TL () and de traduction) (Opinion) French Text [2022] EUECJ C-242/22PPU_O (14 July 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C24222PPU_O.html
Cite as: EU:C:2022:580, [2022] EUECJ C-242/22PPU_O, ECLI:EU:C:2022:580

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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 14 juillet 2022(1)

Affaire C242/22 (PPU)

TL,

En présence de :

Ministério Público

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal da Relação de Évora (Cour d’appel d’Évora, Portugal)]

« Renvoi préjudiciel – Directives 2010/64/UE et 2012/13/UE – Champ d’application – Droit à l’interprétation, à la traduction et à l’information dans le cadre des procédures pénales – Notion de document essentiel – Déclaration d’identité et de résidence dans la langue de procédure que le suspect ou la personne poursuivie ne comprend pas – Absence d’interprétation et de traduction – Non-respect des conditions du sursis à l’exécution d’une condamnation pour s’être absenté du domicile désigné – Ordonnance définitive de révocation du sursis à l’exécution de la condamnation – Révocabilité – Chose jugée »






1.        La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’application des directives 2010/64/UE (2) et 2012/13/UE (3) dans le cadre d’une procédure pénale dans laquelle une juridiction portugaise a condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans une personne (« TL ») de nationalité moldave qui ne comprend que le roumain, langue officielle dans son pays.

2.        Au moyen de son jugement de condamnation, cette juridiction a décidé d’accorder un sursis à l’exécution de la peine, assorti de certaines conditions. L’une d’entre elles était que TL devait être joignable à la résidence qu’il avait indiquée dans la « déclaration d’identité et de résidence » (ci-après la « DIR »). TL n’ayant pas été trouvé à ce domicile, le sursis à exécution a été révoqué et il a été incarcéré aux fins de l’exécution de la peine.

3.        Étant donné que, lors de l’établissement de la DIR et de la réalisation d’autres formalités procédurales, la présence d’un interprète et la traduction de certains documents en langue roumaine avaient été omises, le Tribunal da Relação de Évora (Cour d’appel d’Évora, Portugal) interroge la Cour sur l’interprétation des deux directives susmentionnées, en ce qui concerne la nullité des actes accomplis sans se conformer à leurs prescriptions.

I.      Cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      Directive 2010/64

4.        L’article 1er, intitulé « Objet et champ d’application », est libellé comme suit :

« 1.      La présente directive définit des règles concernant le droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.

2.      Le droit visé au paragraphe 1 s’applique aux personnes dès le moment où elles sont informées par les autorités compétentes d’un État membre, par notification officielle ou par tout autre moyen, qu’elles sont suspectées ou poursuivies pour avoir commis une infraction, jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir si elles ont commis l’infraction, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel.

[...] ».

5.        L’article 2 (« Droit à l’interprétation ») prévoit :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies qui ne parlent ou ne comprennent pas la langue de la procédure pénale concernée se voient offrir sans délai l’assistance d’un interprète durant cette procédure pénale devant les services d’enquête et les autorités judiciaires, y compris durant les interrogatoires menés par la police, toutes les audiences et les éventuelles audiences intermédiaires requises.

[...] ».

6.        L’article 3 (« Droit à la traduction des documents essentiels ») énonce :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies qui ne comprennent pas la langue de la procédure pénale concernée bénéficient, dans un délai raisonnable, de la traduction écrite de tous les documents essentiels pour leur permettre d’exercer leurs droits de défense et pour garantir le caractère équitable de la procédure.

2.      Parmi ces documents essentiels figurent toute décision privative de liberté, toutes charges ou tout acte d’accusation, et tout jugement.

3.      Les autorités compétentes décident cas par cas si tout autre document est essentiel. Les suspects ou les personnes poursuivies, ou leur conseil juridique, peuvent présenter une demande motivée à cet effet.

[...] ».

2.      Directive 2012/13

7.        Aux termes de l’article 2 (« Champ d’application ») :

« 1.      La présente directive s’applique dès le moment où des personnes sont informées par les autorités compétentes d’un État membre qu’elles sont soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ou qu’elles sont poursuivies à ce titre, et jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir si le suspect ou la personne poursuivie a commis l’infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel.

[...] ».

8.        L’article 3 (« Droit d’être informé de ses droits ») stipule :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies reçoivent rapidement des informations concernant, au minimum, les droits procéduraux qui figurent ci-après, tels qu’ils s’appliquent dans le cadre de leur droit national, de façon à permettre l’exercice effectif de ces droits :

[...]

d) le droit à l’interprétation et à la traduction ;

[...] ».

9.        L’article 8 (« Vérification et voies de recours ») prévoit :

« [...]

2.      Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, ou leur avocat, aient le droit de contester, conformément aux procédures nationales, le fait éventuel que les autorités compétentes ne fournissent pas ou refusent de fournir des informations conformément à la présente directive. »

B.      Le droit portugais. Código de processo penal (4) 

10.      Aux termes de l’article 57 (intitulé « Qualité d’‘arguido »), revêt le statut d’« arguido » toute personne à l’encontre de laquelle une accusation a été formulée ou une instruction a été requise dans le cadre d’une procédure pénale.

11.      L’article 61 (« Droits et obligations durant la procédure »), paragraphe 1, sous h), reconnaît à l’« arguido », à tout stade de la procédure et sous réserve des exceptions prévues par la loi, le droit d’être informé, par l’autorité judiciaire ou par l’organe de police criminelle devant lesquels il est tenu de comparaître, des droits qui lui sont conférés.

12.      L’article 92 (« Langue des actes et désignation d’un interprète ») prévoit l’utilisation de la langue portugaise pour les actes de procédure tant écrits qu’oraux ; toutefois, lorsqu’une personne qui ne connaît pas ou ne maîtrise pas cette langue est appelée à intervenir dans la procédure, un interprète est désigné.

13.      L’article 113 (« Règles générales sur les significations ») prévoit à son paragraphe 10 que les significations destinées à l’« arguido » peuvent être adressées à son avocat ou à son défenseur. Sont exclues les significations qui concernent l’accusation, la décision d’instruction, la date prévue du procès et du jugement, ainsi que celles relatives à l’application de mesures de contrainte, lesquelles doivent également être notifiées à l’avocat.

14.      L’article 119 (« Nullités irrémédiables ») comprend six cas de nullités auxquelles il ne saurait être remédié, qui doivent être relevées d’office à tout stade de la procédure.(5)

15.      En vertu de l’article 120 (« Nullités devant être invoquées »), paragraphe 1, toute nullité autre que celles visées à l’article 119 doit être invoquée par l’intéressé. Le paragraphe 2 de cette disposition énumère les nullités dépendant de l’invocation, parmi lesquelles figure l’« absence de désignation d’un interprète, dans les cas où la loi le considère comme obligatoire » [(sous c)].

16.       Conformément à l’article 120, paragraphe 3, les nullités devant être invoquées doivent être soulevées :

–        S’agissant de la nullité d’un acte auquel l’intéressé assiste, avant l’achèvement de cet acte [(sous a)].

–        S’agissant de la nullité relative à l’enquête ou à l’instruction, jusqu’à la clôture du débat de l’instruction préalable ou, en l’absence d’instruction, jusqu’à cinq jours après la notification de l’ordonnance de clôture de l’enquête [(sous c)].

17.      L’article 196 (« Déclaration d’identité et de résidence ») dispose que l’autorité judiciaire ou l’organe de police criminelle exigent une DIR de toute personne ayant acquis le statut d’« arguido ». Aux fins des significations, cette personne doit indiquer son lieu de résidence, de travail ou tout autre domicile de son choix.

18.      Selon l’article 196, paragraphe 3, la DIR doit indiquer que l’« arguido » a été informé de ce qui suit :

–        Il est tenu de comparaître devant l’autorité compétente ou de rester à sa disposition, chaque fois que la loi l’y oblige ou qu’une signification lui a été adressée à cet effet.

–        Il a l’obligation de ne pas changer de résidence ni de s’en absenter pendant plus de cinq jours sans notifier sa nouvelle adresse ou le lieu où il peut être trouvé.

–        Les notifications ultérieures sont faites par simple voie postale à la résidence indiquée, à moins que la personne poursuivie n’en communique une autre par demande remise ou envoyée par lettre recommandée au greffe de la juridiction dans laquelle la procédure est alors en cours.

–        Le non‑respect du contenu des points précédents légitime qu’il soit représenté par son défenseur pour tous les actes de procédure auxquels il a le droit ou le devoir d’assister en personne, et il légitime également que l’audience soit tenue en son absence, conformément à l’article 333.

19.      L’article 495 (« Non-respect des conditions du sursis à exécution ») régit les démarches qui peuvent conduire à la révocation du sursis à l’exécution de la peine.

II.    Les faits, le litige et la question préjudicielle

20.      Le 10 juillet 2019, l’ordonnance conférant le statut d’« arguido » à TL, qui ne comprend ni ne s’exprime dans la langue portugaise, a été rendue.

21.      Cet acte a été « rédigé en langue portugaise et traduit dans la langue officielle de la Moldavie, la langue roumaine, conformément à ce qui résulte de l’acte correspondant signé par ce dernier. » (6)

22.      Le même jour, la DIR a été établie, sans l’intervention d’un interprète de la langue roumaine et sans que le document ne soit traduit dans cette langue.

23.      Il ressortait des documents afférents à la DIR que TL avait été informé de l’obligation de comparaître devant les autorités et de faire connaître ses changements de résidence, ainsi que des conséquences du non‑respect desdites obligations.

24.      Lors de l’audience à laquelle TL a assisté personnellement, les faits qui lui étaient reprochés ont été jugés, il a été entendu et il a été défendu par un avocat. Il a également bénéficié, à ce stade, de la présence d’un interprète « désigné pour traduire les actes de l’audience ».

25.      Par jugement du 11 juillet 2019, devenu définitif le 26 septembre 2019, le Tribunal judicial da comarca de Beja (tribunal de première instance de Beja, Portugal), a condamné TL à une peine d’emprisonnement de trois ans, mais il a sursis à son exécution.

26.      La Direção-Geral de Reinserção e Serviços Prisionais (direction générale de la réinsertion et des services pénitentiaires, Portugal) a tenté à plusieurs reprises et sans succès de localiser TL au domicile indiqué dans la DIR.

27.      Le 7 janvier 2021, le tribunal qui avait adopté le jugement a rendu une ordonnance invitant TL à comparaître afin de vérifier le respect des conditions fixées pour le sursis à l’exécution de la peine. Le 12 janvier 2021, une convocation lui a été signifiée, par lettre recommandée, à l’adresse figurant dans la DIR. Le 6 avril 2021, l’envoi de la convocation par la même voie a été réitéré.

28.      TL ne s’est pas présenté devant le tribunal à la date indiquée dans les convocations.

29.      Le 9 juin 2021, le Tribunal judicial da comarca de Beja (tribunal de première instance de Beja, Portugal), a rendu une ordonnance révoquant le sursis à l’exécution de la condamnation infligée à TL et ordonnant son arrestation.

30.      L’ordonnance de révocation, rédigée en portugais et sans traduction en langue roumaine, a été signifiée le 25 juin 2021 tant à l’adresse indiquée dans la DIR qu’à l’avocat de TL. En l’absence de recours dans les délais, elle est devenue définitive le 20 septembre 2021.

31.      Le 30 septembre 2021, TL a été arrêté afin d’accomplir sa peine. Depuis cette date, il est privé de liberté.

32.      Le 11 octobre 2021, TL a désigné un nouvel avocat pour l’assister et, le 18 novembre 2021, il a déposé une requête visant à demander la nullité de l’ordonnance lui conférant la qualité d’« arguido », celle de la DIR, celle de l’ordonnance le convoquant afin de clarifier les circonstances du non‑respect des conditions du sursis à l’exécution de la condamnation, celle des tentatives de signification et celle de l’ordonnance de révocation dudit sursis.

33.      À l’appui de la demande en nullité de ces actes, TL a fait valoir qu’il n’avait pas reçu les significations parce qu’il avait changé de lieu de résidence. Il n’avait pas communiqué ce changement parce qu’il ignorait qu’il était tenu de le faire, comme il ignorait les conséquences associées à cette omission, la DIR n’ayant pas été traduite en langue roumaine.

34.      Le ministère public s’est opposé à la demande de nullité en faisant valoir que les vices dénoncés auraient pu, tout au plus, constituer un cas de nullité relative tel que visé à l’article 120 du CPP, mais que les actes avaient été signifiés à l’avocat de TL, qui ne les avait ni contestés ni attaqués dans le délai qui lui était imparti pour le faire.

35.      Par ordonnance du 20 novembre 2021, le tribunal ayant adopté le jugement a rejeté la demande en nullité au motif que : (7)

–        les vices résultant de l’absence de désignation d’un interprète et de l’omission de traduction de la DIR et de l’ordonnance de révocation du sursis à exécution de la condamnation de TL constituent des cas de nullité relative qui ne peuvent être invoqués que par l’exercice des voies de recours prévues par la loi. À l’expiration des délais impartis pour l’exercice desdites voies de recours sans que celles-ci aient été utilisées, ces nullités sont réputées régularisées.

–        TL a assisté personnellement au procès, il a été entendu et a été défendu par un avocat. Son droit de prendre position sur toute décision susceptible de l’affecter personnellement, qui a pu être exercé par son avocat, a été respecté. Son avocat a reçu toutes les significations des actes de procédure accomplis au cours de l’instance, notamment du jugement, de l’ordonnance de fixation d’une audience afin d’apprécier le respect des conditions auxquelles était subordonné le sursis à l’exécution de la condamnation et de l’ordonnance de révocation de ce sursis.

–        Toutes les décisions notifiées ont acquis la force de chose jugée parce qu’elles n’ont pas fait l’objet d’un recours, de sorte que tout vice de procédure doit être considéré comme régularisé.

36.      TL a interjeté appel contre cette ordonnance devant le Tribunal da Relação de Évora (Cour d’appel d’Évora, Portugal), qui a posé à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les articles 1 à 3 de la directive 2010/64 et l’article 3 de la directive 2012/13, […] du Parlement européen et du Conseil, considérés isolément ou en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme [CEDH], peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une disposition de droit national qui, d’une part, frappe de nullité relative, devant être invoquée, l’absence de désignation d’un interprète et de traduction d’actes de procédure essentiels à une personne dont la responsabilité pénale est en cours d’établissement et qui ne comprend pas la langue de procédure, et, d’autre part, permet la couverture de ce type de nullité par l’écoulement du temps ? »

III. La procédure devant la Cour

37.      La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au Greffe de la Cour le 6 avril 2022.

38.      Le 12 mai 2002, la Cour a fait droit à la demande de traitement de ce renvoi préjudiciel selon la procédure d’urgence.

39.      Des observations écrites ont été déposées par TL, par le gouvernement portugais et par la Commission européenne. Seuls ces deux derniers se sont présentés à l’audience qui s’est tenue le 27 juin 2022.

IV.    Appréciation

A.      Préliminaire. Délimitation de l’objet du débat

40.      Bien que TL ait invoqué la nullité d’autres actes de la procédure pénale,(8) les trois actes sur lesquels la juridiction de renvoi centre son attention sont les suivants : a) la DIR ; b) l’ordonnance prescrivant la comparution de TL devant le tribunal pour y être entendu sur le non‑respect des conditions auxquelles était soumis le sursis à l’exécution de la peine ; et c) la révocation de ce sursis. (9)

41.      La demande de décision préjudicielle part de ces prémisses :

–        Les dispositions pertinentes des directives 2010/64 et 2012/13 sont applicables au litige, même si ces directives n’ont pas été transposées en droit national. (10)

–        Les dispositions invoquées ont un « effet direct vertical », en tant que règles claires, précises et inconditionnelles conférant des droits aux particuliers.

–        Les trois actes visés au point 40 peuvent relever de la notion de « documents essentiels » de la procédure pénale.

–        L’absence d’intervention d’un interprète et l’absence de traduction en langue roumaine des documents afférents à ces actes constitue un cas de nullité relative (non absolue) parmi ceux énumérés à l’article 120 du CPP.

–        Le doute concerne la question de savoir si, comme l’avait décidé la juridiction de première instance, les nullités pour défaut d’interprétation et de traduction peuvent être considérées comme étant « couvertes » parce que les actes de procédure correspondants n’avaient pas fait l’objet de recours dans les délais.

B.      Applicabilité des directives 2010/64 et 2012/13

1.      En termes généraux

42.      L’article 2 de la directive 2010/64 régit le droit à l’interprétation orale (de déclarations également orales), tandis que l’article 3 consacre le droit à la traduction écrite de certains documents essentiels.(11)

43.      Conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous d), de la directive 2012/13, les suspects ou les personnes poursuivies doivent recevoir rapidement des informations sur les deux droits (à l’interprétation et à la traduction des documents essentiels).

44.      Tant l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2010/64 que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2012/13 fixent les moments initial et final de la période au cours de laquelle celles-ci doivent s’appliquer aux procédures pénales :

–        Le moment initial est celui où une personne est informée par les autorités compétentes d’un État membre, par notification officielle ou par tout autre moyen, qu’elle est suspectée ou poursuivie pour avoir commis une infraction pénale.

–        Le moment final est celui du « terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir si le suspect ou la personne poursuivie a commis l’infraction, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel ».

45.      En l’espèce, il importe de se référer au moment final de la période d’application des directives 2010/64 et 2012/13, c’est-à-dire au terme de la procédure, compris dans le sens que je viens d’exposer. Ainsi, ces deux directives ne régissent pas les phases postérieures au prononcé du jugement (sauf, logiquement, en ce qui concerne les recours dirigés contre celui-ci) par lequel le débat sur la commission de l’infraction pénale a été tranché.

46.      La « phase d’exécution de la décision définitive d’une juridiction pénale rendue à l’encontre d’une personne reconnue coupable d’une infraction pénale », même si elle fait partie de la procédure pénale à d’autres fins,(12) n’est donc pas affectée par les directives 2010/64 et 2012/13. Il en va de même si, lors de cette phase, sont prononcées des mesures comportant une restriction à la liberté de la personne condamnée, telles que celle en cause au principal ou toute mesure adoptée dans le cadre de l’exécution de la peine dans un établissement pénitentiaire (par exemple, la suppression d’une permission de sortie, la révocation de l’exécution de la peine en régime de semi-liberté et d’autres mesures similaires). 

47.      La Cour a eu l’occasion de définir les contours de l’applicabilité de ces deux directives :

–        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2010/64 doit être interprété en ce sens que cette directive ne s’applique pas à une procédure qui « intervient, par définition, après la détermination définitive de la question de savoir si la personne suspectée ou poursuivie a commis l’infraction et, le cas échéant, après condamnation de celle-ci ». (13)

–        Il découle de l’article 1er et de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2012/13 qu’« une procédure qui n’a pas pour objet la détermination de la responsabilité pénale d’une personne ne saurait relever du champ d’application de la directive 2012/13 ». (14)

48.      L’exclusion des phases postérieures au prononcé du jugement n’est pas un oubli, mais une décision consciente du législateur de l’Union, qui a refusé d’étendre à ces stades les droits reconnus par lesdites directives.

49.      Ainsi, s’agissant de l’exécution de la peine prononcée après la déclaration de culpabilité reconnue dans le jugement, les directives 2010/64 et 2012/13 ne confèrent pas aux personnes condamnées les mêmes droits que ceux conférés aux suspects ou aux personnes poursuivies.

50.      Par conséquent, les vicissitudes du sursis à exécution de la peine infligée, qui s’insèrent déjà au stade de l’exécution du jugement (c’est‑à-dire après le prononcé de celui-ci), ne sont pas soumises à ces directives. Pour révoquer le sursis accordé, l’une et l’autre directive ne requièrent pas que la personne condamnée bénéficie des droits qu’elles visent toutes deux à protéger.

2.      Dans le litige au principal

51.      En ce qui concerne ce litige, l’établissement de la DIR (qui est l’acte le plus controversé, en ce qu’elle est à l’origine de ce qui s’est produit au stade du sursis à l’exécution de la peine) est intervenu à un moment antérieur au procès et à l’adoption du jugement de condamnation.

52.      La DIR ne vise pas la « détermination de la responsabilité pénale », puisqu’il s’agit d’un acte de prise de connaissance de l’identité et de la résidence de l’« arguido », aux fins de lui adresser les notifications successives. Dans cette même mesure, la DIR est sans incidence sur la question de savoir si celui-ci a commis ou non les infractions qui lui sont reprochées.

53.      Or, la DIR peut entraîner des conséquences importantes pour ceux qui sont tenus de faire cette déclaration, (15) dont l’efficacité s’étend tant au jugement in absentia de la personne poursuivie [possible, aux termes de l’article 196, paragraphe 3, sous d), du CPP, s’il ne satisfait pas aux obligations attachées à la DIR] qu’à la révocation du sursis à l’exécution de la peine infligée, ce qui s’est produit en l’espèce. (16)

54.      La révocation du sursis à l’exécution de la condamnation de TL est, en l’espèce, indissociable des vices de la DIR : l’une et les autres doivent être pris dans leur ensemble si l’on ne veut pas avoir une perception faussée de ce qui s’est passé dans la procédure pénale. (17)

55.      Dans ce contexte, et eu égard aux répercussions de la DIR sur les phases successives, il est logique que la juridiction de renvoi souligne son importance et la qualifie de document essentiel. Sa traduction est indispensable pour garantir aux suspects ou aux accusés qui ne parlent pas ou ne comprennent pas la langue de la procédure pénale le plein exercice de leurs droits de défense et pour assurer le caractère équitable de la procédure [articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »)].

56.      Par conséquent, du point de vue des décisions auxquelles la DIR est liée en l’espèce (notamment la révocation du sursis à l’exécution de la condamnation et l’entrée en prison subséquente), je considère que TL aurait dû bénéficier : a) d’un interprète lui permettant de connaître les obligations imposées par cette formalité ainsi que les conséquences de son non‑respect ; et b) de la traduction de la DIR dans une langue qu’il comprenait.

57.      En somme, j’estime que :

–        En principe, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2010/64 et l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2012/13 ne s’appliquent pas à des actes de procédure intervenus lors de l’exécution d’un jugement dont l’objet est de révoquer le sursis à l’exécution de la condamnation à une peine privative de liberté.

–        Toutefois, ces dispositions s’appliquent lorsque ces actes de procédure découlent de la violation d’une obligation imposée par la DIR (lors de la phase qui précède le jugement), dont l’« arguido » n’a pas pu connaitre les conséquences, étant donné qu’il ignorait la langue dans laquelle la DIR avait été établie et que son contenu n’avait pas été traduit.

C.      Effet direct des directives 2010/64 et 2012/13

58.      La juridiction de renvoi tient pour acquis que l’article 2, paragraphe 1, et l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2010/64 ainsi que l’article 3, paragraphe 1, sous d), de la directive 2012/13 ont un effet direct.

59.      Je partage ce constat, car ces articles contiennent des dispositions inconditionnelles et précises adressées aux États membres, dont les autorités, notamment judiciaires, sont tenues d’assurer le respect des droits qu’elles proclament.

60.      Ces articles ont donc un effet direct, de sorte qu’ils peuvent être invoqués par les particuliers devant les juridictions nationales.

61.      L’article 3 de la directive 2010/64 se réfère spécifiquement à trois types de documents essentiels [à savoir « toute décision privative de liberté, toutes charges ou tout acte d’accusation, et tout jugement » (paragraphe 2)] (18), mais laisse la possibilité aux autorités compétentes de décider au « cas par cas si tout autre document est essentiel » (paragraphe 3). (19)

62.      Ainsi conçu, je considère que l’article 3 de la directive 2010/64 est également une disposition inconditionnelle et précise, même si la liste des documents essentiels qu’il désigne n’est pas exhaustive et que d’autres documents, différents de ceux qui y sont indiqués, peuvent être considérés comme tels, selon l’appréciation de l’autorité judiciaire. Le fait de disposer de la traduction de tous ces documents, quel que soit le paragraphe de l’article 3 de la directive auquel ils se rapportent, constitue un droit pour toute personne suspectée ou poursuivie.

D.      Violation des droits à l’interprétation, à la traduction et à l’information sur ces deux droits

63.      La juridiction de renvoi accepte, comme l’a déjà fait la juridiction de première instance, le fait que les droits de TL à l’interprétation et à la traduction de documents essentiels, tels qu’ils découlent de la directive 2010/64, ont été violés en l’espèce.

64.      Toutefois, bien qu’elle le cite expressément, la décision de renvoi accorde moins d’attention à l’éventuelle violation du droit à l’information consacré par la directive 2012/13.

65.      Je ferai référence séparément à ces deux groupes de violations.

1.      Droits à l’interprétation et à la traduction

66.      Le fait que les juridictions de première instance et de renvoi aient constaté que les violations de ces droits ont eu lieu me dispense de formuler davantage de commentaires à cet égard.

67.      En ce qui concerne la traduction, les « documents essentiels » de la procédure pénale doivent être fournis aux suspects ou aux personnes poursuivies accompagnés d’une version dans la langue qu’ils comprennent. Étant donné que la directive 2010/64 « ne comporte aucun renvoi aux droits nationaux, [cette notion] doit être considérée comme une notion autonome du droit de l’Union et être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière ». (20)

68.      J’ai déjà indiqué que rien ne s’oppose à ce que la juridiction de renvoi déclare que la DIR possède la nature de document essentiel dans cette affaire.

69.      S’agissant de l’interprétation orale, la personne poursuivie qui ne connaît pas ou ne maîtrise pas la langue de l’acte dans lequel il lui est imposé d’établir la DIR doit se voir proposer un interprète lui permettant d’en comprendre la signification.

70.      En réalité, l’obligation de désigner un interprète pour la DIR découle, sans problèmes majeurs d’interprétation, non seulement de la directive 2010/64, mais également de la règle nationale (article 92 du CPP). Sous réserve de vérification par le juge de renvoi, la règlementation procédurale portugaise relative à l’interprétation, dans tout acte de procédure, permet de protéger le droit corrélatif de la personne qui ne connaît pas la langue portugaise. (21) Constitue une toute autre question celle de savoir si ce droit, reconnu par la loi nationale elle-même, est de facto respecté dans la pratique procédurale.

2.      Droit à l’information

71.      Bien que la juridiction de renvoi accorde moins d’attention aux informations relatives aux droits à l’interprétation et à la traduction dans une langue compréhensible pour la personne poursuivie ou pour le suspect, il convient d’examiner leur application au cas d’espèce.

72.      Le droit à l’information est directement lié aux règles de la directive 2010/64. (22) Cette dernière « entend [quant à elle] garantir le droit des suspects ou des personnes poursuivies à bénéficier de services d’interprétation et de traduction dans le cadre des procédures pénales afin de garantir leur droit à un procès équitable ». (23)

73.      Le droit d’être informé sur ses droits à bénéficier de l’interprétation et de la traduction est reconnu à tout suspect ou à toute personne poursuivie à l’article 3, paragraphe 1, sous d), de la directive 2012/13.

74.      La législation portugaise relative à la procédure pénale permet selon moi de respecter ce droit à l’information, si l’article 61, paragraphe 1, sous h), du CPP est dûment appliqué. C’est une nouvelle fois à la mise en œuvre pratique de la norme que les éventuels dysfonctionnements seront dus, et non à la norme elle-même.

75.      Dans la mesure où l’article 61, paragraphe 1, sous h), du CPP reconnaît à l’« arguido » le droit d’être informé, par l’autorité judiciaire ou par l’organe de police criminelle devant lesquels il est tenu de se présenter, des droits qui lui sont conférés, son exégèse conformément à la directive 2012/13 doit conduire ces autorités à informer cette personne qu’elle disposera, aux termes de la directive 2010/64, de services d’interprétation et de traduction.

76.      Bien qu’il appartienne à la juridiction de renvoi de le déclarer, tout porte à affirmer qu’en l’espèce ce droit à l’information aurait été méconnu dès l’établissement de la DIR sans l’intervention d’un interprète de la langue roumaine. Son absence a donc empêché TL de connaître les droits dont il bénéficiait lors de l’accomplissement de cet acte judiciaire.

E.      Nullité liée à la violation des droits reconnus par les directives 2010/64 et 2012/13

77.      Les directives 2010/64 et 2012/13 ne contiennent aucune règle en vertu de laquelle la violation des droits qu’elles consacrent devrait conduire, par voie de conséquence inéluctable, à la déclaration de nullité absolue des actes de procédure pénale dans lesquels elle aurait été commise.

78.      Selon une jurisprudence constante de la Cour, « en l’absence de règles de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre, en vertu du principe d’autonomie procédurale, de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) ». (24)

79.      Ainsi, ce qui importe en l’espèce est que les règles nationales garantissent aux personnes poursuivies et aux suspects la possibilité de réagir juridiquement à la violation des droits consacrés par les directives 2010/64 et 2012/13, afin que ceux-ci prévalent.

80.      Selon la décision de renvoi, en vertu du CPP, l’atteinte à ces droits entraîne la nullité (relative) des actes de procédure correspondants, laquelle doit être demandée par les personnes concernées.

81.      En particulier, conformément à l’article 120, paragraphe 2, sous c), du CPP, la nullité relative est la sanction prévue pour l’absence de désignation d’un interprète, lorsque la loi (en l’occurrence la directive) l’estime obligatoire. Comme je l’ai proposé pour une autre disposition du CPP, (25) cette même sanction devrait être appliquée à l’absence de traduction d’un document essentiel du procès.

82.      In abstracto, le régime procédural pénal instauré par les articles 119 et 120 du CPP n’est selon moi pas critiquable du point de vue du droit de l’Union. En vertu du principe de l’autonomie procédurale, les États membres peuvent circonscrire la qualification de « nullités irrémédiables » à celles découlant de certains vices et qualifier de « nullités devant être invoquées » celles qui découlent d’autres [vices], pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité soient préservés.

83.      En ce qui concerne ces deux principes :

–        Les articles 119 et 120 du CPP s’appliquent indépendamment de la question de savoir si les vices de l’acte de procédure découlent de la violation d’une règle nationale ou du droit de l’Union, de sorte que la violation du principe d’équivalence est écartée.

–        Rien ne s’oppose, comme critère général, à ce que la déclaration de nullité soit subordonnée à la contestation de l’acte par l’intéressé. Or, la condition nécessaire pour qu’une telle contestation puisse se faire (c’est-à-dire pour qu’elle respecte le principe d’effectivité) est que l’intéressé ait connaissance, avec une certitude suffisante, du contenu de cet acte, dans la mesure où il est susceptible de léser ses intérêts.

84.      Lorsque, dans la mesure où il s’agit d’une personne qui ne connaît pas la langue de la procédure pénale, la personne poursuivie ou le suspect n’est pas en mesure de comprendre la signification de cet acte de procédure et ses implications, les possibilités de l’attaquer de manière effective, afin de faire valoir sa nullité (relative), sont illusoires.

85.      Il s’ensuit que constitue en règle générale une violation du principe d’effectivité une disposition nationale (en l’occurrence l’article 120 du CPP) qui soumet à délai la contestation d’un acte frappé de nullité dont le contenu, en l’absence d’interprétation et de traduction dans une langue qu’elle maîtrise, ne peut pas être compris par la personne à laquelle il s’adresse.

86.      Dans une telle situation, l’effectivité du droit à la traduction et à l’interprétation protégé par la directive 2010/64, ainsi que du droit à l’information garanti par la directive 2012/13, exige que le délai de contestation de l’acte entaché de nullité relative ne commence à courir qu’à partir du moment où l’intéressé acquiert une connaissance pleine de son contenu, dans une langue qu’il comprend. (26)

87.      S’il en était autrement, l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, auquel se réfère la juridiction de renvoi, et les articles 47 et 48 de la Charte, qui consacrent le droit à un procès équitable et le respect des droits de la défense de l’accusé, seraient violés. (27)

F.      Nullité et assistance d’un avocat

88.      Même si, dans son libellé, la question du juge de renvoi se limite à viser l’éventuelle incompatibilité avec les directives 2010/64 et 2012/13 d’une règle de droit national sanctionnant par la nullité relative l’absence d’interprétation et de traduction d’actes de procédure essentiels, le litige et l’audience ont révélé d’autres facteurs susceptibles d’être pertinents aux fins de répondre utilement à cette juridiction.

89.      Le premier est que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, TL a bénéficié de l’assistance d’un avocat qui s’est vu notifier les décisions fondamentales (parmi lesquelles l’ordonnance de révocation du sursis à l’exécution de la peine), et ne les a pas contestées. (28)

90.      Certes, l’avocat de TL aurait pu contester dans le délai correspondant n’importe laquelle de ces décisions, en faisant valoir qu’elles étaient nulles en ce que son client, précisément en raison de l’absence d’interprète et de traduction des documents, n’avait pas pu prendre connaissance des obligations qu’il avait assumées en remplissant la DIR.

91.      L’intervention de l’avocat est notamment visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2012/13 : les suspects ou les personnes poursuivies, ou leur avocat, ont « le droit de contester, conformément aux procédures nationales, le fait éventuel que les autorités compétentes ne fournissent pas ou refusent de fournir des informations » sur leur droit à l’interprétation et à la traduction.

92.      Le droit de contester est donc conféré non seulement au suspect ou à la personne poursuivie, mais également à son avocat, conformément aux règles nationales. Bien qu’il appartienne à la juridiction de renvoi d’interpréter ces dernières, tout semble indiquer qu’elles se conforment à cette disposition de la directive 2012/13.

93.      Le second facteur, lié au précédent, est que, du fait de l’attitude passive de l’avocat de TL, des actes de procédure préjudiciables à son client (notamment l’ordonnance de révocation du sursis à l’exécution de la condamnation), malgré leur nullité évidente, n’ont pas fait l’objet d’un recours. (29)

94.      Je dois rappeler à cet égard que, indépendamment de l’assistance de l’avocat, il incombe à l’autorité judiciaire de veiller à ce que la personne suspectée ou poursuivie (en l’occurrence l’« arguido ») reçoive des informations adéquates sur son droit à l’interprétation et à la traduction. Le droit d’obtenir ces informations découle directement de l’article 3 de la directive 2012/13, il trouve son expression à l’article 61 du CPP et il est reconnu à la personne poursuivie ou au suspect en tant que personne concernée, c’est-à-dire qu’elle soit assistée ou non d’un avocat.

95.      Ainsi, l’assistance de l’avocat ne dispense pas les autorités judiciaires ou policières le cas échéant, d’informer l’intéressé de son droit à la traduction des documents essentiels de la procédure pénale et à l’interprétation, dans une langue qu’il comprend, des déclarations orales. (30)

G.      Autorité de la chose jugée

96.      Au cas où le système portugais de procédure pénale ne prévoirait pas de mécanisme de révision (31) d’actes entachés de nullité relative passés en autorité de chose jugée, il appartiendrait à la juridiction de renvoi de rechercher s’il serait encore possible de revenir sur une décision nulle telle que celle en cause au principal, afin de rétablir la conformité de la situation qui en résulte avec le droit de l’Union. (32)

97.      Sans vouloir me substituer à la juridiction de renvoi s’agissant de cette appréciation, je me demande si la révocation du sursis à l’exécution de la condamnation à une peine privative de liberté bénéficie, en réalité, des attributs de la chose jugée ou si, au contraire, elle est susceptible d’être modifiée au nom des principes auxquels est attachée la suspension conditionnelle de la peine.

98.      En général, ces principes s’inspirent de l’objectif de limiter la réponse pénitentiaire, pour certains délits, si une future réhabilitation est raisonnablement prévisible et s’il y a lieu de présumer que la personne condamnée ne commettra pas d’infractions ultérieures. Les organes judiciaires disposent, également en général, de larges pouvoirs pour apprécier, compte tenu de l’évolution des circonstances, s’il y a lieu de surseoir à l’exécution de la condamnation à un moment ou à un autre, sans être nécessairement liés par des décisions antérieures, prises au vu de l’ensemble de facteurs alors existants.

99.      De ce point de vue, j’estime que rien ne s’oppose à ce que la même juridiction qui avait révoqué, sans audition préalable de l’intéressé, le sursis à exécution de la condamnation qui lui avait été infligée, puisse ultérieurement décider, sur demande de celui-ci et après avoir entendu ses raisons au regard du non‑respect de la DIR, de surseoir de nouveau à l’exécution de la peine d’emprisonnement.

100. Ce faisant, le tribunal qui a sursis à l’exécution de la condamnation pourrait s’inspirer, malgré les différences existantes, des critères qui régissent, conformément à la directive (UE) 2016/343, (33) la réouverture d’une procédure pénale lorsque la personne condamnée a été jugée in absentia. (34)

101. Il est vrai que la directive 2016/343, en ce qui concerne le droit d’assister à son procès, ne s’applique pas au sursis à l’exécution d’une condamnation (qui, par définition, est postérieur au procès). Cependant, lorsque, comme en l’espèce, est en cause une décision judiciaire impliquant la privation de liberté et que l’intéressé n’a pas pu être informé, sans faute de sa part, de son droit d’être entendu préalablement à son adoption, (35) j’estime que la directive 2016/343 fournit des critères transposables par analogie ici. 

102. Dans le cas d’une personne qui ne s’est pas présentée, pour une raison indépendante de sa volonté (impossibilité de prendre connaissance des obligations découlant de la DIR, en l’absence de traduction et d’interprétation, parce qu’elle ne maîtrisait pas la langue de la procédure), à l’audience fixée afin de décider de la révocation du sursis à l’exécution de sa condamnation, l’application desdits critères impliquerait que, une fois cette démarche effectuée et la personne concernée retrouvée, elle soit informée des actes accomplis en son absence. À partir de ce moment, elle peut décider soit qu’elle n’invoquera pas cette absence pour contester la légalité de cet acte, soit qu’elle souhaite que cet acte soit répété pour pouvoir y participer. (36)

103. Ces considérations mettent selon moi en évidence que la protection procurée, dans un souci de sécurité juridique, par le caractère irréversible inhérent à l’autorité de la chose jugée, ne s’étend pas à des décisions juridictionnelles telles que celle en cause, prises en l’absence de l’intéressé, lorsque celui-ci, sans avoir commis de faute, ignorait l’obligation (ne pas changer de résidence) dont le non‑respect a entraîné sa privation de liberté.

104. Si la juridiction de renvoi, nonobstant les développements qui précèdent, insiste sur le fait que les décisions judiciaires litigieuses jouissent de l’autorité de la chose jugée, il conviendra de déterminer dans quelle mesure la res iudicata s’érige en obstacle insurmontable à l’application des règles du droit de l’Union, dont la juridiction de renvoi reconnaît elle-même la violation.

105. Dans la jurisprudence de la Cour, le traitement de la chose jugée en tant que limite à la primauté de l’application du droit de l’Union n’a pas encore atteint, à mon sens, la maturité suffisante pour lever tous les doutes soulevés par ce dispositif juridique, lorsqu’il s’agit de décisions judiciaires nationales contraires au droit de l’Union. (37)

106. Dans une première approche, la Cour a admis que l’autorité de la chose jugée, corollaire du principe de sécurité juridique, peut l’emporter sur d’autres considérations liées à la violation des règles de l’Union, de sorte que des décisions juridictionnelles définitives, faute d’avoir été contestées dans le délai légal prévu, sont devenues irrévocables. (38)

107. Cependant, avec davantage de clarté depuis l’arrêt Lucchini, (39) la Cour a dérogé à la prévalence absolue de la chose jugée, en étendant à ce contexte la pertinence des principes d’équivalence et d’effectivité, qui régissent l’interaction entre le droit de l’Union et les règles des États membres adoptées en vertu de leur autonomie procédurale. (40)

108. De récents arrêts de la Cour (41) ont élargi le champ des exceptions au caractère irréversible des décisions judiciaires nationales ayant acquis l’autorité de la chose jugée, en faisant précisément appel au principe d’effectivité afin d’éviter que l’application de règles du droit de l’Union soit écartée. (42)

109. S’agissant du principe d’effectivité, la jurisprudence de la Cour exige d’analyser les règles nationales en appréciant la place qu’elles occupent dans l’ensemble de la procédure. Il convient de « tenir compte, le cas échéant, des principes qui sont à la base du système juridictionnel national concerné, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure ». (43)

110. Or, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, dans lesquelles la violation du droit de l’Union implique à la fois une violation des articles 47 et 48, paragraphe 2, de la Charte, qui consacrent le droit à un procès équitable et le respect des droits de la défense de l’accusé, la juridiction nationale doit veiller à ce que ces droits ne soient pas vidés de leur substance et elle doit trouver dans son propre ordre juridique la solution procédurale permettant de les rendre effectifs.

111. Lors de l’audience, le gouvernement portugais a insisté sur le fait que cette solution peut être trouvée dans le CPP lui-même, qui autoriserait le tribunal qui a rendu le jugement à reconsidérer la révocation du sursis à l’exécution de la condamnation, même si celle-ci n’a pas été contestée dans le délai prévu.

V.      Conclusion

112. Eu égard à ce qui précède, je suggère à la Cour de répondre au Tribunal da Relação de Évora (Cour d’appel d’Évora, Portugal) que :

« La directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, et la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales :

–        Ne s’appliquent pas à des actes de procédure postérieurs à la détermination définitive de la question de savoir si le suspect ou la personne poursuivie a commis l’infraction pénale qui lui est reprochée.

–        S’appliquent, toutefois, à des actes de procédure antérieurs à ladite détermination définitive, ainsi qu’aux conséquences qui en découlent pour des actes ultérieurs, lorsque les droits correspondants ont été violés lors de l’établissement des premiers.

–        Ne s’opposent pas à une législation nationale sanctionnant d’une nullité relative, devant être invoquée, l’absence de désignation d’un interprète et l’absence de traduction d’actes de procédure essentiels, lorsqu’une personne poursuivie ou un suspect ne comprend pas la langue de la procédure, à condition que : a) le délai raisonnable pour attaquer l’acte nul commence à courir à partir du moment où la personne a été informée, dans une langue qu’elle comprend, de son droit à l’interprétation et à la traduction ; et que b) les articles 47 et 48, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui consacrent le droit à un procès équitable et le respect des droits de la défense de l’accusé, soient respectés ».


1      Langue originale : l’espagnol.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (JO 2010, L 280, p. 1).


3      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO 2012, L 142, p. 1).


4      Code de procédure pénale, DL No 78/87, du 17 février 1987 (ci-après le « CPP »).


5      Ces hypothèses, auxquelles s’ajoutent celles désignées par d’autres dispositions légales, sont les suivantes : a) l’absence du nombre de juges ou de jurés devant constituer le tribunal, ou la violation des règles légales relatives à la manière de déterminer sa composition ; b) l’absence d’engagement de la procédure par le ministère public, au sens de l’article 48, ainsi que l’absence de ce dernier lors de l’établissement des actes pour lesquels sa comparution est requise ; c) l’absence de la personne poursuivie ou de son défenseur, dans les cas où la loi exige leur comparution ; d) l’absence d’enquête ou d’instruction, dans les cas où la loi les rend obligatoires ; e) la violation des règles de compétence, sous réserve des dispositions de l’article 32, paragraphe 2 ; f) l’utilisation de la forme de procédure spéciale, en dehors des cas prévus par la loi.


6      Décision de renvoi, section II.III. Dans la même section on peut lire, quelques lignes plus bas, qu’aucun interprète n’a été désigné pour assister l’« arguido » lors de cet acte ou lors de l’établissement la DIR.


7      Section I. II de la décision de renvoi.


8      Concrètement, l’ordonnance lui conférant la qualité d’‘arguido’ et les convocations (voir point 32 des présentes conclusions).


9      Le tribunal de première instance s’était prononcé dans le même sens, estimant que TL avait invoqué la nullité de la DIR, de la signification effectuée, en langue portugaise, conformément à l’article 495, paragraphe 2, du CPP, et de l’ordonnance de révocation du sursis à l’exécution de la peine.


10      Selon la décision de renvoi, les deux directives n’ont pas été formellement transposées, en tant que telles, en droit portugais avant la date prévue pour leur transposition. La Commission indique (note 3 de ses observations écrites) qu’en 2021, elle a engagé deux procédures d’infraction contre le Portugal, portant sur l’absence de transposition adéquate de chacune de ces directives. Lors de l’audience, le gouvernement portugais a fait valoir que l’application pratique des règles du CCP est conforme au contenu des directives 2010/64 et 2012/13.


11      Arrêt du 15 octobre 2015, Covaci (C‑216/14, EU:C:2015:686), point 30.


12      La Commission invoque, au soutien de la thèse contraire, les points 54 et 55 de l’arrêt du 27 mai 2019, OG (parquet de Lübeck et de de Zwickau), (C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456), concernant les mandats d’arrêt et de remise. Au point 54 de cet arrêt, on peut lire que le terme « procédure qui s’entend largement, est susceptible de couvrir la procédure pénale dans son ensemble, à savoir la phase préalable au procès pénal, le procès pénal lui-même et la phase d’exécution de la décision définitive d’une juridiction pénale rendue à l’encontre d’une personne reconnue coupable d’une infraction pénale ».


13      Arrêt du 9 juin 2016, Balogh (C‑25/15, EU:C:2016:423, points 56 et 37). Mise en italique par mes soins.


14      Arrêt du 16 décembre 2021, AB e.a. (Retrait d’amnistie) (C‑203/20, EU:C:2021:1016, point 70).


15      Le CPP inscrit la DIR parmi les « mesures de contrainte ».


16      En cas de condamnation, les effets de la DIR sont maintenus jusqu’à l’extinction de la peine.


17      Un tel lien entre des actes de procédure peut être apprécié dans l’arrêt du 12 octobre 2017, Sleutjes (C‑278/16, EU:C:2017:757, points 30 et 31).


18      Conformément à ce qui a été exposé aux points 44 à 50 des présentes conclusions, je suis d’avis que, par décision « privative de liberté », il y a lieu d’entendre, dans ce contexte, toute décision rendue avant le jugement, et non celles rendues en exécution de celui-ci. Dans le cas contraire, le champ d’application de la directive 2010/64 serait dépassé.


19      Arrêt du 15 octobre 2015, Covaci (C‑216/14, EU:C:2015:686, point 50) : « [i]l appartient, dès lors, à la juridiction de renvoi, en tenant notamment compte des caractéristiques de la procédure applicable à l’ordonnance pénale en cause au principal, […] ainsi que de l’affaire dont elle est saisie, de déterminer si l’opposition formée par écrit contre une ordonnance pénale doit être considérée comme un document essentiel dont la traduction est nécessaire ».


20      Arrêt du 3 septembre 2014, Deckmyn et Vrijheidsfonds (C‑201/13, EU:C:2014:2132, point 15).


21      L’article 92 du CPP ne concerne que l’interprétation et non la traduction (écrite). Je ne crois pas qu’il existe des difficultés excessives pour combler cette insuffisance, par rapport à la directive 2010/64, en recourant au principe d’interprétation conforme au droit de l’Union, de sorte que la règle de cet article s’étend, par analogie, à la traduction des documents essentiels de la procédure, comme l’a soutenu le gouvernement portugais à l’audience. L’exégèse de l’article 92 du CPP incombe toutefois exclusivement aux juridictions portugaises.


22      Considérant 25 de la directive 2012/13.


23      Considérant 14 de la directive 2010/64. Dans la liste des droits procéduraux figurant à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2012/13, qui est cumulative, les droits à l’interprétation et à la traduction jouent un rôle fondamental : sans eux, l’information sur les autres droits peut perdre toute utilité.


24      Principes rappelés aux points 41 à 44 de l’arrêt du 2 mars 2021, Prokuratuur (Conditions d’accès aux données relatives aux communications électroniques) (C‑746/18, EU:C:2021:152) et repris dans l’arrêt du 5 avril 2022, Commissioner of An Garda Síochána et autres (C‑140/20, EU:C:2022:258, point 127). Les deux arrêts concernaient la recevabilité de certains éléments de preuve obtenus, dans le cadre de procédures pénales, en violation des règles de l’Union. Cette jurisprudence est transposable, mutatis mutandis, à d’autres violations de dispositions de l’Union applicables aux procédures pénales.


25      Voir note 21 des présentes conclusions. La Commission est du même avis (point 31 de ses observations écrites) et ajoute que « la juridiction de renvoi semble partir du principe que cette disposition [l’article 120, paragraphe 2, point c), du CPP] peut, par analogie, s’appliquer également à l’absence de traduction ».


26      Lors de l’audience, le gouvernement portugais a affirmé que le CPP non seulement permet mais impose au juge d’adopter des mesures appropriées pour remédier aux vices survenus, lorsqu’il détecte l’existence d’une violation telle que celle en cause en l’espèce.


27      Le considérant 5 de la directive 2010/64 énonce que « [l] a présente directive respecte ces droits et devrait être mise en œuvre en conséquence ».


28      Toutefois, lors de l’audience, tant la Commission que le gouvernement portugais ont affirmé que la DIR avait été établie sans même l’assistance d’un avocat. Il appartiendra à la juridiction de renvoi de le vérifier.


29      La Cour européenne des droits de l’homme considère que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, sous c), de la CEDH, une personne poursuivie a droit à une assistance juridique pratique et effective et non théorique ou illusoire. On ne saurait parler d’assistance juridique effective lorsque l’avocat mandaté se soustrait à ses obligations. Voir Cour EDH, 26 juillet 2011, Huseyn et autres c. Azerbaïdjan (CE:ECHR:2011:0726JUD003548505, § 180).


30      Lors de l’audience, le gouvernement portugais a souligné que l’intervention d’un avocat ne saurait toutefois pallier à la nécessité, contenue à l’article 63, paragraphe 1, du CPP, que certains actes de procédure soient communiqués personnellement au suspect ou à la personne poursuivie dans une version qu’elle peut comprendre.


31      Compris comme étant le remède extraordinaire qui, dans certains ordres juridiques, permet de contester des actes de procédure définitifs, pour des motifs exhaustivement énumérés.


32      Selon ce qui a été affirmé par le gouvernement portugais à l’audience, le tribunal qui a rendu le jugement dispose de ces facultés, bien qu’aucun recours n’ait été introduit dans les délais impartis.


33      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1).


34      Voir arrêt du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’une personne poursuivie en fuite), C‑569/20, EU:C:2022:401, concernant l’application de la directive 2016/343 aux personnes condamnées par défaut.


35      L’article 495, paragraphe 2, du CPP requiert l’audition de la personne condamnée en vue de statuer sur le respect des conditions du sursis à l’exécution de la peine.


36      Tel était le cas dans l’affaire en cause dans l’arrêt du 13 février 2020, Spetsializirana prokuratura (Audience en l’absence de la personne poursuivie) (C‑688/18, EU:C:2020:94, point 49).


37      Voir Turmo, A., « National res iudicata in the European Union : revisiting the tension between the temptation of effectiveness and the acknowledgement of domestic procedural law », Common Market Law Review, 2021, vol. 58, no 2, pages 361 à 390.


38      La Cour a rappelé « l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause ». Arrêt du 6 octobre 2015, Târșia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 28).


39      Arrêt du 18 juillet 2007 (C‑119/05, EU:C:2007:434, point 63) : Le droit de l’Union « s’oppose à l’application d’une disposition du droit national visant à consacrer le principe de l’autorité de la chose jugée telle que l’article 2909 du code civil italien, en tant que son application fait obstacle à la récupération d’une aide d’État octroyée en violation du droit communautaire, et dont l’incompatibilité avec le marché commun a été constatée par une décision de la Commission devenue définitive ».


40      Arrêt du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 54) : « en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, les modalités de mise en œuvre du principe de l’autorité de la chose jugée relèvent de l’ordre juridique interne des États membres, en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, dans le respect, toutefois, des principes d’équivalence et d’effectivité ». 


41      Arrêts du 2 avril 2020, CRPNPAC et Vueling Airlines (C‑370/17 et C‑37/18, EU:C:2020:260, points 95 et 96) ; du 17 mai 2022, MA (C‑600/19, EU:C:2022:394) ; SPV Project 1503 et autres (C‑693/19, EU:C:2022:395) ; Impuls Leasing România (C‑725/19, EU:C:2022:396) ; et Unicaja Banco (C‑869/19, EU:C:2022:397).


42      D’habitude, le principe d’équivalence ne soulève pas de problème : l’autorité de la chose jugée se déploie que ce soit le droit national ou le droit de l’Union qui s’applique, ce qui exclut la violation de ce principe.


43      Arrêt du 6 octobre 2015, Târșia (C‑69/14, EU:C:2015:662, points 36 et 37). Mise en italique par mes soins.

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