Credit agricole v SRB (Economic and Monetary Union - Banking Union - Single Resolution Mechanism for Credit Institutions and Certain Investment Firms (SRM) - Order) French Text [2024] EUECJ T-456/23_CO (06 August 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T45623_CO.html
Cite as: [2024] EUECJ T-456/23_CO

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ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

6 août 2024 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2023 – Article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 – Recours manifestement fondé – Limitation des effets de l’ordonnance dans le temps »

Dans l’affaire T‑456/23,

Crédit agricole SA, établie à Montrouge (France), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe(1), représentées par Mes A. Gosset-Grainville et M. Trabucchi, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. J. Kerlin, C. Flynn et Mme C. De Falco, en qualité d’agents, assistés de Mes F. Louis et H.-G. Kamann, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par,

Parlement européen, représenté par M. J. Etienne, Mmes G. Bartram et L. Taïeb, en qualité d’agents,

et par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes E. d’Ursel, J. Haunold et A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes A. Marcoulli, présidente, V. Tomljenović et L. Spangsberg Grønfeldt (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Crédit agricole SA et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, demandent l’annulation de la décision SRB/ES/2023/23 du Conseil de résolution unique (CRU), du 2 mai 2023, sur le calcul des contributions ex ante pour 2023 au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle les concerne.

 Antécédents du litige

2        Les requérantes sont des établissements de crédit français.

3        Par la décision attaquée, le CRU a fixé, en considération de l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au FRU (ci-après les « contributions ex ante ») pour l’année 2023 (ci-après la « période de contribution 2023 ») des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont les requérantes.

4        Par avis de perception, l’autorité de résolution nationale compétente au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014 a enjoint aux requérantes d’acquitter le montant de leur contribution ex ante pour la période de contribution 2023, telle qu’elle a été fixée par le CRU dans la décision attaquée.

 Décision attaquée

5        La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné de trois annexes.

6        Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2023, qui est applicable à tous les établissements.

7        À cette fin, tout d’abord, le CRU a rappelé, dans la section 5 de la décision attaquée, que, conformément à l’article 69 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au FRU (JO 2015, L 15, p. 1), il doit déterminer le niveau cible annuel pour la période de contribution 2023.

8        Ensuite, dans la section 5 de la décision attaquée, le CRU a indiqué que, au terme de la période transitoire de huit années comprise entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2023 (ci-après la « période initiale »), les moyens financiers disponibles dans le FRU devaient atteindre un niveau cible (ci-après le « niveau cible final ») d’au moins 1 % du montant des dépôts couverts (ci-après les « dépôts couverts ») de l’ensemble des établissements agréés dans tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) (ci-après les « États membres participants »).

9        Pour ce qui concerne la période de contribution 2023, huitième et dernière année de la période initiale, le CRU a expliqué avoir déterminé le niveau cible annuel en tenant compte (i) du niveau cible final, sur la base de la croissance attendue des dépôts couverts en 2023 et (ii) des moyens disponibles dans le Fonds au 31 décembre 2022, (iii) du rendement économique attendu des moyens financiers en 2023, (iv) du règlement des différences résultant du retraitement des données ainsi que (v) du remboursement de la part restante des contributions ex ante 2015.

10      À ce stade, en application de l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et de l’article 3 du règlement délégué (UE) 2017/747 de la Commission, du 17 décembre 2015, complétant le règlement no 806/2014 en ce qui concerne les critères à retenir pour le calcul des contributions ex ante, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles le paiement des contributions ex post extraordinaires peut être partiellement ou totalement reporté (JO 2017, L 113, p. 2), le CRU a indiqué avoir évalué la phase du cycle économique et l’incidence procyclique potentielle des contributions sur la situation financière des établissements contributeurs en tenant compte, conjointement pour tous les États membres participants, des indicateurs décrits à l’annexe du règlement délégué 2017/747.

11      En conséquence, après avoir effectué les analyses qui précèdent, le CRU a indiqué dans la décision attaquée quel était le niveau cible annuel qu’il avait déterminé en application des dispositions précitées.

12      Dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2023 selon les différents types d’établissements considérés.

 Conclusions des parties

13      Les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle la concerne ;

–        condamner le CRU aux dépens.

14      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, au moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

15      Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en ce qu’il est fondé sur l’exception d’illégalité du règlement no 806/2014 ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

16      Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de son recours, les requérantes, tout comme 45 autres parties requérantes du groupe d’affaires « Contributions ex ante 2023 », lequel rassemble 48 recours en annulation déposés par des établissements de crédit allemands, autrichiens, français, finlandais et néerlandais à l’encontre de la décision attaquée, font valoir un grief, tiré de la violation de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014.

18      Par ce grief, les requérantes soutiennent, en substance, que, en déterminant le niveau cible annuel pour 2023, le CRU a violé l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, qui leur impose de calculer les contributions ex ante individuelles de sorte que les contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agrées sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final (ci-après le « plafond de 12,5 % »).

19      Le CRU soutient, à titre principal, que la règle prévue par l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, concernant le non-dépassement du plafond de 12,5 %, ne s’applique pas pendant la période initiale. Selon lui, la règle prévue à l’article 69, paragraphe 2, de ce règlement, selon laquelle les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible soit atteint, prime sur l’exigence issue de l’article 70, paragraphe 2, dudit règlement.

20      À titre subsidiaire, le CRU fait valoir, en substance, que l’exigence prévue par l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 devrait être écartée ou interprétée de manière souple, parce qu’il lui serait sinon impossible de respecter les exigences découlant de l’article 69, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014 selon lesquelles, premièrement, il doit faire en sorte que le FRU atteigne son niveau cible final d’au moins 1 % des dépôts couverts au terme de la période initiale et, deuxièmement, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.

21      Le Parlement et le Conseil se rallient, en substance, à la position prise à titre subsidiaire par le CRU selon laquelle cette exigence n’est pas absolue et doit être lue et appliquée de manière souple à la lumière de l’objectif principal selon lequel le FRU doit atteindre le niveau cible final au terme de la période initiale.

22      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 dispose que, au terme de la période initiale, les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

23      Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 22 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.

24      Ensuite, l’article 70, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que, « [c]haque année, le CRU […] calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible ». L’article 70, paragraphe 2, quatrième alinéa, de ce règlement ajoute que, « [e]n tout état de cause, le cumul des contributions de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants […] ne dépasse pas annuellement 12,5 % du niveau cible ».

25      D’emblée, il y a lieu de relever que l’argumentation des parties tirée de la violation de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 s’avère de même nature que celle exposée par les parties dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 22 à 26 et 49), lequel se prononce sur le cadre juridique exposé aux points 22 à 24 ci-dessus, qui fait également l’objet du présent recours.

 Sur le caractère manifestement fondé du présent recours

26      Aux termes de l’article 132 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque la Cour ou le Tribunal a déjà statué sur une ou plusieurs questions de droit identiques à celles soulevées par les moyens du recours et que le Tribunal constate que les faits sont établis, il peut, après la clôture de la phase écrite de la procédure et sur proposition du juge rapporteur, les parties entendues, décider de déclarer le recours comme étant manifestement fondé, par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence pertinente.

27      À cet égard, en premier lieu, en ce qui concerne la condition liée à l’existence « d’une ou plusieurs questions de droit identiques », il y a lieu de relever que le Tribunal a déjà statué sur une question de droit identique à celle soulevée par les requérantes dans leur recours.

28      En effet, la huitième chambre élargie du Tribunal a annulé la décision SRB/ES/2022/18 du CRU, du 11 avril 2022, sur le calcul des contributions ex ante pour 2022 au FRU, au motif que « la décision attaquée [dans cette affaire] a fixé le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants à un montant qui dépasse le plafond de 12,5 % du niveau cible final pronostiqué » et que, dès lors, « le CRU a méconnu l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 » [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 64 et 65].

29      Le Tribunal a ainsi constaté que, « lorsque le CRU a calculé les contributions ex ante portant sur la période de contribution 2022, il était tenu de s’assurer, conformément à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, et sur la base de sa propre estimation du niveau cible final, que le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassait pas le montant [prévu par cette disposition] » [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 62].

30      Il importe également de relever que, dans son appréciation, le Tribunal a conclu, tout d’abord, en application d’un raisonnement transposable à la présente affaire, que « le plafond de 12,5 % prévu à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 s’applique au cours de la période initiale » [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 38].

31      Ensuite, quant à la possibilité d’écarter ou d’interpréter de manière souple le plafond de 12,5 % au stade du calcul du montant des contributions ex ante dues par les établissements des États membres participants pour une année donnée pour les raisons invoquées à cet égard par le CRU, le Tribunal a commencé par rappeler que « c’est le niveau cible final pronostiqué qui est déterminant aux fins de l’application du plafond de 12,5 % » et que, « [p]ar conséquent, lorsque le CRU calcule les contributions ex ante au cours d’une période de contribution donnée, il doit s’assurer, conformément à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, que le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépasse pas 12,5 % du niveau cible final pronostiqué » [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 47 et 48 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113].

32      Il ressort également de la jurisprudence pertinente que, pour écarter les arguments présentés par le CRU au soutien de son interprétation, le Tribunal a relevé, par la suite, que « le sens de l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 ressort sans ambiguïté du libellé même de cette disposition ». En effet, cette disposition est libellée dans des termes impératifs, comme le démontre l’emploi des expressions « ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible » (premier alinéa) et « [e]n tout état de cause, le cumul des contributions […] ne dépasse pas annuellement 12,5 % du niveau cible » (quatrième alinéa). En outre, ladite disposition fixe un plafond maximal à 12,5 % exactement, en le réitérant à deux reprises et sans aucune exception, de sorte que celui-ci ne saurait être modulé ou ajusté par l’autorité chargée du calcul des contributions ex ante [voir, arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 50 à 52]. Cette appréciation est transposable à la présente affaire.

33      Dans ces conditions, le Tribunal a déjà indiqué en quoi les arguments présentés par le CRU au soutien de son interprétation n’emportaient pas la conviction [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 53 à 58]. Ces explications permettent également de répondre aux arguments équivalents présentés par le CRU dans la présente affaire.

34      En second lieu, en ce qui concerne la condition liée au constat que « les faits sont établis », il convient de relever que, tout comme dans sa décision relative aux contributions ex ante pour la période de contribution 2022 [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 64], le CRU, ainsi qu’il l’admet en substance, a fixé le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements des États membres participants pour la période de contribution 2023 à un montant qui dépassait le plafond de 12,5 % du niveau cible final qu’il avait estimé.

35      Il ressort ainsi de la décision attaquée que, pour déterminer le niveau cible annuel pour la période de contribution 2023, huitième et dernière année de la période initiale, le CRU n’a jamais indiqué prendre en considération le plafond de 12,5 %. Il ressort également de l’annexe III de la décision attaquée, intitulée « Évaluation des commentaires soumis dans le cadre de la consultation sur les contributions ex ante 2023 au [FRU] », que, en réponse aux commentaires présentés par plusieurs établissements quant à la conformité des calculs faits par le CRU avec l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, le comité d’appel du CRU a considéré que, « pendant la période initiale, [soit] le plafond de 12,5 % est inapplicable, soit du moins [il] ne doit pas être compris comme une limite supérieure absolue ».

36      Dès lors, étant donné, d’une part, que la question de droit sur laquelle le Tribunal a statué dans l’arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216), est identique à celle soulevée par les requérantes dans leur recours et, d’autre part, que la décision attaquée dans la présente affaire présente le même vice que celui qui a été constaté par le Tribunal dans cet arrêt et qu’il s’ensuit donc que le CRU a méconnu l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, il y a lieu de conclure, les parties entendues, que le recours est manifestement fondé sur ce point.

37      Ainsi qu’il a déjà été jugé dans l’arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 66), une telle erreur de droit est à elle-seule de nature à fonder l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne les requérantes.

 Sur la limitation dans le temps des effets de l’ordonnance

38      Le CRU demande au Tribunal de maintenir, en cas d’annulation de la décision attaquée, les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement est devenu définitif, puisqu’une telle annulation aurait des conséquences graves pour la stabilité financière dans l’union bancaire.

39      Les requérantes ont eu l’occasion de présenter leurs observations sur une telle demande.

40      Aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, le juge de l’Union européenne peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme étant définitifs. Pour exercer le pouvoir que lui confère cet article, le juge de l’Union prend en compte le respect du principe de sécurité juridique et d’autres intérêts publics ou privés (voir arrêt du 25 février 2021, Commission/Suède, C‑389/19 P, EU:C:2021:131, point 72 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 122).

41      Ainsi, l’article 264, second alinéa, TFUE a notamment été interprété comme permettant, pour des motifs de sécurité juridique, mais aussi pour des motifs visant à éviter une discontinuité ou une régression dans la mise en œuvre des politiques conduites ou soutenues par l’Union, de maintenir pour un délai raisonnable les effets d’un acte annulé (voir arrêt du 27 janvier 2021, Pologne/Commission, T‑699/17, EU:T:2021:44, point 61 et jurisprudence citée).  

42      En l’espèce, il importe de relever que, si le CRU était tenu de rembourser, avec effet immédiat, le montant de la contribution ex ante des requérantes ainsi que les montants des contributions ex ante des autres établissements concernés, alors que ces établissements restent en principe soumis à l’obligation de verser les contributions ex ante légalement dues, un tel remboursement risquerait de priver le FRU des moyens financiers nécessaires à la réalisation de ses objectifs.

43      Dans un tel contexte, le Tribunal a jugé que, en réponse à une demande de limitation dans le temps des effets de l’arrêt présentée par le CRU dans le cadre des affaires relatives à la décision sur le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2022, le rejet de la demande de maintien des effets de cette décision risquerait de porter atteinte à l’objectif de stabilité financière et à l’objectif de création d’une union économique et monétaire [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 74].

44      Dès lors, dans la mesure où la décision attaquée dans la présente affaire est de même nature que celle qui a été annulée dans l’arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216), il y a lieu d’adopter la même solution que celle adoptée dans cet arrêt et de maintenir les effets de la décision attaquée en ce qu’elle concerne les requérantes jusqu’à ce que le CRU ait pris les mesures nécessaires que comporte l’exécution de la présente ordonnance, et ce dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter du jour où la présente ordonnance devient définitive.

45      Certes, certaines requérantes ont indiqué au Tribunal avoir pris connaissance d’un communiqué de presse du CRU du 15 février 2024, dans lequel celui-ci indique que, à la date du 31 décembre 2023, le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU s’élevait à 78 milliards d’euros, alors que le niveau cible final correspondant à 1 % des dépôts couverts était de 75 milliards d’euros, et qu’il n’était pas nécessaire de demander des contributions supplémentaires auprès des établissements en 2024. En l’espèce, toutefois, le surplus du FRU à hauteur de trois milliards d’euros n’est pas décisif s’agissant du maintien temporaire des effets de la décision attaquée. En effet, le montant de la contribution ex ante des requérantes et des contributions ex ante des autres établissements concernés risquerait de dépasser ce surplus. Au demeurant, le maintien temporaire des effets de la décision attaquée dans la présente affaire permet au CRU de définir une position commune en ce qui concerne les périodes de contribution 2023 et 2022, pour lesquelles le mode de calcul des contributions ex ante, appliqué par le CRU, présente un vice de même nature.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux des requérantes, conformément aux conclusions de ces dernières.

47      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement et le Conseil supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      La décision SRB/ES/2023/23 du Conseil de résolution unique (CRU), du 2 mai 2023, sur le calcul des contributions ex ante pour 2023 au Fonds de résolution unique (FRU) est annulée en ce qu’elle concerne Crédit agricole SA et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe.

2)      Les effets de la décision SRB/ES/2023/23 sont maintenus en ce qu’elle concerne Crédit agricole SA et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe jusqu’à ce que le CRU ait pris les mesures nécessaires que comporte l’exécution de la présente ordonnance, et ce dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter du jour où la présente ordonnance devient définitive.

3)      Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Crédit agricole SA et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe.

4)      Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 6 août 2024.

Le greffier

 

La présidente

V. Di Bucci

 

A. Marcoulli


*      Langue de procédure : le français.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.

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