BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?
No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | ||
Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
||
You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> D & A Pharma v Commission and EMA (Judgment) French Text [2022] EUECJ T-556/20 (02 March 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T55620.html Cite as: [2022] EUECJ T-556/20, ECLI:EU:T:2022:111, EU:T:2022:111 |
[New search] [Help]
ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
2 mars 2022 (*)
« Médicaments à usage humain – Demande d’autorisation de mise sur le marché conditionnelle du médicament Hopveus - oxybate de sodium – Décision de refus de la Commission – Règlement (CE) no 726/2004 – Procédure – Comité des médicaments à usage humain – Demande de consultation d’un groupe scientifique consultatif spécifique – Impartialité de membres d’un comité d’experts ad hoc – Erreurs manifestes d’appréciation – Égalité de traitement »
Dans l’affaire T‑556/20,
Debregeas et associés Pharma (D & A Pharma), établie à Paris (France), représentée par Mes N. Viguié et D. Krzisch, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. G. Wils et A. Sipos, en qualité d’agents,
et
Agence européenne des médicaments (EMA), représentée par MM. S. Marino, S. Drosos, Mmes C. Bortoluzzi et H. Kerr, en qualité d’agents,
parties défenderesses,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents et Mme T. Pynnä (rapporteure), juges,
greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 1er décembre 2021,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Debregeas et associés Pharma (D & A Pharma), demande l’annulation de la décision d’exécution de la Commission du 6 juillet 2020 refusant la demande d’autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Hopveus – oxybate de sodium au titre du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1) (ci-après la « décision attaquée »).
I. Antécédents du litige
2 La requérante a déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché (ci-après « AMM ») conditionnelle auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA) pour le médicament Hopveus – oxybate de sodium (ci-après l’« Hopveus »), au titre du règlement (CE) no 507/2006 de la Commission, du 29 mars 2006, relatif à l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement no 726/2004 (JO 2006, L 92, p. 6).
3 L’Hopveus vise à lutter contre la dépendance alcoolique, une maladie qui toucherait près de 11 millions de personnes dans l’Union européenne et qui est généralement définie comme un trouble psychiatrique avec des effets néfastes sur les plans physique, mental et psychologique, ayant de lourdes conséquences sociales et une probabilité de rechute chronique.
4 L’Hopveus contient comme substance active l’oxybate de sodium (ci-après l’« OS ») et se présente sous la forme de granulés pour administration orale dans des sachets de 750 mg, 1 250 mg et 1 750 mg.
5 L’OS sous forme de solution orale a fait l’objet d’une AMM en Italie en 1991, tandis que le sirop Alcover a fait l’objet d’une AMM en Autriche en 1999 pour les indications suivantes : syndrome de sevrage alcoolique (ci-après « SSA ») aigu en cas d’abus chronique d’alcool et adjuvant en cas de thérapie de sevrage alcoolique à long terme sous étroite surveillance médicale, s’accompagnant d’une psychothérapie et d’une réinsertion sociale (ci‑après l’« Alcover solution orale »). La requérante est titulaire de l’AMM délivrée en Autriche depuis 2014.
6 Le 23 décembre 2015, la requérante a introduit une demande d’AMM pour l’Alcover et les dénominations associées, sous forme de granulés en sachet (ci-après l’« Alcover granules »), selon la procédure décentralisée, pour les indications de maintien à long terme de l’abstinence alcoolique et le traitement du SSA. Par décision du 18 décembre 2017, suivant l’avis du comité des médicaments à usage humain (CHMP), la Commission européenne a refusé l’octroi de l’AMM pour l’Alcover granules, en raison du rapport bénéfice/risque défavorable pour ce médicament.
7 Le 26 juin 2018, la requérante a soumis une demande d’AMM conditionnelle à l’EMA pour l’Hopveus, succédant à l’Alcover granules, dans le cadre d’une procédure centralisée. L’AMM conditionnelle était sollicitée pour les indications thérapeutiques suivantes : d’une part, soutien au maintien à moyen et long terme de l’abstinence chez les patients adultes alcooliques présentant un niveau de risque très élevé (consommation de plus de 60 g d’alcool/jour pour les femmes et de plus de 100 g d’alcool/jour pour les hommes) sous surveillance médicale attentive, avec psychothérapie et réadaptation sociale continue, le traitement devant être initié uniquement pour les patients dont la durée d’abstinence avant le traitement ne dépasse pas deux semaines et, d’autre part, traitement du SSA léger à modéré chez les patients adultes alcooliques.
8 Le 17 octobre 2019, le CHMP a rendu un avis défavorable sur la demande d’AMM conditionnelle, au motif que l’efficacité de l’Hopveus n’avait pas suffisamment été démontrée, car des limites méthodologiques sévères transparaissaient tout au long des études produites par la requérante.
9 Le 29 octobre 2019, à la suite de l’avis négatif émis par le CHMP, la requérante a sollicité un réexamen de la demande d’AMM conditionnelle, conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 726/2004.
10 Afin de répondre aux commentaires formulés par le CHMP, la requérante a proposé les indications thérapeutiques révisées suivantes : d’une part, maintien de l’abstinence chez les patients dépendants à l’alcool sous étroite surveillance médicale ainsi que support psychosocial et une réhabilitation sociale continue et, d’autre part, traitement du SSA, sans complication ou avec troubles de la perception.
11 Dans la demande de réexamen, la requérante sollicitait officiellement que le CHMP consulte le groupe scientifique consultatif (ci-après le « GSC ») psychiatrie. Dans les motifs au soutien de ladite demande, datés du 3 janvier 2020, elle demandait que le CHMP consulte un GSC ou un groupe d’experts ad hoc comprenant des représentants des patients. Le CHMP a ainsi décidé de convoquer un comité d’experts ad hoc en lieu et place du GSC psychiatrie.
12 À la suite d’un nouvel avis défavorable du CHMP en date du 30 avril 2020, la demande d’AMM conditionnelle a été refusée par la décision attaquée, au motif que le médicament ne satisfaisait pas ni aux exigences de la directive 2001/83/CE du Parlement et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), ni à celles du règlement no 507/2006 et notamment que, « en l’absence d’une démonstration de l’efficacité, le rapport bénéfice/risque de [l’Hopveus n’était] pas jugé favorable pour les indications proposées ».
II. Conclusions des parties
13 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– constater, dans ses motifs, en cas d’annulation de ladite décision se fondant sur le premier moyen, qu’une telle annulation doit conduire l’EMA à la replacer dans la « situation juridique dans laquelle elle se trouvait antérieurement à cet acte », en application de l’article 264 TFUE, c’est-à-dire avant la convocation du GSC psychiatrie, et rappeler par conséquent que ce dernier, dans sa composition à la date de la demande de réexamen, doit être convoqué ;
– condamner la Commission et l’EMA aux dépens.
14 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
15 L’EMA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme manifestement irrecevable en ce qu’il est dirigé contre elle ;
– en tout état de cause, rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
A. Sur le deuxième chef de conclusions de la requérante
16 À titre liminaire, il convient de rejeter d’emblée le deuxième chef de conclusions de la requérante, tendant à ce que le Tribunal rappelle, « en cas d’annulation de la décision attaquée sur le fondement du premier moyen […] que le GSC psychiatrie, dans sa composition à la date de la demande de réexamen […], doit être convoqué ».
17 À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union, même lorsqu’elles ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts (ordonnances du 22 septembre 2016, Gaki/Commission, C‑130/16 P, non publiée, EU:C:2016:731, point 14, et du 19 juillet 2016, Trajektna luka Split/Commission, T‑169/16, non publiée, EU:T:2016:441, point 13).
18 Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le deuxième chef de conclusions de la requérante, pour cause d’incompétence.
B. Sur la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre l’EMA
19 Il convient ensuite d’examiner la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre l’EMA, qui est contestée par cette dernière.
20 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les recours doivent normalement être dirigés contre l’auteur de l’acte attaqué (ordonnance du 10 novembre 2011, Agapiou Joséphidès/Commision et EACEA, C‑626/10 P, non publiée, EU:C:2011:726, point 28 ; arrêts du 8 octobre 2008, Sogelma/AER, T‑411/06, EU:T:2008:419, point 49, et du 15 septembre 2016, La Ferla/Commission et ECHA, T‑392/13, EU:T:2016:478, point 60).
21 Or, comme le fait valoir l’EMA, en l’espèce, il ne fait aucun doute que la décision attaquée émane de la Commission. Cela ressort, premièrement, du préambule de cette décision, qui dispose que « [l]a Commission […] a adopté la[dite] décision », deuxièmement, du titre et de l’entête de cette décision, qui mentionnent la Commission et, troisièmement, de la base juridique de la même décision, à savoir l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 726/2004, qui prévoit que « [l]a Commission arrête une décision définitive conformément à la procédure visée à l’article 87, paragraphe 3, et dans les quinze jours suivant la fin de celle-ci ». La circonstance que le comité compétent de l’EMA rend un avis consultatif préparatoire ne modifie en rien le fait que la Commission est l’unique auteur de la décision en question.
22 Partant, il y a lieu de rejeter le présent recours comme irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre l’EMA.
C. Sur le fond
23 La requérante soulève six moyens à l’appui du recours. Les trois premiers moyens sont tirés de vices de procédure devant l’EMA, tandis que les quatrième à sixième moyens sont tirés d’une erreur de droit, d’erreurs manifestes d’appréciation et de violations du principe d’égalité de traitement.
24 Avant d’examiner les différents moyens, il convient de rappeler, d’une part, le rôle joué par l’EMA et par le CHMP dans le cadre de la procédure d’examen centralisée de demandes d’AMM de médicaments à usage humain au niveau de l’Union et, d’autre part, l’étendue du contrôle du Tribunal.
1. Observations liminaires quant au rôle joué par l’EMA et par le CHMP dans le cadre de la procédure d’examen centralisée de demandes d’AMM de médicaments à usage humain au niveau de l’Union et à l’étendue du contrôle du Tribunal
25 En premier lieu, il convient de rappeler que l’EMA, instaurée par le règlement no 726/2004, a pour principale mission la protection et la promotion de la santé publique et animale à travers l’évaluation et la supervision des médicaments à usage humain et vétérinaire. Selon l’article 57, paragraphe 1, dudit règlement, l’EMA donne aux États membres et aux institutions de l’Union les meilleurs avis scientifiques possibles sur toute question relative à l’évaluation de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité des médicaments à usage humain ou vétérinaire qui lui est soumise. Elle est notamment chargée de coordonner l’évaluation scientifique de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité des médicaments qui font l’objet de procédures d’AMM dans l’Union.
26 En ce qui concerne les demandes d’AMM des médicaments à usage humain dans l’Union, déposées en vertu de la procédure centralisée prévue par le règlement no 726/2004, il y a lieu de relever que cette procédure implique la présentation par la société pharmaceutique intéressée d’une demande qui fait l’objet d’un examen et d’un avis de la part de l’EMA ainsi que l’intervention d’une décision de la Commission sur l’AMM.
27 S’agissant de l’avis de l’EMA, il résulte du considérant 23 et de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 726/2004 que la « responsabilité exclusive » de sa préparation est confiée au CHMP, institué par l’article 121 de la directive 2001/83.
28 En vertu de l’article 56, paragraphe 2, du règlement no 726/2004, le CHMP a la faculté d’instituer des groupes de travail permanents et temporaires et de créer des groupes scientifiques consultatifs dans le cadre de l’évaluation de types particuliers de médicaments ou de traitements, auxquels il peut déléguer certaines tâches ayant trait à l’élaboration des avis scientifiques en matière de demande d’AMM.
29 L’avis définitif du CHMP, accompagné d’un rapport décrivant son évaluation du médicament et exposant les raisons qui motivent ses conclusions, est transmis à la Commission, aux États membres et au demandeur conformément à l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 726/2004.
30 Aux termes de l’article 10 du règlement no 726/2004, la Commission, assistée par le CHMP, prépare un projet de décision dans les quinze jours suivant la réception de l’avis du CHMP. Ce projet de décision est transmis aux États membres et au demandeur. La Commission arrête ensuite une décision définitive conformément à la procédure visée à l’article 87, paragraphe 3, dudit règlement, laquelle peut différer de l’avis susmentionné. Dans cette hypothèse, elle joint une annexe exposant en détail les raisons des divergences.
31 En l’espèce, il convient de relever que la décision attaquée indique, en son article 1er, que la demande d’AMM conditionnelle est refusée sur le fondement des conclusions scientifiques figurant à son annexe, qui contiennent un résumé général de l’évaluation scientifique de l’Hopveus effectuée par l’EMA.
32 Lorsque la décision de la Commission confirme purement et simplement l’avis de l’EMA établi par le CHMP, comme en l’espèce, il résulte de la jurisprudence que le contenu de cet avis, comme d’ailleurs celui du rapport d’évaluation qui le fonde, fait partie intégrante de la motivation de cette décision, s’agissant notamment de l’évaluation scientifique du médicament en cause (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2015, Laboratoires CTRS/Commission, T‑452/14, non publié, EU:T:2015:373, point 60 et jurisprudence citée).
33 En second lieu, s’agissant de l’étendue du contrôle du Tribunal, il convient tout d’abord de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, les décisions concernant l’application des critères de l’efficacité, de la sécurité et de la qualité d’un médicament sont le résultat d’appréciations complexes relevant du domaine médico-pharmacologique, qui font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint. En effet, lorsqu’une institution de l’Union est appelée à effectuer des évaluations complexes, elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice est soumis à un contrôle juridictionnel se limitant à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l’autorité compétente n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation [voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 34 ; du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 77, et du 23 septembre 2020, Medac Gesellschaft für klinische Spezialpräparate/Commission, T‑549/19, EU:T:2020:444, point 47 (non publié)]. En tout état de cause, le juge de l’Union ne saurait substituer son appréciation des éléments de fait à celle de ladite autorité (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 78).
34 Cependant, si le juge de l’Union reconnaît à l’administration une marge d’appréciation en matière économique ou technique, cela n’implique pas qu’il doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par l’administration, de données de nature technique ou économique. En effet, le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées [voir arrêt du 19 novembre 2008, Schräder/OCVV (SUMCOL 01), T‑187/06, EU:T:2008:511, point 61 et jurisprudence citée].
35 Le contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les institutions de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 34, et du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 53).
36 Afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation d’un acte, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 86 et jurisprudence citée).
37 S’agissant de l’avis du CHMP, le Tribunal ne saurait substituer sa propre appréciation à celle de ce comité. En effet, le contrôle juridictionnel s’exerce seulement sur la régularité du fonctionnement dudit comité ainsi que sur la cohérence interne et la motivation de son avis. Le juge de l’Union est uniquement habilité à vérifier si ledit avis contient une motivation permettant d’apprécier les considérations qui le fondent et établit un lien compréhensible entre les constatations médicales ou scientifiques et les conclusions qu’il comporte. À cet égard, il convient de souligner que le CHMP est tenu d’indiquer, dans son avis, les principaux rapports et expertises scientifiques sur lesquels il s’appuie et de préciser, en cas de divergence significative, les raisons pour lesquelles il s’écarte des conclusions des rapports ou expertises produits par les entreprises concernées. Cette obligation s’impose tout spécialement en cas d’incertitude scientifique. En garantissant le caractère contradictoire et transparent de la consultation du CHMP, cette obligation permet de s’assurer que la substance considérée a fait l’objet d’une évaluation scientifique approfondie et objective, fondée sur une confrontation des thèses scientifiques les plus représentatives et des positions scientifiques avancées par les laboratoires pharmaceutiques concernés (voir arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 52 et jurisprudence citée).
2. Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’un vice de procédure devant l’EMA lié au refus de consulter le GSC psychiatrie lors de la procédure de réexamen
38 La requérante fait valoir que la décision attaquée a été rendue au terme d’une procédure irrégulière, dès lors que le CHMP ne pouvait pas refuser de consulter le GSC psychiatrie lors de la procédure de réexamen.
39 La requérante rappelle, tout d’abord, que, en l’espèce, elle a expressément informé l’EMA, par lettre du 29 octobre 2019, qu’elle allait solliciter la consultation du GSC psychiatrie, en raison de son expertise en matière de médicaments dans le traitement de l’alcoolo-dépendance. Elle regrette que, en lieu et place dudit GSC, disposant d’une expertise et d’une indépendance reconnues, un comité d’experts ad hoc, dont elle conteste également la composition, ait été convoqué sans qu’aucune explication satisfaisante ne lui ait été apportée par le CHMP.
40 En premier lieu, la requérante estime que le CHMP n’avait pas de pouvoir d’appréciation pour décider qu’un comité d’experts ad hoc était compétent, dès lors que la demande expresse de la requérante visait le GSC psychiatrie, établi depuis de nombreuses années. Ainsi, le refus du CHMP de consulter ledit GSC lors de la procédure de réexamen, alors que cette convocation serait de droit, caractériserait un manquement aux règles de la procédure de réexamen telles qu’elles sont édictées à l’article 62, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement no 726/2004, à l’article 11 du document intitulé « Comittee for Medicinal Products for Human Use – Rules of Procedure » (ci-après « règles de procédure du CHMP ») ainsi qu’à l’article 6.1 du document intitulé « Procedural advice on the re-examination of CHMP opinions » (ci-après « lignes directrices relatives à la procédure de réexamen »). En effet, il ressortirait de ces dispositions que, lorsque la demande de consultation d’un GSC est formulée par le demandeur de l’AMM dans le cadre d’un réexamen, le CHMP devrait convoquer, de manière systématique, le GSC dont l’avis a été sollicité. Par ailleurs, il ne serait pas contesté que le domaine thérapeutique concerné par la demande d’AMM conditionnelle était celui de la psychiatrie, au vu du fait, notamment, que tous les membres du GSC psychiatrie ont été invités à participer au comité d’experts ad hoc. L’existence d’une question spécifique dans le traitement des addictions ne justifierait pas, à elle seule, la convocation d’un comité d’experts ad hoc au lieu de ce GSC. Le CHMP aurait pu, le cas échéant, consulter des experts additionnels sur les questions spécifiques liées aux mesures de minimisation des risques posées par la substance active contenue dans l’Hopveus.
41 En deuxième lieu, la requérante critique l’absence de consultation du GSC psychiatrie en raison non seulement de l’expertise scientifique et réglementaire de ses membres, mais également de leur expérience dans l’évaluation des médicaments, qui serait un gage de cohérence des avis rendus par l’EMA. En l’espèce, cela l’aurait dès lors privée d’une garantie procédurale essentielle, notamment en termes de compétence des experts et de cohérence d’opinion, ce qui constituerait un vice justifiant l’annulation de la décision attaquée.
42 En troisième lieu, la requérante estime que, en l’absence de convocation du GSC psychiatrie, des incohérences auraient émaillé les avis des trois comités d’experts ad hoc convoqués par le CHMP pour l’Hopveus (un en octobre 2017 au cours de la procédure décentralisée et deux dans le cadre de la procédure centralisée en février et en avril 2020), notamment quant aux mesures de minimisation des risques nécessaires dans l’indication du maintien de l’abstinence. À cet égard, elle réfute l’argument selon lequel ledit médicament ne serait pas comparable à un autre médicament dont la procédure d’AMM a donné lieu à la convocation dudit GSC, à savoir le Selincro. Selon elle, ces deux médicaments traiteraient de la dépendance à l’alcool, même s’ils ont des objectifs et donc des indications différents. La différence de traitement entre l’Hopveus et le Selincro, pour lequel des analyses post hoc auraient été acceptées, ne serait donc pas justifiée.
43 En quatrième lieu, la requérante fait valoir que, par son « [a]ppel public à manifestation d’intérêt [à ce que] les experts [deviennent] membres des groupes consultatifs permanents [GSC] de [l’EMA] » du 5 mai 2021, l’EMA a annoncé que, désormais, seuls six GSC seraient constitués, parmi lesquels ne figurerait pas le GSC psychiatrie. Or, l’aléa de la création, de la suppression ainsi que de la consultation des GSC permanents remettrait en cause le principe d’égalité entre les candidats et serait de nature à porter atteinte au principe d’impartialité objective. En outre, la suppression du GSC psychiatrie confirmerait a posteriori que le CHMP ne souhaitait pas qu’il puisse être réuni dans son cas particulier.
44 La Commission conteste l’ensemble de ces arguments.
45 En premier lieu, il convient de rappeler que, en application de l’article 56, paragraphe 2, du règlement no 726/2004, le CHMP peut instituer des GSC dans le cadre de l’évaluation de types particuliers de médicaments ou de traitements, auxquels il peut déléguer certaines tâches ayant trait à l’élaboration des avis scientifiques visés aux articles 5 et 30 de ce règlement.
46 Selon l’article 62, paragraphe 1, cinquième alinéa, dernière phrase, du règlement no 726/2004, « [l]e demandeur peut demander que le [CHMP] consulte un [GSC] dans le cadre du réexamen ».
47 L’article 11 des règles de procédure du CHMP précise à cet égard que « [l]e demandeur peut demander que le comité consulte un [GSC] (si et quand il est établi) en relation avec le réexamen » et que, « [d]ans ce cas, le comité demande l’avis d’experts supplémentaires disponibles ».
48 L’article 6.1 des lignes directrices relatives à la procédure de réexamen dispose ce qui suit :
« La décision relative à la consultation d’un GSC pour une demande de réexamen dépend entre autres du CHMP ou de la demande de consultation du GSC par le CHMP. Dans l’hypothèse où le demandeur demande [la consultation d’]un GSC, il est souhaitable que celui-ci en informe le CHMP le plus tôt possible. Une telle demande doit être dûment motivée. S’il n’y a aucune demande de la part du demandeur, le CHMP décide si une expertise additionnelle est nécessaire. Dans l’hypothèse d’une demande de consultation du GSC provenant du demandeur, le CHMP consulte le GSC systématiquement. Dans un domaine thérapeutique pour lequel aucun GSC n’est établi, l’avis d’experts supplémentaires disponibles sera sollicité sous la forme de consultation d’un groupe d’experts ad hoc. »
49 Il convient tout d’abord de rappeler que, en adoptant des lignes directrices, l’institution ou l’agence concernée, en l’occurrence l’EMA, s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que les principes d’égalité de traitement, de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime (voir, par analogie, arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, point 69 et jurisprudence citée).
50 Or, il ressort du libellé des dispositions visées aux points 47 à 49 ci-dessus que le CHMP est obligé de consulter un GSC, lorsque le demandeur d’AMM le demande dans le cadre d’une procédure de réexamen. Cependant, il ne ressort pas de ces dispositions que celles-ci confèrent au demandeur le droit de choisir quel type de GSC, permanent ou ad hoc, le CHMP devrait consulter lorsqu’il en fait la demande.
51 À cet égard, il ressort au contraire d’une lecture conjointe de l’article 11 des règles de procédure du CHMP et de l’article 6.1 des lignes directrices relatives à la procédure de réexamen que ce choix dépend notamment de la disponibilité ou non d’un GSC à caractère permanent dans le domaine concerné et de la question de savoir si celui-ci peut fournir la contribution scientifique la plus pertinente en ce qui concerne les questions soulevées et tenant compte du médicament faisant l’objet du réexamen.
52 La requérante estime que l’Hopveus, qui vise à lutter contre les formes graves de dépendance à l’alcool, relève du domaine des pathologies psychiatriques, de sorte que le GSC psychiatrie aurait dû être consulté.
53 Cependant, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, même si la lutte contre la dépendance à alcool relève en principe du domaine de la psychiatrie, domaine pour lequel le GSC psychiatrie est compétent, les questions formulées par le CHMP aux fins de la procédure de réexamen étaient de nature spécialisée, couvrant notamment les domaines de la médecine générale, de la psychiatrie, de la gastro-entérologie ainsi que de l’addiction.
54 En outre, s’il ressort effectivement de la demande de réexamen introduite par la requérante qu’elle demandait la consultation d’un GSC, il ne ressort pas de manière univoque de cette demande qu’elle demandait nécessairement celle du GSC psychiatrie. En effet, alors que, dans ladite demande, la requérante demandait l’avis de ce GSC sur la demande d’AMM conditionnelle, dans les motifs au soutien de la demande en question, présentés le 3 janvier 2020, elle demandait que le CHMP consulte un GSC ou un groupe d’experts ad hoc comprenant des représentants des patients.
55 Enfin, il est constant que tous les membres du GSC psychiatrie ont été invités à participer à la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020 et que trois d’entre eux y ont effectivement participé.
56 Dès lors, en tenant compte également de la large marge d’appréciation dont dispose le CHMP pour se procurer l’expertise la plus pertinente en fonction des domaines thérapeutiques concernés, force est de constater que la décision du CHMP de consulter un comité d’experts ad hoc en l’espèce, composé d’experts spécialisés dans les domaines visés par les questions posées par le CHMP dans le cadre de la demande de réexamen, plutôt que le GSC psychiatrie, éventuellement complété par d’autres experts, n’était entachée d’aucune illégalité.
57 En deuxième lieu, la requérante fait valoir néanmoins que, en l’espèce, l’absence de consultation du GSC psychiatrie l’a privée d’une garantie procédurale essentielle, en raison non seulement de l’expertise scientifique et réglementaire de ses membres, mais également de leur expérience dans l’évaluation des médicaments, qui serait un gage de cohérence des avis rendus par l’EMA, ce qui constituerait un vice justifiant l’annulation de la décision attaquée.
58 À cet égard, il convient de relever que, ainsi que la requérante l’admet elle-même, en l’espèce, l’ensemble des membres du GSC psychiatrie ont été invités à faire partie du comité d’experts ad hoc convoqué par le CHMP et que trois de ces experts y ont effectivement participé. En outre, la requérante ne conteste pas que l’ensemble des experts invités à participer à la réunion dudit comité disposaient des compétences requises pour répondre aux question posées par le CHMP. Elle reste en défaut d’établir, dès lors, en quoi la consultation de ce GSC, éventuellement complété par d’autres experts, plutôt que la convocation d’un tel comité, comprenant notamment des membres dudit GSC, aurait pu conduire à ce que la procédure de réexamen aboutisse à un résultat différent en l’espèce.
59 Or, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une irrégularité procédurale n’entraîne l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, points 105 et 106).
60 La requérante estime, en particulier, que si le GSC psychiatrie avait été consulté, le CHMP aurait fait preuve de davantage de cohérence et aurait considéré que les limitations à l’utilisation d’analyses post hoc et une définition des patients cibles a posteriori n’étaient pas majeures, comme pour l’évaluation du Selincro en 2012.
61 L’argument de la requérante repose donc sur la double prémisse selon laquelle, d’une part, l’Hopveus et le Selincro sont comparables et, d’autre part, le CHMP, s’il avait consulté le GSC psychiatrie comme pour le Selincro, aurait pu parvenir à la même conclusion et donner un avis positif sur la demande d’AMM conditionnelle.
62 Or, premièrement, ainsi que l’observe la Commission, même si l’Hopveus et le Selincro sont tous deux des médicaments visant à lutter contre l’addiction à l’alcool, il existe des différences importantes entre ces médicaments, qui les rendent non comparables. En effet, en termes d’indications thérapeutiques, le Selincro a été évalué et autorisé pour le traitement de la réduction de la consommation d’alcool chez les patients adultes dépendants à l’alcool qui présentent un niveau de risque élevé de consommation d’alcool, sans symptômes de sevrage physique et qui ne nécessitent pas de détoxication immédiate. En revanche, les indications proposées par la requérante pour l’Hopveus concernent, d’une part, le traitement du SSA sans complication ou s’accompagnant de troubles de la perception et, d’autre part, le maintien de l’abstinence chez les patients dépendants à l’alcool sous étroite surveillance médicale, s’accompagnant de psychothérapie et de réinsertion sociale. Lesdits médicaments visent donc des patients différents qui, en ce qui concerne le Selincro, cherchent uniquement à réduire leur consommation d’alcool, mais qui, s’agissant de l’Hopveus, cherchent à arrêter complètement leur consommation d’alcool.
63 Deuxièmement, il convient de relever que les questions posées au GSC psychiatrie dans le cas du Selincro étaient plus générales, et donc en partie différentes, que celles posées dans le cas de l’Hopveus. Ainsi, la question de la minimisation des risques ne s’était pas posée dans le cas du Selincro, étant donné que la substance active de ce dernier médicament, à savoir le nalméfène, ne comporte pas de risques d’addiction comme l’OS, la substance active de l’Hopveus.
64 Ensuite, dans la mesure où la requérante fait valoir que le CHMP a agi de manière incohérente en acceptant des analyses post hoc dans le cadre de la procédure concernant le Selincro, et non dans le cadre de celle concernant l’Hopveus, il suffit de constater qu’une telle affirmation est vague et non étayée. En effet, le seul fait qu’une AMM conditionnelle ait été accordée pour le Selincro et non pour l’Hopveus ne saurait suffire pour établir une incohérence dans l’examen du CHMP ou une inégalité de traitement, dans la mesure où chaque procédure de réexamen repose sur des données scientifiques propres à chaque médicament, qui doivent être évaluées individuellement. Or, la requérante n’allègue pas que les données scientifiques fournies dans le cas de l’Hopveus étaient identiques à celles qui avaient été fournies dans le cas du Selincro, en particulier en ce qui concerne l’efficacité du médicament dans les indications proposées par elle.
65 Dès lors, même à supposer que le CHMP ait à tort convoqué le comité d’experts ad hoc en lieu et place de la consultation du GSC psychiatrie, pareille consultation n’aurait pas pu aboutir à un résultat différent.
66 En troisième lieu, la requérante fait valoir que les avis des trois comités d’experts ad hoc convoqués par le CHMP pour l’Alcover granules puis l’Hopveus (le premier en 2017 dans le cadre de la procédure décentralisée et les deux suivants en février et en avril 2020 dans le cadre de la procédure centralisée) contiennent des incohérences, notamment en ce qui concerne les mesures de minimisation des risques et la possibilité d’administrer l’Hopveus en dehors du milieu hospitalier.
67 À cet égard, il suffit de constater, à l’instar de la Commission, que l’argument de la requérante repose sur la prémisse erronée selon laquelle les comités d’experts ad hoc convoqués en février et en avril 2020 auraient dû se prononcer sur l’administration de l’Hopveus en dehors du milieu hospitalier. En effet, lesdits comités n’avaient pas eu à commenter la possibilité d’administrer l’Hopveus dans un cadre ambulatoire, c’est-à-dire en dehors du milieu hospitalier, étant donné que la requérante avait limité, dans le résumé des caractéristiques du produit accompagnant sa demande de réexamen de janvier 2020, l’utilisation de ce médicament au seul cadre hospitalier, ce que celle-ci ne conteste pas.
68 Partant, dans la mesure où les comités d’experts ad hoc convoqués en février et en avril 2020 n’avaient pas à se prononcer sur la possibilité d’administrer l’Hopveus dans le cadre de soins ambulatoires, la requérante n’a pas démontré en quoi leurs avis seraient incohérents ou contradictoires par rapport à l’avis du comité d’experts ad hoc convoqué en 2017 concernant la demande d’AMM pour l’Alcover granules à ce sujet.
69 En quatrième lieu, en ce qui concerne l’« [a]ppel public à manifestation d’intérêt [à ce que] les experts [deviennent] membres des groupes consultatifs permanents [GSC] de [l’EMA] » du 5 mai 2021, par lequel l’EMA a annoncé que, désormais, seuls six GSC seraient constitués, parmi lesquels ne figurerait pas le GSC psychiatrie, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le seul fait que le CHMP ait décidé de ne pas renouveler en 2021 le mandat dudit GSC, en application de l’article 56, paragraphe 2, du règlement no 726/2004 et de l’article 16, paragraphe 4, de son règlement intérieur aux termes duquel, d’une part, il établit le mandat et les objectifs de chaque GSC et, d’autre part, il détermine et revoit au besoin la durée de leur activité, est dénué de pertinence pour savoir si le CHMP était tenu, en 2020, de consulter le GSC psychiatrie au cours de la procédure de réexamen de l’Hopveus. Un tel grief est, dès lors, inopérant.
70 En tout état de cause, il ressort des données fournies par l’EMA que c’est en raison du faible taux de consultation du GSC psychiatrie et du GSC diabète/endocrinologie que le CHMP a décidé de ne pas renouveler le mandat de ces deux GSC et non afin d’empêcher que le GSC psychiatrie ne soit consulté dans le cas particulier de la requérante, à supposer que la décision attaquée soit annulée ou qu’une nouvelle demande de réexamen soit introduite par la requérante, dans le cadre d’une nouvelle demande d’AMM.
71 Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.
3. Sur le deuxième moyen, tiré d’un vice de procédure devant l’EMA, en raison d’un doute légitime quant à l’impartialité de certains experts dans le cadre de la procédure de réexamen
72 La requérante fait valoir que la procédure devant l’EMA a été viciée, en raison d’un doute légitime quant à l’impartialité de certains experts dans le cadre de la procédure de réexamen. Elle renvoie par analogie, à cet égard, à l’arrêt du 28 octobre 2020, Pharma Mar/Commission (T‑594/18, non publié, sous pourvoi, EU:T:2020:512).
73 La requérante estime que, en l’espèce, l’organisation de la procédure devant l’EMA n’a pas offert les garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé, dans la mesure où deux membres du comité d’experts ad hoc convoqué en avril 2020 ont été identifiés comme affectés par des conflits d’intérêts, à savoir A et B, susceptibles d’avoir eu une influence sur le sens et le contenu de la décision attaquée.
74 Or, le comité d’experts ad hoc convoqué en avril 2020 et ses membres seraient soumis, au même titre que le CHMP et les autres entités de l’EMA, au principe d’impartialité, quand bien même le rôle de ce comité ne serait que consultatif. La requérante rappelle que, selon les points 3.2.1.1 et 4.2.1.2 ainsi que l’annexe I du document de l’EMA intitulé « European Medicines Agency policy on the handling of competing interests of scientific committees’ members and experts » (« Politique de l’[EMA] concernant le traitement des intérêts concurrents des membres et des experts des comités scientifiques », ci-après la « politique du 6 octobre 2016 »), l’emploi d’une personne par une entreprise pharmaceutique au cours de son mandat ou au cours de la mission qui lui a été confiée au sein de l’EMA, ou la réalisation par une personne de services de conseil généraux ou concernant plusieurs médicaments à une entreprise pharmaceutique au cours de la mission qui lui a été confiée au sein de l’EMA, ou la participation d’une personne en tant que membre d’un comité consultatif scientifique d’une entreprise pharmaceutique dans le but de fournir des conseils sur des sujets généraux, stratégiques ou concernant la stratégie relative à plusieurs médicaments au cours de la mission qui lui a été confiée au sein de l’EMA, ou encore l’existence d’intérêts financiers de cette personne dans l’industrie pharmaceutique sont incompatibles avec son implication dans les activités de l’EMA, notamment la participation en tant qu’expert dans des GSC ou des groupes d’experts ad hoc et sont qualifiés de liens d’intérêts directs et actuels.
75 Premièrement s’agissant de B, celui-ci aurait été nommé chercheur principal et coordinateur pour l’essai clinique européen de phase 3 sur un produit intitulé « AD 04 », qui vise à traiter les troubles liés à la consommation d’alcool. Ce produit serait actuellement en développement et ferait l’objet d’essais cliniques, ce qui permettrait de qualifier l’intérêt de B d’actuel au sens de la politique du 6 octobre 2016.
76 Selon la requérante, le fait que B était le chercheur principal et le coordinateur pour l’essai clinique européen de phase 3 sur un produit intitulé « AD 04 » posait de graves difficultés, puisqu’il était amené à se prononcer sur l’Hopveus, un produit visant à traiter le même besoin médical non satisfait, à savoir la dépendance à l’alcool. Dans la mesure où l’EMA, notamment dans ses lignes directrices relatives au développement des médicaments pour le traitement de la dépendance à l’alcool (ci-après les « lignes directrices de 2010 »), tout comme l’ensemble des experts consultés s’accorderaient sur le fait qu’il n’existe actuellement pas de traitement satisfaisant, l’AD 04, en cours d’essais cliniques, devrait être considéré comme un produit concurrent à l’Hopveus. À cet égard, la requérante rappelle que le concept de produit concurrent s’évalue à l’aune de la diversité des offres de médicaments sur le marché. Le risque de conflit d’intérêts se caractériserait plus difficilement si de nombreux produits sont autorisés pour la même indication, ce qui ne serait pas le cas de l’addiction à l’alcool, pour laquelle le besoin médical est élevé et l’efficacité des médicaments disponibles considérée comme modeste.
77 Par ailleurs, B se trouverait être actuellement conseil pour deux sociétés pharmaceutiques. D’une part, il donnerait des conseils d’expert à la société Indivior, qui développe des traitements contre les dépendances, notamment à l’alcool, et gèrerait les fonds versés par cette société à l’université d’Helsinki. D’autre part, il se trouverait être membre du conseil consultatif médical de la société Opiant, lequel donnerait des conseils stratégiques sur le développement de ses traitements, notamment les troubles liés à l’alcool. Or, il n’aurait rien déclaré en ce qui concerne ses intérêts avec ces sociétés, même au début des réunions du comité d’experts ad hoc convoqué, alors que ces activités auraient dû être mentionnées au titre de la rubrique intitulée « 2.4 Financial interests ».
78 En conséquence, la requérante estime que B n’aurait pas dû participer au comité d’experts ad hoc, conformément à la politique du 6 octobre 2016. En outre, elle soutient que la présence de B audit comité ne respecte pas le principe d’impartialité objective, tel que défini dans la jurisprudence des juridictions de l’Union et de la Cour européenne des droits de l’homme. Selon elle, B n’a pas offert des gages d’impartialité suffisants, les circonstances extérieures faisant naître un « soupçon » raisonnable quant à l’examen neutre et objectif des éléments relatifs à l’Hopveus.
79 Deuxièmement, s’agissant de A, celui-ci serait le président du comité scientifique de la Fondation pour la recherche en alcoologie (FRA), financée par les sociétés d’alcooliers. La requérante soutient que ce conflit d’intérêts n’a fait l’objet d’une déclaration de la part de cet expert ni dans la déclaration signée par A ni au début des réunions avec elle.
80 Dès lors, en raison des liens que A entretient avec l’industrie de l’alcool, par le truchement de la FRA, la requérante estime que celui-ci ne pouvait pas apprécier avec indépendance et impartialité la demande d’AMM conditionnelle d’un médicament comme l’Hopveus, qui vise précisément à lutter contre l’addiction à l’alcool.
81 En outre, comme l’indiquerait la déclaration d’intérêts de A faite sur le site Internet de France Santé, celui-ci serait rémunéré pour des activités de consultant stratégique auprès de plusieurs sociétés pharmaceutiques, telles que les Laboratoires Servier, Lilly Pharma, Sanofi Pasteur et Lundbeck, cette dernière ayant développé et commercialisé le Selincro dans le traitement de l’alcoolo-dépendance.
82 Or, la requérante estime que les activités de consultant de A, qui figurent à la rubrique intitulée « 2.3 Strategic advisory role » de la déclaration d’intérêts de celui-ci auprès de l’EMA, auraient aussi dû être mentionnées au titre de la rubrique intitulée « 2.4 Financial interests », conformément au document de l’EMA du 24 avril 2015 intitulé « Procedural guidance on inclusion of declared interests in the European Medicines Agency’s electronic declaration of interests form (for scientific committees’ members and experts) » [« Guide de procédure sur l’inclusion des liens d’intérêts dans le formulaire électronique de déclaration d’intérêts de l’[EMA] (à l’intention des membres et des experts des comités scientifiques) », ci-après « guide de procédure de l’EMA sur l’inclusion des intérêts déclarés »], qui exige des experts que, « lorsque l’intérêt déclaré pour un rôle de conseil stratégique est actuel et fait l’objet d’un honoraire (qui [leur] est versé directement), [ils déclarent] cette activité au point 2.4 de l’e-DoI ». Ladite déclaration d’intérêts n’indiquerait rien quant aux intérêts financiers actuels de A et ce dernier n’aurait pas indiqué, au début de la réunion des comités d’experts ad hoc, qu’il avait des intérêts financiers dans l’industrie pharmaceutique.
83 Au vu de ce qui précède, selon la requérante, les conflits d’intérêts affectant au moins deux membres du comité d’experts ad hoc convoqué en avril 2020, qui n’ont fait l’objet d’aucune déclaration de ces derniers lors des réunions avec elle, n’ont pas respecté le principe d’impartialité objective et ont fait naître un « soupçon » raisonnable sur l’examen neutre et objectif de la demande d’AMM conditionnelle présentée par elle.
84 Enfin, à supposer que l’annexe I de la politique du 6 octobre 2016 permette de considérer que B ou A pouvaient participer aux réunions du comité d’experts ad hoc convoqué en avril 2020, la requérante invite le Tribunal à constater que les lignes directrices de l’EMA sont insuffisantes sur ce point. Ces conflits d’intérêts devraient donc, en tout état de cause, être examinés au titre du principe d’impartialité objective.
85 À cet égard, la requérante conteste que le seul fait que A et B aient été de « simples membres » du comité d’experts ad hoc convoqué en avril 2020 puisse suffire pour considérer qu’il n’y a pas eu de manquement au principe d’impartialité objective du fait de leur présence dans ce comité. Selon elle, les minutes dudit comité ne permettent pas de déterminer si leur voix a pu avoir une influence décisive ou non. Il ressortirait, en revanche, des minutes en question que des avis divergents ont été exprimés, notamment quant à l’efficacité de l’Hopveus.
86 Partant, la procédure d’examen de la demande d’AMM conditionnelle pour l’Hopveus serait entachée d’irrégularités graves justifiant l’annulation de la décision attaquée.
87 La Commission conteste ces arguments.
88 À titre liminaire, il convient de rappeler que les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont tenus de respecter les droits fondamentaux garantis par le droit de l’Union, parmi lesquels figure le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 154).
89 L’article 41, paragraphe 1, de la Charte énonce notamment que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, les organes et les organismes de l’Union.
90 À cet égard, il convient de relever que l’exigence d’impartialité, qui s’impose aux institutions, aux organes et aux organismes dans l’accomplissement de leurs missions, vise à garantir l’égalité de traitement qui est à la base de l’Union. Cette exigence vise, notamment, à éviter des situations de conflits d’intérêts concernant les fonctionnaires et les agents agissant pour le compte des institutions, des organes et des organismes de l’Union. Compte tenu de l’importance fondamentale de la garantie d’indépendance et d’intégrité en ce qui concerne tant le fonctionnement interne que l’image extérieure des institutions, des organes et des organismes de l’Union, l’exigence d’impartialité couvre toutes circonstances que le fonctionnaire ou l’agent amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre comme étant de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme susceptible d’affecter son indépendance en la matière (voir arrêt du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, point 26 et jurisprudence citée).
91 Aussi, il incombe à ces institutions, organes et organismes de se conformer à l’exigence d’impartialité dans ses deux composantes que sont, d’une part, l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé (voir arrêt du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, point 27 et jurisprudence citée).
92 S’agissant, plus particulièrement, de cette seconde composante du principe d’impartialité, il convient de relever que, lorsque plusieurs institutions, organes ou organismes de l’Union se voient attribuer des responsabilités propres et distinctes dans le cadre d’une procédure susceptible d’aboutir à une décision faisant grief à un justiciable, chacune de ces entités est tenue, pour ce qui la concerne, de se conformer à l’exigence d’impartialité objective. Par conséquent, même dans l’hypothèse où c’est uniquement l’une d’entre elles qui a manqué à cette exigence, un tel manquement est susceptible d’entacher d’illégalité la décision adoptée par l’autre au terme de la procédure concernée (voir arrêt du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, point 28 et jurisprudence citée).
93 Afin de garantir le respect du principe d’impartialité et de prévenir les situations de conflits d’intérêts dans le cadre spécifique du processus décisionnel de l’EMA, l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 726/2004 prévoit ce qui suit :
« Les membres du conseil d’administration, les membres des comités, les rapporteurs et les experts ne peuvent pas avoir d’intérêt financier ou autre dans l’industrie pharmaceutique qui serait de nature à compromettre leur impartialité. Ils s’engagent à agir au service de l’intérêt public et dans un esprit d’indépendance et font chaque année une déclaration d’intérêts financiers. Tout intérêt indirect susceptible d’avoir un lien avec l’industrie pharmaceutique est déclaré dans un registre détenu par l’[EMA] et accessible au public, sur demande, dans les locaux de l’[EMA].
Le code de conduite de l’[EMA] prévoit les mesures concrètes pour la mise en œuvre du présent article, en particulier en ce qui concerne l’acceptation de dons.
Les membres du conseil d’administration, les membres des comités, rapporteurs et experts qui participent aux réunions ou groupes de travail de l’[EMA] déclarent à chaque réunion, eu égard aux points à l’ordre du jour, les intérêts particuliers qui pourraient être considérés comme préjudiciables à leur indépendance. Ces déclarations sont rendues accessibles au public. »
94 Conformément à l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 726/2004, l’EMA s’est dotée d’un code de conduite, à savoir la politique du 6 octobre 2016.
95 La politique du 6 octobre 2016 précise, en son point 4.1, qu’elle a pour objectif de trouver un juste équilibre entre la prévention des conflits d’intérêts et la mise à disposition de la meilleure expertise pour l’évaluation et la surveillance des médicaments dans l’Union.
96 Le point 4.2.1.2 de la politique du 6 octobre 2016 prévoit que des restrictions à la participation d’une personne aux travaux de l’EMA sont définies au regard de trois facteurs, à savoir la nature des intérêts déclarés, la période durant laquelle chaque intérêt a existé et le type d’activités à laquelle l’expert participe. Ce dernier critère implique la prise en compte tant du groupe auquel la personne participe (comité scientifique, tel que le CHMP, groupe de travail ou GSC) que de ses fonctions (notamment président ou vice-président, membre ou expert). Ces restrictions sont retracées dans un tableau figurant dans l’annexe I de ladite politique.
97 En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante ne soutient pas que les deux experts en cause relevant du GSC psychiatrie ont manifesté un parti pris ou un préjugé personnel. Ses arguments doivent donc être regardés comme tendant à établir un manquement à l’exigence d’impartialité objective, qui résulterait de conflits d’intérêts s’agissant de ces experts. Selon la requérante, ces conflits d’intérêts auraient dû conduire à leur exclusion de la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020 en application des dispositions de la politique du 6 octobre 2016 ou du principe plus général d’impartialité.
98 Dans ce contexte, il y a lieu d’examiner séparément les allégations de la requérante relatives aux conflits d’intérêts concernant les deux experts en cause, puis, le cas échéant, leur incidence sur la régularité de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 180).
a) Sur les allégations de la requérante relatives à un conflit d’intérêts concernant B
99 En premier lieu, s’agissant de B, la requérante fait valoir que celui-ci aurait été nommé chercheur principal pour l’essai clinique européen de phase 3 sur le produit intitulé « AD 04 », qui serait un produit concurrent de l’Hopveus.
100 À cet égard, il convient de relever que le point 3.1.2.1 de la politique du 6 octobre 2016 cite et définit la fonction de « chercheur principal » parmi les intérêts indirects devant faire l’objet d’une déclaration d’intérêts.
101 Le point 3.2.2 de la politique du 6 octobre 2016 définit par ailleurs la notion de produit concurrent comme un « médicament qui cible une population de patients similaire avec le même objectif clinique (c’est-à-dire traiter, prévenir ou diagnostiquer une affection particulière) et qui constitue une concurrence commerciale potentielle ».
102 Au point 4.2.1.2 de la politique du 6 octobre 2016, il est précisé que, pour les produits concurrents, une approche à deux niveaux est appliquée. Selon cette approche :
« Le concept de produits concurrents concerne les situations où il n’existe qu’un très petit nombre (1 à 2) de produits concurrents. Il en va de même pour la marque leader lorsqu’un produit générique est envisagé. Pour les indications générales, étant donné que de nombreux produits sont autorisés pour la même indication, le volume de concurrence existant dilue suffisamment les intérêts potentiels. Dans les situations caractérisées par un très petit nombre de produits concurrents comme indiqué ci-dessus, les conséquences concerneront les (vice-) présidents des comités scientifiques et des groupes de travail, ainsi que les rapporteurs ou autres membres jouant un rôle de direction/coordination, ou les pairs évaluateurs officiellement désignés. »
103 Premièrement, il convient de relever que, au regard de ces définitions, le produit intitulé « AD 04 » ne saurait être considéré comme un produit concurrent de l’Hopveus, dès lors que ces deux produits ont des objectifs cliniques et visent des groupes de patients différents. En effet, l’indication thérapeutique du produit AD 04, telle que décrite sur le site Internet d’Adial Pharmaceuticals, vise les « patients qui souhaitent contrôler leur consommation d’alcool, mais qui ne peuvent pas ou ne veulent pas s’abstenir complètement de boire », tandis que l’Hopveus vise à lutter contre les formes graves de dépendance à l’alcool et à accompagner les patients cherchant à s’abstenir d’alcool complètement. Le seul fait que ceux-ci visent, de manière large, à lutter contre la dépendance à l’alcool ne saurait dès lors suffire pour les qualifier de produits concurrents au sens de la politique du 6 octobre 2016.
104 Deuxièmement, même à supposer que le produit intitulé « AD 04 » et l’Hopveus constituent des produits concurrents au sens de la politique du 6 octobre 2016, il ne s’agirait pas d’une activité interdite au sens de ladite politique, puisque cette politique n’interdit la participation d’un membre d’un comité d’experts ad hoc aux délibérations finales et au vote que lorsque la procédure de réexamen porte sur le même produit que celui pour lequel cet expert agit en tant que chercheur principal, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
105 La qualité de chercheur principal de B dans le développement du produit intitulé « AD 04 » ne constituait pas, dès lors, une activité ayant dû exclure sa participation à la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020, en vertu de la politique du 6 octobre 2016.
106 En second lieu, s’agissant, d’abord, des activités de conseil de B pour la société Indivior, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la politique du 6 octobre 2016 et du point 4.2 du guide de procédure de l’EMA sur l’inclusion des intérêts déclarés, seules les activités de conseil en cours sont susceptibles de conduire à des restrictions pour les membres d’un GSC ou d’un groupe d’experts ad hoc. Or, cet expert avait indiqué cette activité dans sa déclaration d’intérêts pour la période allant de janvier 2018 à novembre 2019 et il ne ressort d’aucun élément avancé par la requérante que cette activité était en cours au moment de la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020. En outre, il y a lieu de noter que, ainsi qu’il ressort du point 2.2 de la déclaration d’intérêts de B, les activités de conseil en cause portaient sur des produits ciblant la dépendance aux opioïdes ou l’envie intense d’opioïdes qui ne sauraient être considérés comme des produits concurrents ou en lien avec l’Hopveus. Par conséquent, l’EMA pouvait valablement considérer que la participation de B à ladite réunion ne devait pas être restreinte à ce titre.
107 En ce qui concerne les fonds qui auraient été versés par la société Indivior à l’université de Helsinki, au sein de laquelle B est employé, il ressort des éléments fournis par la requérante qu’il s’agit d’une bourse scientifique remontant à 2017, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme constituant un intérêt actuel au sens de la politique du 6 octobre 2016, ce qui ressort également du point 4.6 du guide de procédure de l’EMA sur l’inclusion des intérêts déclarés.
108 S’agissant, ensuite, de la participation de B en tant que membre du comité médical consultatif de la société Opiant, s’il est vrai que, comme l’indique la requérante, cette activité n’avait pas été mentionnée par B dans sa déclaration d’intérêts du 30 janvier 2020, à la suite des précisions demandées par l’EMA à ce sujet, celui-ci a confirmé que sa dernière activité auprès de ladite société en cette qualité remontait à août 2019, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme constituant un intérêt actuel au sens de la politique du 6 octobre 2016.
109 En outre, même à supposer que la participation de B en tant que membre du comité médical consultatif de la société Opiant n’ait pas réellement cessé le 27 août 2019, comme l’indique la requérante, il convient de constater, à l’instar de la Commission, qu’elle avait trait au développement de traitements dans le domaine de la dépendance au jeu, qui ne sauraient être considérés comme des produits concurrents de l’Hopveus.
110 La requérante avance, toutefois, que la société Opiant est spécialisée dans le développement de médicaments contre l’addiction, y compris à l’alcool, et qu’elle développe notamment le produit intitulé « OPNT 002 », à savoir un spray nasal à utiliser chez les patients dépendants à l’alcool. Il convient néanmoins de constater, à cet égard, que, en l’absence de preuve produite par la requérante de ce que ce produit et l’Hopveus ont les mêmes indications thérapeutiques, ledit produit ne saurait non plus être considéré comme un produit concurrent de l’Hopveus, au sens de la politique du 6 octobre 2016.
111 En tout état de cause, même dans l’hypothèse où la participation de B en tant que membre du comité médical consultatif de la société Opiant constituerait un intérêt actuel au sens de la politique du 6 octobre 2016 et où le produit intitulé « OPNT 002 » et l’Hopveus seraient concurrents, il ne s’agirait pas d’une activité interdite au sens de ladite politique. En effet, la requérante ne conteste pas le fait que B était un simple membre du comité d’experts ad hoc, sans aucun rôle de direction ou de coordination, au sens du point 4.2.1.2 de la politique du 6 octobre 2016 (voir point 104 ci-dessus).
112 Au regard de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de constater qu’aucune des activités de B mises en cause par la requérante n’était susceptible de constituer un conflit d’intérêts, en vertu de la politique du 6 octobre 2016, qui aurait dû exclure ou limiter sa participation à la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020.
b) Sur les allégations de la requérante relatives à un conflit d’intérêts concernant A
113 S’agissant de A, en premier lieu, la requérante fait observer que celui-ci est le président du comité scientifique de la FRA, qui serait financée, notamment, par Bacardi Martini France, les Brasseries Kronenbourg, Heineken France, Rémy Cointreau et Pernod-Ricard.
114 À cet égard, il y a lieu de constater, cependant, que la politique du 6 octobre 2016 n’impose aucune restriction aux experts en raison de leur appartenance à des fondations axées sur la recherche qui reçoivent des financements de sociétés non pharmaceutiques.
115 En outre, à la suite des demandes de clarifications de l’EMA, A a précisé que cet intérêt n’était plus d’actualité lors de sa participation au comité d’experts ad hoc convoqué en avril 2020, la FRA ayant été dissoute en 2019. Il ressort, par ailleurs, de la déclaration de A que celui-ci n’a jamais reçu la moindre rémunération de cette fondation et que celle-ci était indépendante de ses donateurs et visait à promouvoir la recherche contre la dépendance à l’alcool.
116 En deuxième lieu, la requérante indique que A est rémunéré pour des activités de consultant stratégique auprès de plusieurs sociétés pharmaceutiques, telles que les Laboratoires Servier, Lilly Pharma, Sanofi Pasteur et Lundbeck, cette dernière ayant développé et commercialisé le Selincro dans le traitement de l’alcoolo-dépendance. Elle estime également que ces activités de consultant, qui figurent à la rubrique intitulée « 2.3 Strategic advisory role » de la déclaration d’intérêts auprès de l’EMA, auraient aussi dû être mentionnées au titre de la rubrique intitulée « 2.4 Financial interests », conformément au guide de procédure de l’EMA sur l’inclusion des intérêts déclarés.
117 À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, qu’il ressort des réponses de A aux demandes de clarifications de l’EMA, datées du 5 février et du 2 avril 2020, que les activités de consultance en cause avaient pris fin en janvier 2016 pour Servier et en février 2015 pour Sanofi Pasteur. En revanche, il apparaît que lesdites activités de consultance étaient toujours en cours pour les sociétés Janssen et Lundbeck lors de la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020. À cet égard, comme le fait valoir la requérante, le fait que A a indiqué à l’EMA, dans son courriel du 2 avril 2020, que la date de sa dernière activité de consultance pour ces deux dernières sociétés remontait à mars 2020 ne saurait nécessairement signifier que ces activités avaient pris fin en mars 2020 et que celui-ci n’avait pas d’intérêt actuel au sein de l’industrie pharmaceutique au moment de ladite réunion.
118 Cependant, même à supposer que les activités de consultance de A auprès de plusieurs sociétés pharmaceutiques, telles que Lundbeck, puissent être considérées comme constituant un intérêt actuel au sens de la politique du 6 octobre 2016, elles ne concernaient pas des produits concurrents au sens de ladite politique. En effet, s’il est vrai que Lundbeck a développé et commercialise le Selincro, qui vise également à lutter contre la dépendance à l’alcool, il y a lieu de rappeler que ce médicament et l’Hopveus n’ont pas les mêmes indications thérapeutiques et ne visent pas les mêmes patients (voir point 64 ci-dessus). De même, s’agissant de la société Janssen, la requérante n’a pas même prétendu que celle-ci développerait un produit concurrent de l’Hopveus.
119 En tout état de cause, même à supposer qu’une des sociétés pharmaceutiques concernées développe un produit concurrent de l’Hopveus, la politique du 6 octobre 2016 n’exclut ni ne limite la participation d’un membre d’un groupe d’experts ad hoc ayant des intérêts dans une telle société, à moins qu’il s’agisse du président, du vice-président, du rapporteur ou d’un autre membre ayant un rôle de direction ou de coordination au sein dudit groupe d’experts.
120 En troisième lieu, la requérante ajoute que A n’a pas déclaré d’autres activités auprès de l’EMA, à savoir, premièrement, le fait qu’il était membre, en avril 2020, du comité consultatif scientifique de la société spécialisée dans le diagnostic médical Alcediag, deuxièmement, le fait qu’il a effectué des présentations à ces congrès ou des participations à des comités scientifiques rémunérées par Alcediag-Alcen, Angelini, GSK, Janssen, Lundbeck, Otsuka, SAGE et Servier et, troisièmement, le fait qu’il était membre du comité éditorial du « Lundbeck institute campus », financé par Lundbeck.
121 Il convient de relever toutefois, à l’instar de la Commission, qu’il s’agit d’allégations vagues et non étayées et que, pour aucune de ces activités, la requérante ne démontre qu’il s’agirait d’intérêts actuels au sens de la politique du 6 octobre 2016 ou qui concerneraient des sociétés pharmaceutiques ayant un lien avec le produit en cause, à savoir l’Hopveus, ou développant des produits en concurrence avec celui-ci.
122 En ce qui concerne plus particulièrement l’activité de membre du comité éditorial du « Lundbeck institute campus », financé par Lundbeck, l’allégation de la requérante doit être écartée pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 120 et 121 ci-dessus.
123 Partant, il y a lieu de constater qu’aucune des activités de A mises en cause par la requérante n’était susceptible de constituer un conflit d’intérêts, en vertu de la politique du 6 octobre 2016, qui aurait dû exclure ou limiter sa participation à la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020.
c) Sur le respect du principe d’impartialité, tel qu’il découle de l’article 41 de la Charte
124 Il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel la politique du 6 octobre 2016 serait « insuffisante » pour garantir le respect du principe d’impartialité objective, tel qu’il découle de l’article 41 de la Charte.
125 Il convient dès lors d’examiner si, indépendamment de leur conformité avec la politique du 6 octobre 2016, les activités de A et B étaient susceptibles de susciter un doute légitime quant à l’impartialité de ces deux experts dans le cadre de la procédure de réexamen.
126 À cet égard, il convient d’observer que l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 726/2004 prévoit que « [l]es membres du conseil d’administration, les membres des comités, les rapporteurs et les experts ne peuvent pas avoir d’intérêt financier ou autre dans l’industrie pharmaceutique qui serait de nature à compromettre leur impartialité ». Ainsi, il ressort de cette disposition que seuls les intérêts susceptibles de compromettre l’impartialité des experts sont prohibés et non tous types d’intérêts, quels qu’ils soient.
127 À cet égard, le législateur de l’Union a estimé qu’il était préférable de conférer à l’EMA la tâche d’adopter son propre code de conduite, afin de prévoir les mesures concrètes pour la mise en œuvre de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 726/2004, sans déterminer lui-même, de manière exhaustive, quels types d’intérêts seraient susceptibles de compromettre, notamment, l’impartialité des membres d’un groupe d’experts ad hoc dont l’avis est sollicité par le CHMP dans le cadre d’une procédure de réexamen, comme en l’espèce.
128 En adoptant la politique du 6 octobre 2016, l’EMA a ainsi procédé à un examen détaillé de l’ensemble des situations de conflits d’intérêts susceptibles de se présenter, comme en témoigne l’annexe I de cette politique. En outre, ainsi qu’il ressort du point 4.1 de ladite politique, celle-ci a pour objectif de trouver un juste équilibre entre la prévention des conflits d’intérêts et la mise à disposition de la meilleure expertise pour l’évaluation et la surveillance des médicaments dans l’Union. Enfin, en adoptant un tel code de conduite et en le rendant accessible à toutes les parties intéressées, l’EMA contribue à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de son action en ce qui concerne la gestion des potentiels conflits d’intérêts (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, point 52).
129 Or, dans le cadre du présent moyen, la requérante n’a nullement excipé, sur le fondement de l’article 277 TFUE, de l’illégalité de la politique du 6 octobre 2016 mais s’est limitée à faire valoir que cette politique serait « insuffisante » pour garantir le respect du principe d’impartialité objective tel qu’il découle de l’article 41 de la Charte.
130 En outre, il convient de relever que les conclusions du comité d’experts ad hoc convoqué en avril 2020 ont été adoptées collégialement par dix membres.
131 Or, selon la jurisprudence, dans un tel cas, la collégialité constitue une garantie d’impartialité (voir arrêt du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 182 et jurisprudence citée). Il en va d’autant plus ainsi lorsque, comme en l’espèce, les experts dont l’impartialité est mise en cause n’exercent pas, dans le comité concerné, de fonctions de direction ou de coordination leur permettant d’avoir une influence prépondérante sur le déroulement ou l’issue de la procédure (voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, points 37 à 39, et du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 182).
132 Ainsi, la simple participation de A et B, sans fonction de direction ou de coordination, lors de la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020 ne saurait suffire pour conclure que la procédure, appréciée dans sa globalité, n’offrait pas des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à leur impartialité, même si, comme le fait valoir la requérante, il est impossible de déterminer exactement l’influence que ces deux experts ont pu avoir sur la procédure, en fonction soit de leur statut soit de leur personnalité.
133 Dès lors, en l’absence d’autres éléments de preuve, tels que des déclarations ou des prises de positions qui seraient de nature à susciter un doute légitime quant à l’impartialité de A et B, la requérante n’a pas établi que la participation de ces experts à la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020 serait contraire au principe d’impartialité, tel qu’il découle de l’article 41 de la Charte.
134 Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les minutes de la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020 ne reflèteraient pas les avis divergents qui y auraient été exprimés, notamment quant à l’efficacité de l’Hopveus, celui-ci sera examiné dans le cadre du troisième moyen ci-après.
135 Enfin, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’arrêt du 28 octobre 2020, Pharma Mar/Commission (T‑594/18, non publié, sous pourvoi, EU:T:2020:512), ne saurait être appliqué par analogie en l’espèce, en raison des différences importantes existant entre les deux affaires. En effet, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, en l’espèce, d’une part, aucun de ces deux experts n’a eu un rôle prédominant ou déterminant au sein du comité d’experts ad hoc convoqué en avril 2020 et, d’autre part, il n’est pas question d’intérêts en lien avec des produits concurrents au sens de la politique du 6 octobre 2016.
136 Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.
4. Sur le troisième moyen, tiré d’un vice de procédure devant l’EMA en raison de manquements aux règles de fonctionnement du comité ad hoc et d’une violation du principe d’examen contradictoire de la demande d’AMM conditionnelle
137 La requérante fait valoir que, outre les vices de procédure devant l’EMA visés par les premier et deuxième moyens, le compte rendu final de la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020 ne respecte pas les dispositions de l’article 3.7, point 14, du document de l’EMA intitulé « Mandate, objectives and rules of procedure for the scientific advisory groups (SAGs) and ad-hoc experts groups » [« Mandat, objectifs et règlement intérieur des groupes scientifiques consultatifs (GSC) et des groupes d’experts ad hoc »].
138 La requérante affirme que le compte rendu final de la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020 ne fait pas état des opinions divergentes au sein dudit comité, ni de la conclusion à laquelle est parvenue la majorité lorsqu’il n’y avait pas de consensus, pas plus que des explications motivant lesdites divergences. Ce comité ne se serait pas non plus prononcé sur le mode d’administration à domicile sans supervision médicale de l’Hopveus, alors que la question avait été posée par le CHMP.
139 Dès lors, selon la requérante, quand bien même l’avis du comité d’experts ad hoc convoqué en avril 2020 ne serait que consultatif et le CHMP ne serait pas tenu de le suivre, la mauvaise retranscription des débats ayant eu lieu lors de sa réunion du 6 avril 2020 et l’absence de réponses à la totalité des questions posées par le CHMP étaient de nature à induire en erreur le CHMP et ont influencé sa décision finale.
140 Partant, étant donné que le CHMP ne s’est pas prononcé de manière éclairée sur le cas de l’Hopveus, mais s’est fondé sur un avis lacunaire ne reflétant pas la complexité des débats, il conviendrait d’annuler la décision attaquée.
141 La Commission conteste ces arguments.
142 Il convient de rappeler que, selon l’article 3.7, point 14, du document de l’EMA intitulé « Mandate, objectives and rules of procedure for the scientific advisory groups (SAGs) and ad-hoc experts groups » :
« Les réponses et commentaires du GSC au CHMP contiendront des réponses à la liste de questions du CHMP et une justification pour chaque réponse. Lorsqu’il n’est pas possible de parvenir à un consensus sur une réponse, la conclusion de la majorité ainsi que les positions divergentes au sein du GSC seront notées et expliquées dans les réponses et commentaires du GSC au CHMP. »
143 Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le compte rendu final de la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020 ne reflète pas les positions divergentes des membres au sein du groupe, il y a lieu de relever que celui-ci repose sur une appréciation erronée des faits, dans la mesure où il ne ressort d’aucun élément du dossier, en particulier des minutes de ladite réunion, datées du 20 avril 2020, qu’il y aurait eu des positions divergentes au sein dudit comité, ce que semble d’ailleurs reconnaître la requérante. Par ailleurs, à supposer que la requérante estime que ces minutes ne reflètent pas correctement le contenu et le déroulement de cette réunion, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’une affirmation non étayée, d’autant plus que, ainsi qu’il a été confirmé lors de l’audience, la requérante n’était pas autorisée à participer à la partie finale de pareille réunion, au cours de laquelle ses conclusions ont été discutées et adoptées. Enfin, une valeur probante élevée doit être reconnue aux minutes en question, qui émanent d’une source officielle et fiable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 mai 2019, GMPO/Commission, T‑733/17, EU:T:2019:334, points 59 à 63).
144 Partant, il y a lieu de constater que, en ce qu’il repose sur des affirmations non étayées, cet argument manque en fait, de sorte qu’il doit être rejeté comme non fondé.
145 Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le comité d’experts ad hoc convoqué en avril 2020 ne se serait pas prononcé sur le mode d’administration à domicile sans supervision médicale de l’Hopveus, alors que cette question avait été posée par le CHMP, il y a lieu de rappeler que la requérante a elle-même limité, dans le résumé des caractéristiques du produit accompagnant la demande de réexamen de janvier 2020, l’utilisation exclusive de l’Hopveus dans le cadre hospitalier (voir point 69 ci-dessus). Partant, l’argument de la requérante repose sur la prémisse erronée selon laquelle ledit comité aurait dû se prononcer sur l’administration de l’Hopveus dans le cadre de soins ambulatoires (ou en dehors du cadre hospitalier). Il ne ressort d’ailleurs nullement des minutes de la réunion du comité d’experts ad hoc du 6 avril 2020 qu’une telle question ait été posée.
146 Par ailleurs, comme le fait valoir la Commission, le refus de la demande d’AMM conditionnelle est fondé en l’espèce, dans la décision attaquée, sur l’absence d’efficacité démontrée de l’Hopveus et non sur la question du risque lié à l’utilisation de ce médicament et au caractère approprié des mesures de minimisation des risques proposées par la requérante à cet égard. Cet argument doit donc, en tout état de cause, être rejeté comme inopérant.
147 Il y a lieu, dès lors, de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.
5. Sur le quatrième moyen, tiré, en substance, d’une erreur de droit, d’erreurs manifestes d’appréciation et de violations du principe d’égalité de traitement en raison de la méconnaissance du cadre réglementaire applicable aux AMM conditionnelles
148 Le présent moyen de la requérante peut être subdivisé en deux branches, tirées, en substance, la première, d’une méconnaissance du cadre réglementaire applicable aux AMM conditionnelles et, la seconde, d’erreurs manifestes d’appréciation et de violations du principe d’égalité de traitement.
a) Sur la première branche, tirée d’une méconnaissance du cadre réglementaire applicable aux AMM conditionnelles
149 La requérante estime que, en refusant la demande d’AMM conditionnelle au motif que « le rapport bénéfice/risque [de l’]Hopveus n’[était] pas favorable », la Commission a méconnu le règlement no 507/2006 qui fixe le cadre réglementaire applicable aux AMM conditionnelles, dans la mesure où ce règlement ne conditionne pas une AMM conditionnelle à la présentation de données cliniques exhaustives et sans limitation méthodologique.
150 En premier lieu, la requérante estime que les études cliniques fournies à l’appui de la demande d’AMM conditionnelle remplissaient les exigences réglementaires du fait des AMM existantes en Italie et en Autriche pour l’Alcover solution orale.
151 À cet égard, la requérante rappelle que, dans le cadre d’une demande d’AMM conditionnelle, les preuves pour la démonstration d’un rapport bénéfice/risque positif au moment de l’autorisation initiale peuvent être moins complètes et que les études peuvent avoir une taille d’échantillon moins importante et une durée plus courte que ce qui est normalement requis. Elle estime dès lors que, en jugeant que les données fournies pour prouver l’efficacité de l’Hopveus souffraient de lacunes méthodologiques importantes en lien avec la conception des études, notamment la taille de l’échantillon étudié et la période de suivi de six mois pour l’étude GATE 2, le CHMP n’a pas appliqué les exigences spécifiques en matière d’AMM conditionnelle, mais celles applicables à une demande d’AMM normale.
152 La requérante souligne, en outre, que les études produites ont été revues par le comité d’évaluation du risque de pharmacovigilance (ci-après le « PRAC ») et le CHMP dans le cadre de l’évaluation annuelle des médicaments à base d’OS. La validité de ces études aurait donc été confirmée par ces instances et par la Commission pour l’Alcover solution orale. De plus, les études visant à établir l’efficacité du médicament pour l’indication du maintien de l’abstinence auraient été menées dans la population globale d’alcoolo-dépendants, comme pour le Selincro, dont l’approbation pour une AMM non conditionnelle aurait été recommandée par l’EMA en 2012.
153 La requérante estime, dès lors, que le CHMP et la Commission ne pouvaient pas, sans commettre d’erreur de droit, ajouter au règlement no 507/2006 des exigences que celui-ci ne prévoyait pas en matière de démonstration du rapport bénéfice/risque et que l’EMA ne pouvait pas considérer que les limitations des études apportées étaient majeures, s’agissant d’une AMM conditionnelle, alors même que des critiques similaires n’avaient pas été formulées dans le cadre de l’AMM non conditionnelle accordée à un concurrent.
154 En deuxième lieu, s’agissant de la disponibilité des données non cliniques et pharmaceutiques et de la sécurité du médicament, la requérante souligne que seules les données cliniques ont été remises en cause, et non les données pharmaceutiques relatives à la qualité du produit, qui auraient été constamment validées.
155 En troisième lieu, en ce qui concerne la démonstration du bénéfice et de l’efficacité de l’Hopveus, la requérante fait valoir que le CHMP a fait le constat des effets favorables de l’OS à plusieurs reprises. Partant, elle estime que le CHMP aurait dû évaluer ces bénéfices par rapport aux risques et déterminer le bénéfice/risque de ce médicament sur la base du niveau de démonstration d’efficacité disponible, des risques, des mesures de minimisation des risques, de la gravité de la pathologie et du besoin médical. Or, le CHMP aurait conclu que ledit rapport bénéfice/risque était négatif sans prendre en compte les risques et sans statuer sur les mesures de minimisation des risques au motif d’une absence de démonstration d’efficacité. À tout le moins, l’avis du CHMP n’établirait pas de lien compréhensible entre ses constatations médicales ou scientifiques d’un certain degré de démonstration d’efficacité et sa conclusion d’un bénéfice/risque négatif, ce qui serait contraire aux règles de procédure du CHMP.
156 À cet égard, la requérante souligne également que le CHMP a recommandé l’autorisation conditionnelle ou non conditionnelle de nombreux traitements dont une ou plusieurs études avaient échoué, de sorte que l’échec de l’étude SMO032/10/03 ne saurait être considéré comme décisif.
157 Dès lors, le CHMP n’aurait pas appliqué la grille de méthodologie d’appréciation du bénéfice/risque propre aux AMM conditionnelles, en considérant que le bénéfice/risque de l’Hopveus était négatif, tout en constatant l’utilité de l’OS en raison d’alternatives potentielles limitées. Cela serait corroboré par les avis divergents de trois membres du CHMP ainsi que par ceux du rapporteur et de certains États membres en 2019, desquels il résulterait que, si les études fournies par la requérante ne remplissaient pas les critères requis pour une AMM pleine et entière, elles répondaient en revanche pleinement aux critères en matière d’AMM conditionnelle, qui autorisent des études moins complètes sur le plan de la durée et de l’exhaustivité des données cliniques.
158 La Commission conteste ces arguments.
159 Par la première branche de ce moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission et l’EMA ont méconnu le cadre réglementaire applicable aux AMM conditionnelles en exigeant la présentation de données cliniques complètes afin d’établir un rapport bénéfice/risque positif.
160 Il convient tout d’abord de rappeler l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union, en adoptant tant le règlement no 726/2004, qui fixe notamment le régime des AMM des médicaments à usage humain, que le règlement no 507/2006, qui fixe le régime applicable aux demandes d’AMM conditionnelles de ces mêmes médicaments.
161 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs du règlement no 726/2004 (voir notamment considérant 19), la procédure centralisée d’autorisation des médicaments qu’il prévoit repose sur une évaluation scientifique qui est menée par l’EMA et qui est du plus haut niveau possible en termes de qualité, de sécurité et d’efficacité des médicaments. En effet, l’un des objectifs principaux du régime d’autorisation prévu par cette réglementation est de veiller à ce que les patients ne se voient pas administrer des médicaments dont le rapport bénéfice/risque est négatif.
162 Ainsi qu’il ressort des considérants 1 à 3 du règlement no 507/2006 :
« Avant d’obtenir l’[AMM] dans un ou plusieurs États membres, un médicament à usage humain doit généralement faire l’objet d’études approfondies visant à assurer sa sécurité, sa qualité et l’efficacité de son utilisation sur la population cible […] Dans le cas de certaines catégories de médicaments, toutefois, afin de répondre aux besoins médicaux non satisfaits des patients et dans l’intérêt de la santé publique, il peut être nécessaire d’accorder des [AMM], ci-après dénommées ‟[AMM] conditionnellesˮ, qui reposent sur des données moins complètes que celles exigées normalement et qui sont soumises à des obligations spécifiques. Les catégories en question sont les suivantes : les médicaments destinés au traitement, à la prévention ou au diagnostic médical de maladies invalidantes graves ou de maladies potentiellement mortelles, les médicaments destinés à être utilisés dans des situations d’urgence en réponse à des menaces pour la santé publique reconnues soit par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) soit par [l’Union], et les médicaments désignés comme médicaments orphelins […] Si les données sur lesquelles repose un avis relatif à une [AMM] conditionnelle peuvent être moins complètes, le rapport bénéfice/risque, tel que défini à l’article 1er, point 28 bis, de la directive [2001/83], doit être positif. En outre, les bénéfices pour la santé publique découlant de la disponibilité immédiate du médicament concerné sur le marché doivent l’emporter sur le risque inhérent au fait que des données supplémentaires sont encore requises. »
163 L’article 4, paragraphe 1, du règlement no 507/2006 fixe par ailleurs les exigences qu’une demande d’AMM conditionnelle doit remplir :
« 1. Une [AMM] conditionnelle peut être accordée lorsque le comité constate que, bien que des données cliniques complètes concernant la sécurité et l’efficacité du médicament n’aient pas été fournies, toutes les exigences ci-après sont satisfaites :
a) le rapport bénéfice/risque du médicament, tel que défini à l’article 1er, point 28 bis, de la [directive 2001/83], est positif ;
b) il est probable que le demandeur pourra fournir par la suite les données cliniques détaillées ;
c) le médicament répond à des besoins médicaux non satisfaits ;
d) les bénéfices pour la santé publique découlant de la disponibilité immédiate du médicament concerné sur le marché l’emportent sur le risque inhérent au fait que des données supplémentaires sont encore requises. »
164 Il en ressort sans équivoque que, même pour les demandes d’AMM conditionnelles, le demandeur doit établir que le rapport bénéfice/risque du médicament, tel que défini à l’article 1er, point 28 bis, de la directive 2001/83, est positif.
165 L’article 1er, point 28 bis, de la directive 2001/83 définit le « rapport bénéfice/risque » comme étant « l’évaluation des effets thérapeutiques positifs du médicament au regard du risque tel que défini au point 28, premier tiret ». Il ressort de cette définition que l’établissement d’un rapport bénéfice/risque positif repose, d’une part, sur une évaluation des effets thérapeutiques positifs et, d’autre part, sur une évaluation des risques pour la santé du patient ou la santé publique liés à la qualité, à la sécurité ou à l’efficacité du médicament.
166 Partant, comme le fait valoir la Commission, un rapport bénéfice/risque ne peut être établi que si les données sont suffisantes pour démontrer, même de manière incomplète concernant une demande d’AMM conditionnelle, l’efficacité du médicament dans les indications proposées. Une telle approche se reflète également dans le document intitulé « Guideline on the scientific application and the practical arrangements necessary to implement Commission Regulation (EC) no 507/2006 on the conditional marketing authorisation for medicinal products for human use falling within the scope of Regulation (EC) no 726/2004 » (ci-après « lignes directrices relatives aux AMM conditionnelles »), qui prévoit que, « dans le cas d’une demande d’AMM conditionnelle, les données soumises au moment de l’autorisation initiale peuvent être moins complètes que ce qui est normalement requis » mais que, « [p]our la démonstration d’un rapport bénéfice/risque positif, les données disponibles devraient être suffisantes pour démontrer les bénéfices du médicament à un degré permettant de les évaluer au regard des risques identifiés dans les études et des risques liés à l’absence de certaines données ».
167 Or, il convient de relever que, en l’espèce, le CHMP a examiné si les conditions d’octroi d’une AMM conditionnelle étaient remplies et a conclu que l’efficacité de l’Hopveus n’avait pas été établie. Plus précisément, il ressort des conclusions scientifiques du CHMP annexées à la décision attaquée qu’il « ne saurait [être considéré] que les résultats des études d’efficacité présentées apportent des preuves suffisamment fiables pour établir l’efficacité de [ce médicament] pour l’indication finale demandée », que « [p]lusieurs lacunes ont été identifiées dans la conception des études d’efficacité, notamment la taille réduite des échantillons, le choix de la population de patients et l’absence de critères d’évaluation clairement définis et statistiquement significatifs » et que, « [e]n résumé, compte tenu de l’absence de preuves fiables, le bénéfice du traitement par [ledit médicament] pour l’indication revendiquée, en tenant compte de toutes les indications révisées proposées par le demandeur, ne peut être établi ».
168 Dès lors, au vu de ces conclusions, la requérante ne saurait prétendre que le CHMP a méconnu le cadre réglementaire applicable aux AMM conditionnelles. Au contraire, celui-ci a vérifié si l’ensemble des conditions requises par l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 507/2006 étaient remplies et a constaté que tel n’était pas le cas, s’agissant de l’établissement d’un rapport bénéfice/risque positif, dès lors que l’efficacité de l’Hopveus n’avait pas été suffisamment démontrée.
169 La requérante allègue néanmoins que le CHMP a reconnu une certaine efficacité à l’OS et qu’il aurait dû, dès lors, effectuer une mise en balance entre ces effets positifs reconnus et les risques associés à l’utilisation de l’Hopveus, en tenant compte des mesures de minimisation des risques proposées.
170 Or, même à supposer que certaines parties du rapport d’évaluation du CHMP du 30 avril 2020 relatif à l’Hopveus (ci-après l’« EPAR du 30 avril 2020 ») contiennent des appréciations positives relatives à l’efficacité de l’OS (et de l’Hopveus), il ressort notamment des conclusions dudit rapport que ces appréciations ne permettaient pas d’établir l’efficacité du produit dans les indications thérapeutiques proposées.
171 Ainsi, comme l’indiquent également les conclusions scientifiques et motifs de refus présentés par l’EMA, figurant en annexe à la décision attaquée, et en particulier le résumé général de l’évaluation scientifique de l’Hopveus, « [b]ien que certaines analyses aient suggéré quelques tendances vers des résultats positifs, les études ont clairement échoué » et « [a]ucune de ces études ne peut être considérée comme conforme aux exigences scientifiques et réglementaires d’une étude clinique qui fournirait des preuves évidentes de l’efficacité au sein de la population cible ». Dès lors, selon ce même résumé, « dans la mesure où l’efficacité [dudit médicament] n’a pas été démontrée, les besoins médicaux non satisfaits ne pourraient pas être considérés comme satisfaits et le bénéfice pour la santé publique de la disponibilité immédiate du médicament sur le marché ne saurait l’emporter sur les risques du fait que des données complémentaires sont nécessaires ».
172 Partant, au vu de l’absence d’efficacité démontrée pour l’Hopveus, la Commission a pu considérer, sans commettre d’erreur de droit, que les données disponibles pour ce médicament n’étaient pas suffisantes pour démontrer ses bénéfices à un degré permettant de les évaluer au regard des risques identifiés dans les études et des risques liés à l’absence de certaines données. En effet, dès lors que l’efficacité du médicament en question n’était pas suffisamment établie, il n’était ni nécessaire ni même possible de procéder à une mise en balance entre l’efficacité hypothétique de ce produit et ses risques tels qu’identifiés.
173 Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel seules les données cliniques ont été remises en cause et non les données pharmaceutiques relatives à la qualité du produit, celui-ci doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, la décision attaquée n’est pas fondée sur la qualité insuffisante de l’Hopveus, mais bien sur l’absence d’efficacité démontrée de ce médicament.
174 Enfin, s’agissant des allégations de la requérante selon lesquelles les études qu’elle a produites auraient été revues par le PRAC et le CHMP dans le cadre de l’évaluation annuelle des médicaments à base d’OS, celles-ci seront examinées dans le cadre du cinquième moyen ci-après.
175 Au vu de ce qui précède, la première branche du quatrième moyen doit être rejetée comme étant en partie inopérante et en partie non fondée.
b) Sur la seconde branche, tirée, en substance, d’erreurs manifestes d’appréciation et de violations du principe d’égalité de traitement
176 La requérante estime que, en raison de plusieurs incohérences dans l’analyse du CHMP par rapport aux avis délivrés pour d’autres médicaments bénéficiant d’une AMM (conditionnelle ou non conditionnelle) et qui présentaient les mêmes limitations méthodologiques, la décision attaquée est entachée de violations du principe d’égalité de traitement et d’erreurs manifestes d’appréciation.
177 En premier lieu, s’agissant des allégations de la requérante concernant une incohérence entre les avis du CHMP concernant l’Hopveus et ceux concernant d’autres médicaments, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (voir arrêt du 19 décembre 2019, Vanda Pharmaceuticals/Commission, T‑211/18, EU:T:2019:892, point 159 et jurisprudence citée).
178 Or, s’agissant de la comparaison effectuée par la requérante entre les avis du CHMP concernant l’Hopveus et ceux concernant d’autres médicaments, notamment le Selincro, il convient de rappeler que chaque procédure de réexamen d’une demande d’AMM repose sur des données scientifiques propres à chaque produit, qui doivent être évaluées individuellement, notamment par rapport aux indications proposées.
179 Partant, dès lors que les données scientifiques relatives, notamment, à l’efficacité du médicament par rapport aux indications thérapeutiques demandées sont différentes pour l’Hopveus et d’autres médicaments, notamment le Selincro, il ne saurait être question de situations comparables (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 décembre 2019, Vanda Pharmaceuticals/Commission, T‑211/18, EU:T:2019:892, point 160).
180 En l’absence de situations comparables, il convient dès lors de rejeter le grief de la requérante tiré de violations du principe d’égalité de traitement découlant d’incohérences alléguées entre les avis du CHMP concernant l’Hopveus et ceux concernant d’autres médicaments, notamment le Selincro.
181 En second lieu, la requérante invoque des incohérences dans les avis du CHMP, en particulier entre l’avis scientifique du CHMP de 2010 dans le cadre du développement clinique de l’OS (ci-après l’« avis de 2010 ») et l’EPAR du 30 avril 2020. Elle fait valoir que la décision attaquée est de ce fait entachée d’erreurs manifestes d’appréciation quant à la conclusion relative à l’absence d’efficacité démontrée de l’Hopveus ou de violations du principe d’égalité de traitement.
182 La requérante précise que les incohérences dans les avis du CHMP et les erreurs manifestes d’appréciation qui en résultent quant à la conclusion relative à l’absence d’efficacité démontrée de l’Hopveus ont trait, premièrement, à la taille de l’échantillon dans les études qu’elle a fournies, deuxièmement, aux analyses post hoc, troisièmement, à la sélection de la population dans le maintien de l’abstinence, quatrièmement, à la sélection de la population dans le traitement du SSA, cinquièmement, à la durée des études et, sixièmement, au critère d’évaluation utilisé dans les études fournies.
183 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence énoncée aux points 34 à 38 ci-dessus, s’agissant d’une décision telle qu’une AMM conditionnelle, qui se fonde sur des appréciations scientifiques complexes, le contrôle du juge de l’Union sur ces appréciations se limite à un contrôle de l’erreur manifeste.
184 Il convient également de relever que, comme l’indique la requérante, le CHMP a constaté dans l’EPAR du 30 avril 2020 que les données présentées par la requérante pour prouver l’efficacité de l’Hopveus pour l’indication revendiquée souffraient de lacunes méthodologiques importantes en lien avec la conception des études, notamment la taille insuffisante de l’échantillon, le choix de la population étudiée ainsi que l’absence de résultats statistiques significatifs et clairement définis.
1) Sur la taille de l’échantillon dans les études fournies par la requérante
185 La requérante pointe des incohérences entre l’avis de 2010 et l’EPAR du 30 avril 2020 quant à la taille de l’échantillon dans les études qu’elle a fournies et soutient qu’aucune explication n’a été fournie ni par l’EMA ni par la Commission à cet égard. Elle rappelle que 43 % des AMM conditionnelles accordées sont basées sur un dossier comprenant 1,9 étude en moyenne avec moins de 300 patients au total. En outre, elle fait observer que, selon les lignes directrices relatives aux AMM conditionnelles, « pour une [AMM] conditionnelle, il peut être acceptable que les études soient de taille plus réduite ».
186 En outre, la requérante soutient que, en l’espèce, les preuves d’efficacité de l’OS dans le traitement de la dépendance à l’alcool sont basées sur les résultats de onze études cliniques randomisées (ci-après « ECR »), notamment deux études de phase 3 (études GATE 1 et GATE 2), avec des échantillons de 126 et 314 patients, deux méta-analyses d’ECR avec des échantillons de 711 et 282 patients. Les résultats de huit études non randomisées totalisant 1 237 patients, corroborant les preuves d’efficacité des études randomisées, auraient aussi été soumis.
187 La Commission conteste ces arguments.
188 En ce qui concerne la taille de l’échantillon dans les études fournies par la requérante, le CHMP a considéré, s’agissant de l’étude GATE 1, qui visait à étudier l’efficacité de l’Hopveus dans le traitement du SSA chez 126 patients, que la requérante n’avait pas atteint la puissance statistique de plus de 80 % pour démontrer son allégation d’efficacité dans l’indication proposée pour le SSA.
189 À cet égard, s’il est vrai que, comme le fait valoir la requérante, pour des demandes d’AMM conditionnelles, des études de taille plus petite peuvent en principe être acceptées, ainsi qu’il ressort du point 4.1.2 des lignes directrices relatives aux AMM conditionnelles, ce n’est qu’à condition que le reste des données soit suffisamment robuste. Partant, dans la mesure où le CHMP a considéré que les effets bénéfiques observés n’avaient pas pu se traduire par des effets cliniques convaincants, il n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en n’acceptant pas un échantillon de population de taille plus restreinte pour cette étude.
190 S’agissant de l’étude GATE 2, il ne ressort d’aucun élément du dossier que le CHMP aurait relevé une limitation à cette étude, liée à la taille de l’échantillon. En outre, dans la mesure où la requérante fait valoir qu’elle a soumis d’autres études qui corroboreraient l’efficacité des études randomisées, il convient de relever qu’elle n’a pas démontré en quoi ces études seraient suffisantes pour pallier l’échec de l’étude GATE 1 en tant qu’étude pivot.
191 Enfin, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que le nombre de patients étudiés dans d’autres études ne saurait être transposé dans l’abstrait, en l’absence d’étude fiable indiquant l’efficacité du produit. L’argumentation de la requérante prise d’incohérences entre l’avis de 2010 et l’EPAR du 30 avril 2020 concernant la taille de l’échantillon dans les études qu’elle a fournies ne saurait dès lors être retenue.
192 Partant, le grief tiré d’erreurs manifestes d’appréciation résultant d’incohérences quant à la taille de l’échantillon des études fournies par la requérante doit être rejeté comme non fondé.
2) Sur les analyses post hoc
193 La requérante met en avant des incohérences dans les avis du CHMP quant aux analyses post hoc. Elle rappelle que ces analyses constituent une méthode couramment utilisée pour démontrer l’efficacité d’un produit et qu’une telle méthode a été acceptée pour des médicaments psychiatriques, notamment pour le Selincro. Or, ni l’EMA ni la Commission n’auraient expliqué pour quelles raisons lesdites analyses constituaient une « lacune méthodologique » en l’espèce.
194 La Commission conteste ces arguments.
195 Il convient de rappeler que, dans le cadre de l’étude GATE 2, la requérante avait opté pour un choix de critère d’évaluation primaire consistant à calculer la durée d’abstinence cumulée (ci-après la « CAD »). À cet égard, le CHMP a considéré, dans l’EPAR du 30 avril 2020, que « [l]e critère d’évaluation primaire choisi ([à savoir la] CAD) ne capt[ait] pas le taux d’abstinence dans un groupe de traitement, ce qui rend[ait] difficile son interprétation, notamment en termes de bénéfice clinique pour les patients individuels ». En ce qui concerne la deuxième étude pivot, à savoir l’étude SMO032/10/03 qui visait également à soutenir l’efficacité de l’Hopveus dans l’indication de maintien de l’abstinence, il ressort dudit rapport qu’« [elle] n’a[vait] pas atteint le critère primaire ». Afin de tenter de remédier à l’échec de cette dernière étude, la requérante a proposé de conduire certaines analyses post hoc. Le CHMP a considéré toutefois ce qui suit :
« Les analyses post hoc de l’étude [en question] ne [pouvaient pas] remplacer les résultats statistiquement insignifiants du paramètre primaire PDA (pourcentage de jours abstinents) et les analyses fournies [étaient] insuffisantes pour établir l’efficacité post hoc dans un sous-groupe de patients atteints d’une dépendance alcoolique sévère […] Par conséquent, ces analyses complémentaires […] ne peuvent être considérées que comme exploratoires. Bien qu’il s’agisse de conclusions très intéressantes […] c’est insuffisant pour établir l’efficacité de l’OS dans un sous-groupe de patients atteints d’une dépendance sévère. »
196 Or, la requérante, sur laquelle repose la charge de la preuve, n’apporte aucun élément démontrant que le CHMP a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard. En particulier, elle n’a pas démontré en quoi le CHMP avait commis une telle erreur en concluant que les analyses post hoc examinées ne pouvaient pas suffire à établir l’efficacité de l’Hopveus dans les indications revendiquées.
197 De plus, la requérante se fonde, de manière générale, sur des comparaisons avec d’autres médicaments qui auraient été approuvés par l’EMA ou pour lesquels des analyses post hoc auraient été admises. Force est de constater, cependant, qu’il s’agit d’affirmations vagues et non étayées.
198 Enfin, dans la mesure où la requérante renvoie au rapport d’évaluation concernant le Selincro, il suffit de constater que ce médicament était basé sur une substance active, le nalméfène, différente de l’OS, et que, en raison des spécificités de chaque évaluation scientifique et des particularités de chaque produit faisant l’objet d’un réexamen, chaque demande, y compris les données scientifiques relatives à l’efficacité, doit faire l’objet d’une évaluation individuelle. Partant, dès lors que les données scientifiques présentées par la requérante pour l’Hopveus étaient différentes de celles proposées dans le cas du Selincro, il ne saurait être question de situations comparables, y compris concernant la validité des analyses post hoc.
199 Partant, le grief tiré d’erreurs manifestes d’appréciation résultant d’incohérences quant aux analyses post hoc doit être rejeté comme non fondé.
3) Sur la sélection des populations dans le maintien de l’abstinence
200 La requérante estime que le CHMP a entaché ses avis d’incohérences relatives à la sélection des populations dans le maintien de l’abstinence. Elle estime que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, les études fournies ont montré une efficacité dans la population dépendante à l’alcool de manière globale, incluant les patients modérément sévères et les patients sévères, comme pour le Selincro. Elle conteste, par ailleurs, les explications de la Commission selon lesquelles les différences observées entre l’Hopveus et le Selincro concernant la sélection de la population s’expliqueraient par les différentes indications de ces deux produits. Cela ne serait pas conforme aux raisons du refus du CHMP, qui aurait considéré que la limitation des études fournies quant à la sélection de populations était une « lacune méthodologique ». Ce serait donc la méthode utilisée pour démontrer l’efficacité qui aurait été critiquée par l’EMA en l’espèce et cela s’appliquerait à tous les domaines de recherche et, par conséquent, à toutes les indications.
201 La Commission conteste ces arguments.
202 À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’EPAR du 30 avril 2020, le CHMP a constaté que l’étude GATE 2 contenait deux limitations importantes, qui l’ont empêché de considérer les résultats de cette étude comme preuve d’efficacité. Une de ces limitations concernait la différence entre la population étudiée et la population cible, c’est-à-dire la population à laquelle l’Hopveus aurait été destiné après autorisation.
203 Ainsi, il ressort de l’EPAR du 30 avril 2020 qu’« il existe une incertitude quant à la démonstration d’un effet thérapeutique cliniquement pertinent dans la population cible au cours d’une durée appropriée pour pouvoir établir une amélioration cliniquement significative de la dépendance à l’alcool », que « [l]e demandeur propose maintenant une large population cible dépendante de l’alcool », que « [l]a population étudiée dans GATE 2 a été rétrospectivement identifiée comme une population affectée d’alcoolo-dépendance de gravité légère sur la base d’un critère d’inclusion d’une période de désintoxication [d’au moins deux] semaines » et que, « [p]ar conséquent, aucune analyse de patients ayant une dépendance alcoolique sévère n’a été présentée pour cet essai ».
204 En d’autres termes, le CHMP a constaté que l’étude GATE 2 n’incluait aucun résultat d’efficacité à l’égard des patients souffrant de dépendance alcoolique sévère et que cette omission était d’autant plus significative que l’Hopveus, s’il était autorisé, aurait dû être utilisé principalement chez des patients souffrant d’une dépendance alcoolique sévère.
205 La requérante fait valoir, tout d’abord, que l’EPAR du 30 avril 2020 est incohérent par rapport à l’avis de 2010, étant donné que la sélection de la population étudiée a été validée par le CHMP dans cet avis.
206 Il convient de relever, cependant, que l’allégation de la requérante à cet égard est vague et imprécise, dans la mesure où elle n’a pas identifié à quel endroit l’avis de 2010 contiendrait une telle évaluation positive du CHMP. En tout état de cause, il convient de constater que, ainsi qu’il est rappelé dans la partie introductive dudit avis, « la réponse donnée par le CHMP dans cet avis est basée sur les questions et la documentation de support apportées par la société demanderesse, considérées à la lumière de l’état actuel des connaissances dans les domaines scientifiques pertinents ». Un tel avis ne saurait dès lors avoir un effet contraignant sur l’évaluation future par le CHMP d’une demande d’AMM, en particulier s’agissant de l’évaluation de l’efficacité du médicament et du rapport bénéfice/risque, qui est basée sur les données scientifiques pertinentes apportées par le demandeur au soutien de cette demande.
207 Ensuite, dans la mesure où la requérante fait valoir que les études GATE 2 et SMO032/10/03 ainsi que les méta-analyses auraient montré une efficacité dans la population alcoolo-dépendante, incluant les patients modérément sévères et sévères, il y a lieu de rappeler que le CHMP a constaté que l’étude GATE 2 contenait une limitation importante en ce qui concerne le choix de la population étudiée et que l’étude SMO032/10/03 avait échoué, dans la mesure où elle n’avait pas atteint le critère primaire (voir point 197 ci-dessus). S’agissant des méta-analyses et des études post hoc, le CHMP a considéré que celles-ci ne pouvaient pas remédier aux principales lacunes et incertitudes générées par les études de confirmation soumises par la requérante. Or, la requérante n’a pas apporté d’éléments permettant de considérer que le raisonnement du CHMP serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.
208 Enfin, la requérante fait valoir que l’efficacité du Selincro n’aurait été démontrée chez les patients sévères, fortement dépendants à l’alcool, que par le biais d’analyses post hoc. Toutefois, ainsi que le fait valoir la Commission, cette allégation est contredite par le rapport d’évaluation du CHMP concernant ce médicament, duquel il ressort qu’« une réduction globale des quantités de boisson de référence a été constatée dans le cadre de l’essai clinique », que « [l]e nombre de journées de grande consommation d’alcool de référence de 19.3 par mois a été réduit d’environ 11 à 12 jours dans le groupe [qui prend le médicament en question] dans l’ensemble de la population », que « la consommation totale d’alcool (87,7 g/j au niveau de référence) a été réduite d’environ 50 g » et que, « [d]ans le sous-groupe de patients présentant un niveau de risque d’abus de boisson élevé ou très élevé au départ et lors de la randomisation (50 % de la population totale), l’effet du traitement en termes de réduction des journées de grande consommation d’alcool/de la quantité d’alcool totale […] était plus prononcé ».
209 Partant, le grief tiré d’erreurs manifestes d’appréciation résultant d’incohérences quant à la sélection des populations dans le maintien de l’abstinence doit être rejeté comme non fondé.
4) Sur la sélection des populations dans le traitement du SSA
210 La requérante pointe des incohérences entre l’avis de 2010 et l’EPAR du 30 avril 2020 quant à la sélection des populations dans le traitement du SSA. Elle fait valoir qu’elle ne comprend pas les tentatives d’explications de l’EMA et de la Commission, dans la mesure où elle n’a pas demandé une indication dans le traitement des crises et du delirium tremens. Selon elle, l’indication qu’elle a proposée lors du réexamen de 2020 est la suivante : « [t]raitement du [SSA], sans complication ou avec troubles de la perception », ce qui exclurait par définition les crises et le delirium tremens. Or, toutes les études auraient démontré une efficacité de l’OS pour cette indication. En outre, le critère d’évaluation principal, à savoir l’échelle appelée « Clinical Institute Withdrawal Assessment – Alcohol revised (CIWA-Ar) », qui aurait été refusé dans ce rapport, aurait été accepté dans l’avis de 2010, alors que les crises et le delirium tremens ne seraient pas mesurés par ce critère.
211 La Commission conteste ces arguments.
212 Il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 3.1.1 de l’EPAR du 30 avril 2020, intitulé « Maladie ou affection », « les principaux objectifs de la prise en charge clinique du SSA sont de réduire la sévérité des symptômes, [de] prévenir les manifestations cliniques plus sévères du sevrage telles que les crises et le délire et [de] faciliter l’entrée du patient dans un programme de traitement pour essayer d’atteindre et de maintenir l’abstinence à long terme ».
213 Dès lors, comme le fait valoir la Commission, il semblerait que la requérante ait avancé une indication thérapeutique qui ne correspond pas à la situation clinique, étant donné qu’il n’est pas possible de dissocier la population traitée pour un SSA en milieu hospitalier de la population de patients qui présentera des crises liées au sevrage et des phases de delirium tremens. Le CHMP a ainsi constaté, après avoir réexaminé cette question dans l’EPAR du 30 avril 2020, que « le delirium tremens et les crises [étaient] des manifestations cliniques du sevrage » et que « l’absence de données dans ce sous-ensemble limit[ait] son utilité en tant qu’option thérapeutique pour ce groupe en milieu hospitalier ».
214 La requérante fait néanmoins valoir que le CHMP a approuvé le CIWA-Ar comme critère d’évaluation principal dans l’avis de 2010, alors que ce critère ne mesurerait pas les symptômes critiques associés au SSA. À cet égard, ainsi que l’a précisé la Commission, le CHMP a considéré dans cet avis que l’utilisation du score de sevrage standardisé CIWA-Ar comme critère d’évaluation principal pouvait être acceptable, car cette échelle mesurait l’efficacité du médicament par rapport aux symptômes de sevrage alcoolique les plus importants sur le plan clinique, tels que le delirium tremens. Cependant, la requérante n’a pas utilisé le score de sevrage standardisé CIWA-Ar comme critère d’évaluation principal pour mesurer l’efficacité de l’Hopveus dans l’indication du traitement du SSA, mais une version significativement abrégée du score total CIWA-Ar qui n’inclut notamment pas les symptômes de sevrage les plus importants sur le plan clinique. Or, c’est ce choix qui a été critiqué par le CHMP dans l’EPAR du 30 avril 2020 comme étant non justifié d’un point de vue clinique ou statistique.
215 Partant, le grief tiré d’erreurs manifestes d’appréciation résultant d’incohérences quant à la sélection des populations dans le traitement du SSA doit être rejeté comme non fondé.
5) Sur la durée des études
216 La requérante met en avant des incohérences dans les avis du CHMP concernant la durée des études. Elle rappelle que, selon les lignes directrices de 2010, les études de phase 3 devraient durer entre quinze et vingt et un mois au total. Or, pour le Selincro ainsi que pour d’autres médicaments, le CHMP aurait accepté des durées d’études plus courtes. En outre, les lignes directrices relatives aux AMM conditionnelles permettraient l’octroi d’une AMM conditionnelle quand bien même les études seraient plus courtes. Ni l’EMA ni la Commission n’auraient justifié cette « incohérence de traitement ». La requérante observe par ailleurs que le CHMP n’a pas soulevé d’objections sur la durée des études. Au contraire, il aurait accepté le critère d’évaluation « proportion de jours abstinents », proposé en raison du caractère à court terme de l’étude de phase 2b. Elle indique que, concernant l’étude d’efficacité de phase 3, elle a proposé de réaliser une étude complémentaire de douze mois maximum, comme pour le Selincro, ce à quoi le CHMP n’aurait initialement émis aucune objection.
217 La Commission conteste ces arguments.
218 Tout d’abord, pour autant que, par son argumentation, la requérante invoque une violation du principe d’égalité de traitement, dans la mesure où le CHMP aurait accepté des durées d’études plus courtes que pour l’Hopveus, ce grief doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 179 à 181 ci-dessus.
219 Ensuite, il convient de relever que les études relatives au Selincro étaient conformes aux lignes directrices de 2010, de sorte que le CHMP a conclu, pour ce médicament, que « la durée [était] raisonnable pour établir une réduction cliniquement significative de la consommation d’alcool ».
220 Ensuite, il convient de rappeler que le point 4.1.1 des lignes directrices de 2010 identifie deux principaux types d’études de confirmation en rapport avec la dépendance à l’alcool, s’articulant, d’une part, autour de la réduction des risques ou des effets nocifs et, d’autre part, autour des essais de prévention de rechute avec un objectif d’abstinence complète.
221 Ainsi, selon les lignes directrices de 2010, « afin de constater le maintien de l’abstinence dans le cas d’un nouveau composé visant à favoriser l’abstinence continue, la phase de traitement actif de minimum [trois] mois jusqu’à [six] mois devrait être suivie d’une phase de sevrage en double aveugle chez les patients sans traitement, au moins jusqu’à [douze] mois, mais de préférence jusqu’à [quinze] mois après la randomisation » et, « [e]n principe, il en va de même pour un nouveau composé visant à promouvoir une modération stable et cliniquement significative de la consommation d’alcool à long terme (réduction des préjudices) ».
222 Or, s’agissant de l’Hopveus, la période de suivi après la période de traitement dans l’étude GATE 2 était de six mois, soit la moitié des douze recommandés par les lignes directrices de 2010. En outre, la période de traitement dans l’étude SMO032/10/03 était de douze semaines, avec une semaine de suivi sans traitement. Ainsi, comme l’a indiqué le CHMP dans l’EPAR du 30 avril 2020, « aucune justification de la période de [douze] semaines n’a été fournie et la période de suivi d’une semaine a été très courte ». Le CHMP pouvait donc en conclure sans commettre d’erreur manifeste que « les critères d’évaluation n’[avaient] pas été évalués sur une période suffisamment longue pour caractériser la durabilité d’un effet thérapeutique identifié ».
223 De plus, la requérante ne saurait valablement faire valoir à cet égard que le CHMP avait accepté une durée d’études plus courte dans l’avis de 2010, de sorte que la conclusion à laquelle il est parvenu dans l’EPAR du 30 avril 2020 concernant la durée des études est incohérente avec cet avis.
224 La requérante se fonde à cet égard sur le passage suivant de la réponse du CHMP à la question 2.3 dans l’avis de 2010 :
« En revanche, D & A PHARMA n’a pas l’intention de réaliser l’étude randomisée non traitée, d’une durée de [douze] à [quinze] mois, requise par les lignes directrices de l’EMA.
La proposition d’étudier l’efficacité et la sécurité à long terme après des études de phase [3], [plutôt que] de phase [2], est acceptable. »
225 Or, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’acceptation par le CHMP de sa proposition d’enquêter sur l’efficacité et la sécurité à long terme après des études de phase 3, plutôt que de phase 2, dans la seconde phrase de ce passage, ne saurait signifier qu’il avait accepté son intention de ne pas réaliser l’étude randomisée de douze à quinze mois requise par les lignes directrices de l’EMA, à laquelle il est fait référence dans la première phrase de ce passage. Il n’existe aucun lien logique entre ces deux passages. De plus, il ne ressort d’aucun autre passage de l’avis de 2010 que le CHMP avait indiqué que la durée des études nécessaires pour prouver une rapport bénéfice/risque positif dans l’indication du maintien de l’abstinence pouvait être raccourcie.
226 En outre, s’il est vrai que les lignes directrices relatives aux AMM conditionnelles prévoient qu’il peut être acceptable, dans certains cas, que les études soient de plus courte durée, ce n’est qu’à condition que les données soient suffisamment solides et que les incertitudes découlant d’autres parties de la demande soient réduites au minimum. Or, la requérante n’a pas démontré que tel était le cas en l’espèce.
227 Partant, au vu de ces considérations, la requérante n’a pas établi que, en considérant que la durée des études principales qu’elle avait effectuées n’était pas suffisante pour caractériser la durabilité d’un effet thérapeutique identifié, le CHMP a commis une erreur manifeste d’appréciation ou qu’il a entaché son avis d’incohérences. Ce grief doit, par conséquent, être rejeté comme non fondé.
6) Sur le critère d’évaluation utilisé dans les études fournies
228 La requérante pointe des incohérences dans les avis du CHMP quant au critère d’évaluation principal utilisé dans les études qu’elle a fournies. Elle fait valoir que le critère d’évaluation principal qu’elle a utilisé, correspondant aux jours d’abstinence cumulés, à savoir la CAD, est un critère qui mesure, notamment, les jours d’abstinence continue et qui était recommandé par un groupe d’experts spécialisé dans le développement de traitements contre l’alcoolo-dépendance lorsque l’étude GATE 2 a été initiée, avant l’adoption des lignes directrices de 2010. La CAD aurait d’ailleurs été utilisée pour démontrer l’efficacité de traitements approuvés dans le maintien de l’abstinence. Par ailleurs, l’EMA omettrait de mentionner les ECR qui auraient montré une efficacité de l’OS en se fondant sur la CAD. Enfin, l’EMA n’aurait pas apporté d’éclairage sur les raisons pour lesquelles ce critère d’évaluation ne serait pas recevable dans le cadre d’une AMM conditionnelle, alors même que les lignes directrices relatives aux AMM conditionnelles prévoiraient que « [l]’établissement des effets bénéfiques au moment de l’autorisation pourrait éventuellement être basé sur des critères intermédiaires qui sont raisonnablement susceptibles de se traduire par un bénéfice clinique ».
229 La Commission conteste ces arguments.
230 À cet égard, il convient de rappeler que l’une des limitations principales observées par le CHMP concernant l’étude GATE 2 portait précisément sur le critère d’évaluation principal utilisé par la requérante dans cette étude, à savoir la CAD. Dans l’EPAR du 30 avril 2020, le CHMP a considéré que la CAD n’était pas un critère approprié pour démontrer l’efficacité de l’Hopveus pour le maintien de l’abstinence, dans la mesure où elle conduisait à additionner toutes les périodes d’abstinence pour chaque patient pendant une période d’observation donnée si le patient consommait à nouveau de l’alcool pendant cette période. Comme l’observe l’EMA, un tel critère ne permet pas, en effet, de démontrer qu’un patient a réussi à maintenir l’abstinence, mais montre seulement qu’il est resté sobre pendant un nombre cumulé de jours au cours d’une période d’observation. C’est la raison pour laquelle la CAD est considérée comme un critère inapproprié dans les lignes directrices de 2010, qui ne l’incluent pas parmi les critères d’évaluation principaux recommandés pour l’indication de maintien de l’abstinence ou d’abstinence totale. À la place, lesdites lignes directrices recommandent d’utiliser le taux d’abstinence comme critère d’évaluation principal, c’est-à-dire la proportion de patients qui ont réussi à maintenir l’abstinence tout au long de la période d’observation. Dans l’étude GATE 2, le demandeur a également utilisé ce taux d’abstinence comme critère d’évaluation secondaire. Le CHMP a néanmoins considéré, dans l’EPAR du 30 avril 2020, que les résultats obtenus n’avaient pas permis de démontrer une différence significative entre le groupe traité par l’Hopveus et le groupe placebo pour ce dernier critère.
231 La requérante fait valoir, tout d’abord, que la CAD aurait dû être acceptée par le CHMP en tant que critère d’évaluation principal dans l’indication du maintien de l’abstinence. À cet égard, il suffit de relever qu’une telle acceptation aurait été contraire aux lignes directrices de 2010. Or, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’EMA et, par voie de conséquence, le CHMP sont en principe liés par les lignes directrices qu’elle adopte à moins que celles-ci s’écartent des règles du traité (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, point 52 et jurisprudence citée), ce que la requérante n’allègue nullement en l’espèce. Partant, les circonstances que la CAD aurait été considérée comme un critère d’évaluation pertinent par un groupe d’experts pluridisciplinaires extérieur à l’EMA ou encore que l’étude GATE 2 aurait été initiée avant l’adoption de ces lignes directrices ne sauraient remettre en cause cette conclusion. Il convient de relever, de surcroît, que la décision attaquée a été adoptée en 2020, soit bien après l’adoption desdites lignes directrices.
232 Ensuite, dans la mesure où la requérante renvoie à l’étude SMO032/10/03 ainsi qu’à d’autres études et méta-analyses qui auraient montré une efficacité de l’OS dans l’indication de maintien de l’abstinence, il convient de rappeler que l’étude SMO032/10/03 reposait sur le critère d’évaluation principal basé sur le pourcentage de jours d’abstinence et non sur la CAD, préconisée par les lignes directrices de 2010. Dès lors, dans l’EPAR du 30 avril 2020, le CHMP a considéré que, « conformément aux lignes directrices, pour l’objectif d’abstinence totale, le taux d’abstinence aurait dû être choisi comme critère d’évaluation primaire dans les essais d’efficacité principaux ». En outre, le CHMP a considéré que cette dernière étude avait échoué dans le critère d’évaluation primaire, dans la mesure où les effets favorables reposaient principalement sur des analyses post hoc. S’agissant des effets observés dans d’autres études et méta-analyses postérieures, le CHMP a considéré que ces résultats étaient compromis en raison des nombreuses lacunes identifiées dans les études principales (voir point 209 ci-dessus) et la requérante n’a apporté aucun élément permettant de considérer que le CHMP aurait entaché son raisonnement d’une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.
233 Enfin, la requérante estime que la CAD aurait dû être acceptée en tant que critère d’évaluation secondaire dans l’étude GATE 2, conformément aux lignes directrices relatives aux AMM conditionnelles. Ces lignes directrices prévoient en effet que « l’octroi d’une AMM conditionnelle pourrait être approprié lorsqu’un critère d’évaluation intermédiaire présente des avantages qui l’emportent sur les incertitudes quant à l’étendue du bénéfice clinique qu’elle génère, et lorsque la confirmation des bénéfices cliniques reste nécessaire ».
234 À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le CHMP n’aurait pas pu s’appuyer sur le critère d’évaluation principal choisi par la requérante, même en tant que critère d’évaluation secondaire, en raison des limites inhérentes à la CAD, identifiées au point 5.3.1 de l’EPAR du 30 avril 2020. Le CHMP a ainsi considéré que la CAD ne tenait pas compte du taux d’abstinence au sein d’un groupe de traitement, ce qui rendait son interprétation difficile, notamment en termes de bénéfices cliniques pour les patients individuels. En outre, il a relevé que l’étude GATE 2 avait été menée auprès d’une population dépendante de l’alcool à un degré de gravité léger, chez laquelle beaucoup étaient peu susceptibles d’avoir besoin d’un traitement hospitalier, de sorte qu’il était peu probable qu’elle puisse bénéficier de ce traitement. Enfin, il a estimé que l’effet du traitement avait été contrecarré par la variabilité de la durée de celui-ci pour certains patients. Or, la requérante n’a pas démontré en quoi ces constats seraient entachés d’une erreur manifeste d’appréciation.
235 Partant, le grief tiré d’erreurs manifestes d’appréciation résultant d’incohérences en ce qui concerne le critère d’évaluation utilisé dans les études fournies doit également être rejeté comme non fondé.
236 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme non fondé.
6. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison de l’incohérence des avis donnés sur le rapport bénéfice/risque de l’Alcover solution orale et de l’Hopveus, en dépit de leur bioéquivalence
237 La requérante estime que, en refusant l’octroi de l’AMM conditionnelle en considérant que « le rapport bénéfice/risque [de l]’Hopveus n’[était] pas favorable », la Commission a entaché la décision attaquée d’une violation du principe d’égalité de traitement, consacré aux articles 59 et 61 du règlement no 726/2004, doublée d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison des avis contraires donnés par les entités de l’EMA sur le rapport bénéfice/risque pour l’Alcover solution orale et l’Hopveus, alors que leur bioéquivalence n’est dans le même temps pas contestée.
238 Selon la requérante, la bioéquivalence entre l’Alcover solution orale et l’Hopveus a été reconnue par le CHMP dans l’EPAR du 30 avril 2020 et cette reconnaissance lui aurait permis de fournir les études relatives à l’Alcover solution orale au titre des études nécessaires au dépôt d’une demande d’AMM, en plus des études qu’elle a réalisées.
239 La requérante rappelle également que le PRAC a estimé, de 2016 à 2020, que le rapport bénéfice/risque de l’OS était positif dans ses indications en Italie et en Autriche. De plus, en mai 2018, après une évaluation scientifique, le CHMP aurait considéré que le rapport bénéfice/risque de l’OS (l’Alcover solution orale) dans le traitement du SSA et dans le maintien de l’abstinence était positif et aurait recommandé à la Commission de maintenir les AMM de l’Alcover solution orale en Italie et en Autriche, imposant seulement une modification de la liste des effets indésirables devant figurer dans la notice d’utilisation. La décision correspondante de la Commission de maintenir les AMM aurait été publiée en août 2018.
240 Dès lors, rien n’expliquerait que le CHMP ait adopté des avis incohérents concernant le bénéfice/risque de l’Alcover solution orale et de l’Hopveus, qui seraient pourtant bioéquivalents et traiteraient la même maladie, alors même que l’Hopveus bénéficierait de propriétés dissuasives (contrairement à l’Alcover solution orale) contre les abus et les mauvaises utilisations et qu’il serait proposé de le soumettre à des mesures de minimisation du risque plus strictes que l’Alcover solution orale.
241 Partant, dans la mesure où il n’existait aucune justification à ce traitement différencié de deux médicaments strictement équivalents, la requérante estime que le CHMP ne pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation et violer le principe d’égalité de traitement, refuser de reconnaître un bénéfice/risque favorable à l’Hopveus.
242 La requérante ajoute que l’évaluation du rapport bénéfice/risque ne saurait différer selon qu’il s’agit d’analyses pré-AMM et post-AMM. En outre, elle rappelle que le PRAC rend un avis sur le rapport bénéfice/risque des médicaments dont il évalue la sécurité. En effet, le but des rapports périodiques actualisés de sécurité (ci-après les « PSUR ») serait de « garantir le retrait rapide du marché de tout médicament présentant un rapport bénéfice/risque négatif dans des conditions d’utilisation normales ». Cela serait confirmé par les lignes directrices de l’EMA sur les bonnes pratiques de pharmacovigilance, qui prévoient que « l’objectif principal d’un PSUR est de présenter une analyse complète, concise et critique du rapport bénéfice/risque du médicament ». Ainsi, la notion de bénéfice/risque serait au cœur de l’évaluation du médicament, quel que soit le stade de l’évaluation, avant sa commercialisation ou après celle‑ci.
243 La requérante rappelle, par ailleurs, que les données scientifiques examinées par le PRAC dans le cadre des PSUR pour l’Alcover solution orale et par le CHMP pour l’Hopveus étaient en partie les mêmes, notamment en ce qui concerne les résultats de l’étude SMO032/10/03, de l’étude GATE 2, des méta-analyses et des analyses post hoc. Or, ni la Commission ni l’EMA n’auraient expliqué les raisons pour lesquelles ces données permettaient de conclure à un rapport bénéfice/risque positif pour l’Alcover solution orale et non pour l’Hopveus, alors que ce dernier est en réalité le successeur, avec une autre dénomination, de l’Alcover granules.
244 La Commission conteste ces allégations.
245 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 107 ter de la directive 2001/83, « [l]es titulaires d’une [AMM] soumettent à l’[EMA] des rapports périodiques actualisés de sécurité contenant :
a) des résumés des informations en rapport avec les bénéfices et les risques du médicament, y compris les résultats de toutes les études tenant compte de leur impact potentiel sur l’[AMM] ;
b) une évaluation scientifique du rapport bénéfice/risque du médicament ;
c) toutes les informations relatives au volume des ventes du médicament ainsi que toute information que possède le titulaire de l’[AMM] concernant le volume des prescriptions, y compris une estimation de la population exposée au médicament.
L’évaluation visée au point b) est effectuée sur la base de toutes les informations disponibles, y compris celles résultant d’essais cliniques réalisés pour des indications et des populations non autorisées. »
246 Par ailleurs, le point VII.B.1 des lignes directrices de l’EMA sur les bonnes pratiques de pharmacovigilance, intitulé « Objectifs du [PSUR] », précise ce qui suit :
« L’objectif principal d’un PSUR est de présenter une analyse complète, concise et critique du rapport bénéfice/risque du médicament en tenant compte des informations nouvelles ou émergentes dans le contexte des informations cumulatives sur les risques et les bénéfices. Le PSUR est donc un outil d’évaluation post-autorisation à des moments définis dans le cycle de vie d’un produit. Afin de gérer le bénéfice/risque pendant le cycle de vie, il est nécessaire de continuer à évaluer les risques et les bénéfices d’un médicament dans la pratique médicale quotidienne et son utilisation à long terme dans la phase post-autorisation […] Un rapport bénéfice/risque différent peut émerger à mesure que la pharmacovigilance révèle des informations supplémentaires sur la sécurité. Le titulaire de l’[AMM] doit donc réévaluer le rapport bénéfice/risque de ses propres médicaments dans les populations exposées. Cette évaluation doit être entreprise dans le contexte de la pharmacovigilance en cours […] et de la gestion des risques […] afin de faciliter l’optimisation du rapport bénéfice/risque grâce à une minimisation efficace des risques. »
247 Premièrement, comme le fait valoir la requérante, il ressort du point 2.4.5 du rapport d’évaluation du CHMP relatif à l’Hopveus du 17 octobre 2019 que le CHMP a considéré que « la bioéquivalence pouvait être considérée comme suffisamment démontrée entre [l’]Hopveus, [l’]Alcover solution orale et [le] Xyrem ».
248 Deuxièmement, il convient de rappeler que les PSUR impliquent une analyse critique du rapport bénéfice/risque d’un médicament qui tienne compte de toute information nouvelle sur le médicament et qui peut conduire à la modification, à la suspension ou au retrait d’une AMM (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 60).
249 Cependant, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’évaluation par le PRAC des PSUR soumis par le titulaire de l’AMM de l’Alcover solution orale pour la période 2014-2020 ne peut être comparée à l’évaluation du CHMP pour la demande d’AMM de la requérante pour l’Hopveus. En effet, en l’espèce, les PSUR relatifs à l’OS ou à l’Alcover solution orale dont se prévaut la requérante ne portaient pas sur les mêmes données scientifiques que celles qui ont été évaluées par le CHMP dans l’EPAR du 30 avril 2020 aux fins de l’examen de l’efficacité de l’Hopveus. En particulier, ces PSUR ne contenaient pas de données relatives à l’efficacité de l’Alcover solution orale dans l’indication demandée. En effet, ainsi qu’il ressort des PSUR de 2016 à 2020, ces évaluations avaient principalement pour objet l’examen de nouvelles données relatives à la sécurité de médicaments à base d’OS, parmi lesquels figure, notamment, l’Alcover solution orale. Elles ne portaient donc pas sur les mêmes données que celles qui ont été soumises par la requérante au CHMP afin d’évaluer l’efficacité de l’Hopveus.
250 Il existe donc des différences objectives entre les données évaluées par le PRAC dans le cadre des PSUR et celles évaluées par le CHMP dans le cadre de l’évaluation de la demande d’AMM conditionnelle pour l’Hopveus. Au vu de ces différences, les appréciations du PRAC et du CHMP ne sont pas comparables et il ne saurait être question d’une inégalité de traitement entre l’Alcover solution orale et l’Hopveus.
251 La circonstance que certaines études aient fait l’objet d’un résumé dans le PSUR pour l’Alcover solution orale ne signifie pas que le PRAC aurait reçu, et encore moins évalué, ces études. Partant, il n’y a aucune incohérence entre les avis du CHMP et ceux du PRAC, ces avis étant basés sur des données différentes et intervenant dans le cadre de procédure réglementaires différentes.
252 De même, la requérante ne saurait utilement faire valoir que les résultats de l’étude SMO032/10/03, de l’étude GATE 2, des méta-analyses et des analyses post hoc ont été publiés en 2018 et qu’un résumé a été présenté dans le PSUR de l’Alcover solution orale de 2019, couvrant la période d’octobre 2017 à octobre 2018. En effet, le fait que des études aient été mentionnées dans une revue de littérature scientifique soumise par la requérante ne signifie pas que le PRAC a reçu, et encore moins évalué, les études citées dans ladite revue.
253 Enfin, s’il est vrai que, comme le fait valoir la requérante, dans les PSUR de 2016 à 2020, le PRAC a considéré que l’évaluation du rapport bénéfice/risque de l’OS restait inchangé et que l’AMM de l’Alcover solution orale pouvait être maintenue, cela ne signifie pas nécessairement que le CHMP aurait dû reconnaître l’existence d’un rapport bénéfice/risque positif pour l’Hopveus, dans un souci de cohérence.
254 En effet, premièrement, ainsi que l’a fait valoir la Commission en réponse à une question du Tribunal, les données scientifiques utilisées pour établir l’efficacité de l’Hopveus ne coïncident pas avec les données utilisées pour établir l’efficacité de l’Alcover solution orale. À cet égard, il convient de rappeler que l’Alcover solution orale a été autorisé pour la première fois dans l’Union en 1991 après avoir reçu une AMM en Italie. De plus, en 1999, le sirop Alcover a reçu une AMM en Autriche. Les données d’efficacité présentées pour ces deux AMM sont dès lors nécessairement antérieures aux données que la requérante a soumises en vue de sa demande de 2018, puisque les études que la requérante a soumises dans ce cadre étaient l’étude GATE 1 menée de février 2002 à mai 2009, l’étude SMO032/10/03 menée d’octobre 2012 à mars 2014 et l’étude GATE 2 menée de juillet 2001 à janvier 2012. Ces trois études ont donc été entamées après les AMM italienne et autrichienne.
255 Deuxièmement, comme le fait valoir la Commission, celle-ci aurait pu entretenir des doutes quant à l’efficacité de l’Alcover solution orale, tel qu’autorisé en Italie et en Autriche, si des données fiables lui avaient été soumises, montrant que l’OS n’était pas efficace pour le SSA et le maintien de l’abstinence. Toutefois, dans la mesure où les données scientifiques présentées pour l’Hopveus ont été considérées comme n’étant pas fiables, elles ne pouvaient être invoquées ni pour établir de novo l’efficacité de l’Hopveus pour les indications du SSA et du maintien de l’abstinence, ni pour contester l’efficacité de l’Alcover solution orale, tel qu’autorisé en Italie et en Autriche, étant donné que cette efficacité avait été établie il y a vingt ans sur la base d’ensembles de données d’efficacité différents.
256 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen comme étant non fondé.
7. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison de l’incohérence des avis donnés sur les risques et les mesures de minimisation des risques de l’Alcover solution orale et de l’Hopveus, en dépit de leur bioéquivalence
257 La requérante fait valoir que la décision attaquée est contraire au principe d’égalité de traitement et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en raison de l’incohérence des avis du CHMP et du PRAC, ceux-ci ayant constamment rendu des avis contradictoires concernant l’administration en mode ambulatoire ou en milieu hospitalier de l’Hopveus et de l’Alcover solution orale.
258 La requérante avance que, sur la base des mêmes données soumises en août 2019, le PRAC a recommandé l’administration en « cadre hospitalier complet » en septembre 2019 lors de l’évaluation initiale pour ensuite la refuser le 13 février 2020, après l’avoir pourtant formellement acceptée lors de la procédure de réexamen. Elle affirme s’être ainsi trouvée confrontée à une situation inextricable dans laquelle l’administration en mode ambulatoire et dans le cadre hospitalier a été refusée pour l’Hopveus par le PRAC comme le CHMP, et ce après avoir été demandée.
259 La requérante considère, par ailleurs, que le cadre hospitalier demandé ne serait étayé par aucune donnée de sécurité. Or, l’avis final du CHMP relatif aux données de sécurité conclurait pourtant que, « en ce qui concerne la sécurité de l’Hopveus, les risques d’abus, de mauvais usage, de détournement, d’overdose, de dépendance et de changement de dépendance/toxicité en cas de co-administration avec de l’alcool/dépression respiratoire dans la population de patients cible sont bien connus ». Une telle conclusion serait en contradiction avec les constatations du CHMP dans ses rapports d’évaluation d’octobre 2019 et d’avril 2020 et celles du PRAC dans ses différents rapports annuels relatifs à l’OS.
260 Enfin, la requérante considère que le cadre d’administration de l’Alcover solution orale, utilisé depuis près de 30 ans, était transposable pour l’Hopveus et rappelle qu’il est validé par le PRAC annuellement. Pourtant, le CHMP aurait refusé l’administration ambulatoire pour l’Hopveus en 2019, alors que ce médicament bénéficierait de propriétés dissuasives contre les abus et mauvaises utilisations et qu’il aurait été proposé de le soumettre à des mesures de minimisation des risques plus strictes par rapport à l’Alcover solution orale.
261 Partant, dans la mesure où il n’existerait aucune justification à ce traitement différencié de deux médicaments strictement équivalents, la requérante estime que le CHMP ne pouvait pas, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation et violer le principe d’égalité de traitement, refuser de reconnaître l’efficacité et la faisabilité des mesures de minimisation des risques proposées pour l’Hopveus.
262 La Commission conteste ces arguments.
263 Il convient de relever que, en l’espèce, la Commission n’a pas refusé la demande d’AMM conditionnelle pour l’Hopveus en raison des mesures de minimisation des risques proposées par la requérante, mais bien en raison de l’absence d’efficacité démontrée de ce médicament, dans les indications proposées. Cela ressort clairement tant de la décision attaquée que de l’EPAR du 30 avril 2020, dans lequel le CHMP a considéré que, « étant donné que l’efficacité du médicament n’a[vait] pas été démontrée, les discussions concernant les mesures de minimisation des risques, y compris le programme d’accès contrôlé, n’[avaient] pas été poursuivies plus avant ».
264 Partant, même à supposer qu’une erreur manifeste d’appréciation ou une violation du principe d’égalité de traitement puisse être établie en ce qui concerne l’évaluation du CHMP concernant ces mesures de minimisation des risques, un tel constat serait sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, qui repose sur un motif de refus différent.
265 Au vu de ce qui précède, le sixième moyen doit être rejeté comme inopérant.
266 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
267 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de l’EMA.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Debregeas et associés Pharma (D & A Pharma) est condamnée aux dépens.
Svenningsen | Barents | Pynnä |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 mars 2022.
Signatures |
Table des matières
I. Antécédents du litige
II. Conclusions des parties
III. En droit
A. Sur le deuxième chef de conclusions de la requérante
B. Sur la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre l’EMA
C. Sur le fond
1. Observations liminaires quant au rôle joué par l’EMA et par le CHMP dans le cadre de la procédure d’examen centralisée de demandes d’AMM de médicaments à usage humain au niveau de l’Union et à l’étendue du contrôle du Tribunal
2. Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’un vice de procédure devant l’EMA lié au refus de consulter le GSC psychiatrie lors de la procédure de réexamen
3. Sur le deuxième moyen, tiré d’un vice de procédure devant l’EMA, en raison d’un doute légitime quant à l’impartialité de certains experts dans le cadre de la procédure de réexamen
a) Sur les allégations de la requérante relatives à un conflit d’intérêts concernant B
b) Sur les allégations de la requérante relatives à un conflit d’intérêts concernant A
c) Sur le respect du principe d’impartialité, tel qu’il découle de l’article 41 de la Charte
4. Sur le troisième moyen, tiré d’un vice de procédure devant l’EMA en raison de manquements aux règles de fonctionnement du comité ad hoc et d’une violation du principe d’examen contradictoire de la demande d’AMM conditionnelle
5. Sur le quatrième moyen, tiré, en substance, d’une erreur de droit, d’erreurs manifestes d’appréciation et de violations du principe d’égalité de traitement en raison de la méconnaissance du cadre réglementaire applicable aux AMM conditionnelles
a) Sur la première branche, tirée d’une méconnaissance du cadre réglementaire applicable aux AMM conditionnelles
b) Sur la seconde branche, tirée, en substance, d’erreurs manifestes d’appréciation et de violations du principe d’égalité de traitement
1) Sur la taille de l’échantillon dans les études fournies par la requérante
2) Sur les analyses post hoc
3) Sur la sélection des populations dans le maintien de l’abstinence
4) Sur la sélection des populations dans le traitement du SSA
5) Sur la durée des études
6) Sur le critère d’évaluation utilisé dans les études fournies
6. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison de l’incohérence des avis donnés sur le rapport bénéfice/risque de l’Alcover solution orale et de l’Hopveus, en dépit de leur bioéquivalence
7. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison de l’incohérence des avis donnés sur les risques et les mesures de minimisation des risques de l’Alcover solution orale et de l’Hopveus, en dépit de leur bioéquivalence
Sur les dépens
* Langue de procédure : le français.
© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.
BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T55620.html