BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?
No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | ||
Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
||
You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> PT v Commission (Civil service - Members of the contract staff - Retirement pension - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-367/22 (25 September 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T36722.html Cite as: ECLI:EU:T:2024:654, EU:T:2024:654, [2024] EUECJ T-367/22 |
[New search] [Contents list] [Help]
ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)
25 septembre 2024 (*)
« Fonction publique – Agents contractuels – Pension d’ancienneté – Droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union – Transfert vers le régime de l’Union – Fixation des droits à pension – Règle du “minimum vital” – Absence de remboursement des droits à pension nationaux transférés – Exception d’illégalité – Article 77, quatrième alinéa, du statut – Égalité de traitement »
Dans l’affaire T‑367/22,
PT, représentée par Me S. Orlandi, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mmes M. Brauhoff et G. Niddam, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Parlement européen, représenté par M. J. Van Pottelberge et Mme M. Windisch, en qualité d’agents,
et par
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer et Mme X. Chamodraka, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
LE TRIBUNAL (dixième chambre),
composé de Mme O. Porchia (rapporteure), présidente, MM. P. Nihoul et S. Verschuur, juges,
greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– la décision du 7 octobre 2022 admettant le Parlement et le Conseil à intervenir au soutien de la Commission,
– les mesures d’organisation de la procédure du 27 octobre 2023 et les réponses des parties déposées au greffe du Tribunal le 13 novembre 2023,
à la suite de l’audience du 6 février 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, PT, demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 4 octobre 2021 fixant ses droits à pension d’ancienneté (ci-après la « décision attaquée »).
Faits à l’origine du litige
2 Après avoir travaillé du [confidentiel] (1) au [confidentiel] au sein de plusieurs institutions de l’Union européenne, la requérante a travaillé, du [confidentiel] au [confidentiel], en tant qu’agent contractuel de la Commission.
3 Les [confidentiel] et [confidentiel], la requérante a fait une demande de transfert vers le régime des pensions des institutions de l’Union (ci-après le « RPIUE ») de ses droits à pension acquis dans le cadre du régime de pension [confidentiel] préalablement à son entrée au service de l’Union. Elle a aussi demandé la régularisation de ses périodes d’auxiliariat en combinaison avec ce transfert, étant donné que ses contributions, pendant la période d’auxiliariat, avaient été payées dans le régime national de pension de la [confidentiel].
4 Le 23 mai 2013, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission a fourni à la requérante une estimation relative à sa demande de transfert des droits à pension nationaux. À la suite de l’accord donné par la requérante le 12 juillet 2013 sur la proposition de validation de la période d’auxiliariat en combinaison avec le transfert vers le RPIUE des droits à pension nationaux, la [confidentiel] a effectué un paiement de 201 271,60 euros.
5 Par décision du 25 novembre 2013, le PMO a reconnu à la requérante 3 années, 9 mois et 28 jours d’auxiliariat comme périodes de prestation en tant qu’agent temporaire, en combinaison avec le transfert de ses droits à pension nationaux. Un tel transfert a donné lieu à une bonification en termes d’annuités dans le RPIUE de 12 ans, 10 mois et 17 jours.
6 Le 27 novembre 2013, le PMO a remboursé à la requérante le montant de 24 805,75 euros correspondant à la part du montant transférable ne pouvant être prise en compte.
7 Le 21 avril 2021, la requérante a demandé la jouissance de sa pension d’ancienneté de façon anticipée, avec effet au 1er novembre 2021, date à laquelle elle a atteint l’âge de [confidentiel]. Elle a été admise à la retraite anticipée avec effet au [confidentiel].
8 Le 4 octobre 2021, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci‑après l’« AHCC ») de la Commission a envoyé à la requérante la décision attaquée, dont il ressort que la pension d’ancienneté de celle-ci a été calculée en application de la règle du minimum vital, conformément à l’article 77, quatrième alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »). Cette pension s’élève à 1 662,29 euros, soit un montant supérieur à celui de la pension d’ancienneté calculée conformément au deuxième alinéa dudit article. En effet, en prenant en compte les annuités bonifiées au titre du transfert de ses droits à pension nationaux et après la déduction résultant du départ à la retraite anticipée de la requérante, le montant de sa pension d’ancienneté aurait été de 48,92 % du dernier traitement de base et se serait élevé à un montant de base de 1 635,38 euros.
9 Le 23 novembre 2021, la requérante a introduit, à titre principal, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation à l’encontre de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, une demande indemnitaire visant à obtenir le remboursement de l’intégralité du capital représentant les droits à pension nationaux qu’elle a transférés vers le RPIUE, actualisé à la date du remboursement.
10 Par décision du 22 mars 2022, l’AHCC de la Commission a rejeté la réclamation introduite contre la décision attaquée.
Conclusions des parties
11 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
12 La Commission, soutenue par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
13 À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré d’une exception d’illégalité de l’article 77, quatrième alinéa, du statut.
14 La requérante indique ne remettre en cause ni le transfert de ses droits à pension nationaux vers le RPIUE ni la hauteur de la contrepartie du transfert, mais conteste la légalité de la décision attaquée en ce que l’article 77, quatrième alinéa, du statut ne prévoit pas le remboursement des droits transférés qui n’ont pas été pris en compte pour fixer le montant de sa pension d’ancienneté, alors que cette disposition ne fixe pas comme condition, afin de pouvoir bénéficier de la règle du minimum vital, d’avoir transféré les droits à pension acquis avant l’entrée en service. Cette disposition devrait être déclarée illégale et laissée inappliquée, l’appropriation des droits à pension nationaux transférés sans contrepartie étant, selon la requérante, injustifiée.
15 La requérante soutient aussi, à titre subsidiaire, que, si l’article 77 du statut ne s’oppose pas en lui-même au remboursement des droits transférés, il y a lieu de déclarer illégales les mesures d’exécution relatives aux articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut (ci-après les « DGE »), en ce que celles-ci ne prévoient pas le remboursement des droits à pension nationaux transférés qui ne sont pas pris en compte pour le calcul des droits à pension.
16 La requérante invoque le point 104 de l’arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (T‑702/16 P, EU:T:2018:557), et soutient que, si l’AHCC de la Commission ne rembourse pas le capital correspondant aux droits à pension nationaux transférés non pris en compte lors de la liquidation de la pension d’ancienneté, un recours peut être introduit contre l’acte portant liquidation des droits à pension.
17 La requérante précise que cela n’affecte pas le principe de solidarité du RPIUE, dès lors que la règle visée à l’article 77, quatrième alinéa, du statut ne s’appliquerait pas sous la condition du transfert des droits à pension nationaux. L’esprit du RPIUE ne serait pas de considérer le transfert des droits à pension nationaux comme source de financement du système de pension et la Commission ne pourrait donc pas justifier la décision de conserver les droits à pension nationaux transférés qui ne sont pas indispensables au mécanisme de financement du régime de pension.
18 L’objectif du droit au transfert serait de lever un obstacle à la liberté de circulation des travailleurs, permettant de faciliter le recrutement dans la fonction publique de l’Union, et non de spolier les agents recrutés de leurs droits à pension en cas d’application de plein droit de la règle du minimum vital. L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut aurait pour objectif d’augmenter l’attractivité de la fonction publique de l’Union. Cet objectif ne serait pas atteint si les fonctionnaires ou les agents devaient assumer le risque que les droits à pension transférés ne produisent aucun effet sur leur pension, du fait de l’application de la règle du minimum vital. Aucune raison objective et proportionnelle ne pourrait être identifiée pour justifier que l’Union garde les droits à pension nationaux transférés, en pure perte pour les intéressés, et le législateur n’aurait pas manifesté la volonté que soient conservés ces droits à pension dans le RPIUE, sans contrepartie pour les intéressés, en cas d’application de la règle du minimum vital. La requérante ajoute que, par l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, le législateur a voulu permettre à l’agent de regrouper ses droits à pension acquis dans différents régimes.
19 Le fait que le transfert des droits à pension nationaux soit risqué signifierait seulement que la liquidation des droits à pension dépend d’une série de facteurs qui ne sont pas connus lors du transfert. Il serait erroné de prétendre que toutes les informations relatives à la liquidation des droits à pension étaient communiquées au moment du transfert.
20 La requérante ajoute que la règle du minimum vital ne s’applique pas à titre subsidiaire, mais à titre principal, sans condition de transfert des droits à pension nationaux. Ainsi, il ne pourrait pas être soutenu que les droits à pension nationaux transférés ont été pris en compte pour déterminer le montant qui lui est versé au titre de la pension calculée sur la base du minimum vital.
21 Les annuités reconnues lors du transfert, en contrepartie du capital transféré au titre des droits à pension nationaux, ne seraient prises en compte ni pour le calcul des dix années de service ouvrant droit à une pension au sens de l’article 77, premier alinéa, du statut ni pour le calcul de la pension au titre du quatrième alinéa de cet article. Les cotisations versées au RPIUE dans le cadre d’une relation de travail entre un agent et une institution de l’Union ne seraient pas comparables au capital transféré au titre d’une activité professionnelle exercée antérieurement à l’entrée en fonction dans les institutions.
22 Ainsi, le sort des annuités reconnues au titre d’un transfert de droits à pension nationaux ne serait pas le même que celui des années de service pour l’application de l’article 77, premier et quatrième alinéas, du statut. La Commission confondrait les droits à pension transférés vers le RPIUE au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et les cotisations versées au RPIUE, lorsqu’elle se réfère à l’article 38 de ladite annexe. Cette dernière disposition viserait le remboursement des contributions irrégulièrement perçues, à savoir celles visées à l’article 36 de l’annexe VIII du statut, lesquelles supposeraient la perception d’un traitement ou d’une allocation d’invalidité dans les conditions visées par le statut et non le versement d’un capital représentant des droits à pension acquis dans le cadre d’une relation de travail de l’intéressé avec une des institutions de l’Union. La requérante souligne que l’excédent pécuniaire en raison du plafonnement des annuités reconnues au moment du transfert est remboursé et se réfère à cet égard à l’article 41 de l’annexe VIII du statut, lequel prévoit que les pensions peuvent être révisées à tout moment en cas d’erreur ou d’omission de quelque nature que ce soit.
23 Le refus de remboursement des droits à pension nationaux transférés serait aussi contraire au principe d’égalité de traitement, dès lors qu’un agent qui n’a pas procédé au transfert percevrait la même pension que la requérante, tout en conservant ses droits à pension acquis auprès d’un autre régime ou fonds de pension. Plus particulièrement, la requérante estime qu’il n’est pas conforme au principe de non-discrimination de réserver le même traitement à des bénéficiaires de la règle du minimum vital qui ne se trouvent pas dans la même situation et de ne pas prendre en compte, au moment de la liquidation de ses propres droits à pension, les droits à pension nationaux qu’elle a transférés vers le RPIUE. L’AHCC de la Commission n’aurait avancé aucune justification pour expliquer un tel traitement différent et disproportionné. L’absence de prise en compte de la distinction entre ceux qui ont transféré leurs droits à pension nationaux et ceux qui ne l’ont pas fait constituerait une discrimination injustifiée.
24 En outre, l’affaire ayant donné lieu aux arrêts du 4 mai 2023, KY/Cour de justice de l’Union européenne (C‑100/22 P, non publié, EU:C:2023:377), et du 1er décembre 2021, KY/Cour de justice de l’Union européenne (T‑433/20, non publié, EU:T:2021:840), serait distincte de la présente affaire, en ce que les annuités bonifiées à la suite du transfert auraient été prises en compte pour fixer le montant de la pension de la partie requérante. Celle-ci n’aurait pas bénéficié du minimum vital.
25 La requérante soutient avoir établi son appauvrissement du fait du transfert de ses droits à pension nationaux. Cet appauvrissement résulterait de l’absence de prise en compte des annuités reconnues au titre dudit transfert. Ses droits à pension nationaux transférés lui appartiendraient.
26 La question posée serait ainsi de déterminer si, au moment de la liquidation des droits à pension d’ancienneté, et non au moment du transfert des droits à pension nationaux, le refus de remboursement de ces derniers constitue une appropriation justifiée ou un enrichissement sans cause. L’application de la règle du minimum vital serait un élément nouveau et substantiel, non connu lors du transfert, qui devrait conduire l’AHCC de la Commission à s’interroger sur le caractère justifié de la conservation des droits à pension nationaux transférés qui, bien qu’ayant donné lieu à bonification, ne conduiraient pas à augmenter le montant de la pension.
27 La Commission ne fournirait aucun élément pour démontrer le caractère substantiel de l’impact budgétaire du remboursement des droits à pension nationaux transférés et de l’impact sur le financement du RPIUE. De même, ce serait sans justification qu’elle invoque des difficultés insurmontables d’ordre administratif et financier au remboursement. Elle ne démontrerait pas qu’il est juste de conserver un tel mode de financement du RPIUE, non prévu par le statut, et il serait choquant de prétendre que la requérante renierait sa parole, le transfert n’ayant pas été accepté à titre de faveur, mais parce qu’il s’agit d’un droit des agents de la fonction publique de l’Union, visant à rendre les institutions de l’Union plus attractives. Les informations communiquées par la Commission auraient évolué et, désormais, il serait signalé que le transfert des droits à pension nationaux acquis avant l’entrée au service de l’Union n’est presque jamais intéressant pour les catégories de personnel des groupes de fonctions I et II, ce qui n’était pas le cas auparavant. En tout état de cause, quelle que soit la décision sur le transfert, cela ne justifierait en rien le refus de rembourser les droits transférés.
28 La Commission, soutenue par le Parlement et le Conseil, conteste l’argumentation de la requérante.
29 À cet égard, il convient de rappeler que, par la décision attaquée, l’AHCC de la Commission a calculé la pension d’ancienneté de la requérante en appliquant la règle du minimum vital prévue à l’article 77, quatrième alinéa, du statut.
30 La requérante estime que, dans la mesure où elle a obtenu seulement le minimum vital, sans le remboursement de ses droits à pension nationaux transférés, la décision attaquée est illégale. Elle invoque, par la voie d’une exception au titre de l’article 277 TFUE, l’illégalité de l’article 77, quatrième alinéa, du statut, en ce que cette disposition violerait le principe d’égalité de traitement en ne prévoyant pas ce remboursement et, à titre subsidiaire, pour les mêmes raisons, l’illégalité des DGE.
31 À titre liminaire, il convient de rappeler que, en application de l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.
32 Selon une jurisprudence constante de la Cour, cette disposition constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui lui est adressée, la validité des actes de portée générale qui forment la base d’une telle décision (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 67 et jurisprudence citée).
33 L’article 277 TFUE n’ayant pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de portée générale que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, l’acte dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 68 et jurisprudence citée).
34 Tel est le cas en l’espèce où, par son recours, la requérante entend, comme elle l’a confirmé à l’audience, contester la légalité de la décision attaquée en se prévalant de l’illégalité de l’article 77, quatrième alinéa, du statut, qui a été appliqué pour établir sa pension d’ancienneté sur la base du minimum vital.
35 Cela étant rappelé, pour ce qui concerne la violation du principe d’égalité de traitement qui entacherait la légalité de l’article 77, quatrième alinéa, du statut, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que l’égalité en droit, énoncée à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), est un principe général du droit de l’Union qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (voir arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 95 et jurisprudence citée).
36 L’exigence tenant au caractère comparable des situations, afin de déterminer l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement, doit être appréciée au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent et notamment à la lumière de l’objet et du but poursuivi par l’acte qui institue la distinction en cause, étant entendu qu’il doit être tenu compte, à cet effet, des principes et des objectifs du domaine dont relève cet acte. Pour autant que les situations ne sont pas comparables, une différence de traitement des situations concernées ne viole pas l’égalité en droit consacrée à l’article 20 de la Charte (voir arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 96 et jurisprudence citée).
37 La requérante a expliqué à l’audience qu’elle invoquait la violation du principe d’égalité de traitement au motif qu’il y aurait une discrimination entre elle, bénéficiaire du minimum vital qui a choisi le transfert de ses droits à pension nationaux, et les autres bénéficiaires du minimum vital qui n’ont pas choisi un tel transfert. Cette discrimination découlerait du fait que, alors que, en ayant choisi de transférer ses droits à pension nationaux, la requérante se trouvait dans une situation différente des fonctionnaires et des agents n’ayant pas fait ledit choix, elle bénéficierait du même traitement que ces derniers, en raison du fait que les droits transférés n’ont pas été pris en compte pour le calcul de sa pension et que lesdits fonctionnaires ou agents bénéficient tant du minimum vital que d’une pension d’ancienneté au niveau national.
38 À cet égard, il convient de relever que, si les agents et les fonctionnaires qui peuvent bénéficier de la règle du minimum vital sont tous dans la même situation jusqu’à ce qu’ils prennent la décision de transférer ou non leurs droits à pension nationaux vers le RPIUE, ceux qui choisissent de transférer leurs droits à pension, en assumant toutes les conséquences qui en découlent, ne sont plus, après ledit transfert, dans la même situation que ceux qui n’ont pas fait ce choix, lorsqu’il leur est appliqué tout le mécanisme de l’article 77 du statut, pris dans sa globalité, pour le calcul de leur pension d’ancienneté.
39 Il y a lieu de souligner que, s’il a déjà été jugé que le transfert des droits à pension nationaux n’a aucune incidence pour le calcul de la pension d’ancienneté sur la base du minimum vital, qui est octroyée dans le cadre du RPIUE fondé sur le principe de solidarité (arrêt du 9 novembre 2022, WP e.a./Commission, T‑604/21, non publié, EU:T:2022:686, point 55), cela ne signifie pas, contrairement à ce que soutient la requérante, que le transfert de ses droits à pension nationaux n’aurait pas été pris en compte.
40 En effet, il convient de rappeler que la pension d’ancienneté prévue à l’article 77 du statut est calculée, ainsi qu’il ressort du premier alinéa de cette disposition et de l’article 2 de l’annexe VIII du statut, sur la base du nombre total d’annuités acquises par le fonctionnaire, auxquelles est appliqué le pourcentage prévu à l’article 77, deuxième alinéa, du statut et, le cas échéant, le plafond fixé à ladite disposition.
41 Ces annuités correspondent à la période durant laquelle le fonctionnaire en cause était au service de l’Union et l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut donne au fonctionnaire la possibilité de transférer vers le RPIUE les droits à pension qu’il a acquis avant d’entrer au service de l’Union afin que ces droits, bonifiés par les annuités correspondantes, puissent être pris en compte lors du calcul de la pension à octroyer par le RPIUE (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2023, KY/Cour de justice de l’Union européenne, C‑100/22 P, non publié, EU:C:2023:377, point 60).
42 Il convient d’ajouter que la méthode de calcul du nombre d’annuités à prendre en considération dans le RPIUE, à la suite du transfert de droits à pension nationaux, est fondée sur les paramètres indiqués à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, à savoir le traitement de base de chaque fonctionnaire, son âge et le taux de change à la date de la demande du transfert (voir arrêt du 9 novembre 2022, WP e.a./Commission, T‑604/21, non publié, EU:T:2022:686, point 53 et jurisprudence citée).
43 En l’espèce, la requérante ne conteste pas qu’elle a donné son accord pour le transfert vers le RPIUE des droits à pension qu’elle a acquis avant son entrée au service de l’Union ni que le capital transféré a été bonifié, lui donnant ainsi droit à un certain nombre d’annuités. Elle ne conteste pas non plus le montant de la pension, calculée au titre de l’article 77, premier et deuxième alinéas, du statut, qu’elle aurait perçue en l’absence d’application de la règle du minimum vital, à savoir 1 635,38 euros.
44 Or, lorsque l’application des règles de calcul du montant de la pension d’ancienneté prévues à l’article 77, premier alinéa, du statut et à l’article 2 de l’annexe VIII du statut, y compris la prise en compte des droits à pension nationaux transférés, ne permet pas au fonctionnaire d’atteindre le montant résultant de la règle du minimum vital, cette règle s’applique à titre subsidiaire (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2023, KY/Cour de justice de l’Union européenne, C‑100/22 P, non publié, EU:C:2023:377, point 65).
45 Dans ce cadre, l’article 77, quatrième alinéa, du statut garantit à tout fonctionnaire qui a droit à une pension d’ancienneté un montant minimum par année de service qui, conformément à l’article 6 de l’annexe VIII du statut, est calculé sur le fondement du traitement de base d’un fonctionnaire au premier échelon du grade AST 1. Ainsi que le démontre l’existence même de cette disposition, il est donc possible que le calcul de la pension d’ancienneté sur le fondement de l’article 77, premier alinéa, du statut et de l’article 2 de l’annexe VIII du statut, qui est fonction des annuités accumulées par un fonctionnaire, conduise à un montant inférieur au minimum vital à octroyer, de telle sorte que, dans cette hypothèse, en vertu de l’article 77, quatrième alinéa, du statut, le fonctionnaire concerné va bénéficier d’un montant supérieur à celui résultant de ce calcul (arrêt du 4 mai 2023, KY/Cour de justice de l’Union européenne, C‑100/22 P, non publié, EU:C:2023:377, point 61).
46 Tel est le cas en l’espèce, puisqu’il ressort de la décision attaquée que l’application à la requérante de la règle du minimum vital a conduit à lui octroyer une pension d’ancienneté de 1 662,29 euros, dont le montant est supérieur aux 1 635,38 euros qu’elle aurait perçus au titre de l’article 77, premier et deuxième alinéas, du statut, après bonification des années correspondant à ses droits à pension nationaux transférés.
47 Le mécanisme de calcul des pensions prévu à l’article 77 du statut, avec l’application à titre subsidiaire de la règle du minimum vital, a donc bien conduit à prendre en compte, dans le cadre du calcul de la pension d’ancienneté octroyée à la requérante, ses droits à pension nationaux transférés, qui ont fait l’objet d’une bonification que celle-ci ne conteste pas.
48 Il convient de souligner que, d’une part, à la suite de son choix de transférer ses droits à pension nationaux vers le RPIUE, avec le risque qu’un tel transfert pouvait comporter, la requérante se trouve dans une situation différente de celle des fonctionnaires et des agents qui ont décidé de ne pas courir un tel risque et de ne pas transférer leurs droits à pension nationaux. D’autre part, contrairement à ce que la requérante soutient, elle s’est vu appliquer un traitement différent qui découle du mécanisme prévu par l’article 77 du statut, pris dans sa globalité, impliquant, à titre principal, le calcul de sa pension d’ancienneté, en application du deuxième alinéa de cet article, et, à titre subsidiaire, le bénéfice de la règle du minimum vital.
49 Le moyen tiré de l’illégalité de l’article 77, quatrième alinéa, du statut doit donc être rejeté comme non fondé. Il convient d’ajouter, pour ce qui concerne la prétendue illégalité des DGE, que la requérante n’a pas invoqué d’arguments différents de ceux qu’elle a développés pour soutenir que l’article 77, quatrième alinéa, du statut serait illégal. C’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de considérer comme non fondés les arguments tirés de la prétendue illégalité des DGE.
50 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l’exception d’illégalité fondée sur la violation du principe d’égalité de traitement et, par voie de conséquence, le moyen unique invoqué par la requérante au soutien de sa demande d’annulation.
51 À titre surabondant, il importe de relever que, pour étayer son moyen, la requérante a par ailleurs invoqué une inégalité de traitement en se prévalant de la situation d’agents qui avaient le statut de parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (T‑702/16 P, EU:T:2018:557), et qui auraient obtenu la restitution de leurs droits à pension nationaux par la Cour de justice de l’Union européenne.
52 Ce faisant, la requérante semble contester la légalité de la décision attaquée en invoquant une mauvaise application des dispositions du statut par la Commission.
53 D’ailleurs, il y a lieu de souligner que la requérante s’est prévalue, à cet égard, du point 104 de l’arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (T‑702/16 P, EU:T:2018:557), dont les considérations ne procèdent pas de l’illégalité de l’article 77, quatrième alinéa, du statut, mais seulement d’une mauvaise application de la règle du minimum vital.
54 Or, en premier lieu, pour ce qui est de l’argument tiré de l’arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (T‑702/16 P, EU:T:2018:557), il importe de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le Tribunal s’est limité à constater l’absence de préjudice réel et certain, ce qui l’a conduit à rejeter le pourvoi formé devant lui (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2022, WP e.a./Commission, T‑604/21, non publié, EU:T:2022:686, point 56). Ce n’est qu’à titre incident et en des termes particulièrement prudents qu’il a ajouté, au point 104 de l’arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (T‑702/16 P, EU:T:2018:557), notamment, que, par un recours dirigé contre les actes portant sur la liquidation de leurs droits et sur le calcul de leurs pensions qui leur feraient grief en ce qu’ils ne tiendraient pas compte des annuités bonifiées du fait de l’application de la règle du minimum vital, les requérants pourraient, le cas échéant, contester l’application de la règle du minimum vital dans leurs cas spécifiques.
55 Une telle considération concerne une situation hypothétique, qui n’était pas celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (T‑702/16 P, EU:T:2018:557), et sur laquelle le Tribunal n’était donc pas appelé à se prononcer de manière définitive (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 2023, KY/Cour de justice de l’Union européenne, C‑100/22 P, non publié, EU:C:2023:377, point 81).
56 En deuxième lieu, pour ce qui concerne l’argument invoqué à l’audience, tiré de la prétendue inégalité de traitement avec les agents qui avaient le statut de parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (T‑702/16 P, EU:T:2018:557), et qui auraient obtenu, postérieurement au prononcé de cet arrêt, la restitution de leurs droits à pension nationaux transférés par la Cour de justice de l’Union européenne, il convient de relever que les arguments de la requérante reposent sur de simples affirmations non étayées. Elle n’apporte pas d’éléments permettant de connaître les raisons pour lesquelles la Cour de justice de l’Union européenne aurait accepté la restitution dudit capital (voir, par analogie, arrêt du 9 novembre 2022, WP e.a./Commission, T‑604/21, non publié, EU:T:2022:686, point 68).
57 De plus, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le RPIUE est commun à toutes les institutions, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que les mesures adoptées par une institution de l’Union en faveur d’un groupe de personnes déterminé constituent, en l’absence de toute obligation juridique résultant du statut, des mesures qui ne sauraient être invoquées à l’appui d’un moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement à l’égard d’une autre institution (voir arrêt du 9 novembre 2022, WP e.a./Commission, T‑604/21, non publié, EU:T:2022:686, point 69 et jurisprudence citée).
58 Or, en l’espèce, la requérante n’apporte pas davantage la preuve que la Cour de justice de l’Union européenne aurait procédé au remboursement des droits à pension nationaux transférés à certains de ces agents sur le fondement d’une obligation résultant du statut ni même qu’elle se serait considérée comme étant soumise à une obligation juridique résultant du statut. En l’absence d’une telle preuve, il ne saurait être conclu à une violation du principe d’égalité de traitement en l’espèce (voir, par analogie, arrêt du 9 novembre 2022, WP e.a./Commission, T‑604/21, non publié, EU:T:2022:686, point 70).
59 En troisième lieu, la requérante semble contester la légalité de la décision attaquée en remettant en question les conséquences budgétaires et administratives, invoquées par la Commission, qu’induirait un remboursement des droits à pension nationaux transférés.
60 À cet égard, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur de telles conséquences, il suffit de rappeler qu’il ressort des dispositions du statut que le RPIUE est organisé sur la base du principe de solidarité et qu’il n’est pas conçu en ce sens que la pension perçue par un fonctionnaire ou un agent constituerait une contrepartie exacte de ses contributions versées (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 134).
61 Dans ce cadre, la requérante ne saurait se prévaloir du droit de récupérer ses droits à pension nationaux transférés au motif que, ce transfert n’ayant pas d’incidence en cas d’application de la règle du minimum vital, elle devrait récupérer lesdits droits qui ne pourraient rester au bénéfice du budget de l’Union.
62 En quatrième lieu, pour ce qui concerne l’argument tiré du prétendu appauvrissement qui a été invoqué au stade de la phase écrite de la procédure, à supposer qu’un tel argument soit à relier à la démonstration d’une des conditions de l’enrichissement sans cause, il convient de souligner que la requérante a expliqué, en substance, à l’audience qu’un tel enrichissement est l’objet du recours qu’elle a introduit dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, PT/Commission (T‑788/22, non publié). Il n’y a donc pas lieu de se prononcer sur ledit argument.
63 Enfin, dans son argumentation développée à l’audience, la requérante paraît également soutenir, en substance, que, si l’exception d’illégalité devait être rejetée, l’article 77 du statut devrait être appliqué d’une manière assurant que soit prise en compte la situation particulière dans laquelle se trouvent les fonctionnaires et les agents auxquels s’applique la règle du minimum vital. Une telle obligation résulterait du principe de bonne administration, qui devrait conduire l’administration à apprécier les effets des décisions qu’elle prend sans appliquer les règles de manière mécanique.
64 À cet égard, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité d’une telle argumentation, il suffit de relever que, en invoquant le principe de bonne administration, la requérante demande en substance au Tribunal d’appliquer l’article 77, quatrième alinéa, du statut aux fonctionnaires et aux agents bénéficiaires de la règle du minimum vital pour le calcul de leur pension d’une manière ne correspondant ni au libellé de cette disposition ni à la portée que lui a donnée le législateur, rappelée au point 45 ci-dessus. Elle demande ainsi au Tribunal de modifier le contenu de cette règle pour ces bénéficiaires. Tel n’est pourtant pas l’objet dudit principe, qui est un principe de nature procédurale et qui impose aux institutions et aux agences de l’Union, en ce qui les concerne, conformément à l’article 41 de la Charte, une obligation de traiter chaque affaire, dans le respect du droit applicable, d’une manière équitable, impartiale et dans un délai raisonnable. L’argumentation de la requérante en question ne saurait donc prospérer.
65 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.
Sur les dépens
66 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
67 En outre, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Parlement et le Conseil supporteront donc leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) PT est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.
3) Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.
Porchia | Nihoul | Verschuur |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 septembre 2024.
Signatures
* Langue de procédure : le français.
1 Données confidentielles occultées.
© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.
BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T36722.html