Czech Republic v Commission (Economic, social and territorial cohesion - Judgment) French Text [2019] EUECJ T-629/17 (12 September 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T62917.html
Cite as: EU:T:2019:596, [2019] EUECJ T-629/17, ECLI:EU:T:2019:596

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

12 septembre 2019 (*)

« FEDER – FSE – Réduction d’un concours financier – Marchés publics – Article 99, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 1083/2006 – Article 16, sous b), de la directive 2004/18/CE – Exclusion spécifique – Marchés publics de services concernant l’achat, le développement, la production ou la coproduction des programmes destinés à la diffusion par des organismes de radiodiffusion »

Dans l’affaire T‑629/17,

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Vláčil et T. Müller, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna et Mme K. Rudzińska, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Arenas et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution C(2017) 4682 final de la Commission, du 6 juillet 2017, annulant une partie de l’aide du Fonds social européen au programme opérationnel « Formation en matière de compétitivité » au titre des objectifs « Convergence » et « Compétitivité régionale et emploi » en République tchèque et une partie de l’aide du Fonds européen de développement régional aux programmes opérationnels « Recherche et développement pour l’innovation » au titre de l’objectif « Convergence » en République tchèque et « Aide technique » au titre des objectifs « Convergence » et « Compétitivité régionale et emploi » en République tchèque,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli (rapporteur) et M. A. Kornezov, juges,

greffier : M. F. Oller, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 février 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par décisions C(2007) 5113, du 12 octobre 2007, C(2007) 6920, du 27 décembre 2007, et C(2008) 5344, du 25 septembre 2008, la Commission des Communautés européennes a adopté, respectivement, le programme opérationnel « Formation en matière de compétitivité », le programme opérationnel « Recherche et développement pour l’innovation » et le programme opérationnel « Aide technique », présentés par la République tchèque au titre de l’article 32 du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25).

2        Du 14 au 16 avril 2014, la Commission a réalisé un audit sur les marchés publics portant sur des services de radiodiffusion cofinancés par la République tchèque au moyen des ressources du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE), dans le cadre, notamment, desdits programmes opérationnels. Dans le rapport d’audit, la Commission a relevé que quatre de ces marchés publics avaient été attribués directement, sans publication d’un avis de marché. Or, la Commission a considéré qu’une telle attribution directe n’était pas admise, puisque lesdits marchés ne pouvaient pas faire l’objet de l’exclusion prévue à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114). En particulier, les quatre marchés en cause avaient été passés par le ministère du Développement régional et par le ministère de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports, alors que, de l’avis de la Commission, l’exclusion prévue par ladite disposition ne s’applique qu’à des pouvoirs adjudicateurs qui sont des organismes de radiodiffusion.

3        Par lettre du 17 juin 2016, la Commission a ouvert la procédure de correction financière, en informant la République tchèque de ses conclusions provisoires et en l’invitant à soumettre ses observations dans un délai de deux mois.

4        Par lettre du 17 août 2016, la République tchèque a transmis ses observations à la Commission, en indiquant qu’elle n’acceptait pas ses conclusions provisoires, compte tenu du fait que, selon elle, l’exclusion prévue à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 s’appliquait non seulement aux organismes de radiodiffusion, mais aussi à tout pouvoir adjudicateur.

5        Par lettre du 18 novembre 2016, la Commission a invité la République tchèque à une audition. L’audition, qui a eu lieu le 26 janvier 2017, a porté sur l’interprétation de l’article 16, sous b), de la directive 2004/18. Par lettre du 6 avril 2017, la Commission a transmis à la République tchèque le compte rendu de l’audition.

6        Le 6 juillet 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 4682 final, annulant une partie de l’aide du FSE au programme opérationnel « Formation en matière de compétitivité » au titre des objectifs « Convergence » et « Compétitivité régionale et emploi » en République tchèque et une partie de l’aide du FEDER aux programmes opérationnels « Recherche et développement pour l’innovation » au titre de l’objectif « Convergence » en République tchèque et « Aide technique » au titre des objectifs « Convergence » et « Compétitivité régionale et emploi » en République tchèque (ci-après la « décision attaquée »). Par la décision attaquée, la Commission a adopté des corrections financières à l’encontre de la République tchèque.

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2017, la République tchèque a introduit le présent recours.

8        Le 30 novembre 2017, la Commission a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en défense.

9        La République tchèque a déposé une réplique le 30 janvier 2018 et la Commission a déposé une duplique le 28 mars 2018.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2017, la République de Pologne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la République tchèque. Par décision du 22 février 2018, le président de la septième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République de Pologne a déposé son mémoire le 27 avril 2018 et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

11      La République tchèque a demandé la tenue d’une audience de plaidoiries par demande déposée au greffe du Tribunal le 22 juin 2018.

12      La République tchèque, soutenue par la République de Pologne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République tchèque aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la République tchèque invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 99, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1083/2006, lu en combinaison avec l’article 16, sous b), de la directive 2004/18. En particulier, la République tchèque fait valoir que l’attribution directe des marchés publics visés au point 2 ci-dessus est conforme à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 et que, par conséquent, les corrections financières adoptées par la Commission ne sont pas justifiées.

 Cadre juridique

15      Dès lors que les arguments des parties se rapportent à l’interprétation des dispositions visées au point 14 ci-dessus, il convient, préalablement, dans les circonstances de la présente espèce, de rappeler le contenu de celles-ci.

16      L’article 99, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1083/2006 énonce :

« 1. La Commission peut procéder à des corrections financières en annulant tout ou partie de la participation communautaire à un programme opérationnel lorsque, après avoir effectué les vérifications nécessaires, elle conclut que :

a)      il existe une grave insuffisance du système de gestion ou de contrôle du programme qui a mis en péril la participation communautaire déjà versée au programme […] »

17      L’article 16, sous b), de la directive 2004/18 énonce :

« La présente directive ne s’applique pas aux marchés publics de services :

[…]

b)      concernant l’achat, le développement, la production ou la coproduction des programmes destinés à la diffusion par des organismes de radiodiffusion et concernant les temps de diffusion […] »

18      À cet égard, le considérant 25 de la directive 2004/18 indique :

« La passation des marchés publics pour certains services audiovisuels dans le domaine de la radiodiffusion devrait pouvoir tenir compte de considérations revêtant une importance culturelle et sociale, qui rendent inadéquate l’application de règles de passation des marchés. Pour ces motifs, il faut donc prévoir une exception pour les marchés publics de services visant l’achat, le développement, la production ou la coproduction de programmes prêts à l’utilisation et d’autres services préparatoires, tels que ceux relatifs aux scénarios ou aux performances artistiques nécessaires pour la réalisation du programme ainsi que les marchés concernant les temps de diffusion d’émissions. Toutefois, cette exclusion ne devrait pas s’appliquer à la fourniture du matériel technique nécessaire pour la production, la coproduction et l’émission de ces programmes. Par “émission”, on entend la transmission et la diffusion par l’intermédiaire de tout réseau électronique. »

 Arguments des parties

19      La République tchèque souligne que la présente affaire porte sur la seule question de savoir si l’exclusion prévue par l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 concerne tous les pouvoirs adjudicateurs, comme elle le soutient, ou uniquement les pouvoirs adjudicateurs qui sont des organismes de radiodiffusion, comme le soutient la Commission. En s’appuyant sur l’« interprétation grammaticale » de cette disposition, et en particulier sur une lecture véritablement rigoureuse de celle-ci, y compris dans d’autres versions linguistiques et notamment dans sa version allemande, sur l’interprétation systématique ainsi que sur l’objectif de ladite disposition, la République tchèque soutient que l’exclusion en cause vise le seul contenu du marché public et ne se limite pas uniquement aux pouvoirs adjudicateurs qui sont des organismes de radiodiffusion. Autrement dit, l’exclusion en cause viserait à exclure certains marchés en fonction de leur objet et non pas en fonction de la nature du pouvoir adjudicateur. Ainsi, selon la République tchèque, même si ladite disposition « peut sembler équivoque dans certaines versions linguistiques » et « de nombreuses autres versions linguistiques – par exemple, les versions tchèque, slovaque, anglaise, française, polonaise, roumaine, hongroise, grecque ou lituanienne – autorisent certes théoriquement l’interprétation défendue par la Commission », il ressort de son interprétation systématique et téléologique que l’exclusion qu’elle prévoit « s’applique à tous les marchés publics concernant l’achat, le développement, ou la production des programmes destinés à la diffusion, quelle que soit la personne du pouvoir adjudicateur ».

20      La République tchèque ajoute que son interprétation ne prive pas d’effet utile l’expression « organismes de radiodiffusion » contenue dans la disposition en cause, puisque cette expression est à considérer « comme un critère précisant la caractéristique d’un “programme destiné à la diffusion” », en ce sens qu’elle permet de distinguer les programmes pour lesquels l’exclusion s’applique (ceux destinés à être diffusés par des organismes de radiodiffusion) des programmes pour lesquels l’exclusion ne s’applique pas (ceux destinés à d’autres types de diffusion, comme une diffusion privée ou interne à une société). Au contraire, ce serait l’interprétation de la Commission qui priverait l’exclusion de son effet utile, en la limitant à certains pouvoirs adjudicateurs, ce qui n’aurait pas non plus de sens du point de vue de l’égalité de traitement des différents pouvoirs adjudicateurs publics. La République tchèque conteste également la pertinence, dans la présente affaire, de l’arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a. (C‑337/06, EU:C:2007:786). La République tchèque soutient aussi que la nouvelle directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18 (JO 2014, L 94, p. 65), n’étaye pas l’interprétation de la Commission.

21      La République de Pologne, intervenant au soutien de la République tchèque, partage la position de cette dernière selon laquelle l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 s’adresse à tous les pouvoirs adjudicateurs. Cela serait confirmé par l’« interprétation grammaticale » de ladite disposition, y compris dans d’autres versions linguistiques, par sa place dans la directive 2004/18 et par les possibilités actuelles de diffusion des programmes, notamment sur Internet, par les pouvoirs adjudicateurs qui ne sont pas des organismes de radiodiffusion. Cela serait également confirmé par des raisons fonctionnelles inhérentes au fait que les deux exclusions prévues par ladite disposition pour les programmes et pour le temps de diffusion visent deux étapes successives connexes d’un marché et s’adressent donc aux mêmes destinataires, qui sont tous les pouvoirs adjudicateurs auxquels la directive s’applique.

22      La Commission s’entend avec la République tchèque quant au fait que la présente affaire porte sur l’interprétation de l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 et, plus précisément, sur la question de savoir si l’exclusion qui y est prévue s’applique aux marchés passés par des organismes de radiodiffusion ou aux marchés passés par des pouvoirs adjudicateurs quels qu’ils soient. À cet égard, au fond, la Commission conteste les arguments de la République tchèque et de la République de Pologne.

 Observations liminaires sur l’objet du litige

23      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 1083/2006, lu à la lumière du considérant 22 de ce même règlement, le FEDER, le FSE et le Fonds de cohésion ne financent que des opérations qui sont conformes aux dispositions du traité et des actes arrêtés en vertu de celui-ci. Il s’ensuit que l’Union n’a vocation à financer par l’intermédiaire desdits fonds que des actions menées en complète conformité avec le droit de l’Union, y compris les règles applicables en matière de marchés publics (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2017, Compania Naţională de Administrare a Infrastructurii Rutiere, C‑408/16, EU:C:2017:940, points 54 et 57).

24      D’emblée, en l’espèce, ainsi qu’il ressort expressément des arguments des parties et qu’elles en conviennent tout aussi expressément, il y a lieu de relever que, dans le cadre du présent litige, elles s’opposent uniquement quant à l’interprétation qu’il convient de donner à l’exclusion « concernant l’achat, le développement, la production ou la coproduction des programmes destinés à la diffusion par des organismes de radiodiffusion » (ci-après l’« exclusion litigieuse ») prévue à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 et quant à la question de savoir si, compte tenu d’une telle interprétation, la République tchèque a violé ladite disposition. En revanche, elles ne s’opposent ni quant à la matérialité des faits reprochés par la Commission – à savoir l’attribution directe de quatre marchés publics par des pouvoirs adjudicateurs tchèques qui ne sont pas des organismes de radiodiffusion – , ni quant à la possibilité d’appliquer des corrections financières si la violation de l’article 16, sous a), de la directive 2004/18 était avérée, ni quant au montant des corrections financières adoptées par la Commission – à savoir une correction financière de 100 % pour chaque contrat contesté.

25      Il s’ensuit que, ainsi qu’il ressort des arguments supportant le moyen unique, l’objet du présent litige est circonscrit à la seule question de savoir si l’attribution directe de certains marchés publics concernant des programmes par des pouvoirs adjudicateurs qui ne sont pas des organismes de radiodiffusion rentre dans le champ d’application de l’exclusion litigieuse prévue à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 et si, par conséquent, c’est à juste titre que, dans la décision attaquée, en estimant que tel n’était pas le cas, la Commission a adopté les corrections financières retenues à l’encontre de la République tchèque.

 Sur l’interprétation de l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 retenue par la Commission dans la décision attaquée

26      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, en ce qui concerne l’interprétation des dispositions du droit de l’Union, telles que, en l’espèce, l’article 16, sous b), de la directive 2004/18, il importe de tenir compte non seulement des termes de celles-ci, mais également des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie et de leur contexte (voir arrêt du 14 juin 2017, Menini et Rampanelli, C‑75/16, EU:C:2017:457, point 47 et jurisprudence citée).

27      S’agissant des objectifs de la réglementation dont la disposition en cause fait partie et de son contexte, en premier lieu, il y a lieu de rappeler que l’objectif des directives en matière de passation des marchés publics est d’exclure à la fois le risque qu’une préférence soit donnée aux soumissionnaires ou aux candidats nationaux lors de toute passation de marché effectuée par les pouvoirs adjudicateurs et la possibilité qu’un organisme financé ou contrôlé par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public se laisse guider par des considérations autres qu’économiques (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2000, University of Cambridge, C‑380/98, EU:C:2000:529, point 17).

28      Pour ce qui est plus particulièrement des marchés publics de services, le droit de l’Union en matière de marchés publics vise à assurer la libre circulation des services et l’ouverture à la concurrence non faussée et la plus large possible dans les États membres (arrêt du 11 décembre 2014, Azienda sanitaria locale n. 5 « Spezzino » e.a., C‑113/13, EU:C:2014:2440, point 51 ; voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Data Medical Service, C‑568/13, EU:C:2014:2466, point 34).

29      Il ressort de la jurisprudence que les exceptions au champ d’application matériel du droit de l’Union dans le secteur des marchés publics doivent faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2017, Compania Naţională de Administrare a Infrastructurii Rutiere, C‑408/16, EU:C:2017:940, point 45).

30      Il convient de relever que, en l’espèce, sous l’intitulé « Exclusions spécifiques », l’article 16 de la directive 2004/18 prévoit des exceptions au champ d’application matériel de cette directive. Par conséquent, conformément à la jurisprudence rappelée au point 29 ci-dessus, de telles exceptions, y compris celle prévue par l’article 16, sous b), de ladite directive, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte.

31      En second lieu, en ce qui concerne particulièrement l’exclusion litigieuse prévue à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18, premièrement, il convient de relever que le considérant 25 de cette même directive explique que ladite exclusion vise certains marchés à l’égard desquels les règles de passation des marchés sont inadéquates, dès lors que leur passation doit pouvoir tenir compte de considérations revêtant une importance culturelle et sociale.

32      Deuxièmement, il convient de relever qu’une exclusion analogue était prévue dans la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO 1992, L 209, p. 1).

33      En particulier, l’article 1er, sous a), iv), de la directive 92/50 disposait ce qui suit :

« Aux fins de la présente directive :

a)      les “marchés publics de services” sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur, à l’exclusion :

[…]

iv)      des marchés visant l’achat, le développement, la production ou la coproduction de programmes par des organismes de radiodiffusion et des marchés concernant les temps de diffusion […] »

34      Or, appelée à interpréter l’article 1er, sous a), iv), de la directive 92/50, d’une part, la Cour a relevé que cette disposition avait été reprise en des termes identiques à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 (arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a., C‑337/06, EU:C:2007:786, points 7 et 8). Elle a ajouté que les dispositions pertinentes de la directive 2004/18, ainsi que les principes qui les sous-tendent, avaient un contenu identique à celui des dispositions et des principes correspondants des directives précédentes et que la directive 2004/18 constituait une refonte des dispositions déjà existantes. Ainsi, selon la Cour, il n’y a pas de raison qui puisse justifier une autre approche sous l’empire de cette nouvelle directive (arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a., C‑337/06, EU:C:2007:786, point 30).

35      D’autre part, la Cour a indiqué que l’article 1er, sous a), iv), de la directive 92/50 prévoyait la non-application de cette directive aux marchés publics ayant pour objet les services qui touchent à la fonction propre des organismes de radiodiffusion, à savoir la création et la réalisation de programmes, pour des motifs d’ordre culturel et social évoqués au onzième considérant de la directive 92/50 et, de manière plus explicite, au considérant 25 de la directive 2004/18, qui rendent inadéquate une telle application (arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a., C‑337/06, EU:C:2007:786, point 62).

36      La Cour a poursuivi en indiquant que cette disposition reflétait le souci de garantir l’accomplissement de la mission de service public des organismes de radiodiffusion publics en toute indépendance et impartialité (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a., C‑337/06, EU:C:2007:786, point 63).

37      La Cour a conclu en indiquant que, ladite disposition constituant une exception au champ d’application de la directive qui doit donc être interprétée restrictivement, étaient exclus du champ d’application de la directive les seuls marchés publics ayant pour objet les services cités par ladite disposition. En revanche, sont pleinement soumis aux règles de l’Union les marchés publics de services n’ayant pas de rapport avec les activités qui relèvent de l’accomplissement de la mission de service public proprement dite des organismes de radiodiffusion publics (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a., C‑337/06, EU:C:2007:786, point 64). Selon la Cour, ces considérations ne s’appliquent que si, dans un cas concret, le marché est passé par un organisme considéré comme « pouvoir adjudicateur » au sens de la directive (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a., C‑337/06, EU:C:2007:786, point 66).

38      Il ressort donc des points 7, 8, 30, 62 à 64 et 66 de l’arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a. (C‑337/06, EU:C:2007:786), rappelés aux points 34 à 37 ci-dessus, que l’exclusion qui était prévue à l’article 1er, sous a), iv), de la directive 92/50 et qui a été reprise en des termes identiques à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 vise les marchés publics de services qui touchent à la fonction propre des organismes de radiodiffusion publics, et ce afin de garantir que ces organismes puissent accomplir leur mission de service public en toute indépendance et impartialité, et que, au contraire, elle ne vise pas les marchés publics de services qui n’ont pas de rapport avec l’accomplissement de la mission de service public des organismes de radiodiffusion publics.

39      Il découle de ce qui précède que l’exclusion litigieuse prévue à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 trouve son fondement dans la mission de service public des organismes de radiodiffusion publics. Il s’ensuit que les pouvoirs adjudicateurs qui n’accomplissent pas une telle mission de service public ne sont pas visés par cette exclusion. Dès lors que ladite mission de service public est propre aux organismes de radiodiffusion publics, les pouvoirs adjudicateurs qui ne sont pas des organismes de radiodiffusion publics ne sont pas visés par l’exclusion litigieuse. En effet, ces autres pouvoirs adjudicateurs n’ont pas la mission d’accomplir, en toute indépendance et impartialité, la mission de service public des organismes de radiodiffusion publics, dont la fonction propre inclut la création et la réalisation de programmes, à l’égard desquels, pour des motifs d’ordre culturel et social, l’application des règles de l’Union en matière de marchés publics est inadéquate.

40      Une telle interprétation est, d’ailleurs, conforme à la jurisprudence rappelée au point 29 ci-dessus, selon laquelle les exceptions au champ d’application matériel des directives en matière de marchés publics, telle que l’exclusion litigieuse prévue à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18, doivent être interprétées restrictivement. En effet, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, aucun motif ne justifie qu’un pouvoir adjudicateur qui n’est pas un organisme de radiodiffusion public doive être autorisé, au sens de ladite disposition, à attribuer directement des marchés publics « concernant l’achat, le développement, la production ou la coproduction des programmes destinés à la diffusion », tels que des publicités télévisées.

41      S’agissant des termes de l’article 16, sous b), de la directive 2004/18, force est de constater qu’ils n’infirment pas l’interprétation retenue au point 39 ci-dessus. En effet, du point de vue littéral, l’expression « par des organismes de radiodiffusion » figurant dans le texte de l’exclusion litigieuse est potentiellement susceptible de se référer tant à « l’achat, [au] développement, [à] la production ou [à] la coproduction des programmes » qu’à « la diffusion » et donc de concerner tant le pouvoir adjudicateur que les modalités de diffusion. La République tchèque elle-même le reconnaît expressément dans ses écritures, et ce en ce qui concerne un nombre important de versions linguistiques (tchèque, grecque, anglaise, française, lituanienne, hongroise, polonaise, roumaine et slovaque) mentionnées à titre d’exemple. De surcroît, ainsi que l’a indiqué la République tchèque lors de l’audience, certaines versions linguistiques de ladite disposition, telles que la version bulgare et la version slovène, sont même regrettablement dépourvues des mots « destiné à la diffusion ». Dans ces circonstances, l’interprétation littérale de cette disposition ne saurait conduire à une interprétation différente de celle découlant de la prise en compte des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie et de son contexte.

42      Il en découle que, en l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas violé l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 en considérant que l’exclusion litigieuse ne trouvait pas application à l’égard de pouvoirs adjudicateurs qui ne sont pas des organismes de radiodiffusion.

43      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la République tchèque, ni par ceux de la République de Pologne.

44      Premièrement, la République tchèque conteste la pertinence de l’arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a. (C‑337/06, EU:C:2007:786). Elle soutient que cet arrêt porte sur des questions de droit différentes de celles soulevées dans la présente affaire et que, en tout état de cause, il ressort même dudit arrêt que la Cour a appliqué l’exclusion en cause à l’ensemble des pouvoirs adjudicateurs, et non pas uniquement aux organismes de radiodiffusion. Elle ajoute que ledit arrêt porte sur la directive 92/50, dans laquelle le texte de l’exclusion en cause n’est pas identique à celui contenu dans la disposition litigieuse.

45      Or, contrairement à ce qui est argué par la République tchèque, les considérations opérées par la Cour dans l’arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a. (C‑337/06, EU:C:2007:786), sont pertinentes dans le cadre de la présente affaire.

46      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de relever que, s’il est, certes, exact que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a. (C‑337/06, EU:C:2007:786), la Cour avait été saisie, par un renvoi préjudiciel, de questions de droit différentes de celle soulevée dans la présente affaire, il n’en demeure pas moins que, afin de répondre auxdites questions et notamment à celle de savoir quels marchés publics de services rentraient dans le champ d’application de l’exclusion prévue à l’article 1er, sous a), iv), de la directive 92/50, la Cour a explicité l’objectif de ladite disposition, ainsi qu’il a été rappelé aux points 35 à 37 ci-dessus. En particulier, au point 64 dudit arrêt, en plus d’avoir indiqué les marchés publics couverts par l’exclusion, la Cour a explicité quels marchés publics étaient soumis aux règles de l’Union.

47      Ensuite, certes, au point 66 de l’arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a. (C‑337/06, EU:C:2007:786), la Cour a précisé que l’exclusion en cause ne trouvait à s’appliquer que s’il s’agit, dans un cas concret, d’un marché passé par un organisme qui est un pouvoir adjudicateur au sens de la directive. Toutefois, cela ne signifie pas que l’exclusion en cause s’applique à tous les pouvoirs adjudicateurs, mais plutôt qu’elle s’applique seulement aux organismes de radiodiffusion qui sont des pouvoirs adjudicateurs.

48      Enfin, il convient de rappeler que, si le texte de l’article 1er, sous a), iv), de la directive 92/50 diffère, pour certains aspects rédactionnels, du texte de l’article 16, sous b), de la directive 2004/18, aux points 8 et 30 de l’arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a. (C‑337/06, EU:C:2007:786), la Cour a expressément indiqué que la première disposition avait « été reprise en des termes identiques » par la seconde et que, dans l’interprétation des dispositions pertinentes, il n’y avait pas de raison qui puisse justifier une autre approche sous l’empire de la directive 2004/18.

49      Par ailleurs, s’agissant de l’expression « destinés à la diffusion » qui figure à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 et qui ne figurait pas à l’article 1er, sous a), iv), de la directive 92/50, d’une part, il convient de relever que, ainsi qu’il a été souligné par la Commission lors de l’audience et qu’il ressort des travaux préparatoires ayant conduit à l’adoption de l’article 16, sous b), de la directive 2004/18, l’ajout de ladite expression apparaît correspondre à l’intention du législateur de se référer expressément aux marchés publics de services passés par des organismes de radiodiffusion concernant des programmes destinés à être diffusés sur tout réseau de communications électroniques, y compris Internet, ce qui apparaît être conforme à l’esprit de la dernière phrase du considérant 25 de ladite directive. D’ailleurs, dans son mémoire en intervention, la République de Pologne a également évoqué la nécessité que « la disposition litigieuse [soit] interprétée à la lumière des possibilités actuelles de diffusion des programmes par les pouvoirs adjudicateurs », dès lors que, « conformément au considérant 25 de la directive 2004/18, le terme “émission” devrait être entendu de manière large, comme la transmission et la diffusion par l’intermédiaire de tout réseau électronique et, pour cette raison, devrait également inclure la diffusion par l’intermédiaire du réseau Internet ». Ainsi, ledit ajout ne saurait être considéré comme correspondant à l’intention du législateur d’étendre la portée de l’exclusion litigieuse aux marchés passés par tout pouvoir adjudicateur concernant des programmes destinés à être diffusés par des organismes de radiodiffusion.

50      D’autre part, il convient de relever que les services faisant l’objet des marchés visés à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 sont également visés par l’exception contenue dans la note en bas de page no 3 de l’annexe II B de la même directive, dans la version de ladite annexe telle que modifiée par le règlement (CE) no 213/2008 de la Commission, du 28 novembre 2007 (JO 2008, L 74, p. 1). En effet, ladite exception vise également « des contrats d’acquisition, de développement, de production ou de coproduction de programmes par des organismes de radiodiffusion et des contrats concernant les temps de diffusion » dont la passation ne rentre pas dans le champ d’application de la directive conformément à l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de celle-ci. Or, force est de constater que l’expression « destinés à la diffusion » ne figure pas non plus dans le libellé de l’exception contenue dans l’annexe II B de la directive. Dès lors que, pour des raisons de cohérence interne de la directive, l’exclusion prévue à l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 et l’exception prévue à la note en bas de page no 3 de l’annexe II B de la directive doivent être considérées comme ayant la même portée, ladite expression ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle viserait à étendre la portée de l’exclusion litigieuse.

51      D’ailleurs, contrairement à ce qui est suggéré, en substance, par la République tchèque, le texte de l’exception contenue dans la note en bas de page no 3 de l’annexe II B de la directive 2004/18 a exactement la même valeur normative que le texte de l’exclusion figurant à l’article 16, sous b), de la même directive, les deux textes faisant partie du corps de ladite directive.

52      Deuxièmement, s’agissant des arguments tirés d’une prétendue interprétation littérale de l’article 16, sous b), de la directive 2004/18, d’une part, force est de constater que la République tchèque elle-même indique que le libellé de cette disposition « ne permet pas d’établir clairement si les organismes de radiodiffusion sont mentionnés parce qu’ils doivent diffuser lesdits programmes ou parce qu’ils sont les seuls à pouvoir avoir recours à cette exception ; l’on ne sait donc pas si la formulation “destinés à la diffusion par des organismes de radiodiffusion” délimite les propriétés des “programmes”, ou si l’expression “par des organismes de radiodiffusion” est indépendante et doit être reliée à la partie “l’achat, le développement, la production ou la coproduction” pour délimiter l’entité autorisée à appliquer l’exception en question ». Or, ces affirmations ne réfutent pas, mais, au contraire, corroborent le constat opéré au point 41 ci-dessus.

53      D’autre part, cela étant, au soutien de son interprétation, la République tchèque s’appuie sur une prétendue « lecture véritablement rigoureuse de cette disposition » ainsi que sur le fait que celle-ci « correspond[rait] davantage au texte de l’exception » et « [serait] bien plus logique, [compte tenu] notamment de l’ordre des mots utilisés ». Selon la République tchèque, il y aurait eu « plusieurs manières bien plus claires de formuler l’exception » s’il fallait l’interpréter différemment. Elle se réfère également à d’autres versions linguistiques de la disposition, notamment à la version allemande, laquelle ne permettrait aucunement d’aboutir à l’interprétation proposée par la Commission, ainsi qu’à « la forme dominante du libellé de la disposition litigieuse ». Selon elle, l’expression « organismes de radiodiffusion » précise la caractéristique d’un « programme destiné à la diffusion », en ce sens qu’elle définit « la forme de diffusion à laquelle le programme est destiné », et permet donc de distinguer un programme auquel s’applique l’exclusion et tout autre programme. De même, la République de Pologne soutient que la référence aux organismes de radiodiffusion « précise l’objet de l’exception, à savoir une catégorie de services exclus ».

54      À cet égard, tout d’abord, compte tenu des constatations opérées au point 41 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que les termes de l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 ne permettent pas, à eux seuls, de parvenir à une interprétation univoque de ladite disposition et que plusieurs interprétations littérales de celle-ci sont potentiellement plausibles.

55      Ensuite, s’agissant spécifiquement de la version allemande invoquée par la République tchèque, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent, en effet, être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union (voir arrêt du 6 juin 2018, Tarragó da Silveira, C‑250/17, EU:C:2018:398, point 20 et jurisprudence citée). En cas de disparité entre ses diverses versions linguistiques, une disposition du droit de l’Union, telle que la disposition en cause, doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2016, Ambisig, C‑46/15, EU:C:2016:530, point 48 et jurisprudence citée). Il en va de même s’agissant de la version polonaise invoquée par la République de Pologne, d’autant plus que, selon la République tchèque elle-même, cette version linguistique autoriserait également l’interprétation retenue par la Commission (voir point 41 ci-dessus).

56      Par conséquent, eu égard au caractère non univoque de différentes versions linguistiques de la disposition en cause ainsi qu’à la jurisprudence rappelée au point 55 ci-dessus, les arguments tirés du libellé de ladite disposition, et en particulier dans une unique version linguistique donnée, doivent être écartés comme étant non fondés.

57      Au demeurant, il convient de relever que la thèse de la République tchèque selon laquelle l’exclusion litigieuse ne viserait que les marchés publics de services concernant des programmes destinés à être diffusés par des organismes de radiodiffusion quel que soit le pouvoir adjudicateur ne trouve d’appui ni dans le considérant 25 de la directive 2004/18, ni dans la jurisprudence de la Cour. En effet, si ledit considérant explicite les motifs d’ordre culturel et social qui rendent inadéquate l’application des règles de passation des marchés à l’égard de certains marchés concernant les programmes, il n’évoque nullement le fait qu’il devrait s’agir de programmes diffusés uniquement par des organismes de radiodiffusion. La jurisprudence de la Cour rappelée aux points 35 à 38 ci-dessus n’a pas élaboré non plus une telle délimitation du champ d’application de l’exclusion litigieuse, mais a seulement précisé que celle-ci visait les marchés touchant à la fonction propre des organismes de radiodiffusion. Par ailleurs, ainsi qu’il a été observé au point 49 ci-dessus, l’intention du législateur, en ajoutant l’expression « destiné à la diffusion » à l’article 16, sous b), de ladite directive, apparaît être seulement celle de se référer expressément à la diffusion sur tout réseau de communications électroniques.

58      Troisièmement, s’agissant des arguments tirés d’une prétendue interprétation systématique de ladite disposition, la République tchèque argue qu’aucune des exceptions prévues à l’article 16 de la directive 2004/18 n’est limitée à un type de pouvoir adjudicateur, mais qu’elles visent toutes le contenu du marché, et que, par conséquent, l’exclusion litigieuse ne se limite pas uniquement aux pouvoirs adjudicateurs qui sont des organismes de radiodiffusion. De même, selon la République de Pologne, aucune des exclusions prévues dans cet article n’introduit des « limitations subjectives, mais elles sont toutes de nature strictement objective ».

59      Or, force est de constater qu’un tel argument manque en fait. En effet, les exclusions prévues à l’article 16 de la directive 2004/18 visent des marchés publics « ayant pour objet » [sous a)] ou « concernant » [sous b) à f)] certains services. Si certains de ces services sont définis par rapport à leur objet, tels que les « services d’arbitrage et de conciliation » [sous c)], d’autres sont définis par rapport à leur prestataire, tels que les « services fournis par des banques centrales » [sous d)] et d’autres encore par rapport tant à leur objet qu’à des conditions inhérentes à leur pouvoir adjudicateur, tels que les « services de recherche et de développement autres que ceux dont les fruits appartiennent exclusivement au pouvoir adjudicateur » [sous f)]. Par conséquent, rien n’exclut que les marchés concernant « certains services audiovisuels dans le domaine de la radiodiffusion » (au sens du considérant 25 de la directive 2004/18) soient définis, ainsi que sous b), tant par rapport à leur objet (« l’achat, le développement, la production ou la coproduction des programmes destinés à la diffusion ») que par rapport à leur pouvoir adjudicateur (« par des organismes de radiodiffusion »).

60      En outre, la République de Pologne s’appuie sur le fait que l’exclusion visant les marchés publics concernant le « temps de diffusion » contenue dans la seconde partie de l’article 16, sous b), de la directive 2004/18 n’est pas limitée par l’expression « par des organismes de radiodiffusion ». Selon la République de Pologne, dès lors que les marchés visant les programmes et les marchés visant le temps de diffusion sont connexes et concernent les mêmes pouvoirs adjudicateurs, ladite limitation ne pourrait exister pour aucun de ces deux types de marchés.

61      Or, cet argument ne saurait non plus être retenu. En effet, tout d’abord, rien n’exclut que plusieurs marchés visés par une même lettre contenue à l’article 16 de la directive soient définis différemment, notamment par rapport à leur objet, à leur pouvoir adjudicateur ou à leur prestataire. Ensuite, s’agissant spécifiquement des marchés visés sous b), à supposer que, comme le fait valoir la République de Pologne, les marchés ayant pour objet le temps de diffusion puissent être passés tant par des organismes de radiodiffusion que par d’autres pouvoirs adjudicateurs, en revanche, s’agissant des marchés ayant pour objet les programmes, d’une part, ainsi qu’il ressort du libellé de l’exclusion litigieuse, les organismes de radiodiffusion sont mentionnés expressément et, d’autre part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 35 à 38 ci-dessus, cette mention vise à préciser que lesdits marchés sont uniquement ceux passés par des organismes de radiodiffusion.

62      Quatrièmement, s’agissant des arguments tirés d’une prétendue interprétation téléologique de ladite disposition, la République tchèque fait valoir que le considérant 25 de la directive 2004/18, qui explique l’objectif de l’exclusion litigieuse, mentionne uniquement le contenu du marché et ne comporte aucune limitation à un certain type de pouvoir adjudicateur. Autrement dit, l’exclusion litigieuse viserait à exclure certains marchés en fonction de leur objet et non pas en fonction de la nature du pouvoir adjudicateur. Lors de l’audience, la République tchèque a ajouté, en substance, que l’expression « le développement, la production ou la coproduction des programmes » contenue dans la disposition litigieuse viserait les organismes de radiodiffusion en tant que fournisseurs, ce qui démontrerait que l’exclusion litigieuse n’est pas limitée aux organismes de radiodiffusion en tant que pouvoirs adjudicateurs.

63      Or, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été souligné au point 38 ci-dessus, la Cour a déjà jugé que l’objectif de l’exclusion litigieuse est d’exempter les marchés de services touchant à la fonction propre des organismes de radiodiffusion, à savoir la création et la réalisation de programmes, et ce afin de garantir que ces organismes puissent accomplir leur mission de service public. Par conséquent, l’interprétation téléologique de la disposition en cause ne fait que confirmer le fait que ladite exclusion ne vise que certains marchés passés par des organismes de radiodiffusion.

64      D’ailleurs, dès lors que ladite fonction propre des organismes de radiodiffusion concerne la création et la réalisation de programmes, les marchés visés par l’exclusion litigieuse ne portent pas seulement sur l’achat des programmes, mais également sur leur développement, leur production et leur coproduction. Contrairement à ce qui a été argué par la République tchèque lors de l’audience et à supposer même qu’un tel nouvel argument soit recevable, le statut de « pouvoirs adjudicateurs » des organismes de radiodiffusion n’est pas transformé par ces différents objets, aux fins de la passation desdits marchés et donc de l’application de la disposition litigieuse, en statut de « fournisseurs », dès lors que, pour ces différents marchés, ils demeurent des pouvoirs adjudicateurs. De surcroît, l’existence d’une telle distinction quant à la position de l’organisme de radiodiffusion ne ressort ni du libellé de la disposition litigieuse, ni de celui du considérant qui s’y rapporte.

65      La République de Pologne soutient que, compte tenu des possibilités actuelles de diffusion des programmes, les institutions publiques qui réalisent des missions de service public dans le domaine de la culture et de la politique sociale fournissent un service de radiodiffusion dont l’étendue est variable, notamment par le biais d’Internet. Ainsi, selon la République de Pologne, « les services de création de programmes destinés à la diffusion peuvent présenter un intérêt pour de nombreux pouvoirs adjudicateurs, y compris des entités de droit public autres que la radio publique ou la télévision publique ». Rien ne justifierait donc que tous les pouvoirs adjudicateurs ne puissent avoir recours à l’exclusion litigieuse, puisque, par exemple, la production d’un programme sur les dangers d’une substance pourrait être demandée tant par une télévision publique que par le ministère de la Santé, lesquels chercheraient tous deux à atteindre un objectif social important.

66      À cet égard, il convient toutefois de rappeler que l’objectif de l’exclusion litigieuse ne vise pas une mission de service public quelconque, mais, spécifiquement, la mission de service public propre aux organismes de radiodiffusion. Par conséquent, d’une part, la circonstance que des institutions publiques réalisent des missions de service public notamment en matière culturelle et sociale ou que, par leur action, elles visent à atteindre des objectifs sociaux importants n’implique pas que, pour ces motifs, ces institutions rentrent dans le champ d’application de ladite exclusion. D’autre part, le fait que ces entités publiques puissent être intéressées par des services de création de programmes destinés à la diffusion n’implique pas, en soi, qu’elles devraient être exemptées de l’application des règles en matière de passation de marchés publics, si elles ne sont pas des organismes de radiodiffusion.

67      Cinquièmement, s’agissant de l’argument selon lequel l’interprétation de la disposition en cause ne peut pas conduire à la priver d’effet utile, la République tchèque soutient que l’objectif de ladite disposition concerne tous les programmes destinés à la diffusion, quel que soit le pouvoir adjudicateur, car l’importance culturelle et sociale est pertinente pour tous les programmes à diffuser. Ainsi, il n’y aurait pas lieu de la limiter à certains pouvoirs adjudicateurs, car cela réduirait son impact effectif et donc son effet utile.

68      À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que l’objectif de l’exclusion litigieuse ne vise pas « tous les programmes destinés à la diffusion », mais, ainsi qu’il a été rappelé au point 63 ci-dessus, les services touchant à la fonction propre des organismes de radiodiffusion. Partant, seuls ces services, qui sont définis tant par rapport à leur objet que par rapport à leur pouvoir adjudicateur, sont exclus du champ d’application de la directive. D’autre part, la prétendue nécessité de garantir l’effet utile invoqué par la République tchèque à l’exclusion litigieuse ne saurait conduire à étendre le champ d’application de celle-ci, dès lors que, en tant qu’exception à l’application des règles de l’Union en matière de marchés publics, conformément à la jurisprudence rappelée au point 29 ci-dessus, elle doit nécessairement faire l’objet d’une interprétation stricte.

69      Sixièmement, s’agissant de l’argument selon lequel l’interprétation retenue dans la décision attaquée n’aurait pas non plus de sens du point de vue de l’égalité de traitement des pouvoirs adjudicateurs, la République tchèque fait valoir que « tout adjudicateur public se trouve dans une situation identique au regard de la finalité de l’exclusion, c’est-à-dire du contenu des services concernés et de l’importance culturelle et sociale de la production d’un contenu d’un programme ».

70      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la finalité de l’exclusion litigieuse ne concerne pas le contenu des services concernés, mais la mission de service public propre aux organismes de radiodiffusion. Par conséquent, à l’égard de ladite exclusion, les pouvoirs adjudicateurs qui ne sont pas des organismes de radiodiffusion ne se trouvent pas dans la même situation que les pouvoirs adjudicateurs qui sont des organismes de radiodiffusion et ont une telle mission de service public.

71      Septièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la nouvelle directive 2014/24 n’étaye pas l’interprétation de la Commission, la République tchèque fait valoir que, outre le fait que ladite directive n’est pas temporellement applicable au cas d’espèce, elle contient aussi une exception pour le développement de programmes qui n’est pas limitée à un type concret de pouvoir adjudicateur. En effet, ladite directive prévoirait une exception pour « la fourniture de programmes qui sont attribués à des fournisseurs de services de médias audiovisuels ou radiophoniques ».

72      Or, à cet égard, il y a lieu de relever que l’article 10, sous b), de la directive 2014/24 prévoit une exclusion spécifique pour les marchés publics de services disposant ce qui suit :

« La présente directive ne s’applique pas aux marchés publics de services ayant pour objet :

[…]

b)      l’achat, le développement, la production ou la coproduction de matériel de programmes destiné à des services de médias audiovisuels ou radiophoniques qui sont passés par des fournisseurs de services de médias audiovisuels ou radiophoniques, ni aux marchés concernant les temps de diffusion ou la fourniture de programmes qui sont attribués à des fournisseurs de services de médias audiovisuels ou radiophoniques […] »

73      Force est de constater que la première partie de la phrase de ladite exclusion (« l’achat, le développement, la production ou la coproduction de matériel de programmes destiné à des services de médias audiovisuels ou radiophoniques qui sont passés par des fournisseurs de services de médias audiovisuels ou radiophoniques ») explicite que les marchés exclus sont ceux « qui sont passés » par des fournisseurs de services de médias audiovisuels ou radiophoniques. Lorsque, dans la seconde partie de la phrase, ladite exclusion se réfère aussi « aux marchés concernant […] la fourniture de programmes qui sont attribués à des fournisseurs de services de médias audiovisuels ou radiophoniques », elle apparaît seulement spécifier l’attributaire de ces derniers marchés (« qui sont attribués à »). Elle ne saurait donc être interprétée comme signifiant que l’exclusion concernant l’achat, le développement, la production ou la coproduction de programmes serait applicable aux marchés passés par des pouvoirs adjudicateurs qui ne sont pas des fournisseurs de services de médias audiovisuels ou radiophoniques. Une telle interprétation est corroborée par le considérant 23 de cette nouvelle directive, lequel explicite que ladite exclusion concerne la « passation de marchés publics pour certains services de médias audiovisuels et radiophoniques par des fournisseurs de services de médias » ou, en d’autres termes, « les marchés publics de services attribués par les fournisseurs de services de médias eux-mêmes visant l’achat, le développement, la production ou la coproduction de programmes prêts à l’utilisation ». Par conséquent, il y a lieu d’écarter l’argument de la République tchèque tiré de ladite directive, laquelle, en tout état de cause, conformément à son article 90 et comme le souligne la République tchèque elle-même, n’était pas temporellement applicable aux faits visés par le présent litige.

74      Il résulte de tout ce qui précède que le moyen unique n’est pas fondé et doit être rejeté, ainsi que, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République tchèque ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

76      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la République de Pologne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République tchèque est condamnée aux dépens.

3)      La République de Pologne supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Marcoulli

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2019.

Signatures


* Langue de procédure : le tchèque

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