause, la Commission avait pris en considération, dans son instruction administrative afférente aux années de demande 2013 et 2014, l’évolution de la situation en Haute-Corse. À cet égard, elle avait relevé que les graves déficiences constatées avant 2014 persistaient pour les contrôles réalisés en 2014 sous la nouvelle réglementation française, en dépit de l’adoption et de la mise en œuvre d’un plan d’action en France en novembre 2013. Or, en l’absence de modifications dans l’approche suivie et d’améliorations réelles, la persistance des irrégularités graves durant de nombreuses années rend les risques de pertes importantes pour le FEAGA plus élevés. Dès lors, la République française ne saurait reprocher à la Commission une violation du principe de proportionnalité à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 9 avril 2008, Grèce/Commission, T‑364/04, non publié, EU:T:2008:97, points 168 à 173).
139 Eu égard à ce qui précède, la correction financière forfaitaire de 100 %, appliquée aux aides directes à la surface relevant du premier pilier octroyées en Haute-Corse pour les années de demande 2013 et 2014, ne saurait être considérée comme étant disproportionnée. Partant, le moyen soulevé par la République française à cet égard doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014 et de l’obligation de motivation
140 La République française soutient, en substance, que la correction de 100 % appliquée aux aides directes à la surface octroyées en Haute-Corse et afférentes aux années de demande 2013 et 2014 viole l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014, tel qu’il est interprété par la jurisprudence. À cet égard, elle prétend que la première communication du 25 février 2015, qui fait état des résultats de l’enquête AA/2014/008/FR relative aux années de demande 2013 et 2014, ne mentionnait pas les défaillances propres à la Haute-Corse que la Commission avait identifiées pour ces années de demande. En effet, la première communication du 25 février 2015 se limiterait à renvoyer aux enquêtes précédentes portant sur les années de demande 2008 à 2012 et devrait donc être regardée comme n’ayant pas suffisamment précisé toutes les irrégularités reprochées aux autorités françaises. Par ailleurs, ladite communication aurait privé le juge de l’Union de la possibilité d’exercer son contrôle sur le bien-fondé de cette correction.
141 En outre et plus généralement, la République française considère que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation. Elle reproche à la Commission d’avoir ainsi violé l’obligation de motivation, en fondant cette décision essentiellement sur la présomption que les défaillances constatées lors des enquêtes précédentes portant sur les années de demande 2008 à 2012 demeuraient, sans indiquer en quoi l’évolution des pratiques françaises depuis ces années n’avait eu aucun effet sur le degré de gravité des circonstances prévalant en Haute-Corse.
142 À ce propos, la République française relève que, dans aucune de ses communications adressées dans le cadre de la procédure administrative, la Commission n’a indiqué quels griefs particuliers justifiaient un traitement de la Haute-Corse différencié et plus sévère que celui appliqué dans les autres départements. De plus, elle souligne que la Commission n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas tenu compte de ses propres éléments de chiffrage du préjudice, ni mentionné les progrès réalisés par les autorités françaises dans l’octroi et le contrôle des aides à la surface depuis les années de demande 2008 à 2012.
143 La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la République française et conclut au rejet de ce second moyen comme étant non fondé.
144 À cet égard, premièrement, en ce qui concerne la violation de l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 908/2014 invoquée par la République française, il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que la décision finale et définitive relative à l’apurement des comptes doit être prise à 1’issue d’une procédure contradictoire spécifique au cours de laquelle les États membres concernés doivent disposer de toutes les garanties requises pour présenter leur point de vue (arrêts du 14 décembre 2000, Allemagne/Commission, C‑245/97, EU:C:2000:687, point 47, et du 19 novembre 2015, Grèce/Commission, T‑107/14, non publié, EU:T:2015:870, point 147).
145 De même, du fait que les décisions en matière d’apurement des comptes sont prises à l’issue d’une procédure contradictoire, les résultats des vérifications de la Commission ne sont pas définitifs et sont susceptibles d’être revus à la lumière des réponses fournies par l’État membre lors de la procédure administrative ultérieure (arrêt du 25 septembre 2018, Portugal/Commission, T‑233/17, non publié, EU:T:2018:590, point 28).
146 Par ailleurs, il y a lieu également de rappeler que l’article 52 du règlement no 1306/2013, d’une part, et l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014, d’autre part, visent la même étape de la procédure d’apurement des comptes du FEAGA, à savoir l’envoi de la première communication par la Commission à l’État membre, à l’issue des contrôles qu’elle a effectués (voir, par analogie, arrêt du 19 novembre 2015, Grèce/Commission, T‑107/14, non publié, EU:T:2015:870, point 149).
147 L’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014 définit les différentes étapes à respecter lors de la procédure d’apurement des comptes du FEAGA. En particulier, l’article 34, paragraphe 2, premier alinéa, de ce règlement précise le contenu de la première communication écrite par laquelle la Commission communique le résultat de ses vérifications aux États membres, avant l’organisation de la discussion bilatérale. Aux termes de cette disposition, la première communication doit comporter les résultats des vérifications de la Commission concernant les dépenses qui n’auraient pas été effectuées conformément aux règles de l’Union par l’État membre concerné et indiquer les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles concernées. Par ailleurs, ce sont ces résultats qui constituent la base de toute correction et qui doivent être communiqués à l’État membre concerné aussitôt que possible afin que ce dernier puisse remédier aux déficiences constatées dans les meilleurs délais et, par conséquent, éviter de nouvelles corrections à l’avenir (voir, par analogie, arrêt du 7 juin 2013, Portugal/Commission, T‑2/11, EU:T:2013:307, point 79).
148 En conséquence, afin de remplir sa fonction d’avertissement, notamment à la lumière de l’article 52 du règlement no 1306/2013, la première communication visée à l’article 34, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014 doit d’emblée identifier de manière suffisamment précise toutes les irrégularités reprochées à l’État membre concerné qui ont, en définitive, fondé la correction financière effectuée. Seule une telle communication est en mesure de garantir une parfaite connaissance des réserves de la Commission et peut constituer l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois prévu à l’article 52 du règlement no 1306/2013 (voir, par analogie, arrêt du 3 mai 2012, Espagne/Commission, C‑24/11 P, EU:C:2012:266, point 31).
149 Il s’ensuit que, dans la première communication visée à l’article 34, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014, la Commission doit indiquer, de manière suffisamment précise, l’objet de l’enquête menée par ses services et les carences constatées lors de cette enquête, celles-ci étant susceptibles d’être invoquées ultérieurement comme éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles effectués par les administrations nationales ou des chiffres transmis par ces dernières et, ainsi, de justifier les corrections financières retenues dans la décision finale écartant du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par l’État membre concerné au titre du FEAGA (voir, par analogie, arrêt du 7 juin 2013, Portugal/Commission, T‑2/11, EU:T:2013:307, point 59 et jurisprudence citée).
150 C’est à la lumière de l’ensemble de ces considérations qu’il convient d’examiner si la première communication du 25 février 2015 satisfaisait aux exigences de l’article 34, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014 et constituait une communication régulière en application de cette disposition.
151 En l’espèce, il ressort de la lecture de la première communication du 25 février 2015, adressée aux autorités françaises par la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission, que plusieurs lacunes avaient été constatées dans les contrôles clés et les contrôles secondaires en France, à la suite de l’instruction administrative afférente aux années de demande 2013 et 2014. Dans sa conclusion, cette communication indique que la Commission maintient la position selon laquelle, pour ces années, « le système de contrôle mis en place en France était déficient en raison des déficiences du [SIPA], des problèmes liés à la définition des superficies éligibles, du manque d’efficacité des contrôles sur place, ainsi que du mode de calcul de l’aide et des sanctions et l’absence de recouvrement rétroactif ».
152 Il s’ensuit que, même si le département de la Haute-Corse n’a pas été spécifié dans cette conclusion, la Commission y a identifié toutes les irrégularités reprochées à la République française et a précisé que celles-ci portaient sur un dysfonctionnement du système de contrôle mis en place en France, c’est-à-dire, implicitement, mais nécessairement, dans l’ensemble des départements français, y compris celui de la Haute-Corse.
153 En outre, il importe de constater que, dans le contenu même de la première communication du 25 février 2015, la Commission a relevé tout particulièrement le cas de la Haute-Corse. En effet, au point 1.2 de cette communication, intitulé « Problèmes liés à la définition des superficies éligibles », la Commission cite expressément le département de la Haute-Corse en indiquant que, « [l]ors des audits précédents (années de demande 2008 à 2012), des superficies non admissibles ont été trouvées dans le [SIPA] et ont été admises pour paiements suite aux contrôles administratifs et sur place, le cas de la Haute-Corse étant le plus flagrant ». Ensuite, elle a mentionné la parution au Journal officiel de la République française d’un arrêté ministériel adopté dans le cadre du plan d’action et afin de définir les éléments admissibles pour tous les départements, y compris donc celui de la Haute-Corse. De plus, elle a précisé que, cependant, il a été constaté pendant l’instruction administrative en cause (enquête AA/2014/008/FR) que, en dépit de l’adoption et de la mise en œuvre de ce plan d’action en France, les erreurs rencontrées avant 2014, relatives à la définition des superficies éligibles, persistaient pour les contrôles réalisés en 2014 sous le nouvel arrêté. Enfin, elle a conclu en indiquant que le dispositif en place n’assurait donc toujours pas la conformité avec les dispositions du droit de l’Union et cela remettait en cause l’exactitude de l’information dans le SIGC mis à jour.
154 Par ailleurs, lorsque la Commission a abordé, dans la première communication du 25 février 2015, la problématique des « particularités topographiques » dans les surfaces agricoles, elle a cité l’arrêté ministériel mentionné au point 153 ci-dessus, lequel était applicable dans l’ensemble des départements français, y compris celui de la Haute-Corse. De même, s’agissant du cas particulier des « landes et parcours », bien que l’arrêté ministériel susmentionné ait limité dans ce cas son application dans 29 départements, autres que celui de la Haute-Corse, la Commission a immédiatement précisé que cette limitation l’avait conduite « à considérer un risque potentiel pour le [FEAGA], au minimum dans ces 29 départements », ce qui n’excluait pas que ce risque se produisît également dans le département de la Haute-Corse.
155 Il ressort, dès lors, de la lecture de la première communication du 25 février 2015 que la Commission a identifié de manière suffisamment précise les irrégularités qu’elle leur reprochait, en ce qui concernait l’ensemble des départements français et, partant, également celui de la Haute-Corse. Il en découle qu’il ne pouvait être ignoré par les autorités françaises que la Commission nourrissait des doutes réels quant à la conformité de plusieurs dépenses avec la réglementation de l’Union applicable, en raison des déficiences du système de contrôle mis en place en France, c’est-à-dire dans tous les départements, y compris celui de la Haute-Corse.
156 Partant, il y a lieu de constater que tous les éléments pertinents ont été mentionnés dans la première communication du 25 février 2015 et que, eu égard également à la persistance des irrégularités graves durant de nombreuses années, ainsi que cela est mentionné dans cette communication, la République française a compris les réserves de la Commission, à savoir essentiellement un dysfonctionnement du système de contrôle (SIGC) mis en place en France, notamment dans le département de la Haute-Corse, ce qui lui a permis de produire ses observations, ainsi que le montre la suite de la procédure administrative et les correspondances s’y rapportant. Dès lors, force est de constater que les droits de la défense de la République française n’ont pas été violés à cet égard.
157 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel la première communication du 25 février 2015 ne ferait pas état des constatations exigées à l’article 34, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014.
158 Deuxièmement, en ce qui concerne le reproche de la République française selon lequel, en substance, la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation, en ce qu’elle ne justifierait pas un traitement de la Haute-Corse différencié et plus sévère que celui appliqué dans les autres départements, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction de l’Union d’exercer son contrôle. Néanmoins, la mesure de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir arrêt du 6 juillet 2015, Italie/Commission, T‑44/11, non publié, EU:T:2015:469, points 78 et 79 et jurisprudence citée).
159 S’agissant plus précisément des décisions de la Commission en matière d’apurement des comptes des fonds agricoles, la jurisprudence rappelle que ces décisions sont prises sur le fondement du rapport de synthèse ainsi que de la correspondance entre la Commission et l’État membre concerné. Dans ces conditions, la motivation de telles décisions doit être considérée comme étant suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration desdites décisions et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre la somme litigieuse à la charge des fonds européens (voir arrêts du 26 septembre 2012, Italie/Commission, T‑84/09, non publié, EU:T:2012:471, point 17 et jurisprudence citée, et du 6 juillet 2015, Italie/Commission, T‑44/11, non publié, EU:T:2015:469, point 80 et jurisprudence citée).
160 Il y a également lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35, et du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, EU:T:2009:163, point 63). Les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé de cet acte sont dès lors dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de la motivation (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 45 et jurisprudence citée).
161 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du dossier de l’affaire, il convient de relever que les autorités françaises ont largement été associées au processus d’élaboration de la décision attaquée, et ce tout au long de la procédure administrative.
162 En outre, il ressort notamment de la lettre de la Commission du 28 juillet 2015 (procès-verbal de la réunion bilatérale du 7 juillet 2015), de la communication officielle du 20 mai 2016 ainsi que de la position finale de la Commission du 21 février 2017 que la Commission a suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles une correction de 100 % devait être appliquée à la Haute-Corse.
163 En effet, d’abord, dans la lettre du 28 juillet 2015, la Commission a notamment précisé que, s’agissant du problème particulier des « landes et parcours » en Haute-Corse, elle estimait que le taux d’erreur demeurait tel qu’il était pour les années précédentes, à savoir les années de demande 2008 à 2012, et que les autorités françaises avaient expliqué que la situation en Corse n’était pas strictement liée aux « landes et parcours », mais à un type de terrain spécifique, ce qui attestait que ces autorités avaient une bonne connaissance et une bonne compréhension des justifications avancées par la Commission. De plus, dans cette même lettre, la Commission a rappelé que, en l’absence de modifications dans l’approche suivie jusqu’à présent, ayant un effet réel sur le terrain, les corrections appliquées à la Corse dans les enquêtes précédentes, c’est-à-dire un taux de correction de 100 % en ce qui concernait les aides directes à la surface du premier pilier en Haute-Corse, allaient continuer à s’appliquer pour les années de demande 2013 et 2014.
164 Ensuite, dans la communication officielle du 20 mai 2016, la Commission a consacré une partie spécifique aux problèmes liés à la Corse. Elle a précisé que toutes les références légales et déficiences retenues dans cette communication étaient applicables à la Corse. Elle a expliqué cependant de nouveau que, comme cela est indiqué dans la lettre du 28 juillet 2015, en l’absence de modifications dans l’approche suivie, ayant un effet réel sur le terrain, les corrections appliquées à la Haute-Corse dans les enquêtes précédentes depuis 2008 allaient continuer à s’appliquer pour les années de demande 2013 et 2014. La Commission en a conclu que la correction forfaitaire de 100 % pour la Haute-Corse continuait à s’appliquer.
165 Enfin, dans sa position finale du 21 février 2017, la Commission a, notamment, relevé que, pour les années de demandes 2008 à 2012, des déficiences majeures avaient été observées dans le SIGC en Haute-Corse, en raison de l’acceptation fréquente de surfaces non admissibles, tels que des « surfaces fourragères » ou des « parcours ligneux », ce qui avait conduit à l’application d’un taux de correction forfaitaire de 100 %. Elle a, en outre, ajouté que le SIGC relatif aux aides à la surface en Haute-Corse était resté pour les années de demande 2013 et 2014 entaché par les déficiences majeures constatées dans le cadre de la procédure de conformité couvrant les années de demande 2008 à 2012. S’agissant du chiffrage du risque pour le FEAGA en Haute-Corse, la Commission a indiqué que, en l’absence d’une explication des autorités françaises sur la différence entre le pourcentage d’erreurs en surface rapporté par ces autorités françaises et celui de la Commission, elle était amenée à proposer une correction forfaitaire. Elle a conclu en précisant que, dans la mesure où les informations disponibles montraient que les déficiences concernant le contrôle des aides en Haute-Corse étaient si graves qu’elles constituaient une non-conformité totale avec les règles de l’Union et qu’elles généraient un risque pour le FEAGA très élevé, une correction de 100 % était justifiée.
166 Dès lors, il ressort de la lecture de ces trois documents que, eu égard au fait que les autorités françaises ont largement été associées au processus d’élaboration de la décision attaquée et qu’elles avaient, par ailleurs, une bonne connaissance des défaillances constatées en Haute-Corse déjà depuis 2008, la Commission a suffisamment explicité les raisons pour lesquelles elle estimait devoir appliquer une correction forfaitaire de 100 % à la Haute-Corse. La République française ne saurait donc ignorer les motifs pour lesquels la Commission lui a imposé cette correction d’une telle sévérité.
167 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter l’argument selon lequel, en substance, la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation.
168 Au demeurant, si la République française, par un tel argument faisant valoir formellement un « défaut de motivation », entend remettre en question le bien-fondé de l’appréciation de la Commission portant sur l’application d’une correction forfaitaire de 100 % à la Haute-Corse, ainsi que cela a été exposé aux points 107 à 139 ci-dessus, il y a lieu, eu égard à la jurisprudence citée au point 160 ci-dessus, de considérer ledit argument comme étant inopérant dans le cadre du présent moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation au sens de l’article 296 TFUE.
169 Partant, le second moyen soulevé par la République française doit également être rejeté comme étant non fondé.
Sur le quatrième groupe de corrections ponctuelles, correspondant à l’ELPP pour la population relevant des aides du Feader couvertes par le SIGC
170 Par son moyen unique, tiré d’une erreur de droit, la République française soutient que, pour procéder à une correction financière de 13 127 243,30 euros en ce qui concerne la période de programmation 2014/2020 du Feader, la Commission s’est fondée sur des données qu’elle a retenue en violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et de son annexe III.
171 En particulier, la République française explique que, afin de parvenir à l’ELPP d’une valeur de 13 127 243,30 euros, la Commission s’est fondée sur un échantillon de 89 tests, effectués par la CCCOP, portant sur la population-strate relevant des aides du Feader couvertes par le SIGC, dans le cadre de la période de programmation 2014/2020 (RDR3). Elle précise que, en ce qui concerne 9 de ces 89 tests, la Commission a retenu des écarts entre le contrôle initial et le travail de revérification relatifs à la prise en compte de « mares, étangs, talus boisés […] définis comme éléments topographiques admissibles par la réglementation nationale s’ils n’excéd[ai]ent pas un pourcentage de la surface agricole utile de l’îlot, mais non conformes à l’article 34[, paragraphe 3,] du règlement [no] 1122/2009, car non individuellement protégés par des spécifications de taille ».
172 Selon la République française, il en découle que, pour 9 de ces 89 tests, la Commission a retenu, au moins pour partie, des écarts sur le fondement de son interprétation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et de son annexe III, selon laquelle, d’une part, les affleurements rocheux, les mares et les bosquets ne devaient pas être qualifiées de « particularités topographiques » et, d’autre part, une réglementation nationale ne pouvait pas garantir le maintien des particularités topographiques de chaque exploitation par l’établissement de ratios. Or, ainsi que cela a été exposé ci-dessus dans le cadre du moyen unique soulevé à l’égard du premier groupe de corrections ponctuelles, appliquées en raison de l’utilisation irrégulière de ratios préalablement définis pour la prise en compte des particularités topographiques, cette interprétation de la Commission reposerait sur une violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et de son annexe III.
173 La République française en conclut que, afin d’apprécier si la valeur de l’ELPP est supérieure au seuil de signification, la Commission n’aurait pas dû tenir compte de ces prétendues anomalies relevées dans les neuf tests susmentionnés. À cette fin, la République française considère qu’il revient à la Commission, en collaboration avec la CCCOP le cas échéant, de refaire le calcul pour démontrer que la limite d’erreur supérieure est toujours supérieure au seuil de signification, ce que la décision attaquée n’a pas fait et ce qui est très peu probable étant donné le très faible écart entre l’ELPP retenue par la Commission et le seuil de signification. À défaut, la Commission devrait renoncer à appliquer la correction financière de 13 127 243,30 euros en ce qui concerne la période de programmation 2014/2020 (RDR3).
174 La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la République française et conclut au rejet de ce moyen unique comme étant non fondé.
175 À cet égard, il importe de relever que ce moyen unique est lié au moyen, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et de son annexe III, soulevé à l’égard du premier groupe de corrections ponctuelles, appliquées en raison de l’utilisation irrégulière de ratios préalablement définis pour la prise en compte des particularités topographiques. En effet, par le présent moyen unique, la République française soutient que, pour procéder à la correction financière de 13 127 243,30 euros, la Commission s’est fondée sur des données qu’elle a retenue en violation dudit article et de ladite annexe.
176 Or, le Tribunal est parvenu à la conclusion, au point 74 ci-dessus, que la Commission n’avait pas, dans la décision attaquée, violé l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 et son annexe III. Partant, le Tribunal a rejeté comme non fondé le moyen soulevé par la République française à l’égard du premier groupe de corrections ponctuelles.
177 En conséquence, il y a également lieu d’écarter le présent moyen, tiré d’une erreur de droit, comme étant non fondé.
178 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
179 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
180 La République française ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La République française est condamnée aux dépens.
Prek | Schalin | Costeira |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mars 2019.
Le greffier | Le président |
E. Coulon
* Langue de procédure : le français.
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