WV (Subrogation d'un organisme public au creancier d'aliments) (Opinion) French Text [2020] EUECJ C-540/19_O (18 June 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C54019_O.html
Cite as: EU:C:2020:484, ECLI:EU:C:2020:484, [2020] EUECJ C-540/19_O

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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 18 juin 2020 (1)

Affaire C540/19

WV

contre

Landkreis Harburg

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Compétence en matière d’obligations alimentaires – Lieu de résidence habituelle du créancier d’aliments – Subrogation légale d’une entité publique dans la créance du créancier d’aliments »






1.        Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) demande à la Cour si, en vertu du règlement (CE) no 4/2009 (2), les juridictions allemandes sont compétentes pour statuer sur le recours formé par une entité publique allemande, légalement subrogée dans les droits d’un créancier d’aliments, à l’encontre du débiteur d’aliments résidant en Autriche.

2.        À première vue, il semblerait que ce doute ait déjà été dissipé par la Cour, lorsqu’elle a répondu, en 2014, à une autre demande de décision préjudicielle similaire. Dans l’arrêt Blijdenstein (3), la Cour a jugé que l’entité publique subrogée ne pouvait pas exercer d’action en recouvrement de la créance alimentaire devant les juridictions du lieu de résidence habituelle du créancier d’aliments. La règle applicable à l’époque était l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Bruxelles de 1968 (4).

3.        Malgré l’identité formelle du critère de compétence analysé dans l’arrêt Blijdenstein et de celui visé à l’article 3, sous b), du règlement no 4/2009, des raisons plaident actuellement en faveur d’une interprétation différente.

4.        En effet, la convention de Bruxelles de 1968 [et son successeur, le règlement (CE) no 44/2001 (5)] a fait place au règlement no 4/2009, qui n’est pas une simple reproduction des textes précédents. Afin de garantir dans une plus large mesure les mêmes objectifs, le nouveau règlement adapte les règles de compétence judiciaire internationale entre États membres ; l’interprétation de ces règles devra donc être faite en tenant compte de ce nouveau cadre.

5.        La Cour a par conséquent l’occasion de revoir sa jurisprudence antérieure, dans la mesure où elle ne serait pas conforme au cadre réglementaire en vigueur.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union : le règlement no 4/2009

6.        Aux termes du considérant 15 du règlement no 4/2009 :

« Afin de préserver les intérêts des créanciers d’aliments et de favoriser une bonne administration de la justice au sein de l’Union européenne, les règles relatives à la compétence telles qu’elles résultent du règlement (CE) no 44/2001 devraient être adaptées. La circonstance qu’un défendeur a sa résidence habituelle dans un État tiers ne devrait plus être de nature à exclure l’application des règles communautaires de compétence, et plus aucun renvoi aux règles de compétence du droit national ne devrait désormais être envisagé. Il y a donc lieu de déterminer dans le présent règlement les cas dans lesquels une juridiction d’un État membre peut exercer une compétence subsidiaire. »

7.        Conformément au considérant 44 du règlement no 4/2009 :

« Le présent règlement devrait modifier le règlement (CE) no 44/2001 en remplaçant les dispositions de celui‑ci applicables en matière d’obligations alimentaires. [...] »

8.        L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 4/2009 dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

10) “créancier” : toute personne physique à qui des aliments sont dus ou sont allégués être dus ;

[...] ».

9.        L’article 3 du règlement no 4/2009 énonce :

« Sont compétentes pour statuer en matière d’obligations alimentaires dans les États membres :

a) la juridiction du lieu où le défendeur a sa résidence habituelle, ou

b) la juridiction du lieu où le créancier a sa résidence habituelle, ou

c) la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d’une action relative à l’état des personnes lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d’une des parties, ou

d) la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d’une action relative à la responsabilité parentale lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d’une des parties ».

10.      L’article 64 du règlement no 4/2009 prévoit :

« 1. Aux fins d’une demande de reconnaissance et de déclaration constatant la force exécutoire de décisions ou aux fins de l’exécution de décisions, le terme “créancier” inclut un organisme public agissant à la place d’une personne à laquelle des aliments sont dus ou un organisme auquel est dû le remboursement de prestations fournies à titre d’aliments.

[...]

3. Un organisme public peut demander la reconnaissance et la déclaration constatant la force exécutoire ou demander l’exécution :

a) d’une décision rendue contre un débiteur à la demande d’un organisme public qui poursuit le paiement de prestations fournies à titre d’aliments ;

[...] ».

B.      Le droit allemand

11.      Conformément à l’article 1601 du Bürgerliches Gesetzbuch (6) :

« Les parents en ligne directe se doivent mutuellement aliments ».

12.      Aux termes de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du livre XII du Sozialgesetzbuch (7) :

« Si, en vertu du droit civil, la personne bénéficiant des prestations a, pour la période durant laquelle des prestations ont été servies, droit à des aliments, ce droit est transmis, ensemble avec le droit à information en matière d’obligations alimentaires, à l’institution d’aide sociale à concurrence des sommes versées ».

13.      L’article 94, paragraphe 5, troisième phrase, du SGB XII dispose :

« Il est statué par la voie civile sur les droits visés aux paragraphes 1 à 4 ».

II.    Les faits et la question préjudicielle

14.      La mère de WV, née en 1948, vit depuis 2009 dans une maison de retraite à Cologne (Allemagne). Comme ses revenus et son patrimoine ne suffisent pas à couvrir entièrement ses frais d’hébergement, elle perçoit régulièrement une aide sociale du Landkreis Harburg (district de Harburg, Allemagne), en application du SGB XII.

15.      WV, le fils tenu de verser la pension alimentaire, vit à Vienne (Autriche).

16.      Le Landkreis Harburg exerce contre WV une action en paiement d’arriérés d’aliments pour la période d’avril 2017 à avril 2018 ainsi qu’en paiement régulier de pension alimentaire depuis mai 2018.

17.      Le recours a été introduit devant l’Amtsgericht Köln (tribunal de district de Cologne, Allemagne) ; dans le cadre de cette procédure, l’entité publique a affirmé que, conformément à l’article 94, paragraphe 1, du SGB XII, elle s’était subrogée dans la créance alimentaire que la mère de WV détient à l’égard de WV. Elle a indiqué avoir versé à la mère, pendant la période précitée, des prestations d’aide sociale dont le montant excède sensiblement celui des aliments réclamés.

18.      WV a invoqué l’absence de compétence internationale des juridictions allemandes.

19.      La juridiction de première instance de Cologne a considéré qu’elle n’avait pas compétence internationale et a déclaré le recours irrecevable. Selon elle, conformément à l’article 3, sous b), du règlement no 4/2009, seule la personne à laquelle des aliments sont dus peut être « créancier », et non une entité publique subrogée dans cette créance.

20.      L’entité publique requérante a interjeté appel devant l’Oberlandesgericht (tribunal régional supérieur), qui a annulé la décision contestée et renvoyé l’affaire à la juridiction de première instance afin qu’elle statue à nouveau.

21.      Selon la juridiction d’appel, les tribunaux allemands ont compétence internationale, car le créancier d’aliments peut choisir, conformément à l’article 3, sous a) et b), du règlement no 4/2009, de réclamer les aliments soit devant la juridiction compétente de son lieu de résidence (l’Allemagne), soit devant la juridiction compétente du lieu de résidence du défendeur (dans ce cas, l’Autriche). L’entité publique subrogée dans la créance alimentaire dispose également d’un tel choix.

22.      WV a introduit un pourvoi devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), qui a posé à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Un organisme public, qui a servi à un créancier d’aliments des prestations d’aide sociale en vertu de dispositions du droit public, peut-il se prévaloir du for de la résidence habituelle du créancier d’aliments en vertu de l’article 3, sous b), du règlement no 4/2009, lorsqu’il fait valoir, à titre subrogatoire, à l’encontre du débiteur d’aliments, la créance alimentaire de nature civile du créancier d’aliments qui, du fait de l’octroi de l’aide sociale, lui a été transmise par cession légale ? »

III. La procédure devant la Cour

23.      La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 16 juillet 2019.

24.      Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements de la République fédérale d’Allemagne et du Royaume d’Espagne ainsi que par la Commission européenne.

25.      Il n’a pas été jugé nécessaire de tenir une audience.

IV.    Analyse

A.      Remarque préliminaire

26.      La garantie d’un recouvrement effectif et rapide des obligations alimentaires est essentielle au bien-être de très nombreuses personnes en Europe (8). Afin de la renforcer dans les situations transfrontalières, la convention de Bruxelles de 1968 contenait déjà une disposition spéciale en matière de compétence judiciaire internationale (9). En vertu de celle‑ci (article 5, paragraphe 2, de la convention), le créancier d’aliments pouvait saisir de sa demande la juridiction compétente de l’État membre du domicile du débiteur ou de l’État membre où il avait lui‑même son domicile ou sa résidence habituelle. Cette règle a été intégrée dans le règlement no 44/2001.

27.      Le Conseil européen, réuni à Tampere les 15 et 16 octobre 1999, a invité le Conseil à établir, sur la base de propositions de la Commission, des règles de procédure communes afin de simplifier et d’accélérer le règlement de litiges transfrontaliers en matière d’obligations alimentaires. L’impulsion définitive sera donnée par le programme de La Haye et le plan d’action en découlant (10), qui ont conduit en la matière à l’actuel règlement no 4/2009.

28.      Afin de préserver les intérêts des créanciers d’aliments et de favoriser une bonne administration de la justice au sein de l’Union européenne, le règlement no 4/2009 adapte les règles relatives à la compétence judiciaire existantes. Il contient notamment une réglementation spécifique des réclamations en matière de créances alimentaires qui, bien qu’apparentée aux autres instruments de coopération judiciaire civile, possède ses propres objectifs et son propre système.

29.      Comme je l’expliquerai ci‑après, ces éléments devraient prévaloir dans l’interprétation du (nouveau) texte, contribuant à garantir l’uniformité de son application, qui doit être autonome.

B.      L’état de la question : la jurisprudence antérieure

30.      Depuis l’entrée en vigueur du règlement no 4/2009 (11), plusieurs questions préjudicielles relatives soit à l’article 3 (12) de ce règlement, soit en particulier au point b) de cette disposition (13) ont été posées à la Cour, bien que sous un autre angle que celui de la présente affaire.

31.      Le règlement no 4/2009 n’apporte pas de réponse directe à la question posée par la juridiction a quo, ce qui avait suscité quelques commentaires quant à son manque de clarté sur ce point (14).

32.      À mon avis, on peut trouver dans ce règlement suffisamment d’éléments pour répondre par l’affirmative à la question préjudicielle. Je tenterai d’expliquer pourquoi un organisme public qui a fourni des prestations d’aide sociale à un créancier d’aliments peut réclamer, devant les juridictions du lieu de résidence habituelle de ce dernier, à l’encontre du débiteur d’aliments, la créance alimentaire (15) qui lui a été transmise en vertu d’une subrogation légale.

33.      Cette réponse implique aller au-delà de l’arrêt Blijdenstein, dans lequel, comme je l’ai déjà indiqué, la Cour a jugé que, conformément à l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Bruxelles de 1968, le for de la résidence habituelle du créancier d’aliments ne bénéficie qu’à la personne qui est « personnellement demandeur » (16).

34.      Dans cet arrêt :

–        après avoir rappelé le principe, courant en matière de compétence internationale, selon lequel les règles constituant des exceptions à la compétence des juridictions de l’État du domicile du défendeur doivent être interprétées de manière restrictive, ainsi que l’hostilité de la convention de Bruxelles de 1968 à l’égard de la compétence des juridictions du domicile du demandeur (17), la Cour a qualifié le créancier d’aliments de « partie la plus faible » dans les procédures visant à faire valoir sa créance ;

–        elle a affirmé, à partir de cette prémisse, qu’« un organisme public qui exerce une action récursoire contre un débiteur d’aliments ne se trouve pas dans une situation d’infériorité à l’égard de ce dernier » (18);

–        elle a expliqué que, du point de vue du débiteur, l’article 2, premier alinéa, de la convention de Bruxelles de 1968 (établissant comme règle générale la compétence des juridictions de l’État du domicile du défendeur) vise à « protéger le défendeur, en tant que partie généralement plus faible du fait que c’est lui qui subit l’action du demandeur » (19) ;

–        elle a affirmé, pour conclure, que le tribunal du domicile du défendeur « est le mieux placé pour apprécier les ressources de ce dernier » (20).

35.      Dans des arrêts ultérieurs portant sur l’article 3 du règlement no 4/2009, la Cour a maintenu, relativement à sa jurisprudence antérieure :

–        sa pertinence aux fins de l’analyse des dispositions du nouveau règlement, dans la mesure où elles ont remplacé celles du règlement no 44/2001 (21) ;

–        la conviction que le choix offert au créancier d’aliments (article 3 du règlement no 4/2009) est inspiré par sa qualité de « partie la plus faible » lorsqu’il agit en tant que demandeur (22).

C.      Arguments en faveur d’un changement de jurisprudence

36.      J’exposerai ci‑après les raisons qui, considérées dans leur ensemble (23), pourraient justifier l’abandon du critère établi dans l’arrêt Blijdenstein, à la lumière du nouveau cadre réglementaire (le règlement no 4/2009). Je partage à cet égard le point de vue des gouvernements allemand et espagnol ainsi que de la Commission, qui préconisent cette même solution.

1.      Un nouveau système de règles de compétence judiciaire internationale

a)      Un système complet

37.      Tout d’abord, la thèse de la continuité entre instruments consécutifs n’est ni absolue ni automatique (24). La poursuite de la jurisprudence antérieure est raisonnable s’il n’y a pas de changements législatifs. Dans le règlement no 4/2009, il y en a, même s’ils ne s’apprécient pas à la simple lecture de la disposition applicable, à savoir l’article 3, sous b).

38.       Contrairement à la convention de Bruxelles de 1968 et au règlement no 44/2001, le règlement no 4/2009 ne subordonne pas l’applicabilité de ses règles en matière de compétence judiciaire internationale à la condition que le défendeur soit domicilié dans un État membre (25).

39.      De cet élément normatif découle un premier argument en faveur de la possibilité pour les entités publiques légalement subrogées dans la créance alimentaire d’avoir accès aux juridictions de l’État de résidence du créancier : la protection de leur droit (26).

40.      En effet, ainsi que le souligne la Commission (27), si le débiteur d’aliments était domicilié dans un État tiers, ne pas permettre à l’entité publique subrogée de saisir les juridictions de l’État de la résidence habituelle du créancier reviendrait très probablement à l’obliger à faire valoir son droit en dehors de l’Union européenne.

41.      Pour qu’il n’en aille pas ainsi, il serait nécessaire qu’existe un accord d’élection de for en faveur d’un État membre (article 4), la soumission tacite du défendeur aux juridictions d’un État membre (article 5) ou que le défendeur et l’entité publique partagent la nationalité commune d’un État membre (article 6). Le forum necessitatis prévu à l’article 7 du règlement no 4/2009 n’entre en jeu que dans des cas exceptionnels, ainsi que cette disposition l’indique elle‑même.

42.      Une entité publique contrainte d’introduire sa réclamation dans un pays étranger à l’Union européenne rencontrerait des difficultés supplémentaires non seulement en ce qui concerne la procédure au fond (28), mais probablement aussi après, si elle devait demander la reconnaissance ou l’exécution de la décision rendue dans un autre État. Dans une telle hypothèse, le régime applicable ne serait plus l’un de ceux prévus par le règlement no 4/2009, mais soit un régime conventionnel (multilatéral ou bilatéral), soit celui de la juridiction devant laquelle la reconnaissance ou l’exécution doit être demandée (29).

b)      Un système ayant des critères de compétence judiciaire internationale alternatifs (30)

43.      Outre le fait qu’il n’exige pas, pour que ses dispositions soient applicables, que le défendeur soit domicilié dans un État membre, le règlement n° 4/2009 abandonne le système règle/exception qui était applicable dans la convention de Bruxelles de 1968 et dans le règlement no 44/2001, qui donnait préférence au for du domicile du défendeur et imposait une interprétation stricte des autres fors, notamment ceux attribuant la compétence en fonction de la matière faisant l’objet du litige.

44.      Dans le règlement no 4/2009, la résidence habituelle du défendeur est, certes, la première option offerte par l’article 3, mais celles qui suivent sont établies en tant qu’alternatives à celle‑ci (31)

45.      Le fait que tous les critères de compétence de l’article 3 soient placés au même niveau permet d’écarter, dans le nouveau cadre réglementaire, le raisonnement antérieur de la Cour fondé sur l’aversion à l’égard du for du demandeur et la qualification du défendeur, à titre général, comme étant la partie la plus faible (32).

2.      « Créancier » néquivaut pas à « demandeur »

46.      Dans l’arrêt R, la Cour a indiqué que le créancier d’aliments, en tant que demandeur, dispose de plusieurs fors de compétence, ce qu’elle a expliqué par la nature de « partie la plus faible » de ce dernier et par le fait que l’objectif du règlement no 4/2009 consiste à préserver ses intérêts (33).

47.      Ces affirmations n’impliquent pas que d’autres demandeurs n’aient pas la même possibilité de choisir parmi les juridictions visées à l’article 3 du règlement no 4/2009. En réalité, l’argumentation de l’arrêt R correspondait aux circonstances du litige dans le cadre duquel il a été rendu, mais cet arrêt (ni, par extension, le règlement no 4/2009) ne doit pas forcément être lu en ce sens que les critères de compétence visés à l’article 3 du règlement no 4/2009 sont limités aux seules procédures engagées en personne par une « partie faible ».

48.      Le règlement no 4/2009 n’établit pas d’équivalence entre « créancier » et « demandeur » (34) ni entre « débiteur » et « défendeur ». En fait, l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement décrit une situation dans laquelle le débiteur est le demandeur et limite sa possibilité d’action à l’État membre de la résidence habituelle du créancier (sous certaines conditions).

49.      La définition du créancier – tout comme celle du débiteur – à l’article 2 du règlement no 4/2009 ne couvre que les personnes physiques, mais, comme je viens de le dire, il n’y a pas nécessairement d’identité entre les personnes du « créancier » et du « demandeur ».

50.      En d’autres termes, il ne découle pas de l’article 2, paragraphe 1, point 10, du règlement no 4/2009 que les organismes publics subrogés dans les droits du créancier ne disposent pas d’autres fors que celui de la résidence habituelle du défendeur. L’exclusion de l’entité publique de la définition de l’article 2, paragraphe 1, point 10, du règlement no 4/2009 signifie seulement que sa résidence habituelle (ou son siège) dans un État membre donné ne justifie pas la compétence internationale des juridictions de cet État en vertu de l’article 3, point b), dudit règlement (35).

51.      La possibilité de restreindre les critères de compétence à la disposition des organismes publics a été envisagée à une certaine étape de la procédure législative, mais n’a pas été retenue dans le document final. Dans sa résolution législative du 13 décembre 2007 (36), le Parlement a proposé deux textes pertinents pour ce qui nous intéresse ici : a) à l’article 2, point 9, les organismes public étaient inclus dans la notion de « débiteur » et b) dans un nouvel article, l’article 2 bis, il était prévu que ces organismes n’auraient pas accès à un autre for que celui de la résidence habituelle du défendeur. Les deux propositions ont ensuite disparu (37).

52.      L’article 64 du règlement no 4/2009 appuie également la thèse que je défends, lorsqu’il fait référence aux organismes publics qui réclament le paiement de prestations fournies à titre d’aliments :

–        le paragraphe 1 de cette disposition, à l’instar du considérant 14 du règlement n° 4/2009 (38), étend la notion de « créancier » aux organismes publics, qui peuvent présenter des demandes de reconnaissance ou d’exécution ou, le cas échéant, de déclaration constatant la force exécutoire (39);

–        le paragraphe 3 de cette disposition, qui part de cette prémisse, confère une telle légitimation pour deux types de décisions, dont celle qui nous intéresse ici, la décision « rendue contre un débiteur à la demande d’un organisme public qui poursuit le paiement de prestations fournies à titre d’aliments ». Étant donné que, en règle générale, la demande de reconnaissance, d’exécution ou de déclaration constatant la force exécutoire aura été présentée dans l’État de la résidence habituelle du défendeur, la décision en question aura, par définition, été rendue dans un autre État.

53.      Par conséquent, le règlement no 4/2009 admet, bien qu’implicitement, que les entités publiques utilisent des fors de compétence autres que la résidence habituelle du débiteur.

3.      Les objectifs du règlement no 4/2009

54.      Comme je l’ai déjà souligné, le règlement no 4/2009 vise, de manière générale, à protéger le créancier d’aliments. C’est ce qu’indique son considérant 15, qui relie cet objectif à celui consistant à assurer le recouvrement effectif des créances alimentaires dans des situations transfrontalières (40).

55.      Cet objectif est mieux atteint si l’action récursoire ou en remboursement des entités publiques légalement subrogées dans les droits du créancier d’aliments peut être introduite dans le lieu de résidence habituelle de ce dernier. Le recouvrement des créances alimentaires est ainsi facilité, car ce lieu sera souvent aussi celui du siège de l’entité publique (41).

56.      On pourrait faire valoir que permettre l’action procédurale des organismes publics en ces termes ne favorise pas le créancier lui‑même ; il n’est pas même vraisemblable que cela incite au paiement d’avances au titre de la créance alimentaire du créancier. Je rappelle que c’est ce qui avait été allégué par la juridiction de renvoi dans l’affaire Blijdenstein et que la Cour a rejeté cet argument, soulignant que les organismes publics accordent des avances en exécution de leurs obligations légales (42).

57.      Le règlement no 4/2009 est principalement axé sur le créancier personne physique, mais cela ne signifie pas qu’il limite forcément l’objectif consistant à assurer le recouvrement des créances (dans des situations transfrontalières) à celles qui sont dues à ce créancier, lorsqu’il y a eu subrogation légale en faveur d’une entité publique.

58.      En outre, l’interprétation que je propose renforce la protection du créancier, en conférant aux règles de compétence judiciaire du règlement no 4/2009 un certain effet dissuasif pour le débiteur, qui saura qu’il peut être attrait en justice en dehors de sa résidence habituelle y compris par une entité publique.

59.      Il se produit ainsi un changement qualitatif par rapport au scénario précédent, envisagé dans l’arrêt Blijdenstein. Dans ladite situation, alors que l’organisme public fournissait des prestations d’aide sociale au créancier d’aliments, le débiteur (défendeur parce qu’il ne les payait pas) profitait de l’avantage du for. Ce déséquilibre peut, et doit, être corrigé.

60.      Ainsi que cela a déjà été relevé (43) dans les commentaires sur l’arrêt Blijdenstein et comme les parties le rappellent dans leurs observations, empêcher l’entité publique d’exercer son action dans le lieu de résidence du créancier d’aliments n’incite pas le débiteur à faire face, volontairement, à ses obligations (44).

4.      Arguments supplémentaires

61.      Une autre raison, peut-être de moindre importance théorique, mais dotée d’une importance pratique, plaide en faveur de la thèse que je défends : faire en sorte que la juridiction applique, autant que possible, sa propre loi.

62.      Cet argument, qui a également été invoqué dans le cadre de l’arrêt Blijdenstein (45), n’a pas été retenu à l’époque par la Cour, car il n’existait alors pas d’instrument sur la loi applicable aux obligations alimentaires commun aux États membres (46).

63.      Actuellement, ces États (à l’exception du Danemark) disposent du protocole de La Haye sur la loi applicable aux obligations alimentaires, adopté par l’Union, dont l’article 3 prévoit, à titre de règle, l’application de la loi de l’État de la résidence habituelle du créancier d’aliments (47).

64.      Dans le même ordre d’idées, permettre à l’entité publique d’exercer son action dans le lieu de résidence habituelle du créancier d’aliments conduit au parallélisme forum/ius, étant donné que, comme je l’ai déjà indiqué, ce lieu est normalement aussi celui où l’entité a son siège. Je rappelle que, conformément à l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 4/2009, « [l]e droit d’un organisme public d’agir à la place d’une personne à laquelle des aliments sont dus ou de demander le remboursement de prestations fournies au créancier à titre d’aliments est soumis à la loi qui régit l’organisme ».

65.      Enfin, accepter dans de tels cas comme critère de compétence celui de la résidence habituelle du créancier est justifié par des raisons procédurales de proximité et de bonne administration de la justice, au même titre que le for de la résidence habituelle du débiteur : ce n’est pas pour rien qu’ils sont alternatifs. Ces raisons ne disparaissent pas lorsque ce n’est pas le créancier lui‑même qui introduit l’action, mais une autre personne (publique) qui s’est subrogée dans ses droits.

66.      La juridiction du lieu de résidence habituelle du créancier est la mieux placée pour déterminer quels sont les besoins de ce dernier ; elle est donc également la mieux placée pour déterminer ce que l’entité subrogée dans la créance du créancier d’aliments peut concrètement réclamer (48).

5.      Quelles conséquences sur le débiteur ?

67.      Enfin, j’ajouterai une précision concernant les effets, pour le débiteur, de la possibilité pour l’organisme public subrogé dans la créance du créancier d’exercer son action en justice dans l’État de la résidence habituelle de ce dernier. Les parties qui sont intervenues dans la présente procédure préjudicielle s’y sont également référées.  

68.      Accepter une telle possibilité ne cause pas un désavantage supplémentaire au débiteur défendeur : la juridiction qui connaîtra de la réclamation dirigée à son encontre sera, en définitive, la même que celle que le créancier d’aliments aurait pu saisir, en tant que personne directement concernée.

D.      Considérations subsidiaires

69.      Si la Cour décidait, à l’encontre de la thèse que je soutiens, de confirmer la ligne de l’arrêt Blijdenstein, je crois, à titre subsidiaire, qu’elle devrait en nuancer la portée, à deux égards :

–        le for de la résidence habituelle du créancier d’aliments ne devrait pas être limité à l’action que celui‑ci introduit personnellement (49). Une telle limitation, dans sa lecture la plus littérale, conduirait au résultat illogique d’exclure, par exemple, le tuteur légal d’une personne incapable (le tuteur pouvant être une personne physique ou morale) du bénéfice de pouvoir réclamer les aliments dans le lieu de la résidence habituelle de la personne placée sous tutelle ;

–        il n’y aurait pas non plus lieu de confirmer que « le créancier d’aliments, dont les besoins ont été couverts par les prestations de cet organisme public, ne se trouve plus dans une situation financière précaire » (50). Une telle affirmation pourrait conduire à ce que le critère de compétence dépende des ressources du demandeur (qu’il s’agisse du créancier d’aliments ou du tiers subrogé dans la créance, que ce dernier soit une personne physique ou morale), jusqu’à imposer l’appréciation de sa situation de précarité au cas par cas.

V.      Conclusions

70.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose de répondre au Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) en ces termes :

L’article 3, sous b), du règlement (CE) no 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires, doit être interprété en ce sens qu’un organisme public qui a fourni des prestations d’aide sociale à un créancier d’aliments et qui s’est subrogé légalement dans la créance alimentaire peut réclamer cette dette à la personne qui est tenue de la payer, au moyen d’une action récursoire, devant les juridictions de l’État où le créancier a sa résidence habituelle.


1      Langue originale: l'espagnol.


2      Règlement du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires (JO 2009, L 7, p. 1).


3      Arrêt du 15 janvier 2004, Blijdenstein (C‑433/01, ci‑après l’« arrêt Blijdenstein », EU:C:2004:21).


4      Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32, ci‑après la « convention de Bruxelles de 1968 »).


5      Règlement du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).


6      Code civil (ci‑après le « BGB »).


7      Livre XII du code de la sécurité sociale (ci‑après le « SGB XII »).


8      Cette affirmation figure dans le projet de programme des mesures sur la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, C 12, p. 1), qui a donné la première impulsion aux travaux relatifs à la nouvelle réglementation sur la coopération en matière d’obligations alimentaires.


9      Ainsi que l’explique le rapport Jenard sur la convention de Bruxelles de 1968 (JO 1979, C 59, p. 1), cette réglementation s’inscrivait dans le prolongement de la convention de La Haye, du 15 avril 1958, concernant la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière d’obligations alimentaires.


10      Programme de La Haye : renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union européenne (JO 2005, C 53, p. 1).


11      Voir son article 76. Le règlement est entré en vigueur le 30 janvier 2009 ; il est pleinement applicable depuis le 18 juin 2011, date à laquelle a commencé l’application provisoire du protocole de La Haye de 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires.


12      Arrêts du 16 juillet 2015, A (C‑184/14, EU:C:2015:479) ; du 15 février 2017, W et V (C‑499/15, EU:C:2017:118), et du 5 septembre 2019, R (Compétence responsabilité parentale et obligation alimentaire) (C‑468/18, ci‑après l’« arrêt R », EU:C:2019:666). Voir également ordonnances du 16 janvier 2018, PM (C‑604/17, EU:C:2018:10), et du 3 octobre 2019, OF (Divorce impliquant un enfant mineur) (C‑759/18, EU:C:2019:816).


13      Arrêt du 18 décembre 2014, Sanders et Huber (C‑400/13 et C‑408/13, ci‑après l’« arrêt Sanders et Huber », EU:C:2014:2461).


14      Lipp, V., « Vorbemerkung zu Artikel 3 Verordnung (EG) Nr. 4/2009 des Rates über die Zuständigkeit, das anwendbare Recht, die Anerkennung und Vollstreckung von Entscheidungen und die Zusammenarbeit in Unterhaltssachen (EG-UntVO) », Münchener Kommentar FamFG, vol. 2, 3e édition, 2019, points 29 et suiv.


15      L’entité publique ne pourrait pas recourir aux règles de compétence du règlement no 4/2009 pour obtenir le remboursement de montants qu’elle aurait payés à des titres autres qu’alimentaires.


16      Arrêt Blijdenstein, point 28 et, formulé en d’autres termes, dispositif.


17      Arrêt Blijdenstein, point 25.


18      Arrêt Blijdenstein, point 30. La Cour a ajouté que, « [e]n outre, le créancier d’aliments, dont les besoins ont été couverts par les prestations de cet organisme public, ne se trouve plus dans une situation financière précaire » ; sur la pertinence de ne pas réitérer cette affirmation, voir point 69 des présentes conclusions.


19      Arrêt Blijdenstein, point 29.


20      Arrêt Blijdenstein, point 31.


21      Arrêt Sanders et Huber, point 23.


22      Arrêt Sanders et Huber (point 28) et arrêt R (point 30). Les deux arrêts renvoient au point 29 de l’arrêt Blijdenstein.


23      Il est possible que certaines d’entre elles, considérées séparément, ne soient pas aptes à provoquer un changement de jurisprudence.


24      Ainsi que l’avocat général Jääskinen l’a indiqué aux points 37 et 41 de ses conclusions dans les affaires jointes Sanders et Huber (C‑400/13 et C‑408/13, EU:C:2014:2171) : la transposition des principes qui résultent de la jurisprudence relative aux instruments antérieurs ne saurait être effectuée d’une façon mécanique.


25      Le considérant 15 du règlement no 4/2009 mentionne cette modification et aborde ses conséquences sur les critères de compétence : une fois les systèmes nationaux résiduels éliminés, il est indispensable que le règlement verrouille le corps des règles de compétence judiciaire en le dotant de critères subsidiaires (articles 6 et 7).


26      Les inconvénients pour obtenir cette protection peuvent, à leur tour, avoir une incidence négative sur la réalisation des objectifs du règlement : voir points 54 et suiv. des présentes conclusions.


27      Observations écrites de la Commission, point 20. Voir, dans la doctrine, Lipp, V., précité, point 32.


28      Outre les problèmes liés au fait d’intenter une action en justice à l’étranger, qui sont communs à tout demandeur, un organisme public pourrait être confronté à des obstacles précisément liés à sa nature publique.


29      Cela implique que, en règle générale, l’exécution de la décision nécessitera une déclaration préalable constatant la force exécutoire (exequatur), qui est normalement soumise à des conditions de contrôle de la compétence du juge d’origine, de respect des droits de la défense, de compatibilité avec des décisions antérieures, d’absence d’autres procédures pendantes sur la même question ou sur une question connexe dans le même for, de respect de l’ordre public du for et, parfois, de contrôle de la loi appliquée au fond de l’affaire.


30      Je me réfère ici exclusivement à la relation entre les fors visés à l’article 3 du règlement no 4/2009.


31      Cette particularité du règlement no 4/2009 avait déjà été soulignée par l’avocat général Jääskinen au point 62 de ses conclusions dans les affaires jointes Sanders et Huber (C‑400/13 et C‑408/13, EU:C:2014:2171).


32      Voir point 34 des présentes conclusions. 


33      Arrêt R, points 28 à 33, notamment point 30.


34      La convention de Bruxelles de 1968 ou le règlement no 44/2001 ne le faisaient pas fait non plus. Le rapport Jenard sur la convention de Bruxelles de 1968 fait référence au « demandeur » et non au « créancier » (p. 25).


35      Dans la doctrine, voir par exemple Lipp, V., précité, point 30.


36      Résolution législative du Parlement européen, du 13 décembre 2007, sur la proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires [COM(2005)0649 – C6‑0079/2006 – 2005/0259(CNS)], P6_TA (2007) 0620, amendements 19 et 21 à la proposition de la Commission.


37      Voir document 14066/08 (Add. 1), du 21 octobre 2008, contenant la proposition du Conseil adoptée par la résolution législative du Parlement du 4 décembre 2008, P6_TA(2008)0574.


38      « Il convient de prévoir dans le présent règlement que le terme “créancier” inclut, aux fins d’une demande de reconnaissance et d’exécution d’une décision en matière d’obligations alimentaires, les organismes publics qui ont le droit d’agir en lieu et place d’une personne à laquelle des aliments sont dus ou de demander le remboursement de prestations fournies au créancier à titre d’aliments. [...] »


39      L’article 64 est directement inspiré de l’article 36 de la convention de La Haye du 23 novembre 2007 sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille : voir document 14066/08 (Add. 1), du 21 octobre 2008 – mentionné dans la note en bas de page 37 –, qui contient la proposition du Conseil, l’article 47b, devenu l’article 64 du règlement n° 4/2009. L’article 36 de la convention de La Haye précité reprend à son tour (avec quelques différences) les articles 18 et 19 de la convention de La Haye du 2 octobre 1973 concernant la reconnaissance et l’exécution de décisions relatives aux obligations alimentaires. La qualification des entités publiques de « créanciers » dans ce cadre a pour objet de leur permettre de transmettre leurs demandes par l’intermédiaire des autorités centrales.


40      Voir considérant 45 du règlement no 4/2009 ; d’autres considérants précédents, tels que les considérants 22 ou 31, relient ce même objectif à des solutions ou à des parties spécifiques du règlement.


41      L’argument, qui apparaît également dans les observations du gouvernement allemand (point 20), devrait peut-être être nuancé, étant donné que le patrimoine du débiteur se trouve souvent dans un autre État. En tout état de cause, l’entité publique – ou tout demandeur – qui serait autorisée à saisir les juridictions du pays où se trouve son siège, coïncidant avec la résidence habituelle du créancier lui‑même, obtiendrait plus facilement un titre exécutoire.


42      Arrêt Blijdenstein, point 33.


43      Voir Álvarez González, S., « Acción de regreso alimenticio y competencia judicial internacional : un nuevo paso en la progresiva delimitación del artículo 5.2 del Convenio de Bruselas », La Ley-Unión Europea, año XXV, nº 6116, point 5, avec d’autres références.


44      Observations écrites de la Commission (point 25) et du gouvernement espagnol (point 26).


45      Conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire Blijdenstein (C‑433/01, EU:C:2003:231, points 28 et 29). Il qualifiait lui‑même cet argument d’« accessoire ».


46      La convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires était en vigueur dans onze États membres.


47      Afin de garantir le parallélisme forum/ius, le protocole sur la loi applicable aux obligations alimentaires, conclu à La Haye le 23 novembre 2007, prévoit, dans son article 4, paragraphe 3, que, « [n]onobstant l’article 3, la loi du for s’applique lorsque le créancier a saisi l’autorité compétente de l’État où le débiteur a sa résidence habituelle. [...] ». Il n’exclut toutefois pas d’autres solutions inspirées par d’autres objectifs.


48      Comme indiqué au point 50 de l’arrêt du 4 juin 2020, FX (Opposition à exécution d’une créance d’aliments) (C‑41/19, EU:C:2020:425), mentionnant le point 80 des conclusions de l’avocat général Bobek dans ladite affaire (EU:C:2020:132), l’implication d’un organisme public concerne la façon dont la dette est acquittée ; elle n’a aucune incidence sur le fond de la décision d’aliments, qui demeure inchangée.


49      Voir point 33 des présentes conclusions.


50      Arrêt Blijdenstein, point 30.

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