IG Metall and ver.di (Judgment) French Text [2022] EUECJ C-677/20 (18 October 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C67720.html
Cite as: ECLI:EU:C:2022:800, [2022] EUECJ C-677/20, EU:C:2022:800

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ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

18 octobre 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Société européenne – Directive 2001/86/CE – Implication des travailleurs dans le processus de prise de décision de la société européenne – Article 4, paragraphe 4 – Société européenne constituée par transformation – Contenu de l’accord négocié – Élection de représentants des travailleurs en tant que membres du conseil de surveillance – Procédure d’élection prévoyant un tour de scrutin séparé pour les représentants des syndicats »

Dans l’affaire C‑677/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne), par décision du 18 août 2020, parvenue à la Cour le 11 décembre 2020, dans la procédure

Industriegewerkschaft Metall (IG Metall),

ver.di Vereinte Dienstleistungsgewerkschaft

contre

SAP SE,

SE-Betriebsrat der SAP SE,

en présence de :

Konzernbetriebsrat der SAP SE,

Deutscher Bankangestellten-Verband eV,

Christliche Gewerkschaft Metall (CGM),

Verband angestellter Akademiker und leitender Angestellter der chemischen Industrie eV,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice‑président, M. A. Arabadjiev, Mme A. Prechal, MM. E. Regan, P. G. Xuereb, Mme L. S. Rossi, M. D. Gratsias et Mme M. L. Arastey Sahún, présidents de chambre, MM. S. Rodin, F. Biltgen (rapporteur), N. Piçarra, N. Wahl, Mme I. Ziemele et M. J. Passer, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 février 2022,

considérant les observations présentées :

–        Pour l’Industriegewerkschaft Metall (IG Metall) et ver.di – Vereinte Dienstleistungsgewerkschaft, par Me S. Birte Carlson, Rechtsanwältin,

–        pour SAP SE, par Mes K. Häferer-Duttiné, P. Matzke et A. Schulz, Rechtsanwälte,

–        pour Konzernbetriebsrat der SAP SE, par Me H.-D. Wohlfarth, Rechtsanwalt,

–        pour Christliche Gewerkschaft Metall (CGM), par M. G. Gerhardt, Prozessbevollmächtigter,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement luxembourgeois, par Me A. Rodesch, avocat,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Braun et B.‑R. Killmann, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 avril 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86/CE du Conseil, du 8 octobre 2001, complétant le statut de la Société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs (JO 2001, L 294, p. 22).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Industriegewerkschaft Metall (IG Metall) et ver.di – Vereinte Dienstleistungsgewerkschaft, deux organisations syndicales, à SAP SE, une société européenne (SE), et à SE-Betriebsrat der SAP SE, le comité d’entreprise de SAP, au sujet de l’accord portant sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs au sein de SAP.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 3, 5, 10, 15 et 18 de la directive 2001/86 énoncent :

« (3)      Afin de promouvoir les objectifs sociaux de la Communauté, il y a lieu d’arrêter des dispositions spéciales, notamment en ce qui concerne l’implication des travailleurs, visant à garantir que la création d’une SE n’entraîne pas la disparition ou l’affaiblissement du régime d’implication des travailleurs, existant dans les sociétés participant à la création d’une SE. Cet objectif devrait être poursuivi par la création, dans ce domaine, d’une réglementation complétant les dispositions du [règlement (CE) no 2157/2001 du Conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne (SE) (JO 2001, L 294, p. 1)].

[...]

(5)      La grande diversité des règles et pratiques existant dans les États membres en ce qui concerne la manière dont les représentants des salariés sont impliqués dans le processus de prise de décision des sociétés rend inopportune la mise en place d’un modèle européen unique d’implication des salariés, applicable à la SE.

[...]

(10)      Les règles de vote au sein du groupe spécial représentant les travailleurs aux fins de négociation, notamment pour la conclusion d’accords prévoyant un niveau de participation inférieur à celui qui existait dans une ou plusieurs des sociétés participantes, devraient être proportionnées au risque de disparition ou d’affaiblissement des systèmes et des pratiques de participation existants. Ce risque est plus important dans le cas d’une SE créée par voie de transformation ou de fusion plutôt que par voie de création d’une société holding ou d’une filiale commune.

[...]

(15)      Les règles fixées par la présente directive ne devraient pas affecter d’autres droits d’implication existants et n’affectent pas nécessairement d’autres structures de représentation existantes prévues par le droit communautaire et national et les pratiques correspondantes.

[...]

(18)      La garantie des droits acquis des travailleurs en matière d’implication dans les décisions prises par l’entreprise est un principe fondamental et l’objectif déclaré de la présente directive. Les droits des travailleurs existant avant la constitution des SE devraient être à la base de l’aménagement de leurs droits en matière d’implication dans la SE (principe “avant-après”). Cette manière de voir devrait s’appliquer en conséquence non seulement à la constitution initiale d’une SE mais aussi aux modifications structurelles introduites dans une SE existante ainsi qu’aux sociétés concernées par les processus de modifications structurelles. »

4        L’article 1er de cette directive prévoit :

« 1.      La présente directive régit l’implication des travailleurs dans les affaires des sociétés anonymes européennes [...], visées au règlement [no 2157/2001].

2.      À cet effet, des modalités relatives à l’implication des travailleurs sont arrêtées dans chaque SE conformément à la procédure de négociation visée aux articles 3 à 6 ou, dans les circonstances prévues à l’article 7, conformément à l’annexe. »

5        Aux termes de l’article 2 de ladite directive, intitulé « Définitions » :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

e)      “représentants des travailleurs”, les représentants des travailleurs prévus par la législation et/ou la pratique nationales ;

f)      “organe de représentation”, l’organe représentant les travailleurs, institué par les accords visés à l’article 4 ou conformément aux dispositions de l’annexe, afin de mettre en œuvre l’information et la consultation des travailleurs d’une SE et de ses filiales et établissements situés dans la Communauté et, le cas échéant, d’exercer les droits de participation liés à la SE ;

g)      “groupe spécial de négociation”, le groupe constitué conformément à l’article 3 afin de négocier avec l’organe compétent des sociétés participantes la fixation de modalités relatives à l’implication des travailleurs au sein de la SE ;

h)      “implication des travailleurs”, l’information, la consultation, la participation et tout autre mécanisme par lequel les représentants des travailleurs peuvent exercer une influence sur les décisions à prendre au sein de l’entreprise ;

i)      “information”, le fait que l’organe représentant les travailleurs et/ou les représentants des travailleurs sont informés, par l’organe compétent de la SE, sur les questions qui concernent la SE elle‑même et toute filiale ou tout établissement situé dans un autre État membre ou sur les questions qui excèdent les pouvoirs des instances de décision d’un État membre, cette information se faisant à un moment, d’une façon et avec un contenu qui permettent aux représentants des travailleurs d’évaluer en profondeur l’incidence éventuelle et, le cas échéant, de préparer des consultations avec l’organe compétent de la SE ;

j)      “consultation”, l’instauration d’un dialogue et l’échange de vues entre l’organe représentant les travailleurs et/ou les représentants des travailleurs et l’organe compétent de la SE, à un moment, d’une façon et avec un contenu qui permettent aux représentants des travailleurs, sur la base des informations fournies, d’exprimer un avis sur les mesures envisagées par l’organe compétent, qui pourra être pris en considération dans le cadre du processus décisionnel au sein de la SE ;

k)      “participation”, l’influence qu’a l’organe représentant les travailleurs et/ou les représentants des travailleurs sur les affaires d’une société :

–        en exerçant leur droit d’élire ou de désigner certains membres de l’organe de surveillance ou d’administration de la société ; ou

–        en exerçant leur droit de recommander la désignation d’une partie ou de l’ensemble des membres de l’organe de surveillance ou d’administration de la société et/ou de s’y opposer. »

6        L’article 3 de la même directive, figurant à la section II de celle-ci, intitulée « Procédure de négociation », dispose :

« 1.      Lorsque les organes de direction ou d’administration des sociétés participantes établissent le projet de constitution d’une SE, ils prennent, dès que possible après la publication du projet de fusion ou de constitution d’une société holding ou après l’adoption d’un projet de constitution d’une filiale ou de transformation en une SE, les mesures nécessaires, y compris la communication d’informations concernant l’identité des sociétés participantes, des filiales ou des établissements, ainsi que le nombre de leurs travailleurs, pour engager des négociations avec les représentants des travailleurs des sociétés sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs dans la SE.

2.      À cet effet, un groupe spécial de négociation représentant les travailleurs des sociétés participantes ou des filiales ou établissements concernés est créé conformément aux dispositions ci-après :

[...]

b)      Les États membres déterminent le mode d’élection ou de désignation des membres du groupe spécial de négociation qui doivent être élus ou désignés sur leur territoire. Ils prennent les mesures nécessaires pour que, dans la mesure du possible, ces membres comprennent au moins un représentant de chaque société participante qui emploie des travailleurs dans l’État membre concerné. Ces mesures ne doivent pas augmenter le nombre total de membres.

Les États membres peuvent prévoir que ces membres peuvent comprendre des représentants de syndicats, qu’ils soient ou non employés par une société participante ou une filiale ou un établissement concerné.

[...]

3.      Le groupe spécial de négociation et les organes compétents des sociétés participantes fixent, par un accord écrit, les modalités relatives à l’implication des travailleurs au sein de la SE.

[...] »

7        L’article 4 de la directive 2001/86, relatif au contenu de l’accord sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs au sein de la SE, dispose, à son paragraphe 2, sous g), et à ses paragraphes 3 et 4 :

« 2.      Sans préjudice de l’autonomie des parties, et sous réserve du paragraphe 4, l’accord visé au paragraphe 1 conclu entre les organes compétents des sociétés participantes et le groupe spécial de négociation fixe :

[...]

g)      si, au cours des négociations, les parties décident d’arrêter des modalités de participation, la teneur de ces dispositions, y compris (le cas échéant) le nombre de membres de l’organe d’administration ou de surveillance de la SE que les travailleurs auront le droit d’élire, de désigner, de recommander ou à la désignation desquels ils pourront s’opposer, les procédures à suivre pour que les travailleurs puissent élire, désigner ou recommander ces membres ou s’opposer à leur désignation, ainsi que leurs droits ;

[...]

3.      L’accord n’est pas soumis, sauf dispositions contraires de cet accord, aux dispositions de référence visées à l’annexe.

4.      Sans préjudice de l’article 13, paragraphe 3, point a), dans le cas d’une SE constituée par transformation, l’accord prévoit, pour tous les éléments de l’implication des travailleurs, un niveau au moins équivalent à celui qui existe dans la société qui doit être transformée en SE. »

8        L’article 7, paragraphe 1, de cette directive énonce :

« Afin de réaliser l’objectif visé à l’article 1er, les États membres fixent, sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, les dispositions de référence sur l’implication des travailleurs, qui doivent satisfaire aux dispositions de l’annexe.

[...] »

9        Aux termes de l’article 11 de ladite directive :

« Les États membres prennent les mesures appropriées, dans le respect du droit communautaire, pour éviter l’utilisation abusive d’une SE aux fins de priver les travailleurs de droits en matière d’implication des travailleurs ou refuser ces droits. »

10      L’article 13, paragraphe 3, sous a), de la même directive prévoit :

« La présente directive ne porte pas atteinte :

a)      aux droits existants des travailleurs en matière d’implication prévus dans les États membres par la législation et/ou par la pratique nationales, dont bénéficient les travailleurs de la SE et de ses filiales et établissements, en dehors de la participation au sein des organes de la SE ».

11      L’annexe de la directive 2001/86 contient les dispositions de référence visées à l’article 7 de celle-ci.

 Le droit allemand

 Le MitbestG

12      L’article 7 du Gesetz über die Mitbestimmung der Arbeitnehmer (loi sur la cogestion des salariés), du 4 mai 1976 (BGBl. 1976 I, p. 1153), tel que modifié par la loi du 24 avril 2015 (BGBl. 2015 I, p. 642) (ci-après le « MitbestG »), dispose :

« (1)      Le conseil de surveillance d’une entreprise

1.      n’employant généralement pas plus de 10 000 travailleurs se compose de six représentants des actionnaires et de six représentants des travailleurs ;

2.      comprenant généralement plus de 10 000 travailleurs, mais pas plus de 20 000 travailleurs, se compose de huit représentants des actionnaires et de huit représentants des travailleurs ;

3.      employant généralement plus de 20 000 travailleurs se compose de dix représentants des actionnaires et de dix représentants des travailleurs.

[...]

(2)      Parmi les membres du conseil de surveillance représentant les travailleurs doivent figurer,

1.      lorsque ce conseil de surveillance comporte six représentants des travailleurs, quatre travailleurs de l’entreprise et deux représentants des syndicats ;

2.      lorsque ce conseil de surveillance comporte huit représentants des travailleurs, six travailleurs de l’entreprise et deux représentants des syndicats ;

3.      lorsque ce conseil de surveillance comporte dix représentants des travailleurs, sept travailleurs de l’entreprise et trois représentants des syndicats.

[...]

(5)      Les syndicats visés au paragraphe 2 doivent être représentés dans l’entreprise même ou dans une autre entreprise dont les travailleurs participent à l’élection des membres du conseil de surveillance de l’entreprise en vertu de la présente loi. »

13      En ce qui concerne l’élection des représentants des syndicats au conseil de surveillance, l’article 16 de cette loi prévoit :

« (1)      Les délégués élisent les membres du conseil de surveillance chargés de représenter les syndicats conformément à l’article 7, paragraphe 2, au scrutin secret et dans le respect des principes du scrutin proportionnel [...]

(2)      L’élection se déroule sur la base des candidatures proposées par les syndicats représentés dans l’entreprise elle-même ou dans une autre entreprise dont les travailleurs participent à l’élection des membres du conseil de surveillance de l’entreprise en vertu de la présente loi. [...] »

 Le SEBG

14      L’article 2 du Gesetz über die Beteiligung der Arbeitnehmer in einer Europäischen Gesellschaft (loi sur l’implication des salariés au sein d’une société européenne), du 22 décembre 2004 (BGBl. 2004 I, p. 3675, 3686), dans sa version en vigueur depuis le 1er mars 2020 (ci‑après le « SEBG »), énonce :

« [...]

(8)      L’implication des travailleurs désigne toute procédure, y compris l’information, la consultation et la participation, par laquelle les représentants des travailleurs peuvent exercer une influence sur les décisions à prendre au sein de l’entreprise.

[...]

(12)      On entend par “participation”, l’influence des travailleurs sur les affaires d’une société

1.      en exerçant leur droit d’élire ou de désigner une partie des membres de l’organe de surveillance ou d’administration de la société ; ou

2.      en exerçant leur droit de recommander la désignation d’une partie ou de l’ensemble des membres de l’organe de surveillance ou d’administration de la société ou de s’y opposer. »

15      L’article 21 de cette loi dispose :

« [...]

(3)      Si un accord de participation est conclu entre les parties, il convient d’en préciser le contenu. Il convient notamment de convenir :

1.      du nombre de membres de l’organe de surveillance ou d’administration de la SE, que peuvent élire ou désigner les travailleurs ou dont ils peuvent recommander ou refuser la désignation ;

2.      de la procédure permettant aux travailleurs d’élire ou de désigner ces membres ou bien de recommander ou de refuser leur désignation, et

3.      des droits de ces membres.

[...]

(6)      Sans préjudice de l’articulation entre la présente loi et d’autres dispositions relatives à la participation des travailleurs dans la société, dans le cas d’une SE constituée par transformation, l’accord prévoit, pour tous les éléments de l’implication des travailleurs, un niveau au moins équivalent à celui qui existe dans la société qui doit être transformée en SE. Ceci vaut également lors d’un changement de la structure d’organisation dualiste de la société vers une structure d’organisation moniste et vice versa. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

16      Avant d’être transformée en SE, SAP avait la forme juridique d’une société anonyme de droit allemand et disposait, en conformité avec la législation nationale, d’un conseil de surveillance composé de huit membres représentant les actionnaires et de huit membres représentant les travailleurs, dont six travailleurs de l’entreprise et deux représentants des syndicats. Les deux représentants des syndicats avaient, en vertu de l’article 16, paragraphe 2, du MitbestG, été proposés par les syndicats représentés au sein du groupe de sociétés auquel appartient SAP et avaient été élus sur la base d’un scrutin distinct de celui mis en place pour l’élection des six autres membres du conseil de surveillance représentant les travailleurs.

17      Depuis que, en 2014, SAP a été transformée en SE, elle dispose d’un conseil de surveillance composé de 18 membres. Conformément à l’accord portant sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs au sein de SAP, conclu entre SAP et le groupe spécial de négociation constitué en son sein (ci-après l’« accord d’implication »), neuf des membres du conseil de surveillance sont des représentants des travailleurs. Cet accord d’implication prévoit, notamment, les modalités de désignation des représentants des travailleurs et indique, à cet égard, que les syndicats représentés au sein du groupe auquel appartient SAP disposent d’un droit exclusif de proposition de candidats pour une partie des sièges de représentants des travailleurs employés en Allemagne, l’élection de ces candidats par les travailleurs faisant l’objet d’un scrutin distinct de celui sur la base duquel sont élus les autres représentants des travailleurs.

18      L’accord d’implication contient également des règles relatives à la constitution d’un conseil de surveillance réduit à douze membres (ci‑après le « conseil de surveillance réduit »), dont six sont des représentants des travailleurs. Les représentants des travailleurs correspondant aux quatre premiers sièges, attribués à la République fédérale d’Allemagne, sont élus par les travailleurs employés en Allemagne. Les syndicats représentés au sein du groupe de sociétés auquel appartient SAP peuvent proposer des candidats pour une partie des sièges attribués à la République fédérale d’Allemagne, mais aucun scrutin distinct de celui sur la base duquel les autres représentants des travailleurs sont élus n’est prévu pour l’élection de ces candidats.

19      Les requérantes au principal ont contesté sans succès, tant en première instance qu’en appel, les règles de l’accord d’implication relatives à la désignation des représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance réduit. Elles ont, par suite, formé un pourvoi devant le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne), estimant que lesdites règles sont contraires à l’article 21, paragraphe 6, du SEBG et doivent donc être annulées, au motif qu’elles ne prévoient pas que les syndicats bénéficient d’un droit de proposition exclusif, c’est-à-dire garanti par un scrutin séparé, pour un certain nombre de représentants des travailleurs au conseil de surveillance réduit.

20      SAP soutient, pour sa part, que le droit exclusif des syndicats de proposer des candidats à l’élection des représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance réduit, prévu à l’article 7, paragraphe 2, du MitbestG, lu conjointement avec l’article 16, paragraphe 2, de celui‑ci, n’est pas couvert par l’article 21, paragraphe 6, du SEBG.

21      La juridiction de renvoi estime que, sur le fondement du seul droit national, il y aurait lieu de faire droit à la demande des requérantes au principal d’annuler les règles de l’accord d’implication relatives à la désignation des représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance réduit. L’article 21, paragraphe 6, première phrase, du SEBG exigerait en effet que les parties à l’accord d’implication veillent, lors de la constitution d’une SE par transformation, à ce que les éléments d’une procédure d’implication des travailleurs, au sens de l’article 2, paragraphe 8, du SEBG, qui caractérisent l’influence des travailleurs sur la prise de décision au sein d’une société, subsistent dans une mesure équivalente dans la SE à créer. Ainsi, tout d’abord, ces éléments devraient être déterminés au regard du droit national pertinent, en fonction, dans chaque cas, des procédures d’implication des travailleurs déjà en place dans la société anonyme à transformer, au sens de l’article 2, paragraphe 8, du SEBG. Ensuite, les éléments caractérisant l’influence des travailleurs sur la prise de décision au sein d’une société devraient subsister dans une mesure équivalente dans la SE à constituer. L’article 21, paragraphe 6, première phrase, du SEBG n’imposerait certes pas le maintien intégral des procédures et de l’état du droit existants dans la société à transformer, mais les éléments procéduraux qui caractérisent de manière déterminante l’influence des représentants des travailleurs sur la prise de décision dans la société à transformer devraient être garantis qualitativement, dans une mesure équivalente, dans l’accord d’implication des travailleurs applicable à la SE. Or, conformément au droit national, l’application d’un scrutin distinct pour l’élection des candidats proposés par les syndicats en tant que représentants des travailleurs dans le conseil de surveillance réduit aurait précisément pour but de renforcer l’influence des représentants des travailleurs sur la prise de décision au sein d’une entreprise, en garantissant que, parmi ces représentants, figurent des personnes disposant d’un degré élevé de connaissance des conditions et des besoins de l’entreprise tout en disposant d’une expertise externe.

22      En l’occurrence, les règles de l’accord d’implication relatives à la désignation des représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance réduit ne respecteraient pas les exigences découlant de l’article 21, paragraphe 6, du SEBG dès lors que, tout en attribuant aux syndicats représentés au sein du groupe de sociétés auquel appartient SAP le droit de proposer des candidats aux élections des membres dudit conseil de surveillance représentant les travailleurs, elles ne prévoiraient pas de scrutin séparé pour l’élection de ces membres et ne garantiraient donc pas la présence effective d’un représentant des syndicats parmi les représentants des travailleurs au sein de ce conseil de surveillance.

23      La juridiction de renvoi se demande toutefois si l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86 ne prévoit pas un niveau de protection uniforme différent et moins élevé que celui prévu en droit allemand et qui s’imposerait, le cas échéant, à tous les États membres. Dans l’affirmative, elle serait tenue d’interpréter l’article 21, paragraphe 6, du SEBG d’une manière conforme au droit de l’Union.

24      Dans ces conditions, le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 21, paragraphe 6, du [SEBG], dont il résulte, en cas de constitution par transformation d’une [SE] établie en Allemagne, qu’il convient d’assurer, pour une partie donnée des membres du conseil de surveillance représentant les travailleurs, une procédure de sélection spécifique aux candidats proposés par les syndicats, est-il conforme à l’article 4, paragraphe 4, de la directive [2001/86] ? »

 Sur la question préjudicielle

 Sur l’objet de la question préjudicielle

25      SAP considère qu’il convient, à titre liminaire, d’examiner la validité de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86 et de répondre à la question de savoir si, en imposant l’adoption, dans l’accord sur l’implication des travailleurs, de règles plus strictes en cas de constitution d’une SE par voie de transformation qu’en cas de constitution d’une telle société par une autre des voies visées au considérant 10 de cette directive, cette disposition est compatible avec le droit primaire, notamment avec l’article 49, premier alinéa, première phrase, et l’article 54, premier alinéa, TFUE ainsi qu’avec les articles 16, 17 et 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

26      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour (voir, notamment, arrêt du 29 juillet 2019, Hochtief Solutions Magyarországi Fióktelepe, C‑620/17, EU:C:2019:630, point 30 et jurisprudence citée).

27      En l’occurrence, la question préjudicielle a pour objet l’interprétation de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86, la juridiction de renvoi n’ayant pas émis de doute quant à la validité de cette disposition.

28      En outre, selon une jurisprudence bien établie, l’article 267 TFUE n’ouvre pas de voie de recours aux parties à un litige pendant devant le juge national, de sorte que la Cour ne saurait être tenue d’apprécier la validité du droit de l’Union pour le seul motif que cette question a été invoquée devant elle par l’une de ces parties dans ses observations écrites (arrêts du 5 mai 2011, MSD Sharp & Dohme, C‑316/09, EU:C:2011:275, point 23 et jurisprudence citée, ainsi que du 17 décembre 2015, APEX, C‑371/14, EU:C:2015:828, point 37).

29      Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu, en l’occurrence, pour la Cour de se prononcer sur la validité de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86.

 Sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86

30      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86 doit être interprété en ce sens que l’accord portant sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs applicable à une SE créée par transformation, tel que visé à cette disposition, doit prévoir un scrutin distinct en vue d’élire, en tant que représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance de la SE, une certaine proportion de candidats proposés par les syndicats, dès lors que le droit applicable impose un tel scrutin distinct en ce qui concerne la composition du conseil de surveillance de la société devant être transformée en SE.

31      À cet égard, selon une jurisprudence constante, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte, des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie et, le cas échéant, de sa genèse (arrêt du 19 décembre 2019, Nederlands Uitgeversverbond et Groep Algemene Uitgevers, C‑263/18, EU:C:2019:1111, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

32      S’agissant en premier lieu du libellé de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86, ce dernier dispose que, sans préjudice de l’article 13, paragraphe 3, sous a), de cette directive, dans le cas d’une SE constituée par transformation, l’accord portant sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs applicable à cette SE, prévoit, « pour tous les éléments de l’implication des travailleurs, un niveau au moins équivalent à celui qui existe dans la société qui doit être transformée en SE ».

33      En ce qui concerne l’expression « tous les éléments de l’implication », figurant à cette disposition, il y a lieu de relever que la directive 2001/86 définit, à son article 2, sous h), l’« implication des travailleurs » comme couvrant « l’information, la consultation, la participation et tout autre mécanisme par lequel les représentants des travailleurs peuvent exercer une influence sur les décisions à prendre au sein de l’entreprise ». Il doit également être relevé que la notion de « participation » est définie à son article 2, sous k), comme « l’influence qu’a l’organe représentant les travailleurs et/ou les représentants des travailleurs sur les affaires d’une société », « en exerçant leur droit d’élire ou de désigner certains membres de l’organe de surveillance ou d’administration de la société » ou « leur droit de recommander la désignation d’une partie ou de l’ensemble des membres de l’organe de surveillance ou d’administration de la société et/ou de s’y opposer ».

34      Ainsi, d’une part, il résulte de ces définitions que la « participation » constitue, en tant que telle, un mécanisme par lequel les représentants des travailleurs peuvent exercer une influence sur les décisions à prendre au sein de l’entreprise, en exerçant soit leur droit d’élire, ou de désigner certains membres des organes de surveillance ou d’administration de la société, soit leur droit de recommander cette désignation ou de s’y opposer. Eu égard à l’expression « tous les éléments », employée à l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86, il y a dès lors lieu de considérer que l’ensemble des éléments qui caractérisent le mode de participation en cause, qui sont de nature à permettre à l’organe représentant les travailleurs ou à leurs représentants d’exercer une influence sur les affaires de la société, tels que, en particulier, des modalités de l’exercice des droits susvisés d’élection, de désignation, de recommandation ou d’opposition, doivent être pris en compte dans le cadre d’un accord concernant une SE créée par transformation.

35      D’autre part, lesdites définitions renvoient à la notion de « représentants des travailleurs », qui, conformément à l’article 2, sous e), de la directive 2001/86, vise « les représentants des travailleurs prévus par la législation et/ou la pratique nationales ». Force est, dès lors, de constater que le législateur de l’Union n’a pas défini cette notion, mais s’est limité à renvoyer à cet égard aux législations et/ou aux pratiques nationales.

36      La même constatation s’impose au regard de l’expression « un niveau au moins équivalent à celui qui existe dans la société qui doit être transformée en SE », figurant à l’article 4, paragraphe 4, de cette directive.

37      En effet, en ce qu’ils se réfèrent au niveau d’implication existant dans la société avant la transformation de celle-ci en SE, ces termes renvoient manifestement à la législation et/ou à la pratique nationales dans l’État membre du siège de cette société, à savoir, en l’occurrence, la législation allemande. Il s’ensuit qu’il incombe aux parties à l’accord portant sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs au sein de la SE de vérifier que le niveau d’implication des travailleurs prévu par celui-ci est, pour tous les éléments de cette implication, au moins équivalent à celui fixé par cette législation.

38      L’analyse des termes de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86 fait ainsi déjà ressortir que le législateur de l’Union a, pour ce qui est de la définition des représentants des travailleurs et du niveau d’implication de ceux-ci devant être préservé, au moins de manière équivalente, en cas de constitution d’une SE par transformation, renvoyé à la législation et/ou à la pratique nationales de l’État membre du siège de la société devant être transformée en SE. Ainsi, s’agissant en particulier de la participation, tant la détermination des personnes habilitées à représenter les travailleurs que celle des éléments caractéristiques de la participation permettant auxdits représentants des travailleurs d’exercer une influence sur les décisions à prendre au sein de l’entreprise, grâce à l’exercice des droits visés à l’article 2, sous k), de cette directive, nécessitent de se référer aux appréciations effectuées à cet égard par le législateur national ainsi qu’à la pratique nationale pertinente. D’ailleurs, ainsi qu’il ressort du considérant 5 de la directive 2001/86, le législateur de l’Union a précisément considéré que la grande diversité des règles et des pratiques existant dans les États membres en ce qui concerne la manière dont les représentants des salariés sont impliqués dans le processus de prise de décision des sociétés rendait inopportune l’instauration d’un modèle européen unique d’implication des salariés applicable aux SE.

39      Il s’ensuit que si un élément procédural établi par la législation nationale, tel que, en l’occurrence, le scrutin spécifique pour l’élection des candidats proposés par des syndicats à un nombre défini de sièges au sein du conseil de surveillance d’une société, en tant que représentants des travailleurs au sein de ce conseil, constitue un élément caractéristique du régime national de participation des représentants de travailleurs, introduit en vue de renforcer la participation des travailleurs dans l’entreprise et que cette législation lui attribue, comme en l’occurrence, un caractère impératif, cet élément procédural doit être considéré comme faisant partie de « tous les éléments de l’implication des travailleurs », au sens de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86. Cet élément procédural doit ainsi être pris en compte aux fins de l’accord relatif aux modalités d’implication visé par cette disposition.

40      S’agissant en deuxième lieu du contexte dans lequel s’inscrit l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86, celui-ci conforte l’interprétation littérale de cette disposition, en ce sens que le législateur de l’Union a entendu réserver un traitement particulier aux SE constituées par transformation afin qu’il ne soit pas porté atteinte aux droits en matière d’implication dont les travailleurs de la société qui doit être transformée en SE bénéficient en application de la législation et/ou de la pratique nationales.

41      Ainsi, tout d’abord, le paragraphe 2 de l’article 4 de cette directive énumère les différents éléments que l’accord portant sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs au sein de la SE doit contenir, dont, le cas échéant, le nombre de membres de l’organe d’administration ou de surveillance de la SE que les travailleurs auront le droit d’élire, de désigner, de recommander ou à la désignation desquels ils pourront s’opposer, les procédures à suivre pour que les travailleurs puissent élire, désigner ou recommander ces membres ou s’opposer à leur désignation, ainsi que leurs droits. Or, cette disposition prévoit qu’elle s’applique « sous réserve du paragraphe 4 » du même article, de sorte que ce dernier paragraphe ne saurait s’analyser comme une disposition dérogatoire, qui serait d’interprétation stricte.

42      Ensuite, il ressort du considérant 10 de ladite directive que le législateur de l’Union a estimé que, en cas de création d’une SE, notamment par voie de transformation, il existe un risque accru de disparition ou d’affaiblissement des systèmes et des pratiques de participation existants.

43      L’interprétation littérale de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86, dégagée au point 39 du présent arrêt est, en troisième lieu, conforme à l’objectif poursuivi par cette directive. En effet, aux termes du considérant 18 de cette directive, « [l]a garantie des droits acquis des travailleurs en matière d’implication dans les décisions prises par l’entreprise est un principe fondamental et l’objectif déclaré de [ladite] directive ». Ce considérant énonce également que « [l]es droits des travailleurs existant avant la constitution des SE devraient être à la base de l’aménagement de leurs droits en matière d’implication dans la SE (principe “avant-après”) ». Il ressort ainsi de la directive 2001/86 que la garantie des droits acquis voulue par le législateur de l’Union implique non seulement le maintien des droits acquis des travailleurs dans la société à transformer en SE, mais aussi l’extension de ces droits à l’ensemble des travailleurs de la SE (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2013, Commission/Pays-Bas, C‑635/11, EU:C:2013:408, points 40 et 41).

44      Il convient d’ajouter, ainsi qu’il ressort également des considérants 10 et 15 de la directive 2001/86 ainsi que de l’article 11 de cette directive, que le législateur de l’Union a entendu écarter le risque que la constitution d’une SE, notamment par voie de transformation, conduise à un affaiblissement, voire même à une disparition, des droits d’implication dont les travailleurs de la société à transformer en SE bénéficiaient en vertu de la législation et/ou de la pratique nationales.

45      Enfin, en quatrième lieu, l’interprétation littérale, contextuelle et téléologique de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86, qui résulte des points 32 à 44 du présent arrêt, est encore confortée par la genèse de cette directive. En effet, d’une part, ainsi que toutes les parties ayant déposé des observations l’ont reconnu et ainsi qu’il ressort du rapport final du groupe d’experts « Systèmes européens d’implication des salariés » (rapport Davignon) du mois de mai 1997 (C4-0455/97), le régime applicable aux SE par transformation constituait, lors des négociations en vue de l’adoption de ladite directive, le principal point d’achoppement. Des préoccupations avaient été exprimées à cet égard notamment par le gouvernement allemand, quant au risque que la création d’une SE par transformation entraîne une réduction du niveau d’implication des travailleurs de la société devant être transformée. Ce n’est qu’avec l’introduction d’une disposition couvrant spécifiquement l’hypothèse de la création d’une SE par transformation et garantissant qu’une telle création n’entraîne pas un affaiblissement du niveau d’implication des travailleurs existant dans la société à transformer, disposition finalement reprise à l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86, que le processus d’adoption de cette directive a pu se poursuivre.

46      Au vu de ce qui précède, l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86 doit être interprété en ce sens que l’accord portant sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs applicable à une SE créée par transformation doit prévoir un scrutin distinct pour élire, en tant que représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance de la SE, une certaine proportion de candidats proposés par les syndicats, dès lors que le droit national applicable impose un tel scrutin distinct en ce qui concerne la composition du conseil de surveillance de la société devant être transformée en SE.

47      Partant, en l’occurrence, c’est au regard du droit allemand tel qu’il s’appliquait à SAP avant qu’elle ne soit transformée en SE, en particulier l’article 7, paragraphe 2, du MitbestG, lu conjointement avec l’article 16, paragraphe 2, de celui-ci, qu’il convient d’apprécier si l’accord d’implication garantit un niveau au moins équivalent d’implication des travailleurs dans la prise de décision au sein de cette société après sa transformation en SE.

48      Il convient encore de préciser que, ainsi qu’il est mentionné au point 43 du présent arrêt, dans la mesure où la garantie des droits acquis voulue par le législateur de l’Union implique non seulement le maintien des droits acquis des travailleurs dans la société à transformer en SE, mais aussi l’extension de ces droits à l’ensemble des travailleurs de la SE, tous les travailleurs de la SE créée par transformation doivent bénéficier des mêmes droits que ceux dont bénéficiaient les travailleurs de la société à transformer en SE.

49      Il s’ensuit que, en l’occurrence, l’ensemble des travailleurs de SAP doit pouvoir bénéficier de la procédure électorale prescrite par la législation allemande, et ce même en l’absence d’indication en ce sens dans cette législation. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi et du point 55 des conclusions de M. l’avocat général, afin de pleinement préserver les droits de ces travailleurs, de promouvoir les objectifs sociaux de l’Union tels qu’énoncés au considérant 3 de la directive 2001/86 et de garantir l’existence de procédures d’information, de consultation et de participation des travailleurs au niveau transnational, le droit de proposer une certaine proportion des candidats aux élections des représentants des travailleurs au sein d’un conseil de surveillance d’une SE créée par transformation, telle que SAP, ne saurait être réservé aux seuls syndicats allemands, mais doit être étendu à tous les syndicats représentés au sein de la SE, ses filiales et ses établissements, de manière à assurer l’égalité entre ces syndicats en ce qui concerne ce droit.

50      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86 doit être interprété en ce sens que l’accord portant sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs applicable à une SE créée par transformation, tel que visé à cette disposition, doit prévoir un scrutin distinct en vue d’élire, en tant que représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance de la SE, une certaine proportion de candidats proposés par les syndicats, lorsque le droit national applicable impose un tel scrutin distinct en ce qui concerne la composition du conseil de surveillance de la société devant être transformée en SE, l’égalité de traitement entre les travailleurs de cette SE, des filiales et des établissements de celle-ci ainsi qu’entre les syndicats qui y sont représentés devant être respectée dans le cadre de ce scrutin.

 Sur les dépens

51      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

L’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86/CE du Conseil, du 8 octobre 2001, complétant le statut de la Société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs,

doit être interprété en ce sens que :

l’accord portant sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs applicable à une société européenne (SE) créée par transformation, tel que visé à cette disposition, doit prévoir un scrutin distinct en vue d’élire, en tant que représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance de la SE, une certaine proportion de candidats proposés par les syndicats, lorsque le droit national applicable impose un tel scrutin distinct en ce qui concerne la composition du conseil de surveillance de la société devant être transformée en SE, l’égalité de traitement entre les travailleurs de cette SE, des filiales et des établissements de celle-ci ainsi qu’entre les syndicats qui y sont représentés devant être respectée dans le cadre de ce scrutin.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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