Rietze v EUIPO - Volkswagen (Vehicule VW Bus T 5) (Judgment) French Text [2019] EUECJ T-43/18 (06 June 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T4318.html
Cite as: ECLI:EU:T:2019:376, [2019] EUECJ T-43/18, EU:T:2019:376

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

6 juin 2019 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant le véhicule VW Bus T 5 – Dessin ou modèle communautaire antérieur – Motif de nullité – Caractère individuel – Utilisateur averti – Impression globale différente – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑43/18,

Rietze GmbH & Co. KG, établie à Altdorf (Allemagne), représentée par Me M. Krogmann, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Volkswagen AG, établie à Wolfsburg (Allemagne), représentée par Me C. Klawitter, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 21 novembre 2017 (affaire R 1204/2016-3), relative à une procédure de nullité entre Rietze et Volkswagen,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. G. De Baere, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 16 avril 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 16 avril 2018,

à la suite de l’audience du 24 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’intervenante, Volkswagen AG, est titulaire du dessin ou modèle communautaire déposé le 1er avril 2003, enregistré le même jour sous le numéro 5467-0001 auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 2003/008, du 22 juillet 2003 (ci-après le « dessin ou modèle contesté »).

2        Les produits auxquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué relèvent de la classe 12-08 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Véhicules ». Le dessin ou modèle contesté est représenté comme suit :

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Vue 1

Vue 2

Vue 3

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Vue 4

Vue 5

Vue 6


3        Le 29 décembre 2014, la requérante, Rietze GmbH & Co. KG, qui commercialise des voitures miniatures, a introduit devant l’EUIPO, en vertu de l’article 52 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), une demande de nullité du dessin ou modèle contesté, fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, aux motifs que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté, conformément à l’article 5 de ce règlement, et de caractère individuel, conformément à l’article 6 de ce règlement.

4        À l’appui de sa demande en nullité, la requérante a avancé que le dessin ou modèle contesté était un dessin ou modèle désignant le véhicule VW Bus T 5. Pour attester la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, elle a renvoyé au modèle précédent de ce véhicule, le VW Bus T 4 GP. Elle a fondé sa demande sur le design allemand M 9602634-0001, dont l’enregistrement avait été demandé par l’intervenante le 22 mars 1996, et sur les modèles « Multivan », « Caravelle » et « California » du véhicule VW Bus T 4 GP (ci-après, pris ensemble, le « dessin ou modèle antérieur »).

5        Par décision du 6 juin 2016, la division d’annulation de l’EUIPO a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté au motif de son absence de caractère individuel, conformément à l’article 6 du règlement no 6/2002.

6        Le 30 juin 2016, l’intervenante a introduit un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 21 novembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a fait droit au recours, annulant la décision de la division d’annulation et rejetant la demande de nullité du dessin ou modèle contesté. Elle a décidé que le dessin ou modèle contesté était nouveau au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002 et présentait un caractère individuel au sens de l’article 6 de ce règlement.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer la nullité du dessin ou modèle contesté ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

9        L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, et l’article 6 du même règlement. En substance, elle reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que le dessin ou modèle contesté avait un caractère individuel au motif que l’impression globale qu’il produisait sur l’utilisateur averti différait de l’impression globale que le dessin ou modèle antérieur produisait sur cet utilisateur.

11      Ce moyen unique s’articule en trois branches. En premier lieu, la chambre de recours se serait erronément contentée d’une simple énumération des prétendues différences entre les dessins ou modèles en conflit, sans procéder à leur pondération et sans distinguer entre les caractéristiques esthétiques et les caractéristiques techniques. En deuxième lieu, elle aurait retenu un degré d’attention excessivement élevé de la part de l’utilisateur averti et elle aurait, par conséquent, accordé une trop grande importance aux différences entre les dessins ou modèles en conflit. En troisième lieu, elle aurait commis des erreurs concernant l’évaluation de la liberté du créateur.

12      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

13      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 dispose qu’un dessin ou modèle communautaire doit être déclaré nul s’il ne remplit pas les conditions visées aux articles 4 à 9 du même règlement.

14      Aux termes de l’article 4 du règlement no 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

15      Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, le caractère individuel doit être apprécié, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, au regard de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti, qui doit être différente de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 précise que, aux fins de cette appréciation, il doit être tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

16      Ainsi, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte des différences, bien qu’excédant des détails insignifiants, demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 29 et jurisprudence citée].

17      Lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève, du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, d’une éventuelle saturation de l’état de l’art, laquelle peut être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins ou modèles comparés, ainsi que de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion (voir arrêt du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 31 et jurisprudence citée).

18      Enfin, il convient de relever que la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 6/2002, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non pas sur la base d’une jurisprudence nationale, même fondée sur des dispositions analogues à celles de ce règlement [voir arrêt du 4 juillet 2017, Murphy/EUIPO – Nike Innovate (Bracelet de montre électronique), T‑90/16, non publié, EU:T:2017:464, point 72 et jurisprudence citée].

19      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

20      Il convient de se prononcer sur la deuxième branche du moyen unique, concernant le degré d’attention de la part de l’utilisateur averti, avant d’analyser la première branche concernant l’appréciation, du point de vue de cet utilisateur, de l’impression globale suscitée par les dessins ou modèles en conflit, pour ensuite poursuivre l’examen du moyen unique en sa troisième branche.

 Sur la deuxième branche du moyen unique, relative au degré d’attention de l’utilisateur averti

21      Selon la requérante, la chambre de recours a retenu un degré d’attention excessivement élevé de la part de l’utilisateur averti et a, par conséquent, accordé une trop grande importance aux différences entre les dessins ou modèles en conflit.

22      Tout d’abord, la requérante affirme que l’utilisateur averti n’est pas en mesure de distinguer, au-delà de l’expérience qu’il a accumulée du fait de l’utilisation du produit incorporant le dessin ou modèle contesté, les aspects de l’apparence dictés par la fonction technique de ceux qui sont arbitraires. Les différences entre les dessins ou modèles en conflit mentionnées par la chambre de recours concerneraient des détails techniques qu’une personne qui dispose d’un certain degré de connaissance quant aux éléments que des véhicules automobiles comportent normalement ne saurait percevoir. Il en serait ainsi, notamment, pour les entrées d’air, les pare-chocs et les phares, les pare-boue, les clignotants et les « tracés de lignes ». À l’appui de cet argument, la requérante se réfère aux comparaisons figurant aux pages 5 à 7 de son mémoire du 11 septembre 2015 adressé à la division d’annulation.

23      Ensuite, la requérante fait valoir que l’utilisateur averti accorde une moins grande importance aux différences entre des modèles de voitures d’un même fabricant qui se succèdent directement qu’aux différences entre des modèles de véhicules de fabricants différents. S’agissant des modèles de voitures d’un même fabricant, l’utilisateur averti serait moins attentif au design qu’aux nouveautés techniques et aux développements apportés en matière de sécurité, de performance et de confort de conduite. Par ailleurs, un acheteur ne fonderait pas sa décision d’achat d’un minibus VW sur une comparaison avec les séries précédentes, mais sur une comparaison avec les véhicules d’autres fabricants. À l’appui de cet argument, la requérante se réfère à une décision de la division d’annulation du 13 septembre 2016 dans la procédure de nullité enregistrée sous le n° ICD 9742.

24      Enfin, la requérante s’appuie sur un article paru dans la presse automobile allemande qui souligne l’absence de différences entre les dessins ou modèles en conflit. Elle fait grief à la chambre de recours d’en avoir méconnu le contenu et de l’avoir qualifié d’« exagération journalistique ».

25      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise [voir arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, EU:T:2010:248, points 46 et 47].

26      La notion d’utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle du consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme du métier, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non pas d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 53).

27      Enfin, il convient de rappeler que la Cour a jugé que la nature même de l’utilisateur averti implique que, lorsque cela est possible, il procédera à une comparaison directe du dessin ou modèle antérieur et du dessin ou modèle contesté (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2012, Neuman et Galdeano del Sel/Baena Grup, C‑101/11 P et C‑102/11 P, EU:C:2012:641, point 54 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, la chambre de recours a décrit, aux points 30 et 31 de la décision attaquée, l’utilisateur averti comme une personne qui, sans être un concepteur ou un expert technique, connaît différents dessins ou modèles existant dans le secteur des véhicules automobiles, dispose d’un certain degré de connaissance quant aux caractéristiques que ces véhicules automobiles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention élevé lorsqu’il les utilise. L’utilisateur averti de véhicules automobiles serait conscient du fait que les fabricants soumettent régulièrement leurs modèles à un « remodelage », afin de conférer un aspect moderne et nouveau à leurs modèles. Il s’agirait non seulement de réviser techniquement un modèle, mais aussi de lui apporter des modifications visuelles. Cependant, cela ne conduirait pas à donner à une voiture une apparence totalement nouvelle ; certains éléments d’anciens modèles seraient, en revanche, souvent repris. Selon la chambre de recours, toutes les vues des dessins ou modèles en conflit présentaient des différences nettement visibles pour l’utilisateur averti.

29      Il convient de constater que les arguments de la requérante ne remettent pas en cause l’appréciation par la chambre de recours du degré d’attention de l’utilisateur averti reprise ci-dessus.

30      Il convient de rejeter, tout d’abord, l’argument de la requérante selon lequel l’utilisateur averti est incapable de percevoir les différences identifiées par la chambre de recours concernant les entrées d’air, les pare-chocs, les phares, les pare-boue, les clignotants et les « tracés de lignes » au motif qu’elles concernent des détails techniques. Il ressort de la décision attaquée que les différences identifiées par la chambre de recours concernent l’apparence de ces éléments et non leurs détails techniques. Partant, l’utilisateur averti est capable de les percevoir. Le fait que la modification apportée à certaines de ces pièces automobiles pourrait également avoir un effet technique est sans pertinence à cet égard.

31      Dans sa requête, la requérante a fait référence aux pages 5 à 7 de son mémoire du 11 septembre 2015 adressé à la division d’annulation. Il convient de constater que ces pages contiennent uniquement une série de reproductions des véhicules correspondant aux dessins ou modèles en conflit. En soi, ces reproductions ne sont pas de nature à étayer le présent grief. Par ailleurs, un renvoi général opéré par la requérante à son mémoire adressé à la division d’annulation serait irrecevable en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, applicable en matière de propriété intellectuelle en vertu de l’article 171 et de l’article 177, paragraphe 1, de ce même règlement [voir arrêt du 9 mars 2018, Recordati Orphan Drugs/EUIPO – Laboratorios Normon (NORMOSANG), T‑103/17, non publié, EU:T:2018:126, point 24 et jurisprudence citée]. Or, bien que la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte des comparaisons figurant aux pages 5 à 7 du mémoire en cause, il convient de constater qu’elle n’explique pas en quoi cette omission lui aurait porté préjudice.

32      Ne saurait ensuite prospérer l’argument de la requérante selon lequel l’utilisateur averti accorde une moins grande importance aux différences entre les modèles de voitures d’un même fabricant qui se succèdent directement, qu’aux différences entre des modèles de véhicules de fabricants différents. En effet, la requérante ne présente aucun élément de fait ou de droit à l’appui de cet argument susceptible de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours concernant le degré d’attention de l’utilisateur averti dans le cadre de la comparaison des dessins ou modèles en conflit. La partie de la décision de la division d’annulation du 13 septembre 2016, citée par la requérante à l’appui du présent argument, n’est pas pertinente à cet égard dès lors qu’elle ne concerne pas le degré d’attention que l’utilisateur averti accorde aux modèles successifs d’un même fabricant par rapport à celui accordé aux modèles de fabricants différents. En outre, eu égard à la jurisprudence citée aux points 25 et 26 ci-dessus, il convient de considérer que l’argument de la requérante concernant la motivation des décisions d’achat est sans pertinence.

33      Enfin, l’argument selon lequel la chambre de recours aurait dû prendre en considération le point de vue exprimé dans la presse automobile allemande doit être rejeté. Il ne saurait être exclu qu’un article de presse puisse être pris en considération, mais la chambre de recours n’y est pas obligée lorsqu’elle estime, comme en l’espèce, que le point de vue exprimé n’est pas pertinent, car il ne reflète pas l’impression globale produite sur l’utilisateur averti.

34      Il s’ensuit que la deuxième branche du moyen unique doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la première branche du moyen unique, relative à l’impression globale sur l’utilisateur averti

35      La requérante affirme qu’il ressort de la jurisprudence que l’EUIPO doit procéder à une pondération des caractéristiques des dessins ou modèles en conflit dans la mesure où les différentes caractéristiques peuvent influencer plus ou moins fortement l’apparence des dessins ou modèles. Ainsi, d’une part, la chambre de recours aurait dû analyser les points communs entre les dessins ou modèles en conflit. Une telle analyse l’aurait amenée à conclure que les dessins ou modèles en conflit étaient quasiment identiques dans la forme de base de leur carrosserie, la silhouette, la forme et la disposition des fenêtres, le pare-brise et le capot, la grille de radiateur et les phares.

36      D’autre part, elle aurait dû distinguer entre les caractéristiques esthétiques et les caractéristiques techniques des dessins ou modèles en conflit, car, eu égard à la fonction principalement technique des entrées d’air, des pare-chocs et des phares, l’utilisateur averti ne leur accorderait qu’une importance mineure dans sa vision d’ensemble. En revanche, une simple énumération des caractéristiques des dessins ou modèles en conflit, comme celle effectuée par la chambre de recours au point 39 de la décision attaquée, ne lui permettrait pas de juger si l’impression d’ensemble différera chez l’utilisateur averti.

37      Il convient de relever que la chambre de recours a apprécié, aux points 36 à 57 de la décision attaquée, le caractère individuel du dessin ou modèle contesté, à savoir le véhicule VW Bus T 5, par rapport au dessin ou modèle antérieur, à savoir le véhicule VW Bus T 4 GP. Ainsi, elle a procédé, notamment, à une comparaison entre les reproductions suivantes :

Dessin ou modèle contesté

Dessin ou modèle antérieur

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Vue 1

VW Bus T 4 GP


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Vue 3      

Design allemand M9602634-0001



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Vue 6

VW Bus T 4 Caravelle


38      Aux points 39 et 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a décrit les différences entre la reproduction du dessin ou modèle contesté et la reproduction du dessin ou modèle antérieur en faisant référence aux éléments suivants :

–        premièrement, le dessin ou modèle contesté a un capot plus mince, sans entrée d’air, avec des joints à l’extérieur, tandis que le dessin ou modèle antérieur a un capot large, avec entrée d’air, qui n’atteint pas l’angle ;

–        deuxièmement, le dessin ou modèle contesté n’a pas de collecteur d’impuretés, ou seulement un collecteur d’impuretés très étroit entre le pare-brise et le capot, tandis que le dessin ou modèle antérieur a un large collecteur d’impuretés entre le pare-brise et le capot ;

–        troisièmement, le dessin ou modèle contesté a un pare-chocs intégré à la carrosserie, tandis que le dessin ou modèle antérieur a un pare-chocs puissant, qui fait l’effet d’une pièce indépendante ;

–        quatrièmement, le dessin ou modèle contesté a une entrée d’air inférieure intégrée au pare-chocs, tandis que le dessin ou modèle antérieur a une entrée d’air inférieure, située entre la grille de radiateur et les pare-chocs ;

–        cinquièmement, le dessin ou modèle contesté a des phares composés d’un seul élément, dans lesquels sont intégrés les clignotants, tandis que le dessin ou modèle antérieur a des phares en deux éléments ;

–        sixièmement, le dessin ou modèle contesté a des clignotants latéraux, tandis que le dessin ou modèle antérieur n’a pas de clignotants latéraux ;

–        septièmement, le dessin ou modèle contesté a des poignées de porte étroites, horizontales, tandis que le dessin ou modèle antérieur a des poignées de porte puissantes, disposées verticalement ;

–        huitièmement, le dessin ou modèle contesté a des portes lisses, avec barre de protection, tandis que le dessin ou modèle antérieur a des portes lisses, sans barre de protection, en deux parties ;

–        neuvièmement, le dessin ou modèle contesté a une porte coulissante sur le côté gauche, derrière la porte du conducteur, tandis que le dessin ou modèle antérieur n’a pas de porte coulissante sur le côté gauche ;

–        dixièmement, le dessin ou modèle contesté a un « montant C » caché par les fenêtres latérales, tandis que le dessin ou modèle antérieur a un « montant C » visible, intégré au front latéral ;

–        onzièmement, le dessin ou modèle contesté a des feux arrière étroits, disposés verticalement, sur trois niveaux, tandis que le dessin ou modèle antérieur a des phares arrière étroits, disposés verticalement ;

–        douzièmement, que le dessin ou modèle contesté a des feux-stop allongés supplémentaires, disposés dans le cadre, tandis que le dessin ou modèle antérieur a des phares arrière en carré, le clignotant et le phare de recul étant disposés sous le feu-stop, au même niveau ;

–        treizièmement, que le dessin ou modèle contesté a des feux-stop allongés supplémentaires, centrés, disposés dans le pare-chocs, tandis que le dessin ou modèle antérieur a un feu-stop supplémentaire, plutôt carré, disposé dans la vitre arrière et des feux-stop supplémentaires, presque carrés, intégrés au pare-chocs, disposés latéralement sous le phare arrière ;

–        quatorzièmement, que le dessin ou modèle contesté a une poignée visible pour ouvrir les portes arrière, tandis que le dessin ou modèle antérieur n’a pas de poignée visible pour ouvrir les portes arrière ;

–        quinzièmement, que le dessin ou modèle contesté a des barres de protection qui vont du bord gauche jusqu’au milieu, tandis que le dessin ou modèle antérieur n’a pas de barre de protection.

39      Ensuite, aux points 41 à 55 de la décision attaquée, la chambre de recours a analysé l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit à partir des vues frontale, latérales droite et gauche et arrière. Concernant la vue frontale des dessins ou modèles en conflit, elle a constaté que celle-ci différait de façon nettement perceptible. Le dessin ou modèle contesté produisait un effet net et propre, tandis que le dessin ou modèle antérieur produisait un effet de désordre. Ensuite, elle a constaté que les vues latérales des dessins ou modèles en conflit présentaient également des différences nettement reconnaissables. L’ajout d’une porte coulissante, d’un clignotant latéral et d’une barre de protection constituaient des éléments qui modifiaient l’impression globale. La configuration des portes, les tracés des lignes marquant visuellement la division des portes et la configuration des poignées contribuaient également à créer une impression globale différente de la vue latérale gauche des dessins ou modèles en conflit. La même chose valait pour la vue latérale droite, bien que les différences résultant de cette vue n’étaient pas si fortement marquées. En outre, elle a constaté que la vue arrière présentait aussi des différences nettement visibles grâce au fait que, dans le dessin ou modèle contesté, les voyants ont été intégrés sur trois niveaux dans un élément étroit et allongé, tandis qu’ils ont été disposés sur deux niveaux dans le dessin ou modèle antérieur, dans un élément plutôt carré. Les différentes formes et dispositions des feux-stop supplémentaires ainsi que le placement différent de la plaque d’immatriculation contribuaient aussi à l’impression globale différente produite par les dessins ou modèles en conflit. Enfin, elle a conclu, au point 57 de la décision attaquée, que les modifications affectant le dessin ou modèle contesté allaient au-delà d’un simple « facelift » dans lequel seuls de petits détails sont modifiés, mais qu’elles modifiaient l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté, comparée à celle produite par le dessin ou modèle antérieur.

40      Il convient de constater que les arguments de la requérante ne remettent pas en cause l’appréciation formulée par la chambre de recours aux points 39 à 57 de la décision attaquée et reprise aux points 37 à 39 ci-dessus.

41      Tout d’abord, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours ne s’est pas contentée de faire une simple énumération des caractéristiques des dessins ou modèles en conflit. Il ressort des points 39 à 57 de la décision attaquée que, après avoir énuméré les principales différences dans l’apparence des dessins ou modèles en conflit, elle a apprécié l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit en les analysant selon des vues frontale, latérales, droite et gauche, et arrière.

42      À l’appui de son argument selon lequel la chambre de recours aurait dû analyser les points communs entre les dessins ou modèles en conflit, la requérante se réfère au fait que, au point 73 de l’arrêt du 22 juin 2010, Équipement de communication (T‑153/08, EU:T:2010:248), le Tribunal a considéré qu’un ornement stylisé présent sur le dessin ou modèle contesté dans l’affaire en cause n’était pas susceptible de contrebalancer les similitudes constatées et n’était, par conséquent, pas suffisant pour conférer un caractère individuel audit dessin ou modèle. Il convient de constater que la considération en cause constitue une constatation de fait propre au cas d’espèce et non une exigence légale quant à la manière d’évaluer le caractère individuel d’un dessin ou modèle.

43      Ensuite, il convient de constater que la jurisprudence constante de la Cour citée aux points 16 et 17 ci-dessus n’exige ni une pondération des caractéristiques ni une analyse des points communs, afin de juger si le dessin ou modèle contesté produit une impression globale sur l’utilisateur averti qui est différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur. Dans des circonstances où, comme en l’espèce, l’évaluation des différences suffisamment marquées entre les dessins ou modèles en conflit révèle, avec un degré suffisant de clarté, que le dessin ou modèle contesté produit, sur l’utilisateur averti, une impression globale qui est différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur, il ne saurait être exigé de l’EUIPO ni de procéder à une pondération de chacune des caractéristiques ni d’analyser également les points communs des dessins ou modèles en conflit.

44      Enfin, ne saurait prospérer l’argument selon lequel la chambre de recours aurait dû distinguer entre les caractéristiques esthétiques et les caractéristiques techniques. D’une part, il convient de constater que la requérante ne présente aucun élément de fait ou de droit à l’appui de son affirmation selon laquelle l’utilisateur averti n’accorde qu’une importance mineure, dans sa vision d’ensemble, aux entrées d’air, aux pare-chocs et aux phares, en raison de leur fonction principalement technique. D’autre part, même si les entrées d’air, les pare-chocs et les phares ont une fonction technique, ces caractéristiques ne sont pas purement fonctionnelles et leur apparence est modifiable, de sorte que les éventuelles différences dans leur forme et dans leur positionnement peuvent influencer l’impression globale du produit dans lequel elles ont été incorporées (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2017, Bracelet de montre électronique, T‑90/16, non publié, EU:T:2017:464, point 61).

45      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter la première branche du moyen unique comme non fondée.

 Sur la troisième branche du moyen unique, concernant la liberté du créateur

46      La chambre de recours a décrit, aux points 33 et 34 de la décision attaquée, la liberté du créateur des véhicules automobiles. Elle a constaté que cette liberté est limitée dans la mesure où le but est le transport de personnes ou de produits. Par ailleurs, ce serait un fait notoire qu’il y a des exigences légales en ce qui concerne la présence des phares, des feux-stop, des clignotants et des rétroviseurs.

47      La requérante fait valoir, d’une part, que les arguments soulevés dans le cadre des deux premières branches du moyen unique valent d’autant plus que le créateur jouit d’une grande liberté. D’autre part, elle affirme que l’existence d’éventuelles limitations imposées au créateur par le marché ne devrait pas être prise en considération lors de l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

48      L’EUIPO rétorque que la requérante ne fait pas valoir le moindre grief et qu’il ne peut, dès lors, formuler aucune observation à ce sujet.

49      Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, toute requête introductive d’instance doit indiquer, notamment, l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il en va de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé. Ainsi, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir, à tout le moins sommairement, mais de façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief ou un argument est invoqué au soutien d’un moyen [voir arrêt du 13 mars 2013, Biodes/OHMI – Manasul Internacional (FARMASUL), T‑553/10, non publié, EU:T:2013:126, point 22 et jurisprudence citée].

50      Il convient de constater que la requérante ne conteste pas les constatations de la chambre de recours selon lesquelles la liberté du créateur est limitée dans la mesure où, d’une part, le but d’une voiture est le transport de personnes ou de produits et, d’autre part, il y a des exigences légales concernant la présence des phares, des feux-stop, des clignotants et des rétroviseurs. Par ailleurs, l’EUIPO et la requérante admettent l’un et l’autre que les attentes potentielles du marché ou certaines tendances en matière de design ne constituent pas des limitations pertinentes à la liberté du créateur [voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2014, Sachi Premium-Outdoor Furniture/OHMI – Gandia Blasco (Fauteuil), T‑357/12, non publié, EU:T:2014:55, points 23 et 24 et jurisprudence citée].

51      En outre, il convient de relever que la requérante ne présente aucun élément de fait ou de droit à l’appui de cette branche du moyen unique. Elle n’explique pas en quoi consisterait l’erreur commise par la chambre de recours dans l’évaluation du degré de liberté du créateur.

52      Il s’ensuit que la troisième branche du moyen unique doit être rejetée comme irrecevable.

53      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il convient de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions, visant à ce que le Tribunal déclare la nullité du dessin ou modèle contesté.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Rietze GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Collins

Kancheva

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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