Bloom v Parliament and Council (Order) French Text [2022] EUECJ T-645/21_CO (07 April 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T64521_CO.html
Cite as: ECLI:EU:T:2022:230, EU:T:2022:230, [2022] EUECJ T-645/21_CO

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ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

7 avril 2022 (*)

« Recours en annulation – Politique commune de la pêche – Règlement (UE) 2021/1139 – Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture – Soutien financier octroyé en gestion partagée avec les États membres – Opérations ou dépenses non éligibles – Dérogations à la non-éligibilité – Association protégeant le milieu marin – Acte législatif – Défaut d’affectation individuelle – Défaut d’affectation directe – Droit à une protection juridictionnelle effective – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑645/21,

Bloom, établie à Paris (France), représentée par Mes C. Saynac et L. Chovet-Ballester, avocates,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. G. Ricci et I. Terwinghe, en qualité d’agents,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. F. Naert et Mme A. Nowak-Salles, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle du règlement (UE) 2021/1139 du Parlement européen et du Conseil, du 7 juillet 2021, instituant le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture et modifiant le règlement (UE) 2017/1004 (JO 2021, L 247, p. 1),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. G. De Baere, président, K. Kecsmár et Mme S. Kingston (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Bloom, est une association française à but non lucratif, fondée en 2005, dont l’objet est de protéger l’océan et les espèces marines, tout en maximisant les emplois durables dans la pêche et l’aquaculture. Conformément à ses statuts, ses priorités sont de mettre fin aux méthodes de pêche destructrices et à l’expansion de la pression de pêche dans le monde, de protéger le milieu marin et d’en préserver sa résilience, tout en cherchant à favoriser la pêche artisanale utilisant des méthodes douces pour l’environnement et fortement génératrices d’emploi.

2        Le 7 juillet 2021, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (UE) 2021/1139, instituant le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture et modifiant le règlement (UE) 2017/1004 (JO 2021, L 247, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

3        Conformément à son article 1er, le règlement attaqué établit le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (Feampa) pour la période comprise entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2027. Il fixe les priorités du Feampa et arrête son budget ainsi que les règles spécifiques relatives à l’octroi d’un financement de l’Union européenne, qui complètent les règles générales applicables au Feampa en vertu du règlement (UE) 2021/1060 du Parlement européen et du Conseil, du 24 juin 2021, portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion, au Fonds pour une transition juste et au Feampa, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds « Asile, migration et intégration », au Fonds pour la sécurité intérieure et à l’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et à la politique des visas (JO 2021, L 231, p. 159).

4        Selon le premier considérant du règlement attaqué, l’objectif du Feampa est d’axer le financement issu du budget de l’Union sur le soutien à la politique commune de la pêche, à la politique maritime de l’Union et aux engagements internationaux de l’Union dans le domaine de la gouvernance des océans.

5        En vertu de l’article 3 du règlement attaqué, le Feampa repose sur quatre priorités, à savoir, premièrement, favoriser une pêche durable de même que la restauration et la conservation des ressources biologiques aquatiques, deuxièmement, encourager les activités aquacoles durables ainsi que la transformation et la commercialisation des produits de la pêche et de l’aquaculture, et contribuer ainsi à la sécurité alimentaire dans l’Union, troisièmement, permettre une économie bleue durable dans les zones côtières, insulaires et intérieures et favoriser le développement des communautés de pêche et d’aquaculture et, quatrièmement, renforcer la gouvernance internationale des océans et faire en sorte que les mers et les océans soient sûrs, sécurisés, propres et gérés de manière durable. Cette disposition prévoit également que le soutien accordé au titre du Feampa contribue à la réalisation des objectifs de l’Union en matière d’environnement ainsi qu’en matière d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ce changement.

6        Conformément à l’article 4 du règlement attaqué, les ressources budgétaires du Feampa sont réparties entre, d’une part, la mise en œuvre du soutien octroyé au titre du fonds en gestion partagée avec les États membres conformément au règlement 2021/1060 et à l’article 63 du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), et, d’autre part, la mise en œuvre de ce soutien soit directement par la Commission, conformément à l’article 62, paragraphe 1, sous a), du règlement 2018/1046, soit dans le cadre de la gestion indirecte, conformément à l’article 62, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

7        S’agissant de la gestion partagée avec les États membres, l’article 63, paragraphe 1, du règlement 2018/1046 prévoit que, « [l]orsque la Commission exécute le budget en gestion partagée, les tâches liées à l’exécution budgétaire sont déléguées aux États membres […] [et que d]es dispositions complémentaires sont prévues par la réglementation sectorielle ».

8        À cet égard, l’article 8, paragraphe 1, du règlement attaqué, applicable à la part de l’enveloppe financière pour l’exécution du Feampa en gestion partagée avec les États membres, prévoit que, conformément à l’article 21 du règlement 2021/1060, chaque État membre prépare un programme unique pour mettre en œuvre les priorités énoncées à l’article 3 du règlement attaqué. En vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement attaqué, afin de poursuivre les objectifs stratégiques énoncés à l’article 5 du règlement 2021/1060, le soutien en gestion partagée est organisé selon les priorités et les objectifs spécifiques définis à l’annexe II du règlement attaqué. Conformément à l’article 8, paragraphe 5, du règlement attaqué, la Commission évalue le programme conformément à l’article 23 du règlement 2021/1060. 

9        Le titre II du règlement attaqué, qui comprend les articles 10 à 47, établit les règles relatives à l’octroi d’un soutien du Feampa en gestion partagée. Dans ce cadre, en vertu de l’article 12 du règlement attaqué, il est prévu que, sans préjudice des règles en matière d’éligibilité des dépenses établies par le règlement 2021/1060, les États membres peuvent sélectionner en vue d’un soutien relevant du présent titre les opérations qui, premièrement, relèvent des priorités et des objectifs spécifiques figurant à l’article 8, paragraphe 2, du règlement attaqué, deuxièmement, ne sont pas non éligibles en vertu de l’article 13 dudit règlement et, troisièmement, sont conformes au droit de l’Union applicable.

10      L’article 13 du règlement attaqué prévoit que certaines opérations ou dépenses ne sont pas éligibles à un soutien du Feampa, parmi lesquelles figurent « a) les opérations qui augmentent la capacité de pêche d’un navire de pêche, sauf disposition contraire prévue à l’article 19 ; […] c) la construction, l’acquisition ou l’importation de navires de pêche, sauf disposition contraire prévue à l’article 17 ; […] m) le remplacement ou la modernisation d’un moteur principal ou auxiliaire d’un navire de pêche, sauf disposition contraire prévue à l’article 18 ».

11      Les articles 17 à 19 du règlement attaqué mettent en place des dérogations à la non-éligibilité des opérations ou des dépenses énoncée à l’article 13 du même règlement. Tout d’abord, par dérogation à l’article 13, sous c), du règlement attaqué, son article 17 prévoit que le Feampa peut soutenir la première acquisition d’un navire de pêche ou l’acquisition de sa propriété partielle. Ensuite, par dérogation à l’article 13, sous m), l’article 18 dudit règlement prévoit que le Feampa peut soutenir le remplacement ou la modernisation d’un moteur principal ou auxiliaire d’un navire de pêche d’une longueur hors tout ne dépassant pas 24 mètres. Enfin, par dérogation à l’article 13, sous a), l’article 19 du même règlement prévoit que le Feampa peut soutenir des opérations qui augmentent le tonnage brut d’un navire de pêche dans le but d’améliorer la sécurité, les conditions de travail ou l’efficacité énergétique.

12      L’application de ces dérogations est soumise aux conditions énoncées aux articles 17 à 19 du règlement attaqué.

13      Les articles 17 et 19 du règlement attaqué précisent, par ailleurs, que le soutien qui peut être accordé en application des dérogations prévues dans ces dispositions contribue à l’objectif spécifique visé à l’article 14, paragraphe 1, sous a), du même règlement, à savoir renforcer les activités de pêche durables sur les plans économique, social et environnemental. L’article 18 du règlement attaqué indique, quant à lui, que le soutien qui peut être accordé en application de la dérogation qu’il prévoit contribue à l’objectif spécifique visé à l’article 14, paragraphe 1, sous b), qui est d’améliorer l’efficacité énergétique et de réduire les émissions de CO2 en remplaçant ou en modernisant les moteurs des navires de pêche.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2021, la requérante a formé le présent recours.

15      Par actes séparés déposés respectivement le 15 et le 21 décembre 2021, le Conseil et le Parlement ont soulevé des exceptions d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal.

16      Le 2 février 2022, la requérante a déposé ses observations sur les exceptions d’irrecevabilité.

17      Par acte du 7 janvier 2022, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil.

18      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement le règlement attaqué, notamment ses articles 17 à 19 ;

–        condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

19      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, en cas de rejet de l’exception d’irrecevabilité ou de sa jonction au fond, accorder un délai pour présenter le mémoire en défense ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

21      Dans ses observations sur les exceptions d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter ces exceptions d’irrecevabilité.

 En droit

22      En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond si la partie défenderesse le demande.

23      En l’espèce, le Parlement et le Conseil ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.

24      La requérante soulève trois moyens à l’appui du recours.

25      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que les articles 17 à 19 du règlement attaqué ont pour effet de rendre éligibles à un soutien du Feampa des opérations ou des dépenses augmentant la capacité de pêche au sein de l’Union, ce qui constituerait un recul historique violant les objectifs de protection élevée de l’environnement et de développement durable consacrés par l’article 3, paragraphe 3, TUE, les articles 11 et 191 TFUE ainsi que l’article 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »).

26      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante soutient que les articles 17 à 19 du règlement attaqué créent un risque de surpêche entraînant une dégradation des écosystèmes marins, en violation de l’approche de précaution. Par ailleurs, le Parlement et le Conseil auraient violé le principe de proportionnalité, dès lors que l’adoption du règlement attaqué empêcherait l’Union de répondre, d’une part, à l’objectif de protection de l’environnement et d’exploitation durable qui est au cœur de la politique commune de la pêche et, d’autre part, à ses engagements internationaux contractés dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté par les Nations unies en septembre 2015.

27      Dans le cadre du troisième moyen, la requérante soutient que les articles 17 à 19 du règlement attaqué vont à l’encontre des obligations en matière de lutte contre la surpêche et de préservation des ressources marines prévues dans la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, et dans la convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée (convention de Barcelone), entrée en vigueur le 9 juillet 2004. Le Parlement et le Conseil auraient, par ailleurs, exécuté de mauvaise foi les traités européens et internationaux, en tenant un double discours consistant, d’une part, à rappeler l’importance que revêt la protection des ressources marines et la lutte contre les subventions néfastes et, d’autre part, à introduire dans le même temps ces subventions néfastes dans l’ordre juridique de l’Union.

28      À l’appui de leurs exceptions d’irrecevabilités, le Parlement et le Conseil soutiennent que la requérante n’a pas qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

29      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

30      Il n’est pas contesté par les parties que la requérante n’est pas la destinataire de l’acte attaqué au sens du premier cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

31      Par ailleurs, le recours n’est pas non plus recevable sur la base du troisième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, car le règlement attaqué ne constitue pas un acte réglementaire au sens de cette disposition.

32      En effet, la notion d’acte réglementaire, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, vise tout acte de portée générale à l’exclusion des actes législatifs (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 60 et 61).

33      La jurisprudence a précisé que la distinction entre un acte législatif et un acte réglementaire repose sur le critère de la procédure, législative ou non, ayant mené à son adoption (ordonnances du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, EU:T:2011:419, point 65, et du 16 juin 2020, Walker e.a./Parlement et Conseil, T‑383/19, non publiée, EU:T:2020:269, point 28). L’article 289, paragraphes 1 et 3, TFUE précise que les actes juridiques adoptés selon la procédure définie à l’article 294 TFUE, dénommée « procédure législative ordinaire », constituent des actes législatifs.

34      En l’espèce, il ressort du préambule du règlement attaqué qu’il a notamment pour bases juridiques l’article 42, l’article 43, paragraphe 2, l’article 91, paragraphe 1, l’article 100, paragraphe 2, l’article 173, paragraphe 3, les articles 175, 188, l’article 192, paragraphe 1, l’article 194, paragraphe 2, et l’article 195, paragraphe 2 TFUE et qu’il a été adopté conjointement par le Parlement et par le Conseil selon la procédure législative ordinaire. Il s’ensuit que le règlement attaqué constitue un acte législatif au sens de l’article 289 TFUE.

35      Ainsi, la requérante, pour établir sa qualité pour agir, doit démontrer qu’elle se situe dans le deuxième cas de figure visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à savoir que le règlement attaqué la concerne directement et individuellement.

36      S’agissant, tout d’abord, de l’affectation individuelle, en premier lieu, la requérante soutient qu’elle est individuellement concernée par le règlement attaqué en raison du rôle unique qu’elle joue en ce qui concerne l’analyse des subventions à la pêche néfastes en général. En effet, la requérante serait activement et durablement engagée dans la lutte contre ces subventions.

37      À ce titre, la requérante mènerait des investigations et participerait à des publications scientifiques sur la question des subventions, notamment sur l’impact des aides publiques allouées aux flottes pratiquant le chalutage profond, sur l’ampleur des financements versés aux acteurs de la pêche électrique illégale ou encore sur l’allocation, selon elle inéquitable, des aides destinées à compenser les pertes induites par la crise causée par la pandémie de COVID-19. La requérante serait également à l’origine de campagnes ayant abouti à l’interdiction du chalutage profond et de la pêche électrique dans l’Union. Sur la question des subventions encourageant la surpêche et la pêche illégale, elle aurait conduit une campagne devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) afin d’encourager l’adoption d’un accord multilatéral conformément à l’objectif de développement durable 14.6 poursuivi dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté par les Nations unies en septembre 2015. Enfin, la requérante serait particulièrement active en ce qui concerne la question de la transparence des subventions, qu’il s’agisse de la publication de données brutes sur les bénéficiaires des fonds européens ou des critères d’éligibilité pour l’octroi des subventions.

38      En second lieu, l’individualisation de la requérante résulterait du rôle qu’elle a joué dans le processus législatif ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué, rôle qui serait assimilable à celui d’une négociatrice au sens de la jurisprudence relative à la recevabilité des recours formés par des associations.

39      À ce titre, elle fait valoir que, du mois de mars 2019 au mois de décembre 2020, elle s’est impliquée dans les négociations du texte ayant abouti au règlement attaqué. Engagée au sein d’une coalition d’organisations non gouvernementales (ONG) européennes, la requérante aurait notamment produit des analyses et des recommandations de vote à destination des décideurs politiques, aux différentes étapes du processus législatif. La requérante et les membres de la coalition se seraient également unis à la principale association européenne de défense de la pêche artisanale, LIFE, afin de défendre une position commune et d’alerter les députés européens sur les mesures néfastes qu’allait réintroduire le règlement attaqué. Des actions de plaidoyers auraient également été entreprises auprès de la Commission et du Conseil, dans le cadre des réunions de trilogue à laquelle participent des représentants de ces deux institutions ainsi que du Parlement. Outre les échanges fréquents et nombreux avec des décideurs européens, la requérante aurait aussi sollicité l’appui des citoyens au moyen de la mise en place d’outils d’interpellation des institutions européennes. Elle aurait ainsi organisé une consultation citoyenne sur le texte ayant abouti au règlement attaqué, qui aurait recueilli plus de 500 000 participations. Cette consultation aurait permis d’aboutir à la formulation de lignes rouges pour les négociations du règlement, lesquelles ont été transmises à la Commission.

40      À cet égard, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, afin d’être considérée comme individuellement concernée par un acte dont elle n’est pas destinataire, une personne physique ou morale doit être atteinte par cet acte en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223, et du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 93).

41      Le fait qu’un acte a, par sa nature et sa portée, un caractère général, en ce qu’il s’applique à la généralité des personnes intéressées, n’exclut pas qu’il puisse concerner individuellement certaines d’entre elles (arrêts du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 58 ; du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, EU:C:2009:243, point 29, et ordonnance du 30 septembre 2021, Mariani e.a./Parlement, T‑124/21, non publiée, EU:T:2021:674, point 28).

42      En ce qui concerne, en particulier, les recours formés par des associations, la jurisprudence a admis leur recevabilité dans trois types de situation : premièrement, lorsqu’une disposition légale reconnaît expressément aux associations professionnelles une série de facultés à caractère procédural, deuxièmement, lorsque l’association représente les intérêts de ses membres qui seraient eux-mêmes recevables à agir et, troisièmement, lorsque l’association est individualisée en raison de l’affectation de ses intérêts propres en tant qu’association, notamment, parce que sa position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée (ordonnance du 30 septembre 1997, Federolio/Commission, T‑122/96, EU:T:1997:142, point 61 ; voir, également, ordonnance du 8 mai 2019, Carvalho e.a./Parlement et Conseil, T‑330/18, non publiée, EU:T:2019:324, point 51 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, la requérante n’avance aucun élément permettant de considérer que les conditions pour les premier et deuxième cas visés au point 42 ci-dessus pourraient être réunies. S’agissant du premier cas, elle admet d’ailleurs explicitement qu’elle ne dispose d’aucun droit procédural. En revanche, elle soutient que, en l’espèce, les conditions du troisième cas visé au point 42 ci-dessus sont remplies, à savoir que ses intérêts propres en tant qu’association sont affectés par le règlement attaqué.

44      Selon la jurisprudence, une association constituée pour promouvoir les intérêts collectifs, qu’ils soient de nature économique ou environnementale, d’une catégorie de justiciables ne saurait être considérée comme étant individuellement concernée par un acte affectant les intérêts généraux de cette catégorie (ordonnances du 18 décembre 1997, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, C‑409/96 P, EU:C:1997:635, point 45 ; du 11 avril 2011, Département du Gers/Commission, T‑482/10, non publiée, EU:T:2011:155, point 25, et du 16 mai 2013, BytyOKD/Commission, T‑559/11, non publiée, EU:T:2013:255, point 31).

45      Néanmoins, l’existence de circonstances particulières, telles que le rôle joué par une association dans le cadre d’une procédure ayant conduit à l’adoption d’un acte au sens de l’article 263 TFUE, peut justifier la recevabilité d’un recours introduit par cette association dont les membres ne sont pas directement et individuellement concernés par l’acte litigieux, notamment lorsque sa position de négociatrice a été affectée par ce dernier, comme cela a été indiqué au point 42 ci-dessus (arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38, points 21 et 22 ; du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, points 29 et 30, et ordonnance du 27 avril 2016, European Union Copper Task Force/Commission, T‑310/15, non publiée, EU:T:2016:265, point 21).

46      La reconnaissance de l’affectation individuelle d’une association requérante en vertu de cette jurisprudence suppose que cette association se trouve dans une situation particulière, dans laquelle elle occupe une position de négociatrice clairement circonscrite et intimement liée à l’objet même de l’acte attaqué, la mettant dans une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 87 et jurisprudence citée, et ordonnance du 29 mars 2012, Asociación Española de Banca/Commission, T‑236/10, EU:T:2012:176, point 43 et jurisprudence citée).

47      Il convient donc d’examiner si, en l’espèce, les intérêts propres en tant qu’association invoqués par la requérante, à savoir l’affectation de son rôle dans l’analyse des subventions à la pêche néfastes en général, d’une part, et de celui qu’elle a joué dans le cadre du processus législatif ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué, d’autre part, sont susceptibles de l’individualiser au sens de la jurisprudence précitée.

48      Premièrement, s’agissant de l’engagement actif de la requérante dans la lutte contre les subventions à la pêche néfastes et de son activité d’analyse de ces subventions, il convient de relever que la requérante n’établit pas en quoi sa qualité d’association chargée de la défense de l’océan et des espèces marines, investie d’une telle mission et poursuivant une telle activité, la distingue de celle d’autres associations chargées des mêmes tâches dans d’autres États membres et l’individualise au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, par analogie, ordonnance du 23 novembre 1999, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, T‑173/98, EU:T:1999:296, point 56).

49      Le premier argument doit ainsi être rejeté.

50      Deuxièmement, s’agissant du rôle joué par la requérante dans le cadre de la procédure législative ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, il ne saurait être considéré comme suffisant pour lui reconnaître un statut particulier assimilable à celui d’une négociatrice au sens de la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus.

51      En effet, la requérante ne pourrait se prévaloir, en l’espèce, d’une position tout à fait spécifique, voire exceptionnelle, telle qu’elle s’est présentée dans la jurisprudence ayant reconnu ce statut à des associations.

52      À cet égard, la requérante se limite, en substance, à invoquer les actions de sensibilisation et de lobbying qu’elle a exercées, avec d’autres ONG, auprès des décideurs, durant le processus législatif ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, afin d’assurer la protection des intérêts qu’elle représente. Cependant, ces éléments permettent, tout au plus, d’établir la participation de la requérante à la procédure d’élaboration de l’acte attaqué. Or, la simple fourniture d’informations aux institutions de l’Union lors du processus législatif ayant abouti à l’adoption d’un acte (voir ordonnance du 10 mai 2004, Bundesverband der Nahrungsmittel- und Speiseresteverwertung et Kloh/Parlement et Conseil, T‑391/02, EU:T:2004:138, point 49 et jurisprudence citée) ou le fait pour une association d’avoir pris l’initiative d’entrer en contact avec ces institutions dans le but d’infléchir leur action, et d’avoir été entendue ou consultée dans ce cadre (voir, en ce sens, ordonnance du 9 août 1995, Greenpeace e.a./Commission, T‑585/93, EU:T:1995:147, point 56, et arrêt du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a../Commission, T‑481/93 et T‑484/93, EU:T:1995:209, point 59), ne saurait suffire à établir que l’acte en question porte atteinte à une position de négociatrice clairement circonscrite ou à une position assimilable qu’occuperait la requérante et qui la mettrait dans une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne.

53      Partant, le second argument doit également être rejeté.

54      Il résulte des considérations qui précèdent que la condition de l’affectation individuelle exigée par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, pour conclure à la recevabilité d’un recours en annulation n’est pas remplie en l’espèce.

55      Il y a lieu de rappeler que les conditions de l’affectation directe, d’une part, et de l’affectation individuelle, d’autre part, prévues par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, sont cumulatives (voir arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 75 et 76 et jurisprudence citée). Ainsi, il suffit que, comme en l’espèce, l’une de ces conditions fasse défaut pour que le recours soit déclaré irrecevable.

56      Cependant, le Tribunal estime opportun d’analyser la condition de l’affectation directe, afin de fournir une réponse complète à l’argumentation des parties sur la question essentielle – car touchant au droit à une protection juridictionnelle effective – de la recevabilité des recours.

57      S’agissant de la condition de l’affectation directe, la requérante considère que les deux critères requis par la jurisprudence pour qu’une telle condition soit remplie sont réunis en l’espèce.

58      En effet, premièrement, le règlement attaqué produirait directement des effets sur la situation juridique de la requérante, dès lors que les intérêts environnementaux qu’elle défend seraient directement affectés par ce règlement.

59      Deuxièmement, le règlement attaqué serait directement applicable sans règles intermédiaires, dès lors qu’il fixerait les règles d’éligibilité à un soutien du Feampa, applicables dans tous les États membres où la requérante exerce sa mission de protection du milieu marin, sans que ces conditions d’éligibilité puissent faire l’objet d’un quelconque pouvoir d’appréciation de la part des administrateurs des subventions et en conférant ainsi à la mise en œuvre du règlement attaqué un caractère purement automatique.

60      À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par l’acte faisant l’objet du recours, telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert que deux critères soient cumulativement réunis, à savoir que l’acte contesté, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 42 et jurisprudence citée).

61      S’agissant du second critère de l’affectation directe visé au point 62 ci‑dessus, la jurisprudence a précisé que, dans le cas où un acte de l’Union est adressé à un État membre par une institution, si l’action que doit entreprendre ce dernier pour exécuter cet acte présente un caractère automatique, ou si, d’une manière ou d’une autre, les conséquences de l’acte en cause s’imposent sans équivoque, celui-ci concerne alors directement toute personne affectée par cette action. Si, au contraire, l’acte laisse à l’État membre la possibilité d’agir ou de ne pas agir ou ne le contraint pas à agir dans un sens déterminé, c’est l’action ou l’inaction de l’État membre qui concerne directement la personne affectée, et non l’acte en lui-même. En d’autres termes, l’acte en question ne doit pas dépendre, pour produire ses effets, de l’exercice d’un pouvoir d’appréciation par un tiers, à moins qu’il ne soit évident qu’un tel pouvoir ne puisse s’exercer que dans un sens déterminé (voir ordonnance du 16 février 2007, Dikigorikos Syllogos Ioanninon/Parlement et Conseil, T‑449/05, non publiée, EU:T:2007:55, point 65 et jurisprudence citée). En effet, lorsqu’il ne fait aucun doute que les autorités nationales veulent agir dans un certain sens, la possibilité qu’elles ne profitent pas de la faculté offerte par la mesure contestée apparaît comme purement théorique, de sorte que la partie requérante peut être directement concernée (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, EU:T:1996:195, point 46 et jurisprudence citée).

62      En l’espèce, il convient de relever que la seule circonstance que le règlement attaqué fixe les règles d’éligibilité à l’octroi d’un soutien du Feampa dans tous les États membres où la requérante exerce sa mission de protection du milieu marin ne permet pas de considérer, comme elle le soutient, que le règlement attaqué produit directement des effets sur sa situation juridique et que le premier critère de la condition de l’affectation directe visé au point 60 ci-dessus est, partant, satisfait.

63      En effet, le règlement attaqué n’affecte pas le droit de la requérante d’exercer ses missions statutaires, consistant notamment à déployer des actions de sensibilisation, d’éducation et de médiation scientifique ainsi qu’un programme de recherche scientifique stratégique et indépendant, ou encore des actions de plaidoyer citoyen, de participation à des consultations publiques et à des processus institutionnels. Par ailleurs, les associations n’ont aucun droit, dans l’ordre juridique de l’Union, à ce que les objectifs de leurs campagnes ne soient pas influencés par des actes de l’Union. Par conséquent, pour autant que le règlement attaqué ait une incidence sur l’objectif des activités menées par la requérante, il ne s’agirait, en tout état de cause, que d’une incidence factuelle et non juridique (ordonnance du 28 septembre 2016, PAN Europe e.a./Commission, T‑600/15, EU:T:2016:601, point 40).

64      L’un des deux critères cumulatifs de la condition de l’affectation directe, énoncés dans la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus, faisant défaut, la requérante ne saurait être considérée comme directement affectée par le règlement attaqué. Le Tribunal estime, toutefois, qu’il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’examiner le second critère énoncée dans cette jurisprudence, selon lequel la mesure en cause ne doit laisser aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires.

65      À cet égard, il convient de constater que le règlement attaqué laisse une marge d’appréciation aux États membres quant au choix des mesures qu’ils veulent financer sous la partie du Feampa qui relève de la gestion partagée.

66      En effet, comme l’ont fait valoir à juste titre le Parlement et le Conseil, les opérations ou les dépenses visées aux articles 17 à 19 du règlement attaqué, qui sont contestés par la requérante, ne pourront obtenir un soutien du Feampa que si les États membres décident de les inclure dans leurs programmes uniques, dans lesquels ils doivent identifier la manière dont ils entendent allouer le soutien financier du Feampa pour mettre en œuvre les priorités énoncées à l’article 3 du règlement attaqué.

67      C’est ainsi que le considérant 13 du règlement attaqué définit son architecture, laquelle doit être « simple, sans que soient définies au préalable des mesures et des règles d’éligibilité détaillées au niveau de l’Union d’une manière excessivement normative ». Il y est précisé ce qui suit :

« Au contraire, de grands objectifs spécifiques devraient être définis au niveau de chaque priorité. Les États membres devraient donc élaborer leurs programmes en y indiquant les moyens les plus appropriés d’atteindre ces objectifs. Un large éventail de mesures recensées par les États membres dans ces programmes pourraient être soutenues dans le cadre des règles énoncées dans le présent règlement et dans le règlement […] 2021/1060, pour autant qu’elles soient couvertes par les objectifs spécifiques définis dans le présent règlement. »

68      Comme cela est indiqué au point 10 ci-dessus, le règlement attaqué établit à l’article 13 une liste des opérations ou des dépenses non éligibles, afin d’éviter des effets préjudiciables sur le plan de la conservation des pêcheries dans le cadre des priorités sur lesquelles repose le Feampa et qui sont énoncées à l’article 3 dudit règlement. Cette liste contient certaines opérations ou dépenses pour lesquelles il n’existe aucune exception et d’autres pour lesquelles il existe des dérogations à la non‑éligibilité, comme aux articles 17 à 19, attaqués dans le cadre du présent recours.

69      Les articles 17 à 19 du règlement attaqué indiquent donc seulement que certains types de financement peuvent être éligibles à un soutien du Feampa, aux conditions que ces dispositions prévoient. Cependant, il ne peut être déduit des dispositions en question que de telles opérations doivent obtenir un financement ou qu’elles l’obtiendront dans les États membres.

70      Il s’ensuit que le seul fait que le règlement attaqué prévoit une possibilité de déroger à la non-éligibilité de certaines opérations et dépenses ne préjuge en rien le résultat final d’une demande d’octroi de soutien, et n’oblige pas un État membre à inclure ce genre d’opérations dans son programme.

71      Les États membres chargés de l’élaboration des programmes disposent d’un éventail d’options qu’ils peuvent utiliser, dans le respect des priorités et objectifs prévus par le règlement attaqué, afin de choisir la manière dont ils veulent octroyer le soutien relevant du titre II du Feampa. En outre, les programmes élaborés par les États membres doivent recevoir l’approbation de la Commission, conformément à l’article 23 du règlement 2021/1060, avant qu’ils ne puissent être mis en œuvre (voir point 8 ci-dessus). À cet égard, tout d’abord, l’article 23, paragraphe 1, du règlement 2021/1060 prévoit que la Commission évalue le programme et sa conformité avec ledit règlement et avec les règlements spécifiques aux Fonds, ainsi que sa compatibilité avec l’accord de partenariat élaboré et présenté conformément à l’article 10 du règlement 2021/1060. L’article 23, paragraphe 2, du règlement 2021/1060 précise, ensuite, que la Commission peut formuler des observations dans les trois mois qui suivent la date de soumission du programme par l’État membre et, le paragraphe 3, de cet article que l’État membre revoit le programme en tenant compte des observations formulées par la Commission. Enfin, l’article 23, paragraphe 4, du règlement 2021/1060 prévoit que la Commission adopte, au moyen d’un acte d’exécution, une décision portant approbation du programme au plus tard cinq mois après la date de présentation initiale de ce programme par l’État membre.

72      Ce n’est qu’après l’adoption de ces actes qu’un financement pourra être octroyé sur la base d’une demande de soutien présentée par un opérateur auprès de l’autorité compétente.

73      L’octroi des subventions, y compris celles visées aux articles 17 à 19 du règlement attaqué, n’est donc pas purement automatique, mais hypothétique à ce stade, dès lors que des règles intermédiaires sont nécessaires afin d’octroyer un soutien à un quelconque projet, dans un contexte où, d’une part, les État membres disposent d’un pouvoir d’appréciation et, d’autre part, rien dans la réglementation applicable ne permet à la Commission d’imposer l’inclusion des opérations visées aux articles 17 à 19 du règlement attaqué dans les programmes adoptés par les États membres, lorsque celle-ci est amenée à les évaluer pour décider s’il y a lieu de les approuver conformément à l’article 23 du règlement 2021/1060.

74      La requérante n’ayant, par ailleurs, pas établi que les États membres auraient montré leur ferme intention d’inclure les opérations visées aux articles 17 à 19 du règlement attaqué dans leurs programmes, il y a lieu de considérer que le second critère de la condition de l’affectation directe visé au point 60 ci-dessus n’est pas satisfait.

75      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir.

76      La requérante soutient toutefois qu’une telle conclusion violerait son droit à un recours effectif.

77      Dans ce cadre, elle fait valoir que les conditions de la qualité pour agir contre des actions de l’Union relevant de la politique commune de la pêche seraient excessivement lourdes, dès lors que l’action de l’Union est menée, dans ce cadre, par la voie législative, ce qui implique qu’une partie requérante devra toujours satisfaire aux conditions de l’affectation individuelle et de l’affectation directe, interprétées, selon elle, de manière trop stricte dans la jurisprudence.

78      Par ailleurs, dès lors que les associations défendant la conservation des ressources halieutiques ne disposent d’aucun droit procédural en la matière, l’application excessivement stricte de la jurisprudence sur la condition de l’affectation individuelle représenterait, dans une telle situation, une manifestation d’archaïsme, sinon un véritable déni de justice, incompatible avec les principes de l’État de droit et avec l’urgence environnementale.

79      La requérante soutient qu’il conviendrait, par conséquent, de lui accorder, dans le cadre de la recevabilité des recours, un traitement spécifique en tant qu’association œuvrant pour la protection de l’environnement, compte tenu du fait que ce dernier ne peut se défendre seul ou concerne un nombre si élevé de particuliers que la condition de l’affectation individuelle telle qu’interprétée par la jurisprudence ne sera jamais remplie, au risque de créer un vide juridique en ce qui concerne le contrôle du respect de la législation de l’Union en matière environnementale.

80      La requérante allègue, enfin, que l’absence de voie de recours au niveau de l’Union conduirait à une impossibilité de contester la légalité d’actes tels que le règlement attaqué, à la seule échelle pertinente, à savoir l’échelle de l’Union.

81      À cet égard, il convient de relever que la Cour s’est déjà prononcée sur une telle argumentation, y compris dans une matière telle que celle du droit de l’environnement, qui présente les particularités qui ont été identifiées par la requérante dans son argumentation et relevées par plusieurs avocats généraux, à savoir qu’il peut, en la matière, exister des cas dans lesquels les intérêts juridiquement protégés de certains individus ne sont pas ou peu affectés, alors que l’environnement ne peut se défendre seul devant la justice, mais nécessite d’être représenté, par exemple par des citoyens engagés ou par des organisations non gouvernementales (conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Edwards et Pallikaropoulos, C‑260/11, EU:C:2012:645, point 42).

82      La Cour a jugé que, si les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter les conditions expressément prévues par ledit traité (voir arrêt du 25 mars 2021, Carvalho e.a./Parlement et Conseil, C‑565/19 P, non publié, EU:C:2021:252, point 78 et jurisprudence citée).

83      En ce qui concerne la demande de la requérante d’assouplir les conditions de recevabilité des recours contre les actes législatifs en particulier, il convient de relever que, lorsque l’article 230 CE a été modifié par le traité de Lisbonne, celui-ci a ajouté à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une troisième branche, afin d’assouplir les conditions de recevabilité des recours en annulation introduits par des personnes physiques et morales. Cependant, la modification du droit de recours des personnes physiques et morales intervenue avait pour but de permettre à ces personnes l’introduction, dans des conditions moins strictes, de recours en annulation contre des actes de portée générale, à l’exclusion des actes législatifs (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 60). Or, comme il a été indiqué aux points 31 à 34 ci-dessus, le présent recours est dirigé contre un acte législatif, pour lequel un assouplissement des conditions de recevabilité de recours n’a ainsi pas été introduit par le traité de Lisbonne.

84      Si un système de contrôle de la légalité des actes de l’Union de portée générale autre que celui mis en place par le traité originaire et jamais modifié dans ses principes est certes envisageable, il appartient, le cas échéant, aux États membres, conformément à l’article 48 TUE, de réformer le système actuellement en vigueur (arrêt du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 45, et ordonnance du 14 janvier 2021, Sabo e.a./Parlement et Conseil, C‑297/20 P, non publiée, EU:C:2021:24, point 33).

85      La Cour a jugé que, dans le système de contrôle de la légalité des actes de l’Union mis en place, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré, ainsi qu’il ressort de l’article 19, paragraphe 1, TUE, non seulement par la Cour, mais également par les juridictions des États membres. En effet, le traité FUE a, par ses articles 263 et 277, d’une part, et par son article 267, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union (voir arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 112 et jurisprudence citée).

86      À ce titre, les justiciables ont, dans le cadre d’une procédure nationale, le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union de portée générale, en excipant de l’invalidité de ce dernier (voir arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 113 et jurisprudence citée).

87      Il s’ensuit que le renvoi en appréciation de validité constitue, au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle de la légalité des actes de l’Union (voir arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 114 et jurisprudence citée).

88      À l’égard des personnes qui ne satisfont pas aux conditions prévues par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE pour porter un recours devant la juridiction de l’Union, il incombe donc aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 116 et jurisprudence citée).

89      Cette obligation des États membres a été réaffirmée à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, selon lequel ceux-ci « établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union ». Une telle obligation résulte également de l’article 47 de la Charte, s’agissant des mesures prises par les États membres mettant en œuvre le droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de cette Charte (voir arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 117 et jurisprudence citée).

90      La Cour a rappelé que la protection conférée par l’article 47 de la Charte n’exige pas qu’un justiciable puisse, de manière inconditionnelle, intenter un recours en annulation, directement devant la juridiction de l’Union, contre un acte législatif de l’Union (voir arrêt du 25 mars 2021, Carvalho e.a./Parlement et Conseil, C‑565/19 P, non publié, EU:C:2021:252, point 77 et jurisprudence citée).

91      Il en résulte que, dans la conception jurisprudentielle consacrée par la Cour, l’argument tiré de l’absence d’une protection juridictionnelle effective avancé par la requérante ne permet pas, à lui seul, de fonder la recevabilité de son recours.

92      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être déclaré irrecevable.

93      Conformément à l’article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’intervention est accessoire au litige dans l’affaire principale et perd son objet lorsque la requête est déclarée irrecevable. Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention de la Commission.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

95      La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement et par le Conseil, conformément aux conclusions de ces derniers.

96      Par ailleurs, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens afférents à la demande en intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’intervention de la Commission européenne.

3)      Bloom supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen et par le Conseil de l’Union européenne.

4)      La Commission supportera ses propres dépens afférents à la demande en intervention.

Fait à Luxembourg, le 7 avril 2022.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

G. De Baere


*      Langue de procédure : le français.

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