Generalstaatsanwaltschaft Hamburg (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-416/20PPU (17 December 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C41620PPU.html
Cite as: ECLI:EU:C:2020:1042, [2020] EUECJ C-416/20PPU, EU:C:2020:1042

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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

17 décembre 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Article 4 bis, paragraphe 1 – Procédures de remise entre États membres – Conditions d’exécution – Motifs de non-exécution facultative – Exceptions – Exécution obligatoire – Peine prononcée par défaut – Fuite de la personne poursuivie – Directive (UE) 2016/343 – Articles 8 et 9 – Droit d’assister à son procès – Exigences en cas de condamnation par défaut – Vérification lors de la remise de la personne condamnée »

Dans l’affaire C‑416/20 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hanseatisches Oberlandesgericht Hamburg (tribunal régional supérieur de Hambourg, Allemagne), par décision du 4 septembre 2020, parvenue à la Cour le 7 septembre 2020, dans la procédure relative à l’exécution de mandats d’arrêt européens émis à l’encontre de

TR

en présence de :

Generalstaatsanwaltschaft Hamburg,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. N. Piçarra, D. Šváby, S. Rodin (rapporteur) et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 novembre 2020,

considérant les observations présentées :

–        pour la Generalstaatsanwaltschaft Hamburg, par M. J. Fröhlich, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller, M. Hellmann et F. Halabi, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane, L.-E. Batagoi et A. Wellman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme J. Sawicka, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. C. Ladenburger et M. Wasmeier ainsi que par Mme S. Grünheid, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 décembre 2020,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 8 et 9 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure d’exécution, en Allemagne, de mandats d’arrêt européens émis le 7 octobre 2019 par la Judecătoria Deva (tribunal de première instance de Deva, Roumanie) et le 4 février 2020 par le Tribunalul Hunedoara (tribunal de grande instance de Hunedoara, Roumanie) aux fins de l’exécution de peines privatives de liberté auxquelles TR a été condamné en son absence par des juridictions roumaines.

 Le cadre juridique

  Le droit de l’Union

 La décision-cadre 2002/584/JAI

3        Les considérants 1, 5 à 7, 10 et 12 de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »), sont ainsi libellés :

« (1)      Selon les conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, et notamment le point 35, il convient de supprimer, entre les États membres, la procédure formelle d’extradition pour les personnes qui tentent d’échapper à la justice après avoir fait l’objet d’une condamnation définitive et d’accélérer les procédures d’extradition relatives aux personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction.

[...]

(5)      L’objectif assigné à l’Union [européenne] de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant pré-sentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

(6)      Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de “pierre angulaire” de la coopération judiciaire.

(7)      Comme l’objectif de remplacer le système d’extradition multilatéral fondé sur la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres agissant unilatéralement et peut donc, en raison de sa dimension et de ses effets, être mieux réalisé au niveau de l’Union, le Conseil peut adopter des mesures, conformément au principe de subsidiarité tel que visé à l’article 2 du traité sur l’Union européenne et à l’article 5 du traité instituant la Communauté européenne. Conformément au principe de proportionnalité, tel que prévu par ce dernier article, la présente décision-cadre n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

[...]

(10)      Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres. La mise en œuvre de celui-ci ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, constatée par le Conseil en application de l’article 7, paragraphe 1, dudit traité avec les conséquences prévues au paragraphe 2 du même article.

[...]

(12)      La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 [UE] et reflétés dans la [c]harte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment son chapitre VI. [...] »

4        L’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », dispose :

« 1.      Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2.      Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3.      La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE]. »

5        L’article 4 bis de ladite décision-cadre, intitulé « Décisions rendues à l’issue d’un procès auquel l’intéressé n’a pas comparu en personne », prévoit :

« 1.      L’autorité judiciaire d’exécution peut également refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision, sauf si le mandat d’arrêt européen indique que l’intéressé, conformément aux autres exigences procédurales définies dans la législation nationale de l’État membre d’émission :

a)      en temps utile,

i)      soit a été cité à personne et a ainsi été informé de la date et du lieu fixés pour le procès qui a mené à la décision, soit a été informé officiellement et effectivement par d’autres moyens de la date et du lieu fixés pour ce procès, de telle sorte qu’il a été établi de manière non équivoque qu’il a eu connaissance du procès prévu ;

et

ii)      a été informé qu’une décision pouvait être rendue en cas de non-comparution ;

ou

b)      ayant eu connaissance du procès prévu, a donné mandat à un conseil juridique, qui a été désigné soit par l’intéressé soit par l’État, pour le défendre au procès, et a été effectivement défendu par ce conseil pendant le procès ;

ou

c)      après s’être vu signifier la décision et avoir été expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d’appel, à laquelle l’intéressé a le droit de participer et qui permet de réexaminer l’affaire sur le fond, en tenant compte des nouveaux éléments de preuve, et peut aboutir à une infirmation de la décision initiale :

i)      a indiqué expressément qu’il ne contestait pas la décision ;

ou

ii)      n’a pas demandé une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d’appel dans le délai imparti ;

ou

d)      n’a pas reçu personnellement la signification de la décision, mais :

i)      la recevra personnellement sans délai après la remise et sera expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d’appel, à laquelle l’intéressé a le droit de participer et qui permet de réexaminer l’affaire sur le fond, en tenant compte des nouveaux éléments de preuve, et peut aboutir à une infirmation de la décision initiale ;

et

ii)      sera informé du délai dans lequel il doit demander une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d’appel, comme le mentionne le mandat d’arrêt européen concerné.

2.      Si le mandat d’arrêt européen est délivré aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté conformément aux dispositions du paragraphe 1, point d), et si l’intéressé n’a pas été officiellement informé auparavant de l’existence de poursuites pénales à son encontre, ledit intéressé peut, au moment où le contenu du mandat d’arrêt européen est porté à sa connaissance, demander à recevoir une copie du jugement avant d’être remis. Dès que l’autorité d’émission est informée de cette demande, elle fournit la copie du jugement à la personne recherchée par l’intermédiaire de l’autorité d’exécution. La demande de la personne recherchée ne retarde ni la procédure de remise, ni la décision d’exécuter le mandat d’arrêt européen. Le jugement est communiqué à l’intéressé pour information uniquement ; cette communication n’est pas considérée comme une signification officielle du jugement et ne fait courir aucun des délais applicables pour demander une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d’appel.

3.      Si la personne est remise conformément aux dispositions du paragraphe 1, point d), et si elle a demandé une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d’appel, son maintien en détention jusqu’au terme de ladite procédure de jugement ou d’appel est examiné, conformément au droit de l’État membre d’émission, soit régulièrement, soit à sa demande. Cet examen porte notamment sur la possibilité de suspendre ou d’interrompre la détention. La nouvelle procédure de jugement ou d’appel commence en temps utile après la remise. »

 La décision-cadre 2009/299

6        Le considérant 1 de la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, portant modification des décisions-cadres 2002/584, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès (JO 2009, L 81, p. 24), énonce :

« Le droit de l’accusé de comparaître en personne au procès est inclus dans le droit à un procès équitable, prévu à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme. La Cour a également déclaré que le droit de l’accusé de comparaître en personne au procès n’était pas absolu et que, dans certaines conditions, l’accusé peut y renoncer, de son plein gré, de manière expresse ou tacite, mais non équivoque. »

 La directive 2016/343

7        Aux termes des considérants 33 et 35 de la directive 2016/343 :

« (33)      Le droit à un procès équitable constitue l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique. Sur celui-ci repose le droit des suspects ou des personnes poursuivies d’assister à leur procès, qui devrait être garanti dans l’ensemble de l’Union.

[...]

(35)      Le droit du suspect ou de la personne poursuivie d’assister à son procès ne revêt pas de caractère absolu. Sous certaines conditions, le suspect ou la personne poursuivie devrait pouvoir y renoncer de manière expresse ou tacite, mais sans équivoque. »

8        L’article 8 de cette directive, intitulé « Droit d’assister à son procès », est ainsi libellé :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies aient le droit d’assister à leur procès.

2.      Les États membres peuvent prévoir qu’un procès pouvant donner lieu à une décision statuant sur la culpabilité ou l’innocence du suspect ou de la personne poursuivie peut se tenir en son absence, pour autant que :

a)      le suspect ou la personne poursuivie ait été informé, en temps utile, de la tenue du procès et des conséquences d’un défaut de comparution ; ou

b)      le suspect ou la personne poursuivie, ayant été informé de la tenue du procès, soit représenté par un avocat mandaté, qui a été désigné soit par le suspect ou la personne poursuivie, soit par l’État.

3.      Une décision prise conformément au paragraphe 2 peut être exécutée à l’encontre du suspect ou de la personne poursuivie concerné.

4.      Lorsque les États membres prévoient la possibilité que des procès se tiennent en l’absence du suspect ou de la personne poursuivie, mais qu’il n’est pas possible de respecter les conditions fixées au paragraphe 2 du présent article parce que le suspect ou la personne poursuivie ne peut être localisé en dépit des efforts raisonnables consentis à cet effet, les États membres peuvent prévoir qu’une décision peut néanmoins être prise et exécutée. Dans de tels cas, les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu’ils sont informés de la décision, en particulier au moment de leur arrestation, soient également informés de la possibilité de contester cette décision et de leur droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, conformément à l’article 9.

5.      Le présent article s’entend sans préjudice des règles nationales qui prévoient que le juge ou la juridiction compétente peut exclure temporairement du procès un suspect ou une personne poursuivie si nécessaire dans l’intérêt du bon déroulement de la procédure pénale, pour autant que les droits de la défense soient respectés.

6.      Le présent article s’entend sans préjudice des règles nationales qui prévoient que la procédure ou certaines parties de celles-ci sont menées par écrit, pour autant que le droit à un procès équitable soit respecté. »

9        L’article 9 de la même directive, intitulé « Droit à un nouveau procès », dispose :

« Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu’ils n’ont pas assisté à leur procès et que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, n’étaient pas réunies, aient droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire, y compris l’examen de nouveaux éléments de preuve, et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale. À cet égard, les États membres veillent à ce que lesdits suspects et personnes poursuivies aient le droit d’être présents, de participer effectivement, conformément aux procédures prévues par le droit national, et d’exercer les droits de la défense. »

 Le droit allemand

10      L’article 83 du Gesetz über die internationale Rechtshilfe in Strafsachen (loi sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale), du 23 décembre 1982 (BGBl.1982 I, p. 2071), dans sa version publiée le 27 juin 1994 (BGBl. 1994 I, p. 1537), prévoit :

« (1)      L’extradition est exclue lorsque

[...]

3)      en cas de demande aux fins de l’exécution d’une peine, la personne condamnée n’a pas comparu en personne à l’audience au procès qui a mené à la condamnation [...]

(2)      Nonobstant le point 3 du paragraphe 1, l’extradition est licite si

1.      la personne condamnée,

a)      en temps utile,

aa)      a été personnellement citée à comparaître au procès qui a mené au jugement ou

bb)      a été informée officiellement et effectivement par d’autres moyens de la date et du lieu fixés pour ce procès, de telle sorte qu’il a été établi de manière non équivoque que la personne condamnée a eu connaissance du procès prévu ; et

b)      a été informée qu’un jugement pouvait être rendu en cas de non comparution,

2.      la personne condamnée, ayant eu connaissance de la procédure dont elle faisait l’objet et à laquelle a participé un avocat, a fait obstacle à sa citation en personne en prenant la fuite ou

3.      la personne condamnée, ayant eu connaissance du procès prévu, a donné mandat à un avocat pour la défendre au procès, et a été effectivement défendue par cet avocat pendant le procès.

[...]

(4)      Nonobstant le paragraphe 1, point 3, l’extradition est également licite si la personne condamnée reçoit le jugement personnellement sans délai après sa remise à l’État membre requérant et qu’elle est expressément informée de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d’appel, visé au paragraphe 3, deuxième phrase, ainsi que des délais impartis à cet effet. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

11      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi, le Hanseatisches Oberlandesgericht Hamburg (tribunal régional supérieur de Hambourg, Allemagne), est saisie de deux mandats d’arrêt européens émis par les autorités roumaines, respectivement, le 7 octobre 2019 et le 4 février 2020, visant la remise de TR, ressortissant roumain, aux fins de l’exécution de peines privatives de liberté auxquelles celui-ci a été condamné en son absence par des juridictions roumaines. TR est actuellement placé sous écrou extraditionnel à Hambourg (Allemagne) depuis le 31 mars 2020.

12      TR a fait l’objet :

–        d’une première condamnation définitive par défaut, par les juridictions roumaines, pour trois délits de menaces et un délit d’incendie volontaire, à une peine privative de liberté de 6 ans et 6 mois et 1 832 jours d’emprisonnement, diminuée de la période déjà accomplie du 1er janvier 2016 au 14 avril 2017 ainsi que de 48 jours supplémentaires, pour avoir commis les infractions de chantage et de destruction (en état de récidive) ;

–        d’une deuxième condamnation par défaut, à une peine privative de liberté de 4 ans dont il doit encore purger 2 ans et 4 mois, majorés d’un reliquat de peine de 1 786 jours résultant d’une autre condamnation, pour avoir commis les infractions d’association de malfaiteurs, de trafic de stupéfiants en relation avec une association de malfaiteurs, deux infractions en matière de sécurité routière et pour coups et blessures.

13      Il ressort de la décision de renvoi que TR a pris la fuite au mois d’octobre 2018 pour se rendre en Allemagne afin de se soustraire aux poursuites pénales engagées contre lui en Roumanie et qui ont abouti aux condamnations visées au point précédent du présent arrêt.

14      À la suite d’une demande de renseignements, les autorités roumaines ont informé le parquet général de Hambourg que, s’agissant des condamnations pénales faisant l’objet des mandats d’arrêt européens du 7 octobre 2019 et du 4 février 2020, la personne poursuivie n’avait pas pu être citée en personne à l’adresse de domicile connue en Roumanie. C’est la raison pour laquelle, conformément au droit roumain, une notification officielle aurait été laissée à chaque fois à l’adresse de la personne poursuivie, le droit roumain prévoyant que, à l’expiration d’un délai de dix jours, les citations sont réputées notifiées.

15      Les autorités roumaines ont ajouté que, dans les deux procédures ayant conduit auxdites condamnations, la personne poursuivie avait été représentée, en première instance, par des avocats de son choix, et que, en appel, elle l’avait été par des avocats commis d’office désignés par les tribunaux.

16      Il résulte du mandat d’arrêt européen émis par la Judecătoria Deva (tribunal de première instance de Deva, Roumanie) ainsi que des informations complémentaires fournies le 20 mai 2020, que, bien qu’ayant connaissance de la procédure dont il faisait l’objet, TR n’a comparu ni au procès en première instance devant ce tribunal ni au procès en appel devant la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie), mais que, ayant connaissance du procès prévu devant la Judecătoria Deva (tribunal de première instance de Deva), TR avait donné mandat à une avocate de son choix qui l’avait effectivement défendu en première instance. Lors du procès en appel, TR avait été représenté par une avocate commise d’office.

17      Toutefois, les autorités roumaines ont refusé de donner suite à la demande des autorités allemandes tendant à obtenir des garanties quant à la réouverture des procédures pénales visées, TR ayant été valablement cité et les condamnations pénales ne pouvant ainsi pas faire l’objet d’une révision en vertu du code de procédure pénale roumain.

18      Par décision du 28 mai 2020, la juridiction de renvoi a, conformément à la réglementation allemande applicable, autorisé la remise de TR à la Roumanie en exécution des mandats d’arrêt européens du 7 octobre 2019 et du 4 février 2020. À cet effet, elle a considéré que, si la remise d’une personne aux fins de l’exécution d’une peine est certes en principe exclue lorsque cette personne n’a pas comparu en personne à l’audience au procès qui a mené à la condamnation, TR avait fait obstacle à sa citation en personne en Roumanie en prenant la fuite vers l’Allemagne. En outre, il aurait bien eu connaissance des procédures le concernant, dans lesquelles il a été représenté par un avocat.

19      TR a émis des objections à son extradition et s’est opposé à l’extradition simplifiée prévue à l’article 41 de la loi sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale.

20      Il conteste la décision du 28 mai 2020 ordonnant son extradition au motif que sa remise à la Roumanie est illicite en raison de l’absence de garantie de la part des autorités roumaines quant à son droit à une réouverture des procédures pénales visées, une telle absence de garantie étant incompatible avec les articles 8 et 9 de la directive 2016/343.

21      Dans ces conditions, le Hanseatisches Oberlandesgericht Hamburg (tribunal régional supérieur de Hambourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« En matière de décisions sur l’extradition aux fins de l’exercice de poursuites pénales d’une personne condamnée par défaut d’un État membre de l’Union européenne vers un autre État membre, les dispositions de la directive (UE) 2016/343, en particulier ses articles 8 et 9, doivent-elles être interprétées en ce sens que la licéité de l’extradition – en particulier en cas de “fuite” – dépend du respect, par l’État requérant, des conditions énoncées dans la directive ? »

 Sur la procédure d’urgence

22      La juridiction de renvoi demande à la Cour que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

23      À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que la question posée par la juridiction de renvoi porte tant sur l’interprétation de la décision-cadre 2002/584 que sur l’interprétation de la directive 2016/343 qui relèvent des domaines visés au titre V, de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Ce renvoi est, par conséquent, susceptible d’être soumis à la procédure préjudicielle d’urgence.

24      En second lieu, s’agissant du critère relatif à l’urgence, il y a lieu, selon la jurisprudence de la Cour, de prendre en considération la circonstance que la personne concernée dans l’affaire au principal est actuellement privée de liberté et que son maintien en détention dépend de la solution du litige au principal (arrêt du 28 novembre 2019, Spetsializirana prokuratura, C‑653/19 PPU, EU:C:2019:1024, point 22).

25      En l’occurrence, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que l’urgence au sens de l’article 107, paragraphe 2, du règlement de procédure résulte des conséquences éventuellement graves qu’une décision tardive pourrait avoir sur la personne faisant l’objet des mandats d’arrêt européens, que la juridiction de renvoi est appelée à exécuter, notamment du fait de la privation de liberté subie par son placement sous écrou extraditionnel à Hambourg depuis le 31 mars 2020 et que sa remise à la Roumanie ou sa libération dépendent de la réponse à la question préjudicielle soumise à la Cour.

26      Dans ces conditions, la quatrième chambre de la Cour a décidé, le 23 septembre 2020, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi de soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure préjudicielle d’urgence.

 Sur la question préjudicielle

27      À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 2 avril 2020, Ruska Federacija, C‑897/19 PPU, EU:C:2020:262, point 43 et jurisprudence citée).

28      En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi est appelée à se prononcer sur la licéité de la remise de TR aux autorités roumaines sur le fondement des dispositions de l’article 83 de la loi sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale qui mettent en œuvre l’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584 dans le droit allemand.

29      La juridiction de renvoi estime que les conditions nécessaires à une telle remise sont remplies dans la mesure où, d’une part, cette personne s’est soustraite, en connaissance de cause, aux procédures ayant donné lieu aux mandats d’arrêt européens que cette juridiction doit exécuter en prenant la fuite en Allemagne et en faisant ainsi obstacle à sa citation en personne et, d’autre part, que ladite personne a été représentée dans le cadre de ces procédures, en première instance, par une avocate de son choix et, en appel, par une avocate commise d’office désignée par les tribunaux. En revanche, devant cette juridiction, TR a soutenu que cette remise n’est pas licite au regard des exigences visées aux articles 8 et 9 de la directive 2016/343, au motif qu’il n’existerait aucune garantie de réouverture des procédures pénales contre lui en Roumanie.

30      Dans ces conditions, il y a lieu de comprendre la question posée comme portant sur le point de savoir si l’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que l’autorité judiciaire d’exécution peut refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne concernée a fait obstacle à sa citation en personne et n’a pas comparu en personne au procès en raison de sa fuite vers l’État membre d’exécution, au seul motif qu’elle ne dispose pas de l’assurance que, en cas de remise à l’État membre d’émission, le droit à un nouveau procès, tel que défini aux articles 8 et 9 de la directive 2016/343, sera respecté.

31      Il convient de rappeler que la décision-cadre 2002/584 a pour objet, ainsi que cela ressort, en particulier, de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, ainsi que des considérants 5 et 7 de celle-ci, de remplacer le système d’extradition multilatéral, fondé sur la convention européenne d’extradition, signée à Paris le 13 décembre 1957, par un système de remise entre les autorités judiciaires des personnes condamnées ou soupçonnées aux fins de l’exécution de jugements ou de poursuites, ce dernier système étant fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle [arrêts du 29 janvier 2013, Radu, C‑396/11, EU:C:2013:39, point 33, et du 11 mars 2020, SF (Mandat d’arrêt européen – Garantie de renvoi dans l’État d’exécution), C‑314/18, EU:C:2020:191, point 37 ainsi que jurisprudence citée].

32      Ladite décision-cadre tend ainsi, par l’instauration d’un nouveau système simplifié et plus efficace de remise des personnes condamnées ou soupçonnées d’avoir enfreint la loi pénale, à faciliter et à accélérer la coopération judiciaire en vue de contribuer à réaliser l’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice en se fondant sur le degré de confiance élevé qui doit exister entre les États membres [arrêts du 26 février 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, point 37, et du 24 septembre 2020, Generalbundesanwalt beim Bundesgerichtshof (Principe de spécialité), C‑195/20 PPU, EU:C:2020:749, point 32 ainsi que jurisprudence citée].

33      Dans le domaine régi par la décision-cadre 2002/584, le principe de reconnaissance mutuelle, qui constitue, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 6 de celle-ci, la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire en matière pénale, trouve application à l’article 1er, paragraphe 2, de cette décision-cadre qui consacre la règle selon laquelle les États membres sont tenus d’exécuter tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de ladite décision-cadre. En effet, selon les dispositions de la même décision-cadre, les États membres ne peuvent refuser d’exécuter un tel mandat que dans les cas de non-exécution obligatoire prévus à l’article 3 de celle-ci ainsi que dans les cas de non-exécution facultative énumérés aux articles 4 et 4 bis de la décision-cadre 2002/584. En outre, l’autorité judiciaire d’exécution ne peut subordonner l’exécution d’un mandat d’arrêt européen qu’aux seules conditions définies à l’article 5 de la décision-cadre 2002/584 (arrêt du 26 février 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, point 38 et jurisprudence citée).

34      Par conséquent, alors que l’exécution du mandat d’arrêt européen constitue le principe, le refus d’exécution est conçu comme une exception qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte [arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 41 et jurisprudence citée].

35      S’agissant, en particulier, du cas de figure où le mandat d’arrêt européen porte sur l’exécution d’une peine prononcée par défaut, l’article 5, point 1, de la décision-cadre 2002/584, dans sa version initiale, prévoyait la règle selon laquelle l’État membre d’exécution pouvait, dans cette hypothèse, subordonner la remise de la personne concernée à la condition qu’une nouvelle procédure de jugement en la présence de cette dernière soit garantie dans l’État membre d’émission (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 52).

36      Cette disposition a été abrogée par la décision-cadre 2009/299 et remplacée, dans la décision-cadre 2002/584, par un nouvel article 4 bis qui limite la possibilité de refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen en énumérant, de façon précise et uniforme, les conditions dans lesquelles la reconnaissance et l’exécution d’une décision rendue à l’issue d’un procès auquel la personne concernée n’a pas comparu en personne ne peuvent pas être refusées (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 53 et jurisprudence citée).

37      Ledit article 4 bis procède à une harmonisation des conditions d’exécution d’un mandat d’arrêt européen en cas de condamnation par défaut, qui reflète le consensus auquel sont parvenus les États membres dans leur ensemble au sujet de la portée qu’il convient de donner, au titre du droit de l’Union, aux droits procéduraux dont bénéficient les personnes condamnées par défaut qui font l’objet d’un mandat d’arrêt européen (arrêt du 26 février 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, point 62).

38      Ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, l’autorité judiciaire d’exécution dispose de la faculté de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen délivré aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sureté privatives de liberté si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision, sauf si le mandat d’arrêt européen indique que les conditions énoncées, respectivement, aux points a) à d) de cette disposition sont remplies (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 54 et jurisprudence citée).

39      L’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584 vise à garantir un niveau de protection élevé et à permettre à l’autorité d’exécution de procéder à la remise de l’intéressé en dépit de son absence au procès qui a mené à sa condamnation, tout en respectant pleinement ses droits de la défense (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 58).

40      Comme la Cour l’a déjà jugé, le législateur de l’Union a ainsi retenu une solution consistant à prévoir de manière exhaustive les cas de figure dans lesquels l’exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré en vue de l’exécution d’une décision rendue par défaut doit être considérée comme ne portant pas atteinte aux droits de la défense (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, point 44).

41      Il s’ensuit que l’autorité judiciaire d’exécution est tenue de procéder à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, nonobstant l’absence de l’intéressé au procès qui a mené à la décision, dès lors que l’existence de l’une des circonstances visées à l’article 4 bis, paragraphe 1, sous a), b), c) ou d), de la décision-cadre 2002/584 est vérifiée (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 55).

42      Par ailleurs, la Cour a jugé que l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 ne méconnaît ni le droit à un recours effectif et à un procès équitable ni les droits de la défense garantis respectivement par l’article 47 et l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux et qu’il est donc compatible avec les exigences de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, points 53 et 54).

43      S’agissant de la directive 2016/343, évoquée par la juridiction de renvoi, il convient de relever que l’article 8, paragraphe 1, de cette directive consacre le droit des suspects et des personnes poursuivies d’assister à leur procès. Toutefois, en vertu du paragraphe 2 de cet article, les États membres peuvent prévoir qu’un procès pouvant donner lieu à une décision statuant sur la culpabilité ou l’innocence du suspect ou de la personne poursuivie peut se tenir en son absence, pour autant que les conditions énoncées à ce paragraphe soient respectées.

44      En outre, aux termes de l’article 9 de ladite directive, les États membres doivent veiller à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu’ils n’ont pas assisté à leur procès et que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 n’étaient pas réunies, aient droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire, y compris l’examen de nouveaux éléments de preuve, et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale.

45      Or, il convient de constater que la décision-cadre 2002/584 contient une disposition spécifique, à savoir l’article 4 bis, qui vise, précisément, l’hypothèse d’un mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, concernant un intéressé qui n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision ayant infligé cette peine ou imposé cette mesure.

46      Dans ce contexte, une éventuelle non-conformité du droit national de l’État membre d’émission aux dispositions de la directive 2016/343 ne saurait constituer un motif pouvant conduire à un refus d’exécution du mandat d’arrêt européen.

47      En effet, invoquer les dispositions d’une directive pour faire obstacle à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen permettrait de contourner le système mis en place par la décision-cadre 2002/584 qui prévoit de manière exhaustive les motifs de non-exécution. Cela est d’autant plus vrai que la directive 2016/343 ne contient pas de dispositions applicables à l’émission et à l’exécution des mandats d’arrêt européens, ainsi que M. l’avocat général l’a en substance constaté aux points 62 et 63 de ses conclusions.

48      Il y a lieu, en outre, de rappeler que la Cour a dit pour droit que, dès lors que l’État membre d’émission a prévu une procédure pénale comportant plusieurs degrés de juridiction et pouvant ainsi donner lieu à des décisions judiciaires successives dont l’une au moins a été rendue par défaut, la notion de « procès qui a mené à la décision », au sens de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise la seule instance à l’issue de laquelle a été rendue la décision qui a statué définitivement sur la culpabilité de l’intéressé ainsi que sur sa condamnation à une peine, telle qu’une mesure privative de liberté, à la suite d’un nouvel examen, en fait comme en droit, de l’affaire quant au fond (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 98).

49      En l’occurrence, les conditions énoncées à l’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584 qui soulèvent un doute qui n’a pas pu être écarté par les réponses reçues aux questions posées par la Cour lors de l’audience, sont celles de l’information officielle et effective de TR ainsi que du mandat donné par TR aux avocats commis d’office par les juridictions roumaines. Selon les indications de la juridiction de renvoi, les mandats d’arrêt européens mentionnés au point 12 du présent arrêt ont été émis à la suite de deux jugements en appel. TR n’aurait pas comparu lors des procès en appel et aurait été représenté par une avocate commise d’office. En revanche, il ressort de ces indications que, s’agissant d’au moins une des procédures en première instance, TR a eu connaissance du procès prévu, il a donné mandat à un conseil juridique désigné par lui–même pour le défendre au procès et a été effectivement défendu par ce conseil pendant le procès.

50      Il s’ensuit que la juridiction de renvoi, à laquelle il incombe de vérifier si les conditions d’une éventuelle application de l’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584 dans l’affaire dont elle est saisie sont remplies, doit, d’abord, déterminer si ce sont les procédures contre TR en première instance ou en appel qui relèvent de la notion de « procès qui a mené à la décision », au sens de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, telle qu’interprétée par la Cour, puis examiner si lesdites conditions sont remplies à l’égard de chacune de ces procédures.

51      Pour le cas où l’autorité judiciaire d’exécution considérerait que les conditions, énoncées audit article 4 bis, paragraphe 1, sous a) ou b), qui font obstacle à la faculté de refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen ne sont pas remplies, ce même article 4 bis prévoyant un cas de non-exécution facultative de ce mandat, ladite juridiction peut, en tout état de cause, prendre en compte d’autres circonstances lui permettant de s’assurer que la remise de l’intéressé n’implique pas une violation de ses droits de la défense et procéder à la remise de celui-ci à l’État membre d’émission (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2016, Dworzecki, C‑108/16 PPU, EU:C:2016:346, point 50).

52      Dans le cadre d’une telle appréciation, l’autorité judiciaire d’exécution pourra ainsi avoir égard au comportement dont a fait preuve l’intéressé. C’est en effet à ce stade de la procédure de remise qu’une attention particulière pourrait être accordée, notamment, au fait que l’intéressé a cherché à échapper à la signification de l’information qui lui était adressée (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2016, Dworzecki, C‑108/16 PPU, EU:C:2016:346, point 51) ou encore qu’il a cherché à éviter tout contact avec les avocats nommés d’office par les juridictions roumaines.

53      De même, l’autorité judiciaire d’exécution pourra également tenir compte de la circonstance, évoquée dans la demande de décision préjudicielle devant la Cour, selon laquelle TR aurait interjeté appel des décisions de première instance, ce qui confirmerait l’existence d’un mandat d’avocat valable en droit roumain.

54      S’il devait s’avérer que ce sont les procédures en première instance et non pas en appel qui relèvent de la notion de « procès qui a mené à la décision », au sens de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, il ressort des indications résumées au point 49 du présent arrêt que les conditions énoncées à l’article 4 bis, paragraphe 1, sous b), de la décision-cadre 2002/584 apparaissent, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, être remplies, à l’égard d’au moins une décision à la base d’un des mandats d’arrêt européens en cause au principal, de telle sorte que la juridiction de renvoi ne disposerait pas de la faculté de refuser, sur le fondement de l’article 4 bis de la décision–cadre 2002/584, l’exécution de ce mandat d’arrêt.

55      Il importe, toutefois, de relever que l’impossibilité d’invoquer la directive 2016/343 pour faire obstacle à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, en dehors des motifs de non-exécution prévus par la décision-cadre 2002/584, n’affecte en rien l’obligation absolue de l’État membre d’émission de respecter au sein de son ordre juridique l’ensemble des dispositions du droit de l’Union, y compris la directive 2016/343. Le cas échéant, le délai pour la transposition de cette directive ayant expiré, l’intéressé pourra, en cas de sa remise à l’État membre d’émission, invoquer devant les juridictions de cet État membre, celles des dispositions de ladite directive qui apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, si cet État s’est abstenu de transposer la même directive dans les délais ou en a fait une transposition incorrecte (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 2017, British Film Institute, C‑592/15, EU:C:2017:117, point 13, et du 4 octobre 2018, Link Logistik N&N, C‑384/17, EU:C:2018:810, point 47).

56      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que l’autorité judiciaire d’exécution ne peut pas refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne concernée a fait obstacle à sa citation en personne et n’a pas comparu en personne au procès en raison de sa fuite vers l’État membre d’exécution, au seul motif qu’elle ne dispose pas de l’assurance que, en cas de remise à l’État membre d’émission, le droit à un nouveau procès, tel que défini aux articles 8 et 9 de la directive 2016/343, sera respecté.

 Sur les dépens

57      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, doit être interprété en ce sens que l’autorité judiciaire d’exécution ne peut pas refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne concernée a fait obstacle à sa citation en personne et n’a pas comparu en personne au procès en raison de sa fuite vers l’État membre d’exécution, au seul motif qu’elle ne dispose pas de l’assurance que, en cas de remise à l’État membre d’émission, le droit à un nouveau procès, tel que défini aux articles 8 et 9 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, sera respecté.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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