VN v Commission (Civil service - Sick leave - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-159/23 (10 January 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T15923.html
Cite as: EU:T:2024:5, ECLI:EU:T:2024:5, [2024] EUECJ T-159/23

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ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

10 janvier 2024 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Congé de maladie – Absence injustifiée – Retenue sur salaire – Principe d’impartialité – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Force majeure – Devoir de sollicitude »

Dans l’affaire T‑159/23,

VN, représenté par Mes A. Champetier et S. Rodrigues, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. T. Bohr et L. Vernier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (juge unique),

juge : M. C. Mac Eochaidh,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, VN, demande, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission européenne du 6 juillet 2022 qui l’a déclaré en absence irrégulière de travail le 10 juin 2022, donnant ainsi lieu à une retenue sur salaire d’un jour (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’il aurait subi.

 Antécédents du litige

2        Le requérant, fonctionnaire de la Commission, a été en arrêt de travail, en raison d’une lombalgie, du 7 au 10 juin 2022.

3        Le 10 juin 2022, à 9 h 24, le requérant a été convoqué par courriel à un contrôle médical qui se tenait le jour même, à 13 heures, avec A, médecin-conseil de la Commission, en application de l’article 59 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

4        Le contrôle médical a eu lieu par visioconférence, le même jour, à l’heure prévue, à savoir 13 heures.

5        À la fin du contrôle médical, A a indiqué oralement au requérant le résultat de ce contrôle, à savoir qu’il était apte à travailler. A a ensuite rédigé un avis médical (ci-après l’« avis médical de A ») déclarant le requérant apte au travail qui lui a été adressé par courriel, à son adresse professionnelle, le même jour, à 16 h 52. Cet avis était rédigé de la façon suivante :

« Sur base de l’entretien effectué ce jour par vidéoconférence, je suis d’avis que la personne est apte au travail et par conséquent son absence est injustifiée. »

6        Le même jour, à 17 h 58, le chef d’unité adjoint de l’unité de la Commission chargée des absences médicales, B, a transmis un courriel au requérant dans lequel il accusait réception d’un précédent courriel que ce dernier avait transmis à A, à la suite du contrôle médical. Dans son courriel, B indiquait que l’attitude du requérant à l’égard de plusieurs médecins du service s’apparentait à des tentatives d’intimidation qui pouvaient faire l’objet de poursuites pénales au titre des obligations statutaires.

7        Le même jour, à 18 h 03, le requérant s’est présenté à un centre médical de soins immédiats (ci-après le « CMSI ») où un médecin, C, lui a prescrit un arrêt de travail pour six jours, du 10 au 15 juin 2022 inclus, en raison de la même pathologie que celle qui avait justifié l’arrêt de travail dont il est fait mention au point 2 ci-dessus, à savoir une lombalgie. C a, en outre, prescrit au requérant un médicament anti-inflammatoire et analgésique qui lui a été administré par perfusion intraveineuse.

8        Le même jour, à une heure inconnue, le requérant a consulté un médecin, D, qui lui a prescrit un arrêt de travail pour deux jours, du 10 au 11 juin 2022 inclus.

9        Le requérant ne s’est pas présenté au travail le 10 juin 2022, que ce soit physiquement ou en télétravail.

10      Le lendemain, à savoir le 11 juin 2022, le requérant a consulté un médecin, E, qui lui a prescrit un médicament anxiolytique.

11      Le 21 juin 2022, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a notifié une note au requérant dans laquelle elle faisait état de son intention, sur la base de l’avis médical de A, de le déclarer en absence injustifiée la journée du 10 juin 2022. Dans cette même note, l’AIPN a également invité le requérant à soumettre ses observations à cet égard.

12      Le même jour, en réponse à ladite note, le requérant a introduit une demande d’arbitrage par un médecin tiers (ci-après la « demande d’arbitrage »), sur la base de l’article 59, paragraphe 1, cinquième alinéa, du statut.

13      Le 6 juillet 2022, l’AIPN a notifié au requérant la décision attaquée, par laquelle, en vertu de l’article 59, paragraphe 1, du statut, son absence du 10 juin 2022 a été considérée comme injustifiée et a donné lieu à une retenue sur salaire correspondant à un jour calendrier, dans la mesure où son solde de droits à congé était épuisé. Cette décision mentionnait également que, ayant été soumise tardivement, la demande d’arbitrage n’était pas recevable.

14      Le 16 août 2022, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision attaquée, sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

15      Le 15 décembre 2022, la Commission a adopté une décision par laquelle elle a rejeté cette réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties

16      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission à la réparation de son préjudice moral à hauteur de deux mois de traitement, allocations comprises ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

18      Le requérant demande l’annulation de la décision attaquée et de la décision de rejet de la réclamation.

19      Or, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 23 mars 2022, OT/Parlement, T‑757/20, EU:T:2022:156, point 51 et jurisprudence citée).

20      En l’espèce, étant donné que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée, les conclusions visant l’annulation de la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome et il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci. Toutefois, dans l’examen de la légalité de la décision attaquée, il est nécessaire de prendre en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2022, OT/Parlement, T‑757/20, EU:T:2022:156, point 52 et jurisprudence citée).

21      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque quatre moyens.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du devoir d’impartialité

22      Par le premier moyen, le requérant estime que A ne présentait pas les garanties d’impartialité nécessaires dans la mesure où il faisait partie du personnel de la Commission et ne serait donc pas indépendant de la Commission.

23      La Commission conteste cette argumentation.

24      L’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») consacre le droit à une bonne administration qui implique le droit pour toute personne de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, les organes et les organismes de l’Union européenne.

25      L’exigence d’impartialité a deux composantes qui sont l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé (voir arrêt du 3 décembre 2019, Pethke/EUIPO, T‑808/17, EU:T:2019:832, point 46 et jurisprudence citée).

26      En l’espèce, comme l’indique à juste titre la Commission, le requérant se limite à critiquer un manque d’impartialité objective de la Commission, et non subjective, en ce que A serait un employé de cette institution. En particulier, le requérant n’affirme pas que A a fait preuve de parti pris ou de préjugés à son égard.

27      La Commission a confirmé dans ses écritures que les médecins-contrôleurs étaient employés et rémunérés par elle. Elle affirme toutefois qu’ils exercent leurs fonctions en toute indépendance, sans recevoir aucune instruction.

28      À cet égard, comme le souligne à juste titre la Commission, tous les médecins habilités à exercer la médecine en Belgique, y compris ceux travaillant pour elle à Bruxelles, doivent respecter les règles déontologiques fixées dans la loi belge. Or, selon l’article 3, paragraphe 2, de la loi du 13 juin 1999 relative à la médecine de contrôle (Moniteur belge du 13 juillet 1999, p. 26947), le médecin-contrôleur doit signer une déclaration d’indépendance qui sert de garantie du fait qu’il bénéficie d’une totale indépendance par rapport à l’employeur et au travailleur à l’égard desquels il exerce la médecine de contrôle. La Commission démontre d’ailleurs, dans ses écritures, que A a bien signé une telle déclaration.

29      En tout état de cause, comme l’indique la Commission, l’article 59, paragraphe 1, cinquième à septième alinéas, du statut met en place une procédure d’arbitrage par un médecin tiers, qui n’est ni celui employé par l’institution, ni celui du fonctionnaire, lorsque le fonctionnaire estime que les conclusions du contrôle médical organisé par l’institution sont médicalement injustifiées. La procédure prévue par le statut concernant les contrôles médicaux prévoit donc toutes les garanties nécessaires pour le respect du principe d’impartialité objective, ce que le requérant ne conteste d’ailleurs pas.

30      Il découle de ce qui précède que le requérant n’est pas parvenu à démontrer que la Commission avait violé le principe d’impartialité. Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

31      Par le deuxième moyen, le requérant fait valoir que l’avis médical de A n’était pas suffisamment motivé dans la mesure où il ne permettait pas d’établir un lien entre l’examen réalisé par le médecin-contrôleur, ses éventuelles constatations médicales et sa décision de le déclarer apte au travail. Le requérant indique qu’il n’était ainsi pas à même de comprendre cette dernière décision.

32      En outre, selon le requérant, le médecin-contrôleur, même s’il est censé être indépendant de l’institution, intervient en son nom et une obligation de motivation pèse a minima sur la Commission lorsqu’elle entérine cet avis dans une décision.

33      La Commission conteste cette argumentation.

34      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE et rappelée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte est un principe essentiel du droit de l’Union qui a pour objectif, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 10 juin 2020, Sammut/Parlement, T‑608/18, EU:T:2020:249, point 32 et jurisprudence citée).

35      Or, s’agissant de l’obligation de motivation, l’étendue de celle-ci doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications. En outre, il importe, pour apprécier le caractère suffisant de la motivation, de la replacer dans le contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte en cause. Ainsi, un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 14 décembre 2022, SY/Commission, T‑312/21, EU:T:2022:814, point 119 et jurisprudence citée).

36      La Cour a jugé que, dès lors que la décision concernée concluait à l’irrégularité de l’absence d’un fonctionnaire par suite d’une visite médicale de contrôle et se référait expressément à l’appréciation du médecin-contrôleur, il n’était pas nécessaire que l’institution joigne d’office à cette décision ou reproduise dans sa motivation le contenu des appréciations d’ordre médical portées par le médecin-contrôleur. En effet, de telles appréciations pouvant être couvertes par le secret médical ou des exigences de confidentialité, il incombe à l’intéressé lui-même ou à son médecin traitant, s’il conteste la conclusion du médecin-contrôleur, de demander à l’institution de lui notifier ou de lui faire notifier, par son service médical, les appréciations médicales du médecin-contrôleur (arrêt du 19 novembre 1998, Parlement/Gaspari, C‑316/97 P, EU:C:1998:558, points 27 et 28).

37      Il découle de ce qui précède que, comme le fait valoir la Commission, l’AIPN n’était pas en mesure d’avoir accès aux appréciations médicales faites par A qui est soumis au secret médical. L’avis médical de A, destiné notamment à l’AIPN, ne pouvait donc faire état des appréciations médicales effectuées lors du contrôle, sauf à violer le secret médical. En conséquence, dans la mesure où l’AIPN s’est fondée sur l’avis médical de A pour adopter la décision attaquée, elle n’était pas en mesure non plus de faire état des constatations médicales effectuées par A ni dans la décision attaquée, ni dans la décision de rejet de la réclamation.

38      En outre, en application de la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, il était loisible au requérant ou à son médecin traitant de faire une demande au service médical de la Commission visant à avoir accès aux constations médicales opérées par A lors du contrôle. Toutefois, le requérant n’indique pas dans la requête qu’il aurait fait une telle demande et qu’il se serait vu refuser l’accès à ces informations au cours de la procédure précontentieuse.

39      À titre subsidiaire, en vertu de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, la motivation d’une décision s’apprécie au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu de l’intéressé qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard.

40      En l’espèce, comme le soutient à juste titre la Commission, la décision attaquée a été adoptée dans un contexte connu de l’intéressé, à savoir ses échanges avec A et les vérifications auxquelles ce dernier a procédé lors du contrôle médical. Le requérant pouvait ainsi raisonnablement déduire de ces vérifications les raisons pour lesquelles A considérait qu’il était apte à travailler. Le requérant a d’ailleurs mentionné dans sa demande d’arbitrage que celle-ci était liée au diagnostic de lombalgie qui avait été réalisé par un médecin et dont il est fait mention au point 2 ci-dessus. Le requérant n’affirme pas, en outre, que A aurait omis de lui indiquer oralement ces éléments lors du contrôle médical.

41      Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une interprétation erronée d’un cas de force majeure

42      Par le troisième moyen, le requérant soutient qu’il n’a pas été en mesure de consulter sa messagerie professionnelle et donc de prendre connaissance de l’avis médical de A avant le lundi 20 juin 2022 et qu’il n’a donc pas été en mesure d’introduire une demande d’arbitrage avant cette date. Il estime, à cet égard, que sa situation relevait d’un cas de force majeure et il soutient que le délai de deux jours pour demander une procédure d’arbitrage aurait donc dû commencer à courir le 20 juin 2022.

43      La Commission conteste cette argumentation.

44      Par un premier argument, le requérant allègue qu’il a dû se rendre aux urgences hospitalières les 10 et 11 juin 2022, qu’il n’avait pas accès à Internet et qu’il n’avait donc pas la possibilité d’accéder à sa messagerie professionnelle.

45      À cet égard, il est avéré que le requérant s’est rendu dans un CMSI le 10 juin 2022. Les pièces jointes au dossier permettent de constater toutefois qu’il y est entré à 18 h 03 et en est ressorti « le soir » du 10 juin 2022. En outre, le requérant prétend avoir dû se rendre aux urgences hospitalières le 11 juin 2022. Toutefois, il ne fournit aucune preuve à cet égard. En effet, le certificat médical daté du 11 juin 2022 qu’il a fourni n’émane pas d’un service d’urgences hospitalières, ni même d’un CMSI, mais, comme le souligne à juste titre la Commission, de SOS Médecins, à savoir d’une fédération d’associations de médecins à but non lucratif et un service médical libéral d’urgence à domicile. En tout état de cause, les consultations médicales que le requérant a eues les 10 et 11 juin 2022 ne permettent pas, en elles-mêmes, d’expliquer le fait qu’il n’ait pas été en mesure de consulter sa messagerie professionnelle, au plus tard le 12 juin 2022, soit le lendemain de la dernière consultation médicale.

46      Par un deuxième argument, le requérant soutient en substance que, compte tenu du choc émotionnel qui aurait été causé par les « décisions et les actes de l’administration à [son] égard » et notamment par le courriel du 10 juin 2022 de B, il n’aurait pas été en état de consulter sa messagerie professionnelle.

47      À cet égard, comme le soutient la Commission, force est de constater que ledit choc émotionnel n’est attesté par aucun des certificats médicaux fournis par le requérant. Il est vrai que l’arrêt de travail prescrit par D le 10 juin 2022 porte la mention manuscrite « symptômes généraux/état pathologique aigu ». Toutefois, l’arrêt de travail est prescrit jusqu’au 11 juin 2022. Ainsi, le requérant ne prouve pas que cet « état pathologique aigu » restait d’actualité le 12 juin 2022 et qu’il était ainsi dans l’incapacité de consulter sa messagerie professionnelle ce jour même, à savoir la date limite lui permettant d’introduire la demande d’arbitrage. Quant aux médicaments qui lui ont été prescrits, rien ne permet d’attester qu’ils l’auraient été en raison d’un « choc traumatique émotionnel » et non en raison de sa lombalgie. Quant à l’arrêt de travail et à la perfusion prescrits par C au CMSI le 10 juin 2022 au soir, le requérant indique lui-même qu’ils avaient pour motif une lombalgie aiguë.

48      En outre, comme le fait valoir la Commission, force est de constater que le requérant était en capacité de consulter une messagerie électronique entre le soir du 10 au 11 juin 2022. En effet, il soutient que son choc émotionnel a été causé par un courriel qui lui a été envoyé par B le 10 juin 2022 à 17 h 58 sur sa messagerie professionnelle et sur sa messagerie personnelle. Le requérant admet donc qu’il en avait pris connaissance assez rapidement après l’avoir reçu, et ce au plus tard le 11 juin 2022, le jour de la visite de SOS Médecins. Même en admettant que le requérant ait pris connaissance de ce courriel sur sa messagerie personnelle et non sur sa messagerie professionnelle, en tout état de cause, un fonctionnaire qui est en état de consulter sa messagerie personnelle est aussi en état de consulter sa messagerie professionnelle, à savoir la messagerie sur laquelle lui avait été envoyé l’avis médical de A le 10 juin 2022 à 16 h 52, donc environ une heure avant le courriel de B.

49      Ce constat contredit également le troisième argument du requérant relatif à la somnolence causée par les médicaments qui lui ont été administrés le 10 juin 2022 et prescrits le 11 juin 2022 et qui l’auraient prétendument empêché de consulter sa messagerie professionnelle.

50      Par conséquent, le requérant ne démontre pas qu’il était dans l’incapacité de consulter sa messagerie professionnelle entre le soir du 10 juin et le 12 juin 2022.

51      En tout état de cause, la Commission a produit une série de courriels envoyés par le requérant à son chef d’unité entre le 13 et le 17 juin 2022, depuis sa messagerie personnelle ou depuis sa messagerie professionnelle. Ces courriels, par leur existence même et leur contenu, démontrent que le requérant était en état de consulter sa messagerie professionnelle pour y prendre connaissance de l’avis médical de A au plus tard le 13 juin 2022. Ainsi, comme le soutient la Commission, même en admettant, quod non, qu’il n’aurait pas été en mesure de le faire les 11 et 12 juin 2022, la date limite pour demander un arbitrage devrait alors être considérée comme étant celle du 15 juin 2022. Ainsi, même dans ce cas de figure, la demande d’arbitrage devrait être considérée comme tardive.

52      Quant au fait que l’avis médical de A ne lui a été envoyé que sur sa messagerie professionnelle, et non à la fois sur sa messagerie personnelle et sa messagerie professionnelle comme cela avait été le cas peu de temps auparavant, il est, comme l’affirme la Commission, dépourvu de pertinence. En effet, le secrétariat des absences médicales de la Commission a transmis un courriel au requérant sur son adresse professionnelle et sur son adresse personnelle, le 10 juin 2022 à 9 h 24. Dans ce courriel, il était mentionné que A proposait que le contrôle médical se déroulât le même jour à 13 heures, que la conclusion du médecin contrôleur lui serait ensuite transmise à son adresse professionnelle ou remise en main propre et que le requérant était donc invité à consulter son adresse professionnelle à cet égard. Il découle de ce courriel que le requérant devait s’attendre que l’avis médical de A lui soit transmis sur sa messagerie professionnelle, peu après le contrôle médical. Le fait que le requérant a bien assisté au contrôle médical à l’heure prévue (13 heures) atteste qu’il a bien pris connaissance de ce courriel.

53      Enfin, selon la jurisprudence, la force majeure est caractérisée par deux éléments, premièrement, l’existence de circonstances étrangères à la personne concernée, anormales et imprévisibles et, deuxièmement, si les circonstances citées ci-dessus ne sont pas limitées aux cas dans lesquels l’exécution d’une obligation est absolument impossible, elles doivent néanmoins être telles que cette exécution présenterait un sacrifice excessif. En outre, la notion de « force majeure » n’ayant pas un contenu identique dans les divers domaines d’application du droit de l’Union, sa signification doit dès lors être déterminée en fonction du cadre légal dans lequel elle est destinée à produire ses effets (voir arrêt du 5 octobre 2020, Brown/Commission, T‑18/19, EU:T:2020:465, points 64 et 65 et jurisprudence citée).

54      En outre, s’agissant des délais pour introduire une réclamation, la notion de « force majeure » ne s’applique pas à une situation où une personne diligente et avisée aurait objectivement été en mesure d’éviter l’expiration du délai de réclamation (ordonnance du 16 septembre 2019, ZH/ECHA, T‑617/18, non publiée, EU:T:2019:629, point 25).

55      Ce raisonnement peut être transposé à l’espèce. Comme il a été indiqué ci-dessus, le requérant, en agissant avec diligence, était en mesure de consulter sa messagerie professionnelle au plus tard le 12 juin 2022 et était, ainsi, en mesure d’introduire une demande d’arbitrage dans les temps. Le retard dans la demande de l’arbitrage ne peut, dès lors, pas être justifié par la force majeure.

56      Le troisième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du devoir de sollicitude

57      Le requérant allègue que la Commission a violé son devoir de sollicitude. Il indique ainsi qu’il a été convoqué par la Commission à divers contrôles médicaux les 10 juin, 13 juillet, 22 juillet et 6 septembre 2022. Or, selon le requérant, la Commission était informée qu’il avait des soucis de santé et qu’il avait dû subir une perfusion intraveineuse le 10 juin 2022, soit peu après le contrôle médical le même jour, et qu’il avait dû se rendre aux urgences hospitalières les 10 et 11 juin 2022. Le requérant allègue que, dans ces circonstances, le devoir de sollicitude de la Commission devait être exacerbé.

58      La Commission conteste cette argumentation.

59      Quant au devoir de sollicitude, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, celui-ci reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui du fonctionnaire concerné. Cette dernière obligation est imposée à l’administration également par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 60 et jurisprudence citée).

60      Le requérant se prévaut de la jurisprudence selon laquelle les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation d’un fonctionnaire dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est affectée (arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69, points 309 et 310). Toutefois, comme le souligne à juste titre la Commission, cette jurisprudence n’est pas pertinente dans la présente affaire, puisque, en cas de contrôle médical concluant qu’un fonctionnaire est apte à travailler, le sujet de désaccord entre l’administration et le fonctionnaire porte précisément sur la question de savoir si son état de santé est affecté ou non.

61      En outre, dans le cadre du devoir de sollicitude, la protection des droits et des intérêts des fonctionnaires doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir arrêt du 5 décembre 2006, Angelidis/Parlement, T‑416/03, EU:T:2006:375, point 117 et jurisprudence citée).

62      Or, il découle de l’article 59, paragraphe 1, du statut que les conclusions du médecin-contrôleur ne peuvent être remises en cause que par les conclusions contraires d’un médecin indépendant appelé, sur la demande d’une partie requérante introduite dans les deux jours, à arbitrer les conclusions du contrôle médical (arrêt du 19 janvier 2010, De Fays/Commission, T‑355/08 P, EU:T:2010:16, point 43).

63      Ainsi, en l’espèce, dès lors que le requérant n’a pas introduit de demande d’arbitrage dans le délai imparti de deux jours, il ne saurait invoquer utilement une violation par la Commission de son devoir de sollicitude, comme le soutient cette dernière.

64      Quant à l’état de santé du requérant avant et après le 10 juin 2022, il est dépourvu de pertinence, puisque l’objet exclusif de la décision attaquée était son aptitude à travailler, et donc la régularité de son absence, à la seule date du 10 juin 2022.

65      En outre, le requérant tente d’établir un lien entre le devoir de sollicitude et le fait que l’avis médical de A ait été envoyé seulement sur sa messagerie professionnelle ainsi qu’entre le devoir de sollicitude et le premier moyen tiré d’une violation du principe d’impartialité. Toutefois, comme le soutient la Commission, ce lien est manifestement dépourvu de pertinence. En tout état de cause, le fait pour l’administration d’envoyer un message d’ordre professionnel seulement sur la messagerie professionnelle du requérant ne saurait constituer une violation du devoir de sollicitude. Quant au premier moyen tiré d’une violation du principe d’impartialité, il a déjà été rejeté.

66      Le requérant estime de plus qu’il est de jurisprudence constante que l’AIPN dispose d’un pouvoir discrétionnaire et n’est pas liée par les avis établis par les médecins-contrôleurs. Toutefois, le requérant n’explique pas dans quelle mesure le fait pour une AIPN d’avaliser un avis médical plutôt que de le contredire constitue une violation du devoir de sollicitude. Au demeurant, comme le rappelle la Commission à juste titre, l’AIPN n’a pas l’expertise nécessaire pour procéder à ses propres appréciations médicales (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2018, RI/Conseil, T‑9/17, non publié, EU:T:2018:437, points 35 et 36 et jurisprudence citée).

67      Enfin, le requérant soutient que l’AIPN aurait dû accepter l’arrêt de travail prescrit par C le 10 juin 2022, quelques heures après le contrôle médical. Il y a lieu de rappeler toutefois, sur la base de la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, que le requérant disposait d’une voie de contestation, qui est la procédure d’arbitrage, et qu’il ne peut la contourner en contestant le résultat du contrôle médical par d’autres voies. Il incombait donc au requérant, comme l’énonce à juste titre la Commission, de déclencher cette procédure dans les délais impartis, le cas échéant en produisant ce certificat médical à l’appui de sa demande.

68      Le quatrième moyen doit donc être rejeté et, partant, les conclusions en annulation dans leur totalité.

 Sur les conclusions indemnitaires

69      Le requérant estime que les différents manquements de la Commission dans la décision attaquée, d’une part, et son comportement à son égard, d’autre part, lui ont directement causé de sérieux dommages de santé qui ont été médicalement certifiés et lui ont notamment occasionné une « atteinte à la tranquillité d’esprit ».

70      Eu égard à ce préjudice moral, le requérant demande que la Commission soit condamnée à lui verser deux mois de traitement, y compris les allocations.

71      La Commission conteste cette argumentation.

72      Il ressort de la requête que le préjudice dont se prévaut le requérant résulte essentiellement de la décision attaquée. Or, selon une jurisprudence constante, des conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées soit comme étant irrecevables, soit comme étant non fondées (voir arrêt du 24 mars 2021, BK/EASO, T‑277/19, non publié, EU:T:2021:161, point 112 et jurisprudence citée). Dans la mesure où les conclusions en annulation ont été rejetées, il y a donc lieu de rejeter également la partie des conclusions indemnitaires liée à la décision attaquée.

73      Quant à un éventuel préjudice ne résultant pas de la décision attaquée, la requête se réfère seulement au « comportement de l’administration » et à « divers actes afférents ». Le Tribunal comprend que le requérant se réfère à un préjudice qui résulterait du courriel de B du 10 juin 2022.

74      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome au regard d’un recours en annulation, n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires. Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir l’AIPN, dans les délais impartis, d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement. Ce n’est que le rejet explicite ou implicite de cette demande qui constitue une décision faisant grief contre laquelle une réclamation peut être dirigée et ce n’est qu’après le rejet explicite ou implicite de cette réclamation qu’un recours en indemnité peut être formé devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2021, BK/EASO, T‑277/19, non publié, EU:T:2021:161, points 123 et 124 et jurisprudence citée).

75      Or, en l’espèce, et comme le soutient à juste titre la Commission, il suffit de constater que la partie des conclusions indemnitaires relative au comportement de la Commission est irrecevable. En effet, puisqu’elle concerne un préjudice distinct de celui censé résulter de la décision attaquée, cette demande aurait d’abord dû faire l’objet d’une demande indemnitaire sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, ce qui n’a pas été le cas.

76      En tout état de cause, la notion d’« atteinte à la tranquillité d’esprit » est, comme l’affirme la Commission, trop vague pour caractériser un quelconque préjudice et peut notamment englober de simples désagréments.

77      Enfin, le requérant justifie son évaluation du préjudice moral allégué par les éléments suivants.

78      D’une part, le requérant estime que le fait que la Commission n’a pas apporté de réponses à certaines de ses questions sur l’indépendance de A est un facteur de la gravité du préjudice subi. Or, cette allégation est infondée, car la décision de rejet de la réclamation a répondu sur ce point. En tout état de cause, le requérant ne parvient pas à démontrer qu’un défaut de clarté de la part de la Commission sur une question factuelle pourrait aggraver un éventuel choc émotionnel traumatique.

79      D’autre part, le requérant se réfère à une enquête administrative en cours à son égard. La Commission a confirmé dans ses écritures que l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) avait reçu en octobre 2021 un mandat pour conduire une enquête administrative à l’encontre du requérant. Cependant, la Commission a précisé que cette enquête était en cours, qu’une sanction disciplinaire était donc à ce stade purement hypothétique et que l’absence du 10 juin 2022 du requérant n’était qu’un élément parmi d’autres du mandat confié à l’IDOC. Il découle des explications de la Commission que l’impact en matière disciplinaire que le requérant prête à la décision attaquée est donc purement hypothétique.

80      Il découle de ce qui précède que les conclusions indemnitaires doivent être rejetées et, partant, le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

82      En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens et ceux de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      VN est condamné aux dépens.

 

      Mac Eochaidh      

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 janvier 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.

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