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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Jacob Cohen Company v EUIPO - Giada (613) (EU trade mark - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-1159/23 (20 November 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T115923.html Cite as: [2024] EUECJ T-1159/23, ECLI:EU:T:2024:852, EU:T:2024:852 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)
20 novembre 2024 (*)
« Marque de l’Union européenne - Procédure d’opposition - Demande de marque de l’Union européenne verbale 613 - Marque non enregistrée antérieure J613 - Motifs relatifs de refus - Article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement (UE) 2017/1001 - Article 2, paragraphe 2, sous b), iv), du règlement délégué (UE) 2018/625 »
Dans l’affaire T‑1159/23,
Jacob Cohen Company SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes L. Trevisan, G. Affer et F. Tamburrini, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. L. Capostagno et M. R. Raponi, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été
Giada SpA, établie à Adria (Italie),
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de Mmes M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. Kancheva et E. Tichy‑Fisslberger, juges,
greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
vu la mesure d’organisation de la procédure du 7 juin 2024 et la réponse de l’EUIPO déposée au greffe du Tribunal le 20 juin 2024,
à la suite de l’audience du 11 juillet 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Jacob Cohen Company SpA, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 9 octobre 2023 (affaire R 1439/2022‑5) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 25 mai 2020, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, Giada SpA, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal 613.
3 La marque demandée désignait des produits relevant de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.
4 La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2020/100 du 28 mai 2020.
5 Le 26 août 2020, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.
6 L’opposition était fondée sur la marque verbale non enregistrée antérieure J613.
7 Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 3, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), et à l’article 8, paragraphe 4, du même règlement.
8 Lorsqu’elle a formé opposition, la requérante a utilisé l’outil en ligne de l’EUIPO et a indiqué, pour chaque motif d’opposition, dans la rubrique intitulée « Territoire(s) », la mention « EUIPO ».
9 Le 31 mars 2021, la requérante a déposé le mémoire exposant les motifs de l’opposition. Dans ce mémoire, elle a précisé que le territoire sur lequel elle entendait faire valoir des droits sur la marque non enregistrée antérieure était celui de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Autriche et a fourni des éléments de preuve visant à établir le contenu de la législation pertinente.
10 Le 22 juin 2022, la division d’opposition a rejeté l’opposition.
11 Le 3 août 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.
12 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En particulier, elle a relevé que l’opposition devait être considérée comme fondée sur une marque verbale non enregistrée protégée sur le territoire de l’Union européenne. En effet, dans la mesure où, dans l’acte d’opposition, seul document pertinent déposé avant l’expiration du délai d’opposition, la requérante avait indiqué, pour chaque motif d’opposition, dans la rubrique intitulée « Territoire(s) », la mention « EUIPO », la chambre de recours a estimé qu’il convenait d’interpréter cette mention comme désignant le territoire de l’Union. À la lumière de cette circonstance, la chambre de recours a considéré que, en ce qui concerne le motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, la requérante n’avait produit aucun élément de preuve susceptible de démontrer que la marque non enregistrée antérieure était protégée au sens du droit de l’Union, de sorte que l’une des conditions cumulatives prévues à cet article, à savoir celle selon laquelle le droit au signe doit avoir été acquis conformément à la législation de l’Union ou au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne, n’était pas remplie. S’agissant du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 3, du même règlement, elle a estimé que, dans la mesure où l’existence de ladite marque n’avait pas été prouvée, la condition selon laquelle la partie opposante doit être titulaire de la marque antérieure, qui est l’une des conditions cumulatives figurant à cet article, n’était pas non plus remplie. La chambre de recours a donc rejeté l’opposition dans son intégralité.
Conclusions des parties
13 La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.
14 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours dans son intégralité ;
– condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.
15 Lors de l’audience, la requérante a déclaré renoncer à ses deuxième et troisième chefs de conclusions tendant à ordonner que la demande d’enregistrement de la marque demandée soit rejetée pour l’ensemble des produits et à condamner aux dépens l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.
En droit
16 À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 3, du même règlement.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001
17 Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant que l’opposition formée au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 n’était pas fondée dès lors qu’elle n’aurait pas apporté la preuve que la marque non enregistrée antérieure était protégée au sens du droit de l’Union.
18 En particulier, la requérante soutient que la chambre de recours a fondé la décision attaquée sur un « motif purement formel » et a commis un « déni de justice manifeste lié à une simple formalité ». Elle relève que la mention « EUIPO » dans la rubrique intitulée « Territoire(s) » était « obligatoire » et prédéfinie par l’outil en ligne de l’EUIPO. Elle ajoute que cette mention, présente dans la version du formulaire d’opposition de 2020, mais absente de la version actuelle, était trompeuse, en ce qu’elle pouvait être interprétée comme une option pour opposer une marque non enregistrée antérieure utilisée sur le territoire de l’Union. En outre, la requérante fait valoir que, dans le mémoire exposant les motifs de l’opposition, elle a identifié les États membres visés par l’option « EUIPO », à savoir l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche, et a fourni des éléments de preuve afin d’établir le contenu de la législation pertinente. Il ressortirait de l’arrêt du 9 décembre 2020, Promed/EUIPO – Centrumelektroniki (Promed) (T‑30/20, non publié, EU:T:2020:599), que, pour trancher au fond les demandes des parties, l’EUIPO est tenu d’examiner l’ensemble des actes déposés au cours de la procédure. En outre, la requérante soutient que le motif visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 a été invoqué à titre subsidiaire. En tout état de cause, le droit sur la marque non enregistrée commencerait avec l’usage et, en l’espèce, un tel usage aurait été prouvé dans plusieurs États membres. Par ailleurs, la requérante constate que l’EUIPO n’a pas soulevé d’irrégularités au titre de l’article 5 du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), et ne lui a pas donné la possibilité d’y remédier.
19 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
20 Aux termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, la marque demandée est refusée à l’enregistrement, lorsque et dans la mesure où, selon la législation de l’Union ou le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe, d’une part, des droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque de l’Union européenne et, d’autre part, ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
21 Ainsi, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, le titulaire d’un signe autre qu’une marque enregistrée peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne si celui-ci remplit cumulativement quatre conditions : ce signe doit être utilisé dans la vie des affaires ; il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément à la législation de l’Union ou au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [arrêt du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), T‑318/06 à T‑321/06, EU:T:2009:77, point 32].
22 S’agissant en particulier de la troisième condition susmentionnée, à savoir celle selon laquelle le droit au signe non enregistré doit avoir été acquis conformément à la législation de l’Union ou au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne, il appartient à la partie qui fait valoir la protection du signe non enregistré de s’appuyer soit sur la législation de l’Union soit sur le droit de l’État membre qu’il invoque comme étant applicable à ce signe. Ce renvoi au droit qui régit le signe invoqué trouve sa justification dans la reconnaissance, prévue par le règlement 2017/1001, de la possibilité que des signes étrangers au système de marque de l’Union européenne soient invoqués à l’encontre d’une marque de l’Union européenne. Dès lors, seul le droit qui régit le signe invoqué permet d’établir si celui-ci est antérieur à la marque de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Bayer/EUIPO – Uni-Pharma (SALOSPIR), T‑261/17, non publié, EU:T:2018:710, point 116 et jurisprudence citée].
23 Dans ce contexte, il ressort de l’article 2, paragraphe 2, sous b), iv), du règlement délégué 2018/625 que, lorsque l’opposition se fonde sur l’existence d’une marque antérieure ou d’un autre signe au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, l’acte d’opposition doit comporter une indication claire de la marque ou du droit antérieur sur lequel l’opposition se fonde, à savoir notamment une indication quant à l’existence éventuelle du droit à la marque ou au signe antérieur dans l’ensemble de l’Union ou dans un ou plusieurs États membres et, dans ce cas, le nom de ces États membres.
24 Conformément à l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué 2018/625, la charge de la preuve pèse sur l’opposant. Plus particulièrement, en vertu de cet article, l’opposant doit notamment produire la preuve de l’usage du droit antérieur dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale ainsi que la preuve de son acquisition, de sa permanence et de l’étendue de la protection conférée par ce droit, y compris, lorsque le droit antérieur est invoqué en vertu du droit d’un État membre, une indication claire du contenu de la législation nationale invoquée en fournissant les publications des dispositions ou de la jurisprudence correspondantes.
25 En l’espèce, la chambre de recours a constaté que la requérante avait rempli l’acte d’opposition, avant l’expiration du délai d’opposition, en indiquant « EUIPO » dans la rubrique intitulée « Territoire(s) ». La chambre de recours a déduit que, par la mention « EUIPO », la requérante entendait fonder son opposition sur une marque non enregistrée protégée par la législation de l’Union. Toutefois, elle a relevé que la requérante n’avait fourni aucun élément de preuve afin de prouver que la marque non enregistrée antérieure était protégée par la législation de l’Union dans le délai imparti. De l’avis de la chambre de recours, la circonstance que, dans le mémoire exposant les motifs de l’opposition, déposé postérieurement à l’expiration du délai d’opposition, la requérante a précisé que le territoire sur lequel elle entendait faire valoir des droits sur ladite marque était celui de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Autriche et a fourni des éléments visant à établir le contenu de la législation pertinente ne saurait modifier la portée de l’opposition. Elle a conclu que la condition selon laquelle le droit au signe non enregistré doit avoir été acquis conformément à la législation de l’Union ou au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne n’était pas remplie et a rejeté l’opposition.
26 En premier lieu, il convient d’observer que, dans la rubrique intitulée « Territoire(s) » de l’acte d’opposition, la requérante a sélectionné la mention « EUIPO ». Certes, l’option « EUIPO » n’était pas très précise, en ce qu’elle ne faisait clairement référence ni au territoire de l’Union ni au territoire d’un État membre. Toutefois, force est de constater qu’il ressort du dossier que cette option figurait dans une liste prédéfinie. En réponse à une mesure d’organisation de la procédure invitant l’EUIPO à préciser les options territoriales qui figuraient dans ladite liste à la date de l’acte d’opposition, ce dernier a indiqué que la version de l’outil en ligne disponible le 26 août 2020 permettait de sélectionner, outre l’option « EUIPO », chacun des États membres de l’Union, ce que la requérante a confirmé lors de l’audience. Or, ainsi qu’il ressort du point 23 ci-dessus, conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous b), iv), du règlement délégué 2018/625, en cas d’existence d’un droit à la marque ou au signe antérieur dans un ou plusieurs États membres, le nom de ces États membres doit figurer dans l’acte d’opposition.
27 Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir déduit de l’acte d’opposition que, en sélectionnant l’option « EUIPO », la requérante entendait invoquer une marque protégée sur le territoire de l’Union et, par conséquent, un droit acquis conformément à la législation de l’Union.
28 Contrairement à ce que soutient la requérante, aucune disposition expresse du règlement délégué 2018/625 ne contraignait l’EUIPO à l’informer d’une éventuelle irrégularité constatée dans l’acte d’opposition en l’invitant à y remédier.
29 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 5 du règlement délégué 2018/625, dont se prévaut la requérante, contient une distinction entre deux catégories de conditions de recevabilité [voir arrêt du 18 janvier 2023, Dorsum/EUIPO – id Quantique (Clavis), T‑758/21, non publié, EU:T:2023:3, point 36 et jurisprudence citée].
30 Si l’acte d’opposition ne remplit pas les conditions de recevabilité mentionnées par l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, l’opposition est rejetée pour irrecevabilité à moins qu’il ne soit remédié aux irrégularités constatées avant l’expiration du délai de l’opposition. En revanche, si l’acte d’opposition ne satisfait pas aux dispositions de l’article 2, paragraphe 2, sous d) à h), dudit règlement délégué, l’article 5, paragraphe 5, de ce même règlement prévoit que l’opposition n’est rejetée pour irrecevabilité que lorsque l’opposant, après avoir été invité par l’EUIPO à remédier aux irrégularités constatées dans un délai de deux mois, n’a pas corrigé lesdites irrégularités dans le délai imparti (arrêt du 18 janvier 2023, Clavis, T‑758/21, non publié, EU:T:2023:3, point 37).
31 Partant, ce n’est que dans le cas où l’acte d’opposition ne satisfait pas à certaines conditions de recevabilité, autres que celles expressément mentionnées à l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, que l’EUIPO est tenu d’informer l’opposant et de l’inviter à remédier aux irrégularités constatées dans un délai de deux mois avant de rejeter l’opposition pour irrecevabilité (voir arrêt du 18 janvier 2023, Clavis, T‑758/21, non publié, EU:T:2023:3, point 38 et jurisprudence citée).
32 Or, en l’espèce, l’indication de l’existence éventuelle du droit à la marque ou au signe antérieur dans l’ensemble de l’Union ou dans un ou plusieurs États membres est prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous b), iv), du règlement délégué 2018/625 et est donc expressément mentionnée à l’article 5, paragraphe 3, dudit règlement délégué.
33 Dès lors, à supposer que le choix, dans l’acte d’opposition, de l’option « EUIPO » constitue une irrégularité, l’EUIPO n’était pas tenu d’inviter la requérante à y remédier.
34 En second lieu, il convient de constater que l’acte d’opposition ne comporte aucune preuve de l’étendue de la protection, ainsi que l’exige l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué 2018/625. En particulier, dans ledit acte, la requérante n’a ni démontré que la marque non enregistrée antérieure entrait dans le champ d’application de la législation de l’Union ni présenté des éléments établissant le contenu de cette législation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 octobre 2018, SALOSPIR, T‑261/17, non publié, EU:T:2018:710, point 117 et jurisprudence citée). Dès lors, il ne saurait non plus être reproché à la chambre de recours d’avoir considéré que la requérante n’avait pas fourni la preuve que la marque non enregistrée antérieure était protégée par la législation de l’Union, alors que cela lui incombait.
35 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, dans le mémoire exposant les motifs de l’opposition, elle a indiqué les États membres sur le territoire desquels elle entendait faire valoir l’existence du droit au signe, à savoir l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche, et a fourni les éléments visant à établir le contenu de la législation pertinente.
36 À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 46, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 qu’une opposition à l’enregistrement d’une marque peut être formée dans un délai de trois mois à compter de la publication de la demande de marque de l’Union européenne.
37 Conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous c), du règlement délégué 2018/625, l’acte d’opposition comporte les motifs sur lesquels l’opposition se fonde, au moyen d’une déclaration selon laquelle les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 1, 3, 4, 5 ou 6, du règlement 2017/1001 sont remplies pour chaque marque ou droit antérieur invoqué par l’opposant.
38 Ainsi qu’il ressort du point 23 ci-dessus, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous b), iv), du règlement délégué 2018/625, lorsque l’opposition se fonde sur l’existence d’une marque antérieure ou d’un autre signe au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, l’acte d’opposition comporte notamment une indication claire quant à l’existence éventuelle du droit à la marque ou au signe antérieur dans l’ensemble de l’Union ou dans un ou plusieurs États membres et, dans ce cas, le nom de ces États membres.
39 Il résulte de ces considérations que l’existence éventuelle du droit au signe dans l’ensemble de l’Union ou dans un ou plusieurs États membres doit être invoquée avant l’expiration du délai d’opposition.
40 Ainsi, les faits, preuves et arguments qu’un opposant présente après l’expiration de ce délai ne peuvent pas être pris en considération afin de déterminer sur quels motifs est fondée l’opposition, en vertu de l’article 46, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et de l’article 2, paragraphe 2, sous c), du règlement délégué 2018/625 [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 1er février 2023, Hacker-Pschorr Bräu/EUIPO – Vandělíková (HACKER SPACE), T‑349/22, non publié, EU:T:2023:31, point 33 et jurisprudence citée].
41 En effet, à l’expiration du délai d’opposition, la portée de l’opposition doit être considérée comme figée, de sorte que les éléments fournis postérieurement ne peuvent pas avoir pour objet de la modifier, au risque, en particulier, de méconnaître l’effet utile des délais impératifs et, partant, le principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 1er février 2023, HACKER SPACE, T‑349/22, non publié, EU:T:2023:31, point 37).
42 En l’espèce, il convient d’observer que la demande d’enregistrement de la marque demandée a été publiée le 28 mai 2020. Or, avant l’expiration du délai d’opposition de trois mois, mentionné au point 36 ci-dessus, la requérante n’a déposé comme élément pertinent que l’acte d’opposition du 26 août 2020. En effet, le mémoire exposant les motifs de l’opposition et les éléments visant à établir le contenu de la législation pertinente n’ont été déposés que le 31 mars 2021, soit après l’expiration du délai d’opposition. Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours a refusé de les prendre en considération.
43 L’arrêt du 9 décembre 2020, Promed, (T‑30/20, non publié, EU:T:2020:599), dont se prévaut la requérante, n’est pas de nature à invalider un tel constat. À cet égard, il suffit de relever que, si, afin de déterminer les motifs sur lesquels un acte d’opposition est fondé, il y a lieu d’examiner l’ensemble de la demande, les éléments fournis à l’appui de ladite demande doivent, pour les motifs exposés au point 40 ci-dessus, être déposés dans le délai imparti.
44 Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant l’opposition formée sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 au motif que la requérante n’avait pas fourni la preuve que la marque non enregistrée antérieure était protégée au sens du droit de l’Union.
45 La chambre de recours n’a pas non plus fondé sa décision sur un « motif purement formel » ou commis un « déni de justice manifeste lié à une simple formalité ». À cet égard, il convient de préciser que l’indication du type de marque, de sa description ainsi que des territoires couverts dans l’acte d’opposition permet à l’EUIPO et au demandeur de prendre connaissance du fondement de l’opposition [voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2023, Hofmeir Magnetics/EUIPO – Healthfactories (Hofmag), T‑452/22, non publié, EU:T:2023:362, point 61]. Ainsi, l’information relative au territoire couvert par la marque antérieure dans l’acte d’opposition ne saurait être assimilée à une « simple formalité ».
46 Pour le reste, la circonstance que la requérante a invoqué le motif visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 à titre subsidiaire est dénuée de pertinence. En effet, une opposition fondée sur plusieurs motifs ne peut être rejetée que si tous les motifs invoqués à son appui sont examinés et écartés [arrêt du 23 septembre 2020, CEDC International/EUIPO – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑796/16, EU:T:2020:439, points 202 et 203]. Or, en l’espèce, avant de rejeter l’opposition, la chambre de recours a précisément examiné chacun des motifs invoqués à son appui et les a écartés dès lors que les conditions qu’ils prévoient n’étaient pas remplies. Ainsi, la circonstance que le motif visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 a été examiné en premier ne saurait avoir une incidence sur le dispositif de la décision attaquée, de sorte qu’aucune erreur de droit ne peut être reprochée à la chambre de recours.
47 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.
Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001
48 Dans le cadre du second moyen, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur de droit en omettant, sur la base des appréciations erronées effectuées dans le cadre de l’examen du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, de procéder à un examen au fond des différentes conditions prévues à l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement. La requérante fait valoir que l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours a déposé la marque demandée en qualité de titulaire d’une licence exclusive sans son consentement. Ainsi, en l’espèce, les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement seraient remplies.
49 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
50 Aux termes de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire de la marque, une marque est refusée à l’enregistrement lorsqu’elle est demandée par l’agent ou le représentant du titulaire de la marque, en son propre nom et sans le consentement du titulaire, à moins que cet agent ou ce représentant ne justifie de ses agissements.
51 Il ressort du libellé de cet article que, pour qu’une opposition aboutisse sur ce fondement, il faut, premièrement, que l’opposant soit le titulaire de la marque antérieure, deuxièmement, que le demandeur de la marque soit ou ait été l’agent ou le représentant du titulaire de la marque, troisièmement, que la demande ait été déposée au nom de l’agent ou du représentant sans le consentement du titulaire et sans qu’il y ait de raisons légitimes justifiant les agissements de l’agent ou du représentant et, quatrièmement, que le dépôt concerne essentiellement des signes et des produits identiques ou similaires. Ces conditions sont cumulatives [voir arrêt du 28 juin 2023, CEDC International/EUIPO – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑145/22, EU:T:2023:365, point 39 et jurisprudence citée].
52 En l’espèce, la chambre de recours a relevé que, « pour les raisons précédemment exposées dans le cadre de l’examen de l’article 8, paragraphe 4, du [règlement 2017/1001] », l’existence de la marque non enregistrée antérieure sur le territoire « EUIPO », invoquée dans l’acte d’opposition, n’avait pas été prouvée et qu’une telle revendication non étayée d’un droit ne saurait fonder une opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. Elle a conclu que, en l’espèce, l’une des conditions cumulatives prévues à cet article, à savoir celle selon laquelle l’opposant doit être titulaire de la marque antérieure, n’était pas remplie.
53 En premier lieu, il convient d’observer que, certes, la chambre de recours a renvoyé, dans le cadre de l’analyse du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, aux appréciations effectuées dans le cadre de l’examen du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 4, du même règlement.
54 Toutefois, force est de constater, à l’instar de l’EUIPO, qu’un tel renvoi tend à démontrer que la requérante n’a pas établi qu’elle était titulaire de la marque antérieure et donc que la première des conditions cumulatives prévues à l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 n’était pas remplie.
55 Dès lors, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir procédé à un examen au fond des trois autres conditions prévues à l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.
56 Si, dans la requête, la requérante consacre de longs développements afin de démontrer que les différentes conditions prévues à l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 sont remplies, en l’absence d’un examen au fond, dans la décision attaquée, des deuxième, troisième et quatrième conditions prévues à l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, il n’appartient pas au Tribunal de procéder, dans le cadre de son contrôle de légalité de ladite décision, à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas pris position (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).
57 En second lieu, s’agissant de la première condition prévue à l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 25 ci-dessus, dans le cadre de son examen du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait produit aucun élément de preuve susceptible de démontrer que la marque non enregistrée antérieure était protégée au sens du droit de l’Union.
58 Ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante, impliquent nécessairement que l’existence de la marque non enregistrée antérieure et, par conséquent, sa titularité n’ont pas été prouvées.
59 Or, une telle revendication non étayée d’un droit ne saurait fonder une opposition au titre de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2023, Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille, T‑145/22, EU:T:2023:365, point 105).
60 C’est donc également sans commettre d’erreur de droit que la chambre de recours a considéré que la première des conditions cumulatives prévues à l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 n’était pas remplie et a conclu au rejet de l’opposition formée sur le fondement de cette disposition.
61 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
62 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Jacob Cohen Company SpA est condamnée aux dépens.
Costeira | Kancheva | Tichy-Fisslberger |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 novembre 2024.
Signatures
* Langue de procédure : l’italien.
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