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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Grammer v EUIPO (Representation d'une figure geometrique) (Order) French Text [2020] EUECJ T-833/19_CO (22 October 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T83319_CO.html Cite as: EU:T:2020:509, ECLI:EU:T:2020:509, [2020] EUECJ T-833/19_CO |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)
22 octobre 2020 (*)
« Recours en annulation – Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant une figure géométrique – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »
Dans l’affaire T‑833/19,
Grammer AG, établie à Ursensollen (Allemagne), représentée par Mes J. Bühling et D. Graetsch, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Fischer, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 19 septembre 2019 (affaire R 1478/2019-2), concernant une demande d’enregistrement d’un signe figuratif représentant une figure géométrique comme marque de l’Union européenne,
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. C. Iliopoulos et R. Norkus, juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 décembre 2019,
vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 12 février 2020,
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige
1 Le 2 mai 2016, la requérante, Grammer AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :
3 Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 12, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports de données, notamment pour le stockage de films ; supports d’enregistrement magnétiques, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; cellules solaires et collecteurs solaires pour la production de courant ; mesures, en particulier instruments de mesure des oscillations ; films ; logiciels ; écrans, éléments de commande électriques et électroniques, manettes de jeux, capteurs ; systèmes de caméras pour la surveillance de véhicules » ;
– classe 12 : « Sièges de véhicules terrestres, marins et aériens ; ceintures de sécurité pour sièges de véhicules terrestres, nautiques et aériens ; aménagements intérieurs de véhicules de locomotion par terre, par eau et par air, notamment appuie-têtes, accoudoirs, revêtements de portes, consoles pour habitacles de véhicules, revêtements latéraux, rembourrages du logement de roue, toits ouvrants, tableaux de bord, porte-gobelets, poches d’habitacle ; recouvrements pour compartiments à bagages, sacs de transport de skis, filets porte-bagages pour véhicules ; grilles d’aération pour véhicules ; garnitures intérieures d’automobiles ; produits laqués comme pièces d’habitacle de véhicules ; grilles de haut-parleurs pour véhicules ; bouches de ventilation pour véhicules ; sièges pour enfants destinés aux véhicules terrestres, aériens et nautiques ; cabines de véhicules, en particulier cabines de véhicules utilitaires et leurs pièces d’aménagement intérieur liées à leur construction ainsi qu’équipements de suspension de cabines de véhicules ; carters pour composants de voitures automobiles autres que pour moteurs ; vitres de véhicules ; jupes avant et arrière pour automobiles ; becquets avant et arrière pour automobiles ; couvercles de carter pour moteurs de véhicules terrestres ; stores pour véhicules et pièces de véhicules ; métaux étirables pour recouvrements de pièces automobiles ; housses de véhicules ; recouvrements pour pièces de véhicules ; grilles d’aération pour véhicules ; associations métal/plastique pour véhicules ; porte-verrou pour véhicules ; couvre-joints pour portières de véhicules ; pièces de véhicules (comprises dans la classe 12) » ;
– classe 41 : « Organisation, organisation et réalisation de séminaires, enseignement et congrès » ;
– classe 42 : « Recherche scientifique, notamment réalisation d’essais et de mesures sur des véhicules ; création de programmes informatiques et de documentation technique pour ces derniers ; développement de matériel informatique ; développement et réalisation de projets dans le domaine de l’électricité et de l’électronique dans le domaine de l’exploitation minière, de la chimie, des machines de construction, des machines agricoles et des outils ; développement de systèmes industriels ».
4 Par ailleurs, le même jour, la requérante a présenté à l’EUIPO, pour les mêmes produits et services que ceux visés au point 3 ci-dessus, une demande d’enregistrement, comme marque de l’Union européenne, du signe figuratif reproduit ci-après, lequel a été enregistré par l’EUIPO le 7 septembre 2016 sous le numéro 15391881 :
5 Par décision du 10 novembre 2016, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de la marque visée au point 2 ci-dessus, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].
6 Le 2 décembre 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinateur.
7 Par décision du 6 septembre 2017 (ci-après la « décision de 2017 »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours contre la décision de l’examinateur.
8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 novembre 2017, la requérante a introduit un recours contre la décision de 2017, enregistré sous le numéro T‑762/17.
9 Par arrêt du 20 mars 2019, Grammer/EUIPO (Représentation d’une forme) (T‑762/17, non publié, EU:T:2019:171), le Tribunal a fait droit au recours formé contre la décision de 2017 en raison d’un défaut de motivation et a annulé cette décision.
10 Devant l’EUIPO, le recours de la requérante contre la décision de l’examinateur du 10 novembre 2016 a été réattribué à la deuxième chambre de recours, sous la référence R 1478/2019-2.
11 Par décision du 19 septembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, la chambre de recours a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.
Conclusions des parties
12 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux de la procédure devant lui.
13 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
14 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
15 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure, et ce même si une partie – en l’occurrence, la requérante – a demandé la tenue d’une audience [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2018, Apcoa Parking Holdings/EUIPO, C‑32/17 P, non publié, EU:C:2018:396, points 22 à 24, et ordonnance du 3 mai 2018, Siberian Vodka/EUIPO – Schwarze und Schlichte (DIAMOND ICE), T‑234/17, non publiée, EU:T:2018:259, point 14].
16 La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et articulé en trois branches. Elle fait valoir, en premier lieu, que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque demandée ne pouvait pas être regardée comme une indication d’origine commerciale, en deuxième lieu, que la chambre de recours a posé des exigences trop élevées concernant la reconnaissance d’un caractère distinctif et, en troisième lieu, que la chambre de recours n’a pas tenu compte de la marque de l’Union européenne demandée le même jour et enregistrée sous le numéro 15391881, une appréciation différente n’étant pas justifiée.
17 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.
18 Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).
19 Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).
Sur la première branche relative à l’aptitude de la marque demandée à indiquer une origine commerciale
20 Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que la marque demandée est susceptible de distinguer ses produits et ses services de ceux d’autres entreprises. À cet effet, elle s’appuie sur trois griefs, concernant le public pertinent, la configuration du signe et les produits et les services visés par la demande.
Sur le public pertinent
21 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était constitué, en partie, par le grand public et, en partie, par un public spécialisé et que ce public faisait preuve d’un degré d’attention allant de normal à supérieur à la moyenne selon les produits et les services concernés (point 15 de la décision attaquée).
22 La requérante indique que les utilisateurs de ses produits « ne sont, régulièrement, pas des consommateurs finaux privés, mais des utilisateurs professionnels », de sorte que la distinction entre grand public et public spécialisé ne s’appliquerait tout au plus qu’aux produits relevant de la classe 9, mais pas aux produits relevant de la classe 12 et aux services relevant des classes 21 et 22, lesquels ne s’adresseraient qu’à un public spécialisé. Ces éléments devraient être pris en compte dans l’appréciation de la capacité du signe à indiquer une origine commerciale. En outre, selon la requérante, cela signifie que le public pertinent fait preuve d’un niveau d’attention élevé et possède une connaissance approfondie du marché, sachant, en outre, que les clients connaissent les fournisseurs et qu’elle est établie sur ce marché depuis des décennies et jouit d’un degré de notoriété exceptionnellement élevé.
23 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
24 Tout d’abord, en ce qui concerne la nature du public pertinent, ainsi que le souligne à juste titre l’EUIPO, il y a lieu de relever que, au point 15 de la décision attaquée, la chambre de recours a opéré une appréciation concernant tous les produits et les services visés par la demande d’enregistrement, en s’appuyant, à titre d’exemple, sur certains des produits relevant de la classe 9 visés par la marque demandée.
25 Or, d’une part, la requérante elle-même admet que les produits relevant de la classe 9 visés par la marque demandée comprennent des produits destinés au grand public et des produits destinés à un public spécialisé. D’autre part, contrairement à ce qui est indiqué par la requérante, les produits et les services relevant des classes 12, 21 et 22 visés par la marque demandée comprennent également des produits et des services pouvant être destinés non seulement à un public spécialisé, mais aussi au grand public, tels que les sacs de transport de skis, les filets porte-bagages pour véhicules, les sièges pour enfants, les stores pour véhicules ou les housses pour véhicules relevant de la classe 12, l’organisation d’enseignements relevant de la classe 21 et la réalisation d’essais et de mesures sur des véhicules ou la réalisation de projets dans le domaine de l’électricité relevant de la classe 22. Par conséquent, la chambre de recours n’a commis aucune erreur d’appréciation en considérant que le public pertinent était composé tant par le grand public que par le public spécialisé. D’ailleurs, la requérante elle-même indique que ses clients ne sont pas régulièrement des consommateurs finaux privés, ce qui n’exclut pas que certains de ses clients soient des consommateurs finaux privés relevant du grand public.
26 Ensuite, en ce qui concerne le degré d’attention du public pertinent, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que ledit public faisait preuve d’un niveau d’attention allant de normal à supérieur à la moyenne (point 15 de la décision attaquée) et, dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif du signe, elle a pris en compte le fait que le degré d’attention d’une partie de ce public était accru (point 22 de la décision attaquée). Par conséquent, contrairement à ce qui est indiqué par la requérante, la chambre de recours n’a nullement omis de prendre en compte le niveau d’attention du public spécialisé.
27 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le fait que le public pertinent est spécialisé ne saurait avoir une influence déterminante sur les critères juridiques utilisés pour l’appréciation du caractère distinctif d’un signe (arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 48). En effet, s’il est certes vrai que le niveau d’attention du public pertinent spécialisé est, par définition, plus élevé que celui du consommateur moyen, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’un caractère distinctif plus faible du signe soit suffisant lorsque le public pertinent est spécialisé [voir arrêt du 4 avril 2019, Stada Arzneimittel/EUIPO (Représentation de deux arches opposées), T‑804/17, non publié, EU:T:2019:218, point 22 et jurisprudence citée].
28 Ainsi, la circonstance que le public pertinent ait un degré d’attention élevé ne confère pas automatiquement à une marque un caractère distinctif suffisant [arrêt du 31 janvier 2017, Coesia/EUIPO (Représentation de deux courbes rouges obliques), T‑130/16, non publié, EU:T:2017:44, point 22]. En revanche, un tel degré d’attention doit être pris en compte lors de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 26 ci-dessus, la chambre de recours a bien pris en compte la circonstance que la partie spécialisée du public pertinent faisait preuve d’un degré d’attention accru.
29 Enfin, l’allégation selon laquelle la requérante serait connue par ses clients et jouirait d’une notoriété exceptionnelle n’est pas pertinente pour la détermination du public pertinent ou de son niveau d’attention, laquelle s’opère au regard des produits et des services visés par la demande d’enregistrement et non pas de la prétendue notoriété de la requérante elle-même. Par ailleurs, il convient de relever que la requérante n’a nullement fait valoir devant les instances de l’EUIPO que la marque demandée jouirait d’un caractère distinctif découlant de son usage.
30 Il s’ensuit que le grief de la requérante relatif au public pertinent doit être écarté.
Sur la configuration du signe
31 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que la marque demandée se composait d’une ligne fermée représentant une figure géométrique bidimensionnelle et que, en particulier, cette figure se composait de deux lignes horizontales parallèles de longueur différente, reliées par deux lignes courbes différentes créant une figure fermée. La chambre de recours a considéré qu’il s’agissait d’une figure géométrique bidimensionnelle très simple, laquelle, tout en n’étant pas une figure géométrique de base, était d’une simplicité comparable à celle d’une figure géométrique de base et ne présentait aucune complexité ou particularité la rendant mémorable. En particulier, la chambre de recours a considéré que la présence de deux lignes courbes reliant les deux lignes droites ne changeait rien à la banalité du signe, dès lors qu’il n’existait aucune indication que les angles et les rayons formant ces courbes soient perçus par les consommateurs comme étant caractéristiques, mémorables ou frappants. Ainsi, la chambre de recours a conclu que, dans l’ensemble, en l’absence d’éléments figuratifs ou verbaux mémorables, la forme constituant la marque demandée n’était pas apte à transmettre le moindre message susceptible de rester dans la mémoire du public, de sorte que, sans accoutumance préalable, elle ne serait pas considérée par le public pertinent comme étant une indication d’une origine commerciale.
32 La requérante fait valoir que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée est banale n’est pas étayée. La chambre de recours aurait décomposé arbitrairement le signe représenté en deux lignes droites et deux lignes courbes, alors que seulement son impression d’ensemble serait déterminante. La description littérale faite par la chambre de recours serait grossièrement simplifiée et ne pourrait pas servir de base pour l’appréciation du caractère distinctif. Selon la requérante, le signe demandé ne serait pas une figure bidimensionnelle comparable à une figure géométrique de base. Le signe demandé combinerait différents éléments de différentes figures de base pour créer une forme originale. L’impression d’ensemble du signe ferait plutôt penser à une silhouette, telle que celle d’un fuselage, d’un train moderne ou d’un pare-brise, ses contours incurvés lui donnant une dynamique particulière. La requérante conclut que, pour le public pertinent, la signification du signe va au-delà de celle d’une figure bidimensionnelle et que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le signe est banal est hors de propos, la décision attaquée contenant de simples affirmations et non pas des motivations solides. Selon la requérante, une configuration graphique non complexe peut constituer une indication d’origine, la forme du signe demandé étant suffisante en soi sans besoin d’ajouter d’éléments mémorables.
33 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
34 L’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne n’est pas subordonné à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque. Il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services protégés par celle-ci et de les distinguer de ceux d’autres entreprises (arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, EU:C:2004:532, point 41).
35 Un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle ou un pentagone conventionnel, n’est pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il n’ait acquis un caractère distinctif par l’usage [voir arrêt du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, EU:T:2009:364, point 26 et jurisprudence citée].
36 La circonstance qu’un signe ne représente pas une figure géométrique de base ne suffit pas, en tant que telle, pour considérer que le signe dispose du minimum de caractère distinctif nécessaire pour pouvoir être enregistré en tant que marque de l’Union européenne. Encore faut-il qu’il présente des caractéristiques facilement et immédiatement mémorisables par le public pertinent, qui lui permettraient d’être appréhendé immédiatement comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2019, Ortlieb Sportartikel/EUIPO (Représentation d’un polygone octogonal), T‑449/18, non publié, EU:T:2019:386, point 28].
37 En l’espèce, d’une part, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, force est de constater que l’appréciation de la chambre de recours est étayée et motivée par tous les éléments mentionnés aux points 16 à 20 de la décision attaquée et rappelés au point 31 ci-dessus, lesquels permettent à la requérante de comprendre le raisonnement retenu par la chambre de recours et au Tribunal d’exercer son contrôle. Par conséquent, dans la mesure où les arguments de la requérante doivent être compris comme excipant d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée, ils doivent être écartés.
38 D’autre part, s’agissant du bien-fondé, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque demandée représentait une figure géométrique bidimensionnelle très simple. En effet, force est de constater qu’elle se compose d’une fine ligne noire dessinant, sur un fond blanc, le contour d’une forme fermée ayant deux côtés droits et parallèles et deux côtés incurvés, sans qu’aucune partie de cette forme, y compris ses parties arrondies, soit frappante ou mémorable.
39 Certes, la forme représentée dans la marque demandée n’est pas une figure géométrique de base. Toutefois, la grande simplicité d’un signe ne se limite pas à ces cas (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, Représentation de deux arches opposées, T‑804/17, non publié, EU:T:2019:218, point 23). En l’espèce, ladite forme ne possède aucun élément visuellement accrocheur ou susceptible d’être gardé en mémoire par le public pertinent. En particulier, si la requérante se réfère aux parties incurvées de cette forme qui lui donneraient une dynamique particulière, la présence de certains côtés ou angles arrondis n’est pas un élément inhabituel, frappant ou mémorable. En d’autres termes, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a pu considérer que la simplicité de la marque demandée était comparable à celle d’une figure géométrique de base [voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2019, Coesia/EUIPO (Représentation de deux courbes rouges obliques), T‑829/17, non publié, EU:T:2019:199, point 54], dès lors qu’elle ne possédait pas de caractéristiques facilement et immédiatement mémorisables aptes à attirer l’attention du public pertinent et à la reconnaître en tant que marque.
40 Dans ce contexte, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait décomposé artificiellement la marque demandée sans prendre en compte son impression d’ensemble, dès lors que, comme il ressort expressément de la décision attaquée, la chambre de recours a bien pris en compte cette impression d’ensemble.
41 En outre, contrairement à ce qui est indiqué par la requérante, la chambre de recours n’a opéré aucune description grossièrement simpliste de la marque demandée, mais a correctement pris en compte ses caractéristiques pour déterminer si elle pouvait être perçue comme une indication de l’origine commerciale des produits et services en cause.
42 En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, la complexité de la forme d’un signe ne saurait dépendre du nombre de mots nécessaires à sa description [voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2011, Air France/OHMI (Forme de parallélogramme), T‑159/10, non publié, EU:T:2011:176, point 23]. Ce qui importe pour l’appréciation du caractère distinctif d’un signe est la réaction spontanée du public pertinent, qui observera le signe sans indication préalable quant à la manière selon laquelle il convient de l’examiner ou quant à l’image qu’il est censé représenter [arrêt du 3 décembre 2015, Omega International/OHMI (Représentation d’un cercle et d’un rectangle blancs dans un rectangle noir), T‑695/14, non publié, EU:T:2015:928, point 46]. Par conséquent, le fait que la requérante décrit la marque demandée comme représentant la silhouette d’un fuselage, d’un train moderne ou d’un pare-brise est, en soi, dépourvu de pertinence pour apprécier son caractère distinctif.
43 Par conséquent, la chambre de recours a correctement appliqué au cas d’espèce la jurisprudence et les critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, tels que rappelés aux points 34 à 36 ci-dessus.
44 Il s’ensuit que le grief de la requérante visant la configuration du signe doit être écarté.
Sur les produits et services visés par la marque demandée
45 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que l’appréciation selon laquelle la marque demandée ne permettait pas de déduire une origine commerciale s’appliquait à tous les produits et les services en cause. Selon la chambre de recours, même si ces produits et ces services sont très différents, ils partagent tous la même caractéristique, à savoir, en substance, qu’une forme simple telle que la marque demandée n’est pas comprise comme une indication d’une origine commerciale, de sorte qu’ils peuvent être réunis en un seul et même groupe homogène.
46 La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas opéré de distinction entre les différents produits et services, mais a appliqué à tous les produits et services l’appréciation faite s’agissant des produits relevant de la classe 9. Cela serait erroné, puisque le signe constituerait une configuration établissant une indication d’origine pour tous les produits et les services demandés.
47 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
48 Force est de constater que le troisième grief n’est nullement étayé, la requérante n’invoquant aucun élément qui permettrait de comprendre dans quelle mesure l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée pourrait varier au regard des différents produits et services visés par la demande d’enregistrement.
49 Au demeurant, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, la chambre de recours n’a nullement limité son analyse aux produits relevant de la classe 9 et appliqué cette analyse aux autres produits et services, mais a examiné la forme représentée dans la marque demandée au regard de tous les produits et services visés par cette demande et de la perception qu’en aurait le public pertinent.
50 En particulier, la chambre de recours a à juste titre précisé que la marqué demandée était constituée d’une forme bidimensionnelle simple, d’une simplicité analogue à celle d’une figure géométrique de base, laquelle n’était susceptible d’être comprise comme indiquant l’origine commerciale d’aucun des produits et services visés par la demande d’enregistrement, dès lors qu’elle ne possédait pas de caractéristiques facilement et immédiatement mémorisables. Ainsi, la motivation retenue par la chambre de recours était indistinctement applicable à tous les produits et services visés par la demande d’enregistrement [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2018, Bopp/EUIPO (Représentation d’un octogone équilatéral), T‑460/17, non publié, EU:T:2018:816, point 57].
51 Il s’ensuit que le grief de la requérante relatif aux produits et aux services visés par la marque demandée doit être écarté.
52 Partant, c’est à juste titre que, conformément aux principes découlant de la jurisprudence rappelée aux points 18 et 19 ci-dessus, la chambre de recours a conclu que la marque demandée n’était pas susceptible d’être considérée par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services en cause.
53 Par conséquent, la première branche du moyen unique doit être écartée comme étant manifestement non fondée.
Sur la deuxième branche visant les exigences relatives au caractère distinctif
54 Dans le cadre de la deuxième branche, la requérante fait valoir que si la chambre de recours a rappelé que le motif de refus ne s’appliquait pas lorsqu’il existait un minimum de caractère distinctif, elle a tiré des conclusions erronées de l’application de ce principe. En particulier, en partant de la considération erronée selon laquelle le signe serait une configuration banale, la chambre de recours ne se prononcerait pas sur la question de savoir si le minimum de caractère distinctif a été atteint en l’espèce et méconnaîtrait le fait que la marque demandée atteint ce minimum, même si elle ne doit pas se voir attribuer un caractère distinctif accru. La chambre de recours aurait nié tout caractère distinctif, alors qu’un signe très simple pourrait avoir un caractère distinctif, tel qu’en l’espèce.
55 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
56 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne soit pas applicable [arrêt du 5 avril 2017, Anta (China)/EUIPO (Représentation de deux lignes formant un angle aigu), T‑291/16, non publié, EU:T:2017:253, point 17].
57 Or, à cet égard, force est de constater que, d’une part, la chambre de recours a expressément rappelé ce principe et que, d’autre part, contrairement à ce qui est indiqué par la requérante, la chambre de recours n’a nullement omis d’examiner si la marque demandée disposait d’un minimum de caractère distinctif, mais, au contraire, elle a clairement indiqué que la marque demandée ne disposait pas de ce minimum. D’ailleurs, l’argument de la requérante se limite à une contestation d’ordre général. Dans la décision attaquée, rien n’indique que la chambre de recours aurait reconnu un minimum de caractère distinctif au signe demandé.
58 En outre, il y a lieu de relever que la chambre de recours n’a pas nié qu’un signe simple, voire même très simple, pût disposer d’un minimum de caractère distinctif, mais a correctement relevé que la marque demandée ne présentait aucun élément susceptible d’être gardé en mémoire par le public pertinent et de lui permettre de servir, pour le public pertinent, d’indication de l’origine commerciale des produits et des services en cause.
59 C’est ainsi sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a pu considérer que la marque demandée se heurtait au motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
60 Par conséquent, la deuxième branche du moyen unique doit être écartée comme étant manifestement non fondée.
Sur la troisième branche visant les enregistrements antérieurs
61 Dans le cadre de la troisième branche, la requérante fait valoir, d’une part, que le raisonnement de la chambre de recours au regard de l’enregistrement antérieur no 15391881 visé au point 4 ci-dessus est erroné. Entre la marque demandée et ledit enregistrement, les différences nettes invoquées par l’EUIPO n’existeraient pas, le simple fait de doubler le contour ne justifierait pas de traiter les deux demandes de manière différente. La requérante s’attendrait à ce que ses demandes soient traitées de la même manière, dès lors qu’il n’y a aucune différence matérielle justifiant un traitement différent de celles-ci et que l’EUIPO ne serait pas non plus en mesure de faire état de ces différences. D’autre part, la requérante indique que l’EUIPO n’a pas tenu compte des décisions d’enregistrement des signes simples citées dans la procédure de recours.
62 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
63 Les décisions que l’EUIPO est conduit à prendre en vertu du règlement 2017/1001 concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union européenne, et non sur la base d’une pratique administrative antérieure à celles-ci (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).
64 Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 76 et 77).
65 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 59 ci-dessus, la chambre de recours a considéré à juste titre que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’EUIPO, y compris une décision sur une autre demande d’enregistrement présentée par elle-même.
66 Lorsque les instances de l’EUIPO décident de retenir une appréciation différente de celle adoptée dans leurs décisions antérieures, il leur appartient, eu égard au contexte dans lequel elles adoptent leur nouvelle décision, l’invocation de telles décisions antérieures faisant partie dudit contexte, de motiver explicitement cette divergence par rapport auxdites décisions (arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 66).
67 Or, en l’espèce, ainsi que l’a indiqué la chambre de recours dans la décision attaquée, force est de constater que, d’une part, la marque visée au point 4 ci-dessus a été enregistrée par l’examinateur sans qu’elle se soit prononcée à cet égard et que, d’autre part, ladite marque présente des différences par rapport à la marque demandée. En effet, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, il est manifeste que ladite marque possède un contour formé par un trait double, tandis que la marque demandée ne possède qu’un contour formé par un trait simple. En particulier, en plus d’une ligne fermée analogue à celle constituant la marqué demandée, ladite marque se constitue également d’une seconde ligne fermée plus petite que la première et interne au contour dessiné par celle-ci. Ainsi, indépendamment de la question de savoir si c’est à juste titre que l’examinateur a enregistré la marque visée au point 4 ci-dessus, ce qui ne relève pas de l’objet du présent litige, ladite marque présente des différences par rapport à la marque demandée.
68 Par ailleurs, si la requérante invoque d’autres enregistrements antérieurs de signes simples qu’elle aurait cités dans la procédure de recours, il y a lieu de relever que, dans la requête, elle ne se réfère précisément à aucun autre signe ou décision, de sorte qu’un tel argument vague ne saurait remettre en cause la légalité de la décision attaquée.
69 Au demeurant, il a déjà été jugé que le seul fait que d’autres marques, même simples, avaient été considérées comme ayant la capacité d’être perçues, par le public pertinent, comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause, sans confusion possible avec ceux qui avaient une autre provenance et, dès lors, comme n’étant pas dépourvues de tout caractère distinctif, n’était pas concluant pour déterminer si la marque demandée possédait le caractère distinctif minimal nécessaire pour pouvoir être enregistrée comme marque de l’Union européenne (arrêts du 29 septembre 2009, Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, T‑139/08, EU:T:2009:364, point 34, et du 5 avril 2017, Représentation de deux lignes formant un angle aigu, T‑291/16, non publié, EU:T:2017:253, point 52).
70 C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que les enregistrements antérieurs invoqués par la requérante ne permettaient pas d’aboutir à une conclusion différente quant à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée.
71 Par conséquent, la troisième branche du moyen unique doit être écartée comme étant manifestement non fondée.
72 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique de la requérante et, partant, le recours dans son ensemble comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Sur les dépens
73 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
74 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
2) Grammer AG est condamnée aux dépens.
Fait à Luxembourg, le 22 octobre 2020.
Le greffier | La présidente |
E. Coulon | A. Marcoulli |
* Langue de procédure : l’allemand.
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