UniCredit v ECB (Economic and monetary policy - Prudential supervision of credit institutions - Order) French Text [2024] EUECJ T-324/24_CO (22 November 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T32424_CO.html
Cite as: [2024] EUECJ T-324/24_CO

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

22 novembre 2024 (*)

« Référé – Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Règlement (UE) no 1024/2013 – Fixation des exigences prudentielles – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence – Défaut de fumus boni juris – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑324/24 R,

UniCredit SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes M. Merola, G. Lombardi, G. Rumi et L.-D. Tassinari Vittone, avocats,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mmes E. Yoo, A. Pizzolla et M. A. Lefterov, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE, la requérante, UniCredit SpA, sollicite le sursis à l’exécution de la décision ECB‑SSM-2024-ITUNI-17 de la Banque centrale européenne (BCE), du 22 avril 2024, établissant les exigences prudentielles visant à réduire davantage les risques liés à ses activités sur le territoire de la Fédération de Russie (ci‑après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige et conclusions des parties

2        La requérante est un établissement de crédit à la tête d’un groupe bancaire actif au niveau international. Elle exerce ses activités en Russie par l’intermédiaire de quatre filiales, dont AO UniCredit Bank. Les filiales sont détenues à 100 % et sont incluses dans le bilan consolidé de la requérante.

3        En tant qu’entité importante au sens de l’article 6, paragraphe 4, du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63), la requérante relève de la surveillance prudentielle directe de la BCE.

4        La requérante exerce ses activités en Russie dans un contexte factuel et réglementaire complexe marqué par l’existence d’une série de mesures restrictives adoptées par l’Union européenne et des États tiers, d’une part, et l’évolution imprévisible du cadre réglementaire russe imposant des restrictions aux activités des filiales russes des établissements de crédit ayant leur siège en dehors de la Russie, d’autre part.

5        Dans ce contexte, la BCE a engagé un dialogue avec la requérante portant sur l’évaluation du profil de risque d’AO UniCredit Bank et son incidence sur la stabilité du groupe. Les résultats de cette évaluation ont été officiellement communiqués à la requérante par lettre du 11 avril 2023. La BCE a notamment fait état de l’aggravation significative des risques opérationnels, des risques d’atteinte à la réputation, des risques de sanctions et des risques financiers susceptible d’emporter sur les bénéfices que le groupe tire de la poursuite des activités en Russie. La BCE a souligné l’urgence de mettre en place des mesures renforcées afin de réduire ces risques, y compris la possibilité pour la requérante d’envisager la cession complète des filiales russes.

6        En mai 2023, la requérante a envoyé à la BCE un plan de réduction de ses activités en Russie.

7        La BCE a considéré les mesures correctives planifiées comme insuffisantes et a donc préparé un projet de décision. Ce projet a été notifié à la requérante le 22 janvier 2024.

8        La BCE a estimé que, nonobstant les différentes mesures prises par la requérante et AO UniCredit Bank, les principaux obstacles à une couverture globale des risques de conformité, y compris les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, ainsi que les risques de sanctions financières, subsistaient. La BCE a notamment relevé que le droit russe interdit aux filiales russes de partager des informations avec la requérante, y compris sur les clients dont les comptes et les transactions semblent suspects et d’appliquer les sanctions occidentales en Russie. La BCE a ajouté que la direction de la requérante n’est pas en mesure de visiter les locaux d’AO UniCredit Bank et d’y rencontrer les dirigeants et le personnel et que les organes visant à veiller à la conformité du groupe ne peuvent pas effectuer d’inspections.

9        Par lettre du 19 février 2024, la requérante a présenté ses observations sur le projet de décision.

10      Le 22 avril 2024, la BCE a adopté la décision attaquée en application de l’article 4, paragraphe 1, sous f), et de l’article 16, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, sous e) et f), du règlement no 1024/2013. L’examen des observations de la requérante du 19 février 2024 a été annexé à la décision attaquée sous forme de tableaux.

11      Par la décision attaquée, la BCE a imposé à la requérante cinq exigences et a formulé une recommandation :

–        exigence relative aux restrictions sur les prêts (ci-après l’ « exigence relative aux prêts »)  ;

–        exigence relative aux restrictions sur les dépôts (ci-après l’ « exigence relative aux dépôts ») ;

–        exigence relative aux placements de fonds (ci-après l’ « exigence relative aux fonds ») ;

–        exigence relative aux paiements (ci-après l’ « exigence relative aux paiements ») ;

–        recommandation relative à la réduction des prêts transfrontaliers ;

–        exigence de présenter un plan de mise en œuvre des mesures prévues par la décision attaquée au plus tard le 1er juin 2024 (ci-après l’ « exigence relative au plan de mise en œuvre »).

12      Par lettre du 23 mai 2024, la requérante a entamé un dialogue avec la BCE en vue de parvenir à un accord sur les mesures à mettre en place pour atteindre les objectifs de la décision attaquée, dans la mesure où, selon la requérante, la mise en place de l’ensemble des exigences n’était pas possible en raison de contraintes liées au cadre juridique russe. Au soutien de ses arguments, la requérante a communiqué un avis juridique d’un cabinet d’avocat russe.

13      Le 3 juin 2024, conformément à l’exigence relative au plan de mise en œuvre, la requérante a présenté un plan d’action pour la mise en œuvre de certaines des exigences imposées par la décision attaquée.

14      Par lettre du 28 juin 2024 adressée à la BCE, la requérante a réitéré son impossibilité de mettre en œuvre l’intégralité des exigences imposées par la décision attaquée en raison de contraintes liées au cadre juridique russe. Pour démontrer la réalité de cette impossibilité, la requérante a joint une communication du 27 juin 2024 de la Banque centrale russe (ci-après la « BCR ») à AO UniCredit Bank.

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juin 2024, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée ou, à titre subsidiaire, des exigences relatives aux prêts, aux dépôts et aux paiements.

16      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner avec effet immédiat le sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur la demande en référé ;

–        ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le fond du recours principal ;

–        condamner la BCE aux dépens.

17      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 16 juillet 2024, la BCE conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 juillet 2024, la requérante s’est désistée partiellement de sa demande en référé.

19      La BCE a présenté ses observations sur le désistement partiel le 8 août 2024.

20      Par lettre du 12 août 2024, accompagnée d’observations déposées le 26 août 2024, la requérante a informé le Tribunal d’une communication que AO UniCredit Bank avait reçue de la BCR.

21      La BCE a déposé ses observations sur ces documents le 2 septembre 2024.

22      Par lettre du 7 septembre 2024, la requérante a informé le Tribunal d’une décision de la BCR imposant des interdictions à AO UniCredit Bank. Ces documents ont été signifiés à la BCE, le 11 septembre 2024.

 En droit

 Considérations générales

23      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

24      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

25      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

26      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

27      Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur l’objet de la demande en référé

28      Il convient de relever que à la suite du désistement partiel du 25 juillet 2024, la présente demande en référé n’a plus pour objet que le sursis à l’exécution de la décision attaquée en tant qu’elle prévoit l’exigence relative aux dépôts et l’exigence relative aux paiements dans la mesure où elle concerne les paiements en euros, dollars des États-Unis (USD), yuans de Chine (CNY) et tenges du Kazakhstan (KZT).

29      En vertu de l’exigence relative aux dépôts, la requérante doit veiller à ce que ses filiales russes ne reçoivent pas de nouveaux dépôts à terme ou des dépôts provenant d’un établissement financier, si le déposant est une filiale russe d’un établissement financier domicilié dans l’Espace économique européen (EEE), au Royaume-Uni, en Suisse ou aux États-Unis. De plus, la requérante doit activer tous les leviers disponibles pour réduire le montant total des dépôts des entreprises et des particuliers dans ses filiales russes.

30      S’agissant de l’exigence relative aux paiements, la décision attaquée prévoit que la requérante doit veiller à ce que les services de paiements originaires de Russie et libellés en euros, USD, CNY, livres sterling (GBP), KZT, francs suisse (CHF), yens japonais (JPY), ne soient fournis que s’ils sont traités par la voie d’un compte imbriqué des filiales russes auprès de la requérante et si le client figure sur une liste blanche.

 Sur la condition relative au fumus boni juris

31      Selon une jurisprudence constante, la condition relative au fumus boni juris est remplie lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux. Tel est notamment le cas lorsque l’un de ces moyens révèle l’existence de questions de droit complexes dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond, ou lorsque le débat mené entre les parties dévoile l’existence d’une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas à l’évidence [voir ordonnance du 24 mai 2022, Puigdemont i Casamajó e.a./Parlement et Espagne, C‑629/21 P(R), EU:C:2022:413, point 188 et jurisprudence citée].

32      Aux fins de démontrer que la décision attaquée est, à première vue, entachée d’illégalité, la requérante invoque cinq moyens.

33      À cet égard, à titre liminaire, il y a lieu de préciser, premièrement, que la condition relative au fumus boni juris sera appréciée uniquement sur la base des informations soumises dans le cadre de la présente demande en référé sans nullement préjuger de la position du Tribunal dans l’affaire principale.

34      En effet, il ressort de la jurisprudence qu’une demande en référé doit être suffisamment claire et précise pour permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle‑ci se fonde devant ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de ladite demande [ordonnances du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée, EU:C:2010:242, point 13, et du 7 mars 2013, EDF/Commission, C‑551/12 P(R), EU:C:2013:157, point 39].

35      Deuxièmement, il convient de relever, toujours à titre liminaire, que, par ses arguments, la requérante fait valoir, en substance, que les exigences imposées par la décision attaquée seraient incompatibles avec le droit russe. Or, il y a lieu d’observer que la légalité de la décision attaquée doit être appréciée au regard du droit de l’Union et non du droit russe.

36      À cet égard, il convient de relever que l’article 4, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1024/2013 confie à la BCE la mission de mener des contrôles prudentiels visant à déterminer si les dispositifs, stratégies, processus et mécanismes mis en place par les établissements de crédit et les fonds propres qu’ils détiennent garantissent la bonne gestion et couverture de leurs risques, et, sur la base de ces contrôles prudentiels, imposer aux établissements de crédit certaines exigences et d’autres mesures lorsque les dispositions pertinentes du droit de l’Union permettent expressément aux autorités compétentes d’agir.

37      Afin d’exercer cette mission, l’article 16, paragraphe 1, sous c) du règlement no 1024/2013, confère à la BCE une série de pouvoirs l’habilitant à exiger des établissements de crédit qu’ils prennent, à un stade précoce, les mesures nécessaires si la BCE détermine, dans le cadre de l’examen prudentiel effectué conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous f), dudit règlement que les dispositifs, stratégies, processus et mécanismes mis en œuvre par l’établissement de crédit, et les fonds propres et liquidités que ce dernier détient n’assurent pas une gestion saine et une couverture de ses risques.

38      En particulier, l’article 16, paragraphe 2, sous e), du règlement no 1024/2013 prévoit que la BCE est investie du pouvoir de restreindre ou limiter l’activité économique, les opérations ou le réseau des établissements, ou demander la cession des activités qui font peser des risques excessifs sur la solidité d’un établissement. En vertu de l’article 16, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1024/2013, elle peut exiger la réduction du risque inhérent aux activités, aux produits et aux systèmes des établissements.

39      C’est sur la base de ces éléments qu’il convient d’examiner les moyens soulevés par la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration en raison d’un défaut d’instruction

40      Par son premier moyen, divisé en trois branches, la requérante fait valoir, premièrement, que la BCE n’aurait pas pris en considération l’impossibilité pour la requérante de mettre en œuvre les exigences imposées par la décision attaquée, ainsi que les actions déjà entreprises par la requérante pour aménager les risques identifiés dans la décision attaquée.

41      Deuxièmement, la requérante allègue un défaut de motivation dans la mesure où la décision attaquée se borne à énumérer les risques justifiant l’imposition des exigences sans toutefois fournir de motivation sur la manière dont ces risques peuvent concrètement se produire et affecter la solidité de la requérante.

42      Troisièmement, la requérante allègue une violation de l’article 16, paragraphe 1, sous c) du règlement no 1024/2013.

43      Il convient d’examiner, en premier lieu, la branche tirée de la violation de l’obligation de motivation.

–       Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation

44      La requérante fait valoir, en substance, que la BCE n’aurait pas identifié les risques concrets, la manière dont ils pourraient porter atteinte à la solidité de la requérante et le rapport entre les exigences imposées et le profil de risque global de la requérante. La BCE ne saurait présumer que la requérante enfreindra les régimes de sanctions sans fournir de preuves détaillées et précises à cet effet. En outre, la BCE n’aurait pas justifié les caractéristiques des exigences contestées et leur caractère nécessaire.

45      La BCE conteste cette argumentation.

46      À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 18 janvier 2024, Jenkinson/Conseil e.a., C‑46/22 P, EU:C:2024:50, point 130 et jurisprudence citée).

47      Il est de jurisprudence constante que, si la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, une telle motivation doit, toutefois, être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. Dans cette perspective, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, en fonction de l’intérêt que les destinataires de l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, points 85 et 87, et du 29 septembre 2022, ABLV Bank/CRU, C‑202/21 P, EU:C:2022:734, point 193 et jurisprudence citée).

48      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la BCE a procédé à une analyse des risques au regard des exigences de l’article 16, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1024/2013.

49      En particulier, la BCE a indiqué que la requérante et son groupe opèrent dans un cadre juridique devenu de plus en plus complexe en raison d’une multiplicité de régimes de mesures restrictives et de sanctions. La BCE a également identifié les aspects du droit russe qui créent des risques pour la gestion saine et la conformité. La BCE a notamment relevé qu’il est interdit aux filiales russes de partager des informations avec la requérante, y compris sur les clients dont les comptes et les transactions semblent suspects, et d’appliquer les sanctions occidentales en Russie. La BCE a rajouté que la direction de la requérante n’est pas en mesure de visiter les locaux d’AO UniCredit Bank et d’y rencontrer les dirigeants et le personnel locaux et que les organes visant à veiller sur la conformité du groupe ne peuvent pas effectuer d’inspections. La BCE a signalé que certaines dispositions russes visent à décourager et même à empêcher le respect du droit de l’Union, notamment en créant une menace de représailles et en interdisant les flux d’informations nécessaires. Dans ce contexte, le respect des obligations découlant du droit de l’Union pourrait être rendu plus difficile ou impossible. La BCE a conclu que ces facteurs sont susceptibles d’entraver la gestion efficace des risques en général et de menacer l’efficacité des systèmes de contrôle.

50      S’agissant du rapport entre les exigences imposées à la requérante et son profil de risque global, la BCE a estimé que, nonobstant les différentes mesures prises par la requérante, elle reste confrontée aux principaux obstacles à une couverture globale du risque de conformité. Selon la BCE, la requérante est exposée à une multitude de risques, qui ne se limitent pas à l’exposition financière directe, mais comprennent également la non-conformité aux exigences réglementaires, telles que celles relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, l’exposition aux sanctions opérationnelles, financières et la couverture des risques de réputation. La BCE relève que, par leur nature, ces risques ne peuvent pas être quantifiés de manière adéquate ou attribués à AO UniCredit Bank sans prendre en compte l’incidence au niveau consolidé

51      Il convient également de relever qu’une série d’échanges entre la BCE et la requérante ont eu lieu avant l’adoption de la décision attaquée dans le cadre du dialogue prudentiel engagé depuis 2022. Ainsi, la requérante disposait déjà d’éléments d’analyse concernant l’insuffisance des actions qu’elle avait planifiées pour réduire les risques.

52      S’agissant de l’argument selon lequel la BCE ne saurait présumer que la requérante enfreindra le régime des sanctions sans fournir de preuves détaillées et précises, il convient de relever que la BCE a indiqué les éléments factuels liés au cadre juridique russe et les problèmes de gestion des filiales qui augmenteraient le risque de manque de conformité.

53      En outre, il convient de relever que l’analyse prudentielle effectuée par la BCE est de nature prévisionnelle, en ce qu’elle porte sur des événements dont la survenance n’est pas certaine et dont l’incidence sur la capacité d’un établissement surveillé d’y faire face est difficilement mesurable. En vue de mener à bien cet exercice, la BCE dispose d’une large marge d’appréciation lui permettant de se fonder sur des scénarios qui ne sont pas dépourvus de vraisemblance. Toutefois, au regard de la nature prévisionnelle de cette analyse, la BCE ne saurait être tenue de prouver l’existence d’événements passés durant lesquels des risques comparables aux risques analysés se seraient matérialisés (voir en ce sens, arrêt du 4 mai 2023, BCE/Crédit lyonnais, C‑389/21 P, EU:C:2023:368, points 92 et 93).

54      S’agissant de la motivation de la proportionnalité des exigences contestées, il convient de relever que la BCE a exposé les raisons pour lesquelles le plan d’action de la requérante ou l’imposition d’exigences de capital et liquidité additionnelles ne seraient pas appropriés et suffisants pour répondre aux risques. Selon la BCE la cession des activités serait tout aussi efficace, mais cette mesure serait encore plus intrusive. La BCE est ainsi arrivée à la conclusion qu’il n’existe aucune autre mesure qui permettrait, de façon adéquate et proportionnée, de faire face aux risques associés aux activités de la requérante en Russie.

55      Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a, à première vue, pas démontré de façon suffisamment sérieuse que la BCE aurait manqué à son obligation de motivation et, partant, la présente branche n’est pas de nature à démontrer l’existence d’un fumus boni juris.

–       Sur la première branche du premier moyen, tiré d’un prétendu défaut d’instruction

56      La requérante soutient que la BCE n’aurait pris en considération, ni l’impossibilité pour la requérante de mettre en œuvre les exigences imposées par la décision attaquée en raison des restrictions découlant du cadre juridique russe, ni les actions qu’elle aurait déjà entreprises pour contrer les risques identifiés dans la décision attaquée.

57      En premier lieu, s’agissant de la prise en compte du cadre juridique russe, il convient de relever, premièrement, qu’il ressort du texte même de la décision attaquée que la BCE a elle-même mis en exergue les contraintes juridiques et opérationnelles découlant du cadre juridique russe. Il importe de constater que ce sont précisément ces contraintes et restrictions qui ont amené la BCE à adopter la décision attaquée étant donné qu’elles compliquent la gestion adéquate des risques par la requérante.

58      Deuxièmement, il convient de rappeler que, conformément à l’article 16, paragraphe 1, sous c) du règlement no 1024/2013, la BCE doit déterminer que les dispositifs, stratégies, processus et mécanismes mis en œuvre par l’établissement de crédit, et les fonds propres et liquidités que ce dernier détient n’assurent pas une gestion saine et une couverture de ses risques avant d’exiger des établissements de crédit qu’ils prennent les mesures nécessaires pour y remédier.

59      Or, ainsi qu’il a été déjà relevé au point 49 ci-dessus, la BCE a identifié les problèmes de gestion et de couverture de risques auxquels la requérante devrait remédier. Elle a évalué les actions entreprises par la requérante en concluant qu’elles ne sont pas suffisantes pour remédier aux risques identifiés. Elle a estimé que seules les exigences imposées seraient appropriées pour remédier aux risques, tout en précisant que la cession des activités serait aussi efficace mais plus intrusive que les exigences imposées. Il ressort ainsi, à première vue, des informations dont dispose le juge des référés, que la BCE a suffisamment instruit le dossier afin d’identifier les mesures nécessaires pour remédier aux risques. Dans ces conditions, il ne lui saurait être reproché d’avoir omis de procéder à un examen diligent et approprié des informations disponibles, avant d’adopter la décision attaquée.

60       Le fait que les mesures nécessaires pour remédier aux risques puissent éventuellement s’avérer incompatibles avec le droit russe est, a priori, dépourvu de pertinence au stade de l’analyse effectuée en application de l’article 16 du règlement no 1024/2013. À cet égard, il convient de relever que les arguments de la requérante visant, en substance, à contester le caractère approprié des exigences imposées par la décision attaquée en raison des risques résultant de la réglementation russe, doivent être appréciés dans le cadre du moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité.

61      Troisièmement, il convient de relever que, selon l’article 22 du règlement no 1024/2013, la BCE donne aux personnes faisant l’objet de la procédure aboutissant à l’adoption de décisions en matière de surveillance la possibilité d’être entendues préalablement à l’adoption de telles décisions. En effet, la BCE ne peut fonder ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations.

62      En l’espèce, avant d’adopter la décision attaquée, la BCE a communiqué à la requérante un projet de décision et la requérante a soumis ses observations par lettre du 19 février 2024. La BCE a répondu à ces observations par note explicative sous forme d’un tableau annexé à la décision attaquée.

63      Il ressort également du dossier devant le juge des référés que la requérante a fourni des informations complémentaires postérieurement à l’adoption de la décision attaquée.

64      Compte tenu du fait que la BCE ne disposait pas, au moment de l’adoption de la décision attaquée, des informations communiquées ultérieurement par la requérante, il ne saurait lui être reproché de ne pas les avoir prises en compte.

65      Ce constat est sans préjudice de la prise en considération de ces informations dans le cadre de l’analyse de la condition relative à l’urgence.

66      En second lieu, s’agissant de la prise en compte des actions déjà entreprises par la requérante, premièrement, il convient de relever que la requérante n’étaye pas son argumentation et ne précise pas quelles seraient les actions déjà entreprises qui n’auraient pas été suffisamment prises en compte et comment ces actions auraient pu répondre aux risques identifiés dans la décision attaquée.

67      Secondement, il ressort, à première vue, de la décision attaquée, que la BCE a bel et bien procédé à l’analyse des actions déjà entreprises par la requérante, en concluant au point 1.1.4.5 de la décision attaquée que plusieurs obstacles demeurent pour assurer une couverture compréhensive des risques identifiés.

68      Il résulte de ce qui précède que la première branche du premier moyen n’est pas de nature à démontrer l’existence d’un fumus boni iuris.

–       Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 16, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1024/2013

69      La requérante fait valoir, en substance, que la BCE n’aurait pas procédé à un « examen individuel » de sa situation et qu’elle n’aurait pas évalué si les dispositifs, stratégies, processus et mécanismes déjà mis en œuvre, et les fonds propres et les liquidités qu’elle détenait permettaient une gestion saine et la couverture de ses risques. La requérante soutient que la BCE aurait omis d’évaluer concrètement l’adéquation des mesures mises en œuvre par la requérante, d’identifier concrètement les risques auxquels la requérante serait exposée en cas de non-application des exigences, et de prendre en considération les risques qui découleraient de l’adoption des exigences contestées.

70      La BCE conteste cette argumentation.

71      En l’espèce, comme indiqué au point 49 ci-dessus, la BCE a identifié dans la décision attaquée les risques découlant des activités de la requérante en Russie en précisant les aspects du droit russe qui mettent en cause la gestion saine et la couverture des risques. Elle a procédé à l’analyse des actions déjà entreprises par la requérante en concluant à l’existence de déficiences ne permettant pas une gestion saine et la couverture des risques.

72      Partant, la requérante n’a pas démontré, à première vue, que la BCE aurait omis de procéder à un examen individuel dans le cadre de l’évaluation des conditions prévues par l’article 16, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1024/2013.

73      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent moyen n’est pas de nature à démontrer l’existence d’un fumus boni juris.

 Sur le deuxième moyen tiré de la violation du principe de bonne administration résultant du conflit d’obligations que la décision attaquée créerait dans le chef de la requérante

74      Par son deuxième moyen, divisé en deux branches, la requérante allègue, premièrement, que la BCE n’aurait pas tenu compte du fait que l’exécution de la décision attaquée placerait les organes de direction et de contrôle de la requérante face à un conflit d’obligations, puisqu’elle lui imposerait d’ordonner à sa filiale d’enfreindre la législation russe. Secondement, la requérante fait valoir un défaut de motivation.

75      Il convient de relever que par ce moyen, la requérante réitère, en substance, les arguments déjà avancés dans le cadre des deux premières branches de son premier moyen.

76      Partant, pour les mêmes motifs que ceux avancés dans le cadre de l’examen du premier moyen, il convient de conclure que le présent moyen n’est pas davantage de nature à démontrer l’existence d’un fumus boni juris.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’impossibilité d’exécution de la décision attaquée

77      La requérante se prévaut du principe selon lequel à l’impossible nul n’est tenu, principe qui exigerait des institutions de s’assurer, avant l’adoption d’une décision, que celle-ci puisse être exécutée. La requérante soutient qu’elle se trouverait dans l’impossibilité absolue d’exécuter la décision attaquée en raison des obstacles découlant du cadre réglementaire russe qui lui sont étrangers et n’auraient pas pu être surmontés même en faisant preuve de la plus grande diligence. Elle affirme que ces obstacles existaient au moment de l’adoption de la décision attaquée et auraient pu être détectés par la BCE.

78      La BCE conteste cette argumentation.

79      À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que la requérante ne saurait se prévaloir du droit russe et des aléas de son application par les autorités russes pour se soustraire à ses obligations découlant du droit de l’Union. Ce sont justement les contraintes découlant de la réglementation russe qui ont amené la BCE à imposer les mesures prévues par la décision attaquée. Or, en tant qu’entité soumise à la surveillance prudentielle de la BCE, la requérante est tenue de remédier aux risques prudentiels identifiés par la BCE.

80      En second lieu et en tout état de cause, il est à relever que, sur la base des informations soumises devant le juge des référés, les seuls arguments visant à démontrer l’impossibilité absolue d’exécution, dont disposait la BCE au moment de l’adoption de la décision attaquée, étaient les observations de la requérante du 19 février 2024 sur le projet de la décision attaquée.

81      Or, il ressort, à première vue, de ces observations que la requérante se borne à invoquer dans des termes généraux l’incompatibilité des exigences imposées par la décision attaquée avec le droit russe.

82      En particulier, pour illustrer l’impossibilité absolue d’exécuter la décision attaquée, la requérante se prévaut, notamment, de l’interdiction alléguée d’accepter de nouveaux dépôts à terme. Toutefois, la requérante se limite à citer plusieurs dispositions du droit russe sans fournir des explications additionnelles sur leur pertinence et application concrète. Il n’est pas clair si ces dispositions imposent des interdictions directement applicables ou s’il s’agit de normes de droit civil dont les clients actuels ou potentiels pourraient se prévaloir dans le cadre de procédures de plaintes devant les autorités compétentes.

83      S’agissant plus précisément des mesures prévues par le droit russe en cas de violation systémique de son cadre réglementaire, il convient de constater que la requérante n’a pas démontré les cas de non-respect répété du droit russe qui l’exposeraient à de telles mesures.

84      S’agissant de l’établissement d’une liste blanche, il convient de rappeler que la décision attaquée n’oblige pas la requérante à établir une telle liste, mais la propose comme un outil de gestion des risques et, partant, comme une alternative à la cession de certains services.

85      S’agissant des informations communiquées à la BCE postérieurement à la décision attaquée, il ne saurait être reproché à la BCE de ne pas les avoir pris en compte.

86      Ce constat est sans préjudice de la possibilité pour la BCE de prendre ces éléments en considération lors de l’évaluation de la mise en œuvre des exigences imposées à la requérante et, le cas échéant, lors de son appréciation de la nécessité de lui imposer une sanction en cas de non-respect. La BCE a d’ailleurs confirmé elle-même dans ses réponses aux observations de la requérante sur le projet de décision que si la requérante démontre l’impossibilité juridique de mettre en place les exigences, elle en tiendra compte.

87      Partant, il convient de conclure que le présent moyen n’est pas de nature à démontrer l’existence d’un fumus boni juris.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

88      La requérante fait valoir, en substance, que les exigences imposées par la décision attaquée seraient disproportionnées dans la mesure où les risques auxquels elles visent à remédier seraient hypothétiques, non étayés et abstraits, alors que le préjudice qu’elle devrait subir est important et concret.

89      À cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 50, et du  6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 206).

90      L’appréciation de la proportionnalité d’une mesure doit se concilier avec le respect de la marge d’appréciation éventuellement reconnue aux institutions de l’Union à l’occasion de son adoption (voir arrêt du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, point 53 et jurisprudence citée).

91      En l’espèce, il convient de relever en premier lieu que le règlement no 1024/2013 a pour but de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union. En outre, l’objectif des mesures adoptées en application de l’article 16, paragraphe 1, dudit règlement est de remédier à un stade précoce aux risques identifiés dans le cadre de l’examen prudentiel effectué par la BCE.

92      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante relatif au caractère hypothétique des risques, comme indiqué au point 53 ci-dessus, la BCE doit se fonder, dans le cadre de la large marge d’appréciation dont elle dispose, sur des scénarios qui ne sont pas dépourvus de vraisemblance au regard des données disponibles, sans qu’elle soit pour autant tenue de prouver l’existence d’événements passés présentant les mêmes caractéristiques que le scénario analysé.

93      En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la BCE n’aurait pas envisagé des mesures moins intrusives, il convient de constater, comme indiqué au point 54 ci-dessus, que la BCE a exposé les raisons pour lesquelles le plan d’action de la requérante ou l’imposition d’exigences de capital et de liquidité additionnelles ne seraient pas appropriés et suffisants pour répondre aux risques identifiés. La BCE a également indiqué, à juste titre, que la cession des activités serait une mesure tout aussi efficace, mais qu’il ne s’agirait pas d’une mesure moins intrusive. C’est donc, de prime abord, à juste titre que la BCE est arrivée à la conclusion qu’il n’existe aucune autre mesure qui permettrait de faire face aux risques associés aux activités de la requérante en Russie alors que la requérante ne fait pas état de mesures moins contraignantes permettant de parvenir au même objectif.

94      En quatrième lieu, s’agissant de la prétendue violation de l’article 52 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il convient de relever que la requérante n’avance aucun argument concret pour démontrer une telle violation. Elle se borne, au point 71 de la demande en référé, à affirmer que les restrictions apportées à son droit de propriété et à sa liberté d’entreprise sont disproportionnées sans préciser comment la décision attaquée aurait violé ses droits fondamentaux.

95      Il résulte de ce qui précède que le présent moyen n’est pas de nature à démontrer l’existence d’un fumus boni juris.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’incompétence de la BCE pour adopter la décision attaquée

96      La requérante fait valoir, en substance, que la décision attaquée produirait des effets sur les filiales russes, alors que les pouvoirs conférés à la BCE par l’article 16 du règlement no 1024/2013 pourraient être exercés uniquement à l’encontre des sociétés établies dans les États membres participants.

97      La BCE conteste cette argumentation.

98      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que la décision attaquée est adressée exclusivement à la requérante en tant que société mère du groupe UniCredit et en tant qu’établissement de crédit soumis à la surveillance prudentielle de la BCE.

99      En deuxième lieu, il convient de relever que le considérant 26 du règlement no 1024/2013 précise que les risques menaçant la sécurité et la solidité d’un établissement de crédit peuvent survenir tant au niveau de l’établissement de crédit proprement dit qu’au niveau du groupe bancaire ou du conglomérat financier auquel il appartient. Pour garantir la sécurité et la solidité des établissements de crédit, il est important de prévoir des dispositions en matière de surveillance qui visent spécifiquement à atténuer ces risques. Outre la surveillance au niveau des établissements de crédit proprement dits, la BCE devrait aussi avoir pour mission d’exercer sa mission de surveillance également sur une « base consolidée ».

100    Il résulte de ce qui précède que, à première vue, la BCE peut exercer une surveillance consolidée des risques auxquels la requérante est exposée, y compris des risques découlant des activités de ses filiales en Russie.

101    En troisième lieu, il importe de souligner que l’article 16, paragraphe 2, sous e) et sous f), du règlement no 1024/2013 prévoit explicitement le pouvoir de la BCE de restreindre ou limiter l’activité économique, les opérations ou le réseau des établissements, ou demander la cession des activités qui font peser des risques excessifs sur la solidité d’un établissement, ainsi que d’exiger la réduction du risque inhérent aux activités, aux produits et aux systèmes des établissements. Ainsi, à première vue, la BCE était compétente pour imposer les exigences contenues dans la décision attaquée.

102    Partant, il convient de conclure que le présent moyen n’est pas de nature à démontrer l’existence d’un fumus boni juris.

103    Il résulte de tout ce qui précède que les moyens invoqués par la requérante dans la présente procédure de référé ne sont pas de nature, en l’état et à première vue, à démontrer l’existence d’un fumus boni juris.

 Sur la condition relative à l’urgence

104    Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

105    S’il est exact que, pour établir l’existence d’un préjudice grave et irréparable, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance du préjudice soit établie avec une certitude absolue et qu’il suffit que celui-ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n’en reste pas moins que la partie qui sollicite une mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel dommage grave et irréparable [ordonnance du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), EU:C:1999:608, point 67].

106    Par ailleurs, aux termes de l’article 156, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure, les demandes en référé « contiennent toutes les preuves et offres de preuves disponibles, destinées à justifier l’octroi des mesures provisoires ».

107    Ainsi, une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle‑ci se fonde devant ressortir du texte même de ladite demande (voir ordonnance du 6 septembre 2016, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P‑R, non publiée, EU:C:2016:668, point 17 et jurisprudence citée).

108    Il est également de jurisprudence constante que, pour pouvoir apprécier si toutes les conditions mentionnées au point 104 ci‑dessus sont remplies, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir ordonnance du 29 février 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, T‑732/15 R, non publiée, EU:T:2016:129, point 39 et jurisprudence citée).

109    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la requérante parvient à démontrer l’urgence.

110    En l’espèce, pour démontrer le caractère grave et irréparable du préjudice invoqué, la requérante fait valoir, en premier lieu et en substance, que la mise en place des exigences imposées par la décision attaquée entraînerait des conséquences très graves au regard du droit russe.

111    En deuxième lieu la requérante affirme que la décision attaquée entraînerait le risque de perte du contrôle et de la propriété des filiales russes, avec des conséquences potentielles sur la stabilité de la requérante elle-même.

112    En troisième lieu, la requérante soutient que l’exécution de la décision attaquée emporterait des sanctions personnelles très graves pour le personnel de direction des filiales russes.

113    La BCE conteste l’argumentation de la requérante.

114    À cet égard, en premier lieu, s’agissant du dommage qui résulterait de l’incompatibilité de la décision attaquée avec le cadre réglementaire russe, il convient, premièrement, de relever, que l’existence d’une telle incompatibilité n’est pas constitutive en soi d’un dommage. Il appartient toujours à la requérante d’exposer et d’établir la probable survenance d’un préjudice dans son cas particulier. Or, la requérante n’a pas présenté, dans le cadre de son argumentation relative à la condition de l’urgence d’éléments permettant d’identifier la survenance d’un dommage et d’apprécier son caractère grave et irréparable.

115    Deuxièmement il convient de constater, en tout état de cause, que, même sur la base des éléments avancés par la requérante en ce qui concerne la condition relative au fumus boni juris, la condition relative à l’urgence n’est pas remplie en l’espèce. En effet, les conséquences négatives découlant de l’incompatibilité avec la réglementation russe alléguées par la requérante sont constitutives d’un dommage de nature pécuniaire.

116    En effet, il ressort notamment de la lettre du 23 mai 2024 et de son annexe que les risques allégués auxquels la requérante prétend s’exposer sont les suivants : révocation de son agrément bancaire, mise sous administration temporaire, perception d’une amende, engagement de sa responsabilité civile et administrative et imposition d’une administration provisoire.

117    En outre, au point 43 de sa demande en référé, la requérante indique elle-même que des risques très graves conduiraient, en substance, à réduire à zéro la valeur de sa participation dans AO Unicredit Bank.

118    À cet égard, il importe de rappeler qu’un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur le fondement des articles 268 et 340 TFUE [voir ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 24 et jurisprudence citée].

119    Toutefois, lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées se justifient s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie qui les sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques du groupe auquel elle appartient (voir ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 46 et jurisprudence citée).

120    En l’espèce, la requérante n’a fourni aucune information permettant d’identifier avec précision et de quantifier le préjudice pécuniaire qui serait susceptible de survenir. En particulier, la requérante n’a présenté aucune preuve démontrant, eu égard à sa taille et son chiffre d’affaires, ainsi qu’aux caractéristiques du groupe dont elle est à la tête, que les événements supposés mettraient effectivement en danger sa stabilité financière.

121    Troisièmement, il convient de relever, qu’il ressort de la jurisprudence que le sursis à l’exécution d’un acte de l’Union n’est justifié que si cet acte constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué [voir, en ce sens, ordonnance du 7 mars 2013, EDF/Commission, C‑551/12 P(R), EU:C:2013:157, point 41 et jurisprudence citée]. Il convient donc d’écarter les dommages qui seraient imputables à d’autres facteurs, tels que les réactions de tiers provoquées par la décision attaquée (ordonnance du 29 février 2024, Neuraxpharm Pharmaceuticals/Commission, T‑1182/23 R, non publiée, EU:T:2024:138, point 38).

122    Il convient de souligner que la requérante a elle-même, affirmé que le cadre réglementaire local est particulièrement hostile et imprévisible. En effet, la Russie a imposé un certain nombre de mesures de rétorsion, qui visent en particulier les entités établies dans ce que la Russie considère comme des « États hostiles », catégorie qui inclut la requérante. La requérante admet que les dispositions russes visent à décourager et même à empêcher le respect du droit de l’Union, notamment en créant une menace de représailles et en interdisant les flux d’informations nécessaires.

123    En particulier, il ressort du résumé de la décision de la BCR établi par AO UniCredit Bank et transmis par la requérante au Tribunal par lettre du 7 septembre 2024, que la BCR interdit à AO UniCredit Bank toute limitation des services aux clients de la banque, toute limitation des services sur la base de critères discriminatoires, ainsi que le transfert à la requérante ou aux membres du groupe bancaire d’UniCredit des informations sur les clients de la banque aux fins de la création de tout registre, y compris une liste blanche. En outre, l’AO UniCredit Bank est avertie de sa responsabilité civile et pénale qui pourrait être engagée en cas de non-respect de la décision de la BCR. La BCR rappelle que, dans la mesure où la violation de la décision contraignante serait constitutive d’une menace pour les créanciers et déposants de la banque, elle se réserve le droit de recourir à d’autres mesures comme le remplacement de la direction de AO UniCredit Bank ou la mise de la filiale sous son administration temporaire.

124    Il convient cependant de noter que la BCR ne se prononce pas sur la conformité avec le droit russe des exigences imposées par la décision attaquée ni sur les instructions données par la requérante à AO UniCredit Bank. En effet, la BCR a procédé à l’adoption d’une décision interdisant à la filiale de la requérante une série de pratiques, sans établir de lien entre ces pratiques et la décision attaquée. Il s’ensuit que les éventuels dommages liés au non-respect de la décision de la BCR ne seraient pas imputables à la décision attaquée.

125    Quatrièmement, ainsi que relevé par la BCE dans ses observations, la décision attaquée ne contient aucune sanction directement applicable à la requérante. En effet, toute sanction susceptible d’être imposée par la BCE devrait faire l’objet d’une procédure distincte et indépendante conformément à l’article 18 du règlement no 1024/2013 dans le cadre duquel la BCE serait appelée à exercer son pouvoir d’appréciation compte tenu des violations concrètes examinées. Dans ce cadre, la requérante pourrait mettre en avant une éventuelle impossibilité juridique de mise en oeuvre des exigences imposées par la décision attaquée en raison des restrictions imposées par le cadre juridique russe, qui pourrait encore évoluer de manière imprévisible.

126    En outre, la requérante aurait toujours la possibilité d’introduire un recours à l’encontre d’une éventuelle décision de sanction de la BCE, le cas échéant assorti d’une nouvelle demande de mesures provisoires.

127    En deuxième lieu, s’agissant du dommage lié au risque de perte du contrôle et de la propriété des filiales russes, il convient de relever, premièrement, que la requérante ne fournit aucun élément dans sa demande en référé permettant de comprendre comment ce préjudice pourrait se matérialiser ou les raisons menant à penser qu’il serait de nature grave et irréparable.

128    Deuxièmement, il convient de constater que le préjudice découlant de la perte de contrôle et de la propriété des filiales serait de nature pécuniaire.

129    Or, ainsi qu’il ressort des points 118 et 119 ci-dessus, un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable.

130    En l’espèce, la requérante n’a fourni aucune information permettant d’identifier avec précision et de quantifier le préjudice pécuniaire qui serait susceptible de survenir.

131    Troisièmement, il convient de souligner que la requérante connaissait les risques liés au maintien de ses activités en Russie. Elle a, elle-même, affirmé que le cadre réglementaire local est particulièrement hostile et en évolution constante en vertu de dynamiques locales qui ne sont pas toujours prévisibles ou ne relèvent pas toujours de processus démocratiques et dont l’interprétation et l’application pourraient de toute évidence être affectées par l’état de guerre.

132    En outre, la requérante n’a pas fait valoir qu’elle aurait fait des efforts pour limiter son préjudice.

133    Quatrièmement, s’agissant des conséquences potentielles sur la stabilité de la requérante du fait de la perte de contrôle ou de la propriété des filiales russes, il convient de constater que la requérante n’a présenté aucun élément pour étayer cette allégation.

134    En troisième lieu, s’agissant du dommage lié aux potentielles sanctions personnelles très graves pour le personnel de direction des filiales russes, il convient de relever que la requérante se borne à indiquer que les exigences imposées par la décision attaquée emporteraient de telles sanctions sans fournir de précision complémentaire.

135    À supposer que la requérante ait entendu se référer aux allégations figurant dans le développement consacré au premier moyen, il convient de noter qu’elle s’est bornée à indiquer que les exigences imposées par la décision attaquée pourraient exposer les représentants de ses filiales au risque de poursuites pénales pour des infractions de faillite frauduleuse et d’abus de pouvoir. Cette allégation n’est toutefois nullement étayée par des arguments concrets.

136    À supposer que la requérante ait entendu se référer aux sanctions qui seraient susceptibles d’être infligées en raison d’un transfert de données en vue de l’établissement d’une liste blanche, il convient de constater que la requérante demeure libre de ne pas exiger de sa filiale l’établissement d’une liste blanche, si elle décide d’arrêter les services de paiement originaire de la Russie. Partant, la survenance d’un préjudice du fait de l’établissement d’une liste blanche demeure hypothétique et ne présente donc pas un degré de probabilité suffisant au sens de la jurisprudence citée au point 105 ci-dessus.

137    Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de constater que la condition relative à l’urgence n’est pas remplie en l’espèce, la survenance probable, pour la requérante, d’un préjudice grave et irréparable n’étant pas établie à suffisance de droit.

 Sur la mise en balance des intérêts

138    Selon une jurisprudence bien établie, la mise en balance des intérêts consiste pour le juge des référés à déterminer si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à en obtenir l’octroi prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de l’acte litigieux en examinant, plus particulièrement, si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui serait provoquée par son exécution immédiate et, inversement, si le sursis à l’exécution dudit acte serait de nature à faire obstacle à son plein effet, au cas où le recours principal serait rejeté (voir ordonnance du 26 juin 2003, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 R et C‑217/03 R, EU:C:2003:385, point 142 et jurisprudence citée).

139    S’agissant plus particulièrement de la condition selon laquelle la situation juridique créée par une ordonnance de référé doit être réversible, il y a lieu de relever que la finalité de la procédure de référé se limite à garantir la pleine efficacité de la future décision au fond. Par conséquent, cette procédure a un caractère purement accessoire par rapport à la procédure principale sur laquelle elle se greffe, de sorte que la décision prise par le juge des référés doit présenter un caractère provisoire, en ce sens qu’elle ne saurait ni préjuger du sens de la future décision au fond ni la rendre illusoire en la privant d’effet utile (voir ordonnance du 1er septembre 2015, Pari Pharma/EMA, T‑235/15 R, EU:T:2015:587, point 65 et jurisprudence citée).

140    L’objet même de la mise en balance des intérêts en présence est d’apprécier si, malgré l’atteinte portée aux intérêts du demandeur que constitue le risque pour lui de subir un préjudice grave et irréparable, la prise en compte des intérêts liés à l’exécution immédiate de la décision attaquée est de nature à justifier le refus d’accorder les mesures provisoires demandées [voir ordonnance du 27 mars 2024, Commission/Amazon Services Europe, C‑639/23 P(R), EU:C:2024:277, point 150 et jurisprudence citée].

141    Il convient donc d’examiner si les intérêts de la requérante à obtenir la suspension des exigences contestées imposées par la décision attaquée prévalent sur ceux poursuivis par la BCE par l’adoption de cette décision.

142    En l’espèce, il convient de relever tout d’abord que la requérante ne consacre aucun développement à la mise en balance des intérêts en présence.

143    S’agissant des intérêts poursuivis par la décision attaquée, la BCE, soutient que les exigences imposées par la décision attaquée étaient nécessaires pour atteindre l’objectif d’intérêt public visant à garantir la gestion saine et prudente de la requérante, ainsi que sa solidité financière. L’exécution de la décision attaquée s’explique par la nécessité de limiter les risques associés à ces activités et de faire en sorte que, s’ils devaient se réaliser, leur incidence soit la plus limitée possible. La BCE fait valoir que l’intérêt public à ce que la requérante fonctionne selon le principe d’une gestion saine et prudente vise à protéger non seulement la banque elle-même et ses déposants, mais aussi la stabilité du marché unique dans son ensemble.

144    À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que l’article 1er du règlement no 1024/2013 confie à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit afin de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

145    En outre, l’article 16 du règlement no 1024/2013 habilite la BCE à exiger des établissements de crédit de prendre à un stade précoce les mesures nécessaires pour remédier aux problèmes qu’elle constate. Cette disposition illustre l’importance que le législateur attache à la mise en place de mesures adéquates le plus vite possible pour éviter la matérialisation des risques identifiés.

146    En second lieu, la requérante, elle-même, a affirmé que le cadre réglementaire russe est particulièrement hostile et en évolution constante en vertu de dynamiques locales qui ne sont pas toujours prévisibles ou qui ne correspondent pas aux normes issues de processus démocratiques. En outre, leur interprétation et application dépendent de l’évolution de la guerre menée par la Russie en Ukraine.

147    Il résulte de ce qui précède que l’intérêt de la requérante doit céder devant l’intérêt défendu par la BCE.

148    À la lumière de tout ce qui précède, il convient dès lors de rejeter la présente demande en référé.

149    En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

150    Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 22 novembre 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : l’italien.

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