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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Etablissement Amra v EUIPO - eXpresio (Forme d'une botte de rebond) (EU trade mark - Judgment) French Text [2022] EUECJ T-264/21 (30 March 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T26421.html Cite as: [2022] EUECJ T-264/21, ECLI:EU:T:2022:193, EU:T:2022:193 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
30 mars 2022 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’une botte de rebond – Motif absolu de refus – Signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique – Article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (UE) 2017/1001 – Présence d’éléments verbaux – Absence de caractéristiques essentielles non fonctionnelles »
Dans l’affaire T‑264/21,
Établissement Amra, établi à Vaduz (Liechtenstein), représenté par Me M. Gómez Calvo, avocate,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été
eXpresio, estudio creativo, SL, établie à La Nucia (Espagne),
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 15 mars 2021 (affaire R 1083/2020‑1), relative à une procédure de nullité entre Établissement Amra et eXpresio, estudio creativo,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, T. Perišin et M. P. Zilgalvis (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2021,
vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 27 juillet 2021,
vu la réattribution de l’affaire à un nouveau juge rapporteur,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 31 octobre 2017, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, eXpresio, estudio creativo, SL (ci-après la « titulaire de la marque contestée »), a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel suivant :
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Équipement et articles de sport ; jouets, jeux et bibelots ».
4 La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 215/2017, du 13 novembre 2017.
5 Le 7 février 2018, la requérante, Établissement Amra, a formé opposition à l’enregistrement de la marque contestée. Cette opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne tridimensionnelle antérieure no 10627917 (ci‑après la « marque antérieure »), reproduite ci-dessous, enregistrée pour les produits compris dans la classe 28 et correspondant à la description suivante : « Jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport non inclus dans les autres classes » :
6 La procédure d’opposition a été suspendue en raison de l’existence d’une procédure de nullité visant la marque antérieure, pour tous les produits désignés par cette dernière. Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1) [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous a), b) et e), ii), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous a), b) et e), ii), du règlement 2017/1001].
7 Par décision du 26 octobre 2017, la division d’annulation avait rejeté la demande en nullité de la marque antérieure . Cependant, par décision du 2 août 2018, la première chambre de recours de l’EUIPO a déclaré la nullité de cette marque dans son intégralité, rendant la procédure d’opposition non fondée.
8 Le 13 décembre 2018, la requérante a présenté des observations de tiers concernant l’enregistrement de la marque contestée, sollicitant le refus de celui-ci pour les motifs visés à l’article 7, paragraphe 1, sous a), b), et e), ii), du règlement 2017/1001. L’EUIPO a indiqué à la requérante que ces observations ne soulevaient pas de doutes sérieux quant au caractère enregistrable de la marque contestée.
9 Le 12 octobre 2019, la marque contestée a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 17417015.
10 Le 15 octobre 2019, la requérante a présenté une demande de nullité de la marque contestée sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a), b) et e), ii), de ce règlement.
11 Par décision du 18 mai 2020, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.
12 Le 28 mai 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.
13 Par décision du 15 mars 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.
14 En particulier, premièrement, s’agissant du motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a considéré que, outre la fonction exclusivement technique que la forme constituant la marque contestée présentait, les composants distincts de la botte et les éléments verbaux présents à plusieurs endroits, clairement perceptibles et intégrés, et visuellement accrocheurs, constituaient des caractéristiques essentielles du signe, en particulier le mot « aerower ». Ce dernier, selon ladite chambre, était un élément non fonctionnel qui jouait un rôle important dans la marque considérée dans son ensemble, qui n’était pas nécessaire pour obtenir un résultat technique et qui, par conséquent, ne restreignait pas la disponibilité de la solution technique. En outre, elle a relevé que le public pertinent était habitué à s’appuyer sur les éléments verbaux du matériel et des articles de sport, dès lors qu’il était plus facile de les énumérer que de décrire la forme en question.
15 Deuxièmement, s’agissant du motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a estimé que les éléments verbaux de la marque contestée étaient distinctifs, étant donné qu’ils n’avaient pas de relation directe avec l’objet que représente ladite marque, ni avec les produits qu’elle désigne. En particulier, elle a considéré que l’élément verbal « aerower », compte tenu de sa taille, de sa fréquence d’apparition et de sa position, était perçu comme une indication d’origine et qu’il conférait au signe dans son ensemble un caractère distinctif du point de vue du public pertinent, à savoir le consommateur moyen de l’Union européenne.
16 Troisièmement, s’agissant du motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a relevé que la marque contestée avait été demandée en tant que marque de forme comportant en outre des éléments verbaux et figuratifs, de sorte que ladite marque respectait l’exigence d’une représentation claire et précise. Elle a souligné, à cet effet, que la spécification des éléments verbaux « aerower » et « jumper 1 » lors de l’enregistrement conférait à la marque contestée dans son ensemble un caractère distinctif et que, par conséquent, il n’était pas possible d’objecter que cette marque n’avait pas été demandée dans une forme suffisamment précise pour que le public puisse l’identifier et la percevoir sans ambiguïté, contrairement à la marque antérieure, qui n’était pas représentée d’une manière claire et précise et dont les éléments verbaux étaient soit dépourvus de caractère distinctif, soit de caractère distinctif réduit.
Conclusions des parties
17 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
18 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
19 À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, le premier, de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, le deuxième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, le troisième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, et, le quatrième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du même règlement.
20 Il convient d’examiner d’emblée le deuxième moyen invoqué par la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) du règlement 2017/1001.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001
21 La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a considéré que les éléments verbaux et figuratif présents dans la marque contestée constituaient des caractéristiques essentielles de celle-ci, alors que ce statut aurait dû être conféré uniquement à la forme de la botte de rebond, qui faisait l’objet de la demande d’enregistrement. Elle soutient qu’il s’agit d’une forme tridimensionnelle qui exerce une fonction exclusivement technique au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, notamment à la lumière des brevets produits dans le cadre de la procédure de nullité, qui décrivent de manière détaillée la fonction technique de chaque élément composant la forme de la botte de rebond en cause.
22 La requérante fait également valoir que les éléments verbaux et figuratif non fonctionnels de la marque contestée constituent des éléments d’importance mineure qui n’ont pas un impact suffisant sur l’impression d’ensemble produite par celle-ci. Elle ajoute que le fait qu’il a fallu élargir et isoler ces éléments pour pouvoir les apprécier correctement prouverait qu’ils ne sont pas visuellement accrocheurs et qu’ils ne constituent pas une caractéristique essentielle de la marque contestée considérée globalement.
23 La requérante allègue, enfin, que les considérations de la chambre de recours quant au caractère distinctif de l’élément verbal « aerower », notamment, sont sans pertinence aux fins de l’identification des caractéristiques essentielles dans le cadre de l’examen de la marque contestée au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, conformément à la jurisprudence du Tribunal.
24 L’EUIPO conteste l’appréciation des caractéristiques essentielles faite par la requérante et considère notamment que le terme « aerower » n’est pas un élément arbitraire mineur, mais qu’il constitue l’une des caractéristiques essentielles à caractère non fonctionnel, qui influe sur l’appréciation du signe dans son ensemble. Par ailleurs, l’EUIPO soutient que l’agrandissement et l’isolement des éléments verbaux de la marque contestée dans la décision attaquée étaient uniquement destinés à faciliter l’examen de cette marque tridimensionnelle, sans qu’il ne puisse en être déduit d’indications quant au caractère accrocheur ou essentiel de ces éléments.
25 L’EUIPO soutient que la requérante n’explique pas en quoi l’élément verbal « aerower » n’aurait pas été « arbitraire », c’est-à-dire distinctif et non lié à la fonctionnalité de la forme, et souligne l’impact des éléments verbaux et figuratif de la marque contestée sur l’impression d’ensemble produite par celle-ci et, par conséquent, le fait qu’ils doivent être considérés comme étant une caractéristique essentielle de cette marque.
26 Á titre liminaire, il convient de rappeler en premier lieu que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.
27 Ledit article 7, paragraphe 1, sous e) est un obstacle préliminaire susceptible d’empêcher qu’un signe constitué exclusivement par la forme d’un produit puisse être enregistré (voir, par analogie, arrêt du 12 février 2004, Henkel, C‑218/01, EU:C:2004:88, point 36 et jurisprudence citée).
28 Selon une jurisprudence constante, chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 doit être interprété à la lumière de l’intérêt qui le sous-tend. Dans ce contexte, la Cour a relevé que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement vise à empêcher que le droit des marques aboutisse à conférer à une entreprise un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d’un produit, susceptibles d’être recherchées par l’utilisateur dans les produits des concurrents (voir arrêt du 18 septembre 2014, Hauck, C‑205/13, EU:C:2014:2233, point 18 et jurisprudence citée).
29 À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que l’interdiction, prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous e) ii) du règlement 2017/1001, d’enregistrer en tant que marque tout signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique assure que des entreprises ne puissent utiliser le droit des marques pour perpétuer, sans limitation dans le temps, des droits exclusifs portant sur des solutions techniques (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 45), et ce du fait que l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif, tel qu’énoncé à l’article 9, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.
30 En effet, lorsque la forme d’un produit ne fait qu’incorporer la solution technique mise au point par le fabricant de ce produit et brevetée à sa demande, une protection de cette forme en tant que marque après l’expiration du brevet réduirait considérablement et perpétuellement la possibilité pour les autres entreprises d’utiliser ladite solution technique. Or, dans le système des droits de la propriété intellectuelle de l’Union, les solutions techniques sont seulement susceptibles d’une protection de durée limitée, de sorte qu’elles puissent être librement utilisées, par la suite, par l’ensemble des opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 46).
31 D’autre part, en limitant le motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 aux signes constitués « exclusivement » par la forme du produit « nécessaire » à l’obtention d’un résultat technique, le législateur a dûment considéré que toute forme de produit est, dans une certaine mesure, fonctionnelle et qu’il serait, par conséquent, inapproprié de refuser à l’enregistrement en tant que marque une forme de produit au simple motif qu’elle présente des caractéristiques utilitaires. Ladite disposition assure ainsi que seules les formes de produit qui ne font qu’incorporer une solution technique et dont l’enregistrement en tant que marque gênerait donc, réellement, l’utilisation de cette solution technique par d’autres entreprises soient refusées à l’enregistrement (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 48).
32 S’agissant de la condition prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, visant une forme « nécessaire » à l’obtention du résultat technique visé, elle ne signifie pas que la forme en cause doive être la seule permettant d’obtenir ce résultat. Il peut ainsi y avoir des formes alternatives, ayant d’autres dimensions ou un autre dessin, permettant d’obtenir le même résultat technique. L’enregistrement d’une forme exclusivement fonctionnelle en tant que marque permet en effet au titulaire de cette marque d’interdire aux autres entreprises non seulement l’utilisation de la même forme, mais également celle des formes similaires. Un nombre important de formes alternatives risquent ainsi de devenir inutilisables pour les concurrents dudit titulaire (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 53, 54 et 56).
33 En deuxième lieu, une application correcte de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 implique que les caractéristiques essentielles d’un signe tridimensionnel soient dûment identifiées par l’autorité statuant sur la demande d’enregistrement de celui-ci en tant que marque. L’expression « caractéristiques essentielles » doit être comprise comme visant les éléments les plus importants du signe (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 68 et 69).
34 L’identification desdites caractéristiques essentielles doit être opérée au cas par cas. Il n’existe, en effet, aucune hiérarchie systématique entre les différents types d’éléments qu’un signe peut comporter. Au demeurant, dans sa recherche des caractéristiques essentielles d’un signe, l’autorité compétente peut soit se baser directement sur l’impression globale dégagée par le signe, soit procéder, dans un premier temps, à un examen successif de chacun des éléments constitutifs du signe (voir arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 70 et jurisprudence citée).
35 Par conséquent, l’identification des caractéristiques essentielles d’un signe tridimensionnel en vue d’une éventuelle application du motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 peut, selon le cas, et en particulier eu égard au degré de difficulté de celui-ci, être effectuée par une simple analyse visuelle dudit signe ou, au contraire, être basée sur un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte des éléments utiles à l’appréciation, tels que des enquêtes et des expertises, ou encore des données relatives à des droits de propriété intellectuelle conférés antérieurement en rapport avec le produit concerné (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 71).
36 En troisième lieu, dès que les caractéristiques essentielles du signe sont identifiées, il incombe encore à l’autorité compétente de vérifier si ces caractéristiques répondent toutes à la fonction technique du produit en cause. En effet, l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 ne saurait s’appliquer lorsque la demande d’enregistrement en tant que marque porte sur une forme de produit dans laquelle un élément non fonctionnel, tel qu’un élément ornemental ou fantaisiste, joue un rôle important (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 72).
37 Dans le cadre de l’examen de la fonctionnalité d’un signe constitué par la forme d’un produit, il importe d’apprécier, après que les caractéristiques essentielles dudit signe ont été identifiées, si ces caractéristiques répondent à la fonction technique du produit concerné. Cet examen doit, de toute évidence, être fait en analysant le signe déposé en vue de son enregistrement en tant que marque de l’Union européenne, et non les signes constitués d’autres formes de produit. La fonctionnalité technique des caractéristiques d’une forme peut être appréciée, notamment, en tenant compte de la documentation relative aux brevets antérieurs qui décrivent les éléments fonctionnels de la forme concernée (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 84 et 85).
38 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, la chambre de recours a commis une erreur en considérant que le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 ne s’appliquait pas à la marque contestée du fait que l’élément verbal « aerower » constituait une caractéristique essentielle non fonctionnelle de la marque contestée.
39 En premier lieu, il convient de relever d’emblée que la chambre de recours est partie d’une prémisse erronée en établissant, d’une part, au point 23 de la décision attaquée, que les caractéristiques essentielles du signe se détermineraient en fonction de la perception du public concerné, qui, dans ce contexte, sert d’élément utile d’appréciation afin d’identifier quels sont les éléments perçus comme étant les plus importants, dans le but concret de permettre l’examen de la fonctionnalité du signe en cause, et en concluant, d’autre part, au point 29 de la décision attaquée, que l’impression produite par l’élément verbal « aerower » sur le public pertinent serait de nature à conférer à cet élément le statut de caractéristique essentielle du fait que, pour les consommateurs, il serait plus facile de retenir le nom d’une marque de sport que sa forme.
40 À cet égard, il convient de rappeler que la perception présumée du signe par le consommateur moyen n’est pas un élément décisif dans le cadre de l’application du motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, mais peut, tout au plus, constituer un élément d’appréciation utile pour l’autorité compétente lorsque celle-ci identifie les caractéristiques essentielles du signe (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 76).
41 Ainsi, la détermination des caractéristiques essentielles de la forme en cause, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, se fait dans le but précis de permettre l’examen de la fonctionnalité de la forme en cause. Or, la perception du consommateur moyen n’est pas pertinente pour l’analyse de la fonctionnalité des caractéristiques essentielles d’une forme. En effet, le consommateur moyen peut ne pas disposer des connaissances techniques nécessaires à l’appréciation des caractéristiques essentielles d’une forme, de sorte que certaines caractéristiques peuvent être essentielles de son point de vue, alors qu’elles ne le sont pas dans le contexte d’une analyse de la fonctionnalité et inversement. Dès lors, il convient de considérer que les caractéristiques d’une forme doivent être déterminées, aux fins de l’appréciation au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, de manière objective, à partir de sa représentation graphique et des éventuelles descriptions déposées lors de la demande de marque [voir arrêt du 24 septembre 2019, Roxtec/EUIPO – Wallmax (Représentation d’un carré noir contenant sept cercles bleus concentriques), T‑261/18, EU:T:2019:674, point 55 et jurisprudence citée].
42 En second lieu, au point 32 de la décision attaquée, dans le cadre de l’identification des caractéristiques essentielles du signe en cause, la chambre de recours a procédé à l’appréciation du caractère distinctif des éléments verbaux de la marque contestée, qu’elle a considéré comme tout au moins moyen. À cet égard il convient de rappeler, d’une part, que la notion de « caractéristiques essentielles » d’un signe, résultant de la jurisprudence rappelée au point 33 ci‑dessus, vise non pas à celle d’« éléments distinctifs » du signe, mais seulement à celle d’« éléments les plus importants du signe », qui, conformément à cette jurisprudence doivent être identifiés au cas par cas également.
43 D’autre part, dans la mesure où le motif absolu de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 constitue un obstacle préliminaire susceptible d’empêcher qu’un signe constitué exclusivement par la forme d’un produit puisse être enregistré, force est de constater que son examen au titre de cette disposition ne relève pas des mêmes règles que l’appréciation des éléments distinctifs, dont l’identification vise à évaluer la fonction d’indication de l’origine des produits aux yeux du consommateur, ce qui est différent de la détermination des éléments essentiels d’une forme (arrêt du 24 septembre 2019, Représentation d’un carré noir contenant sept cercles bleus concentriques, T‑261/18, EU:T:2019:674, point 53).
44 En effet, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, concernant le motif absolu de refus applicable aux marques dépourvues de caractère distinctif, la perception du public pertinent vise à déterminer si le signe déposé en vue de l’enregistrement en tant que marque permet de distinguer les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée, tandis que, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement, elle vise seulement, en tant qu’élément d’appréciation utile pour l’autorité compétente, à déterminer quels éléments sont perçus comme étant les plus importants, dans le but précis de permettre l’examen de la fonctionnalité de la forme en cause. Il s’ensuit que la perception du public pertinent dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et ladite perception dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement ne partagent ni le même objet ni la même finalité. Il en découle ainsi que le caractère distinctif des éléments d’un signe n’est pas pertinent aux fins de l’identification de ses caractéristiques essentielles dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement (arrêt du 24 septembre 2019, Représentation d’un carré noir contenant sept cercles bleus concentriques, T‑261/18, EU:T:2019:674, point 58).
45 Partant, il convient de constater que c’est à tort que la chambre de recours a pris en compte la perception du public pertinent et le caractère distinctif des éléments verbaux du signe lors de l’identification de ses caractéristiques essentielles, conformément à la jurisprudence citée aux points 33 à 37 ci-dessus.
46 Ensuite, il convient d’examiner les éléments constituant la marque contestée pour procéder ultérieurement à l’identification de ses caractéristiques essentielles et à l’appréciation de leur caractère fonctionnel ou arbitraire, le cas échéant.
47 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 2 ci-dessus, la marque contestée est représentée sous six angles différents et peut être décrite comme suit : i) une botte à trois boucles pour un maintien adaptable à chaque pied, reliée à une plateforme à ressort ovale ; ii) la botte repose sur une pièce qui apporte un soutien supplémentaire lorsqu’une pression est exercée ; iii) le ressort ovale est composé de deux larges bandes incurvées respectivement vers le haut et vers le bas, reliées par une pièce disposée horizontalement dans laquelle elles sont insérées et qui contient un ressort, également disposé horizontalement, avec des mécanismes pour absorber l’impact lorsque le ressort est rebondi et enfoncé ; iv) la bande inférieure du ressort, en contact avec le sol, est dotée d’une semelle en caoutchouc ou en un matériau similaire visant à favoriser la stabilité et l’adhérence, et à éviter les glissades et l’usure par contact avec le sol.
48 La marque contestée contient également les éléments verbaux « aerower », « jumper 1 » et « M » ainsi qu’un élément figuratif. S’agissant des éléments verbaux, d’une part, le terme « aerower » apparaît à trois endroits différents, à savoir, premièrement, sur la partie supérieure arrière de la botte, où il est représenté avec des caractères de très petite taille en couleur blanche ; deuxièmement, sur la pointe avant de la botte, où il est représenté avec des petits caractères blancs séparés les uns des autres, et, troisièmement, sur la semelle dont est revêtue la face externe de la bande inférieure du ressort ovale, où il est représenté en relief, en gris sur un fond de la même couleur et avec des caractères de taille plus importante, proportionnés à la surface de ladite semelle. D’autre part, l’élément verbal « jumper 1 » et la lettre majuscule « M », de couleur blanche également, se trouvent sur la partie supérieure arrière de la botte, couvrant la cheville, et sont de petite taille.
49 S’agissant de l’élément figuratif, il consiste en un élément graphique circulaire de couleur blanche, qui se trouve dans la partie supérieure frontale de la languette de la botte de rebond et a une taille un peu plus grande que celle des éléments verbaux, qui le rend plus discernable que ces derniers.
50 En premier lieu, il convient de constater que tous les éléments qui composent la forme de la botte de rebond, mentionnés au point 47 ci-dessus, ont une fonction technique nécessaire pour assurer qu’une personne rebondisse de manière équilibrée, contrôlée et stable dans le cadre d’une activité sportive ou de divertissement.
51 Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 33 à 36 ci-dessus, les éléments techniques composant la marque contestée doivent être considérés comme étant essentiels, dès lors qu’ils remplissent une fonction nécessaire à l’obtention d’un résultat technique au moyen du produit en cause, constituant ainsi des éléments indissociables et indispensables au produit dont la forme constitue la marque contestée, tel qu’il ressort des brevets figurant au dossier. Ces éléments correspondent dès lors à la définition établie par la jurisprudence rappelée au point 33 ci-dessus, selon laquelle l’expression « caractéristiques essentielles » doit être comprise comme visant les éléments les plus importants du signe.
52 Étant donné que les éléments techniques qui composent la forme constituant la marque contestée sont représentés presque à l’identique de ceux brevetés auparavant et présents de manière identique dans la marque antérieure, reproduite au point 5 ci-dessus et ayant appartenu à la requérante avant son annulation, le caractère fonctionnel desdits éléments techniques, qui, par ailleurs, n’est pas contesté par les parties, se confirme donc pour tous les produits en cause.
53 En deuxième lieu, il y a lieu de déterminer si les éléments verbaux et figuratif présents dans la marque contestée jouent ou non un rôle suffisamment important dans la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique pour être considérés comme étant essentiels, au sens de la jurisprudence citée aux points 33 à 35 ci-dessus.
54 En l’espèce, lors de son appréciation des caractéristiques essentielles de la marque contestée, la chambre de recours a considéré que les éléments verbaux « aerower », « Jumper 1 » et « M » ainsi que l’élément figuratif circulaire présent sur la languette de la botte sont clairement perceptibles, pleinement intégrés et visuellement accrocheurs. Tel serait particulièrement le cas de l’élément verbal « aerower », qui apparaît trois fois sur la botte et qui est un élément distinctif non mineur influant sur l’appréciation du signe considéré dans son ensemble.
55 À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que le terme « aerower » est présent uniquement sur trois des six images faisant l’objet de l’enregistrement de la marque contestée. Premièrement, ledit terme apparaît sur la pointe avant de la botte en lettres de couleur blanche, d’une petite taille, séparées les unes des autres de quelques millimètres. Or, force est de constater que, malgré le contraste de la couleur claire des lettres sur un fond noir, la petite taille et la proportion de celles‑ci par rapport à l’image frontale du signe ne rendent pas cet élément visuellement marquant. En outre, du fait également de la taille et de la position du terme placé à la pointe frontale de la botte de rebond, cet élément pourrait être perçu comme un motif décoratif destiné à renforcer cette partie de la botte, qui est plus exposée aux chocs, sans qu’il puisse pour autant être considéré comme un élément jouant un rôle suffisamment important pour constituer une caractéristique essentielle de la marque contestée.
56 Deuxièmement, le terme « aerower » apparaît sur la partie supérieure arrière de la botte, placé au-dessus de l’élément verbal « jumper 1 » et représenté également en lettres de couleur blanche sur un fond noir, mais d’une taille encore plus petite que celle de la représentation de ce terme sur la partie avant de la botte, ce qui le rend pratiquement indiscernable à l’œil nu. Partant, la représentation du terme « aerower » à l’arrière de la botte a un caractère négligeable et ne saurait conférer à ce terme le statut de caractéristique essentielle du signe.
57 Troisièmement, s’agissant de l’image montrant le terme « aerower » sur la semelle de la botte de rebond, ce dernier y est représenté au centre de ladite semelle dans une taille et une proportion plus importantes que celles des deux autres représentation de ce terme. Néanmoins, il convient de constater que, malgré la taille et la proportion plus grandes dudit terme à cet endroit et bien qu’il soit discernable à l’œil nu dans ce cas, l’absence de contraste de la couleur grise des lettres, représentées par le biais d’un simple relief sur un fond de la même couleur, ne rend pas cet élément visuellement accrocheur, contrairement à l’appréciation de la chambre de recours.
58 En outre, la semelle est constituée de petits éléments carrés qui forment deux lignes autour du terme « aerower » et présentent des dimensions très semblables aux lettres de celui-ci, ce qui, eu égard l’absence de contraste de la représentation dudit terme, ne permet pas d’exclure que les lettres qui le composent puissent être confondues avec le reste des motifs en relief constituant le dessin de la semelle.
59 Il y a donc lieu de conclure également au caractère négligeable de l’élément « aerower » tel qu’il est représenté sur la semelle, de sorte que cette représentation ne joue pas non plus un rôle important de nature à permettre de le considérer comme une caractéristique essentielle de la marque contestée.
60 Ensuite, il en va de même pour les éléments verbaux « Jumper 1 » et « M », qui, du fait de leur petite taille et de leur localisation, ne sauraient être perçus comme étant des caractéristiques essentielles de la marque contestée.
61 Enfin, en ce qui concerne l’élément figuratif circulaire situé sur la languette de la botte, bien que d’une taille et d’une proportion plus grandes que celles des éléments verbaux, rendant cet élément figuratif discernable à l’œil nu, force est de constater qu’il s’agit d’un élément abstrait et banal, qui ne retient pas particulièrement l’attention et qui, partant, n’est pas visuellement accrocheur. Dès lors, cet élément figuratif ne répond pas aux critères de la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, puisqu’il ne s’agit pas d’un élément ornemental ou fantaisiste jouant un rôle important dans l’impression d’ensemble produite par le signe.
62 En conséquence, les éléments verbaux et figuratif présents dans la marque contestée n’étant pas essentiels, il n’y a pas lieu de se prononcer sur leur fonctionnalité.
63 Compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce ainsi que du type de marque dont la protection a été demandée et de la représentation concrète des éléments verbaux et figuratif sur la botte de rebond, il convient de considérer que la forme faisant l’objet de la demande de protection est la partie la plus importante dans l’impression globale produite par le signe et que, par conséquent, les éléments essentiels de cette forme étant nécessaires à l’obtention d’un résultat technique, tel que constaté au point 50 ci-dessus, la marque contestée devait être refusée à l’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.
64 Par conséquent, il a lieu de constater que c’est à tort que la chambre de recours a conclu au caractère essentiel des éléments verbaux et figuratif de la marque contestée sur la base de l’impact que l’élément verbal « aerower » aurait sur l’impression d’ensemble produite par le signe, en raison du caractère clairement intégré et visuellement accrocheur de cet élément.
65 Eu égard de ce qui précède, le deuxième moyen doit être accueilli.
66 Dans la mesure où, tel qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés dans cette disposition s’applique pour qu’un signe doive être refusé à l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne, il y a lieu d’accueillir le recours dans son ensemble et partant, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les premier, troisième et quatrième moyens.
Sur les dépens
67 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 15 mars 2021 (affaire R 1083/2020‑1) est annulée.
2) L’EUIPO est condamné aux dépens.
Costeira | Perišin | Zilgalvis |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mars 2022.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.
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