Stichting Woonlinie and Others v Commission (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-202/10RENVII (15 November 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T20210RENVII.html
Cite as: ECLI:EU:T:2018:795, [2018] EUECJ T-202/10RENVII, EU:T:2018:795

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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

15 novembre 2018 (*)

« Aides d’État – Logement social – Régime d’aides en faveur des sociétés de logement social – Aides existantes – Engagements de l’État membre – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Article 17 du règlement (CE) no 659/1999 – Service d’intérêt économique général – Article 106, paragraphe 2, TFUE – Définition de la mission de service public »

Dans les affaires jointes T‑202/10 RENV II et T‑203/10 RENV II,

Stichting Woonlinie, établie à Woudrichem (Pays-Bas),

Woningstichting Volksbelang, établie à Wijk bij Duurstede (Pays-Bas),

Stichting Woonstede, établie à Ede (Pays-Bas),

représentées par Mes L. Hancher, E. Besselink, J. de Kok, Y. de Vries et F. van Orden, avocats,

parties requérantes dans l’affaire T‑202/10 RENV II,

Stichting Woonpunt, établie à Maastricht (Pays-Bas),

Woningstichting Haag Wonen, établie à La Haye (Pays-Bas),

Stichting Woonbedrijf SWS.Hhvl, établie à Eindhoven (Pays-Bas),

représentées par Mes Hancher, Besselink, de Kok, de Vries et Van Orden, avocats,

parties requérantes dans l’affaire T‑203/10 RENV II,

soutenues par

Royaume de Belgique, représenté par M. J.-C. Halleux et Mme L. Van den Broeck, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. S. Noë et P.J. Loewenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Vereniging van Institutionele Beleggers in Vastgoed, Nederland (IVBN), établie à Voorburg (Pays-Bas), représentée par Mes M. Meulenbelt et B. Natens, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision C(2009) 9963 final de la Commission, du 15 décembre 2009, relative aux aides d’État E 2/2005 et N 642/2009 – Pays-Bas – Aide existante et aide spécifique par projets au profit des sociétés de logement,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva, MM. R. Barents, J. Passer et G. De Baere (rapporteur), juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 juin 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, Stichting Woonlinie, Woningstichting Volksbelang, Stichting Woonstede, Stichting Woonpunt, Woningstichting Haag Wonen et Stichting Woonbedrijf SWS.Hhvl, sont des sociétés de logement établies aux Pays-Bas (woningcorporaties, ci-après les « sociétés de logement »). Les sociétés de logement sont des organismes à but non lucratif qui ont pour mission de procéder à l’acquisition, à la construction et à la mise en location d’habitations destinées essentiellement à des personnes défavorisées et à des groupes socialement défavorisés. Les sociétés de logement exercent également d’autres activités telles que la construction et la mise en location d’appartements à des loyers plus élevés, la construction d’appartements destinés à la vente, la construction et la mise en location d’immeubles d’intérêt général et la construction et la mise en location de locaux commerciaux.

2        Le 1er mars 2002, en application de l’article 2 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), les autorités néerlandaises ont notifié à la Commission européenne le système général d’aides d’État versées en faveur des sociétés de logement. La Commission ayant estimé que les mesures de financement des sociétés de logement pouvaient être qualifiées d’aides existantes, les autorités néerlandaises ont de ce fait retiré leur notification.

3        Le 14 juillet 2005, la Commission a transmis aux autorités néerlandaises une lettre au titre de l’article 17 du règlement no 659/1999, dans laquelle elle a qualifié le système général d’aides d’État versées en faveur des sociétés de logement d’aides existantes (aide E 2/2005) et a exprimé des doutes quant à leur compatibilité avec le marché intérieur (ci-après la « lettre article 17 »).

4        À la suite de l’envoi de la lettre article 17, la Commission et les autorités néerlandaises ont engagé la procédure de coopération, conformément à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, afin de mettre le régime d’aides en conformité avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Dans le cadre de cette coopération, en réponse à la lettre article 17, le gouvernement néerlandais a notamment envoyé à la Commission un courrier le 6 septembre 2005.

5        Le 16 avril 2007, la Vereniging van Institutionele Beleggers in Vastgoed, Nederland (IVBN, association des investisseurs institutionnels en immobilier des Pays-Bas) a déposé une plainte auprès de la Commission concernant les aides accordées aux sociétés de logement. En juin 2009, Vesteda Groep BV s’est associée à cette plainte.

6        Par lettre du 3 décembre 2009, les autorités néerlandaises ont proposé à la Commission des engagements visant à modifier le système général d’aides d’État en faveur des sociétés de logement.

7        Le 15 décembre 2009, la Commission a adopté la décision C(2009) 9963 final relative aux aides d’État E 2/2005 et N 642/2009 – Pays-Bas – Aide existante et aide spécifique par projets au profit des sociétés de logement (ci-après la « décision attaquée »).

8        En premier lieu, s’agissant du régime d’aides existant visé dans la procédure E 2/2005, les mesures contenues dans le système général d’aides d’État versées par les Pays-Bas en faveur des sociétés de logement sont les suivantes :

a)       des garanties de l’État pour des prêts accordés par le Fonds de garantie pour la construction de logements sociaux ;

b)      des aides du Fonds central du logement, aides par projet ou aides à la rationalisation sous forme de prêts à taux préférentiels ou de subventions directes ;

c)       la vente par les municipalités de terrains à des prix inférieurs aux prix du marché ;

d)       le droit d’emprunter auprès de la Bank Nederlandse Gemeenten.

9        Dans la décision attaquée, la Commission a qualifié chacune de ces mesures d’aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et a considéré que le système néerlandais de financement du logement social constituait une aide existante, celui-ci ayant été créé avant l’entrée en vigueur du traité CE aux Pays-Bas et les réformes postérieures n’ayant pas entraîné de changement substantiel.

10      La Commission a examiné la compatibilité de l’aide E 2/2005 relative au système de financement des sociétés de logement tel que modifié à la suite des engagements pris par les autorités néerlandaises. Elle a conclu, au point 72 de la décision attaquée, que les aides au logement social, c’est-à-dire les aides concernant les activités liées à la construction et à la mise en location d’habitations destinées à des particuliers, y compris la construction et l’entretien d’infrastructures auxiliaires, fournies dans les conditions prévues par ces engagements, étaient compatibles avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE. En conséquence, la Commission a pris acte des engagements souscrits par les autorités néerlandaises.

11      En second lieu, s’agissant de l’aide N 642/2009, le 18 novembre 2009, les autorités néerlandaises ont notifié un nouveau régime d’aides pour la rénovation des quartiers urbains en déclin, qualifié d’« aide spécifique par projet destinée à certains districts », dont les sociétés de logement intervenant dans les quartiers sélectionnés étaient les bénéficiaires. Ce nouveau régime d’aides devait être accordé selon les mêmes conditions que celles prévues pour les mesures relevant du régime d’aides existant, tel que modifié à la suite des engagements pris par les autorités néerlandaises. La Commission a considéré que l’aide N 642/2009 était compatible avec le marché intérieur et a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard des nouvelles mesures notifiées.

12      Le 30 août 2010, la Commission a adopté la décision C(2010) 5841 final, relative à l’aide d’État E 2/2005, modifiant les points 22 à 24 de la décision attaquée. Dans cette décision modificative, la Commission a considéré que, sur la base des éléments de preuve disponibles, elle ne pouvait pas conclure que la mesure d) visée dans la décision attaquée, c’est-à-dire le droit d’emprunter auprès de la Bank Nederlandse Gemeenten, remplissait tous les critères d’une aide d’État.

 Procédure devant le Tribunal et la Cour de justice

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 avril 2010, Stichting Woonlinie, Woningstichting Volksbelang et Stichting Woonstedeont introduit un recours, enregistré sous la référence T‑202/10.

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2010, Stichting Woonpunt, Woningstichting Haag Wonen et Stichting Woonbedrijf SWS.Hhvl ont introduit un recours, enregistré sous la référence T‑203/10.

15      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 19 août 2010, l’IVBN a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans ces deux affaires.

16      Dans l’affaire T‑203/10, par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 septembre 2010, les requérantes ont demandé le traitement confidentiel des annexes A.10 et A.16 de la requête à l’égard de l’IVBN, pour le cas où elle serait admise à intervenir.

17      Dans l’affaire T‑202/10, par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 septembre 2010, les requérantes ont demandé le traitement confidentiel de l’annexe A.9 de la requête à l’égard de l’IVBN, pour le cas où elle serait admise à intervenir.

18      Par ordonnance du 16 décembre 2011, Stichting Woonlinie e.a./Commission (T‑202/10, non publiée, EU:T:2011:765), le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours visant à l’annulation partielle de la décision attaquée, en tant que cette décision concernait le régime d’aides E 2/2005. Par arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission (C‑133/12 P, EU:C:2014:105), la Cour a annulé cette ordonnance.

19      Par ordonnance du 16 décembre 2011, Stichting Woonpunt e.a./Commission (T‑203/10, non publiée, EU:T:2011:766), le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours visant à l’annulation de la décision attaquée. Par arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2014:100), la Cour a partiellement annulé cette ordonnance en ce qu’elle déclarait irrecevable le recours en annulation contre la décision attaquée, en tant que cette décision concernait le régime d’aides E 2/2005, et a rejeté le pourvoi pour le surplus.

20      Dans les arrêts du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2014:100), et du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission (C‑133/12 P, EU:C:2014:105), la Cour a jugé que les recours introduits par les requérantes contre la décision attaquée, en tant que cette décision concernait le régime d’aides E 2/2005, étaient recevables et a renvoyé ces affaires devant le Tribunal pour qu’il soit statué au fond. Enfin, la Cour a réservé les dépens.

21      Les affaires T‑202/10 RENV et T‑203/10 RENV ont été attribuées à la septième chambre du Tribunal.

22      Conformément à l’article 119, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, dans chacune de ces affaires, la Commission et les requérantes ont déposé leurs mémoires en observations écrites, respectivement, les 27 mars et 15 avril 2014.

23      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 25 avril 2014, le Royaume de Belgique a demandé à intervenir dans les affaires T‑202/10 RENV et T‑203/10 RENV au soutien des conclusions des requérantes. Par ordonnances du président de la septième chambre du Tribunal du 2 septembre 2014, le Royaume de Belgique a été admis à intervenir, dans chacune de ces affaires, au soutien des conclusions des requérantes et a été autorisé à présenter ses observations lors de la procédure orale, conformément à l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

24      Par ordonnances du 2 septembre 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (T‑203/10 RENV, non publiée, EU:T:2014:792), et du 2 septembre 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission (T‑202/10 RENV, non publiée, EU:T:2014:793), l’IVBN a été admise à intervenir, dans chacune de ces affaires, au soutien des conclusions de la Commission. L’intervenante n’ayant pas soulevé d’objections à l’encontre des demandes de traitement confidentiel, une version non confidentielle des requêtes lui a été notifiée.

25      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 22 octobre 2014, l’IVBN a informé le Tribunal qu’elle renonçait au dépôt de son mémoire en intervention dans les affaires T‑202/10 RENV et T‑203/10 RENV.

26      Par ordonnances du 12 mai 2015, Stichting Woonpunt e.a./Commission (T‑203/10 RENV, non publiée, EU:T:2015:286), et du 12 mai 2015, Stichting Woonlinie e.a./Commission (T‑202/10 RENV, non publiée, EU:T:2015:287), le Tribunal a rejeté les recours comme étant manifestement non fondés. Ces ordonnances ont été respectivement annulées par arrêts du 15 mars 2017, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑415/15 P, EU:C:2017:216), et du 15 mars 2017, Stichting Woonlinie e.a./Commission (C‑414/15 P, EU:C:2017:215), par lesquels la Cour a également renvoyé l’affaire devant le Tribunal et a réservé les dépens.

27      Les affaires T‑202/10 RENV II et T‑203/10 RENV II ont été attribuées à la cinquième chambre du Tribunal.

28      Conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, dans chacune de ces affaires, la Commission et les requérantes ont déposé leurs observations sur la suite de la procédure, respectivement, les 22 et 24 mai 2017. Les requérantes ont également demandé à pouvoir déposer un mémoire complémentaire d’observations écrites, conformément à l’article 217, paragraphe 3, du règlement de procédure.

29      Dans chacune de ces affaires, le 26 juillet 2017, les requérantes ont déposé au greffe du Tribunal un mémoire complémentaire d’observations écrites et la Commission et l’IVBN ont déposé leurs observations sur ce mémoire complémentaire le 22 septembre 2017.

30      Par décision du président du Tribunal, les présentes affaires ont été attribuées à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la huitième chambre.

31      Sur proposition de la huitième chambre du Tribunal, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

32      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

33      Par décision du président de la huitième chambre élargie du Tribunal du 2 mai 2018, les parties entendues, les affaires T‑202/10 RENV II et T‑203/10 RENV II ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

34      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 juin 2018.

 Conclusions des parties

35      Les requérantes, soutenues par le Royaume de Belgique, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

36      La Commission et l’IVBN concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

37      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans son arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2014:100), la Cour a confirmé l’ordonnance du 16 décembre 2011, Stichting Woonpunt e.a./Commission (T‑203/10, non publiée, EU:T:2011:766), en ce qu’elle avait déclaré irrecevable le recours en annulation introduit contre la décision attaquée, en tant que cette décision concernait l’aide N 642/2009. Partant, l’ordonnance du 16 décembre 2011, Stichting Woonpunt e.a./Commission (T‑203/10, non publiée, EU:T:2011:766), est devenue définitive sur ce point. Dès lors, il n’y a plus lieu de statuer sur les moyens soulevés par les requérantes visant à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne l’aide N 642/2009.

38      Il convient également de relever que, dans ses arrêts du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2014:100), et du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission (C‑133/12 P, EU:C:2014:105), la Cour a jugé que les recours introduits par les requérantes étaient recevables en ce qu’ils visaient à l’annulation de la décision attaquée en tant que cette décision concernait le régime d’aides E 2/2005, et a renvoyé les affaires devant le Tribunal pour qu’il soit statué au fond. Dès lors, il n’y a plus lieu de statuer sur les arguments des parties relatifs à la recevabilité des demandes d’annulation de la décision attaquée en ce qu’elles concernent le régime d’aides E 2/2005.

39      À l’appui de leurs recours visant à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne le régime d’aides E 2/2005, les requérantes soulèvent huit moyens. Le premier moyen est tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit en qualifiant toutes les mesures de mesures faisant partie d’un régime d’aides. Le deuxième moyen est tiré de ce que la décision attaquée est fondée sur une appréciation incomplète et manifestement inexacte de la législation nationale pertinente et des faits. Le troisième moyen est tiré de ce que la Commission a effectué une appréciation inexacte et négligente en concluant que la location de logements sociaux à des personnes bénéficiant de « revenus relativement élevés » faisait partie de la mission de service public confiée aux sociétés de logement. Le quatrième moyen est tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit et abusé de ses compétences en exigeant des autorités néerlandaises une nouvelle définition du « logement social ». Le cinquième moyen est tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit en ne faisant pas de distinction entre la définition d’un service d’intérêt économique général (SIEG) et son mode de financement. Le sixième moyen est tiré de ce que la Commission, en exigeant une définition spécifique du SIEG, a fait une interprétation erronée de la décision 2005/842/CE de la Commission, du 28 novembre 2005, concernant l’application des dispositions de l’article [106], paragraphe 2, [TFUE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2005, L 312, p. 67). Le septième moyen est tiré de ce que la Commission a commis une erreur d’appréciation et a violé l’article 5 de la décision 2005/842 en ne constatant pas que le mode de financement du SIEG était manifestement inadapté. Le huitième moyen est tiré de ce que la Commission a abusé de la procédure d’appréciation des régimes d’aides existants, en imposant, sur la base de cette procédure, une liste limitative des bâtiments qui peuvent être qualifiés d’« immeubles sociaux ».

40      À titre liminaire, il convient de relever que, par leurs deuxième à septième moyens, les requérantes contestent en substance le contenu de la lettre article 17 et non l’appréciation de la Commission figurant dans la décision attaquée.

41      Toutefois, la Cour a jugé que, dès lors que la lettre article 17 constituait une première étape de l’élaboration de la décision litigieuse, les requérantes ne sauraient être empêchées d’invoquer l’illégalité entachant l’appréciation contenue dans cette lettre à l’appui de leur recours contre la décision attaquée (arrêts du 15 mars 2017, Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑414/15 P, EU:C:2017:215, point 48, et du 15 mars 2017, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑415/15 P, EU:C:2017:216, point 48).

42      En conséquence, le Tribunal examinera l’ensemble des moyens soulevés par les requérantes.

 Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit en qualifiant toutes les mesures de mesures faisant partie d’un régime d’aides

43      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, à la suite de l’adoption de la décision modificative de la Commission du 30 août 2010, les requérantes ont renoncé, dans la réplique, à leurs arguments relatifs à la mesure d) visée dans la décision attaquée, c’est-à-dire le droit d’emprunter auprès de la Bank Nederlandse Gemeenten.

44      Par leur premier moyen, les requérantes font valoir que la Commission a apprécié à tort la mesure c), relative à la vente par les municipalités de terrains à des prix inférieurs aux prix du marché [ci-après la « mesure c) »], comme faisant partie d’un régime d’aides, à savoir le système néerlandais de financement du logement social. Elles soutiennent que cette mesure ne saurait être qualifiée de partie d’un régime d’aides existant, étant donné qu’elle ne serait pas systématique, qu’elle ne serait pas prévue par la législation néerlandaise applicable aux sociétés de logement et que la Commission ferait uniquement référence à des plaintes concernant des cas individuels. Contrairement à ce que soutient la Commission, il ne ressortirait pas de la notification des autorités néerlandaises que les accords sur les prix des terrains seraient périodiques, ni qu’ils impliqueraient systématiquement une vente à un prix inférieur à celui du marché.

45      Selon les requérantes, la Commission est compétente, en vertu de l’article 108, paragraphe 1, TFUE, pour soumettre les régimes d’aides existants à un examen permanent, mais elle ne possède pas une telle compétence à l’égard des aides individuelles. Elles estiment que la Commission ne pouvait pas examiner la mesure c) au titre de la procédure prévue aux articles 17 à 19 du règlement no 659/1999, mais qu’elle aurait dû examiner les cas individuels visés dans les plaintes dans le cadre de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. La Commission aurait outrepassé sa compétence en incluant cette mesure dans son examen de la compatibilité avec le marché intérieur d’un régime d’aides.

46      Par ce premier moyen, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a outrepassé sa compétence en appréciant la mesure c) selon la procédure applicable aux aides existantes, alors que cette mesure ne fait pas partie du système général d’aides d’État versées en faveur des sociétés de logement, mais qu’elle aurait dû apprécier cette mesure dans le cadre de la procédure applicable aux aides individuelles.

47      S’agissant de la mesure c), il ressort de la décision attaquée que, parmi les activités des sociétés de logement figure notamment la construction d’appartements, d’immeubles d’intérêt général, de locaux commerciaux et d’autres infrastructures locales, destinés à la location ou à la vente. La Commission a relevé que les sociétés de logement interviennent en qualité de promoteurs et assument, à cet égard, la responsabilité de l’ensemble du projet du lancement à la finalisation. Elle a estimé que, dans le cadre de ces activités, les sociétés de logement sont en concurrence avec les promoteurs immobiliers privés et qu’elles devaient donc être considérées comme des entreprises exerçant une activité économique.

48      La Commission a considéré que la mesure c) constituait une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE, aux motifs qu’elle conférait manifestement un avantage aux sociétés de logement, qui étaient dispensées d’acquérir leurs terrains au prix du marché, qu’il s’agissait manifestement d’une mesure étatique, les terrains étant vendus par les municipalités, qui était sélective en ce qu’elle ciblait uniquement les sociétés de logement et qu’il s’agissait d’un transfert de fonds publics sous la forme d’un manque à gagner. En outre, cette mesure entraînait une distorsion de la concurrence et affectait les échanges entre les États membres.

49      En premier lieu, il convient de relever que, selon l’article 1er, sous d), du règlement no 659/1999, un régime d’aides est défini comme « toute disposition sur la base de laquelle, sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition et toute disposition sur la base de laquelle une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou plusieurs entreprises pour une période indéterminée et/ou pour un montant indéterminé ».

50      Il en ressort que le fait que des aides individuelles soient versées n’exclut pas l’existence d’un régime sur le fondement duquel ces aides sont octroyées. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le fait que la Commission ait reçu des plaintes relatives à des ventes individuelles de terrains à des prix inférieurs au prix du marché ne s’oppose pas à l’existence d’un régime d’aides en application duquel ces aides individuelles ont été octroyées.

51      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, cette mesure n’étant pas prévue par un texte législatif, elle ne peut faire partie d’un régime d’aides, il suffit de relever que l’exigence d’une disposition législative comme fondement d’un régime d’aides ne fait pas partie de la définition d’un régime d’aides au sens de l’article 1er, sous d), du règlement no 659/1999.

52      En outre, il y a lieu de relever que les arguments des requérantes sont en contradiction avec l’appréciation des autorités néerlandaises qui avaient considéré, dans leur notification à la Commission, que les accords conclus par de nombreuses municipalités des Pays-Bas relatifs à la vente de terrains aux sociétés de logement à des prix préférentiels constituaient une mesure faisant partie du système de financement des sociétés de logement.

53      Dans cette notification, les autorités néerlandaises ont indiqué que la vente de terrains à des prix inférieurs au prix du marché ne relevait certes pas de la loi ou de la réglementation applicables, mais qu’elle figurait dans les accords de prestations conclus de manière systématique par les municipalités avec les sociétés de logement. Elles ont relevé que cette pratique ne répondait pas aux recommandations fixées par la Commission dans sa communication concernant les éléments d’aide d’État contenus dans des ventes de terrains et de bâtiments par les pouvoirs publics (JO 1997, C 209, p. 3), permettant d’exclure la qualification d’aide d’État.

54      Le caractère récurrent de la pratique consistant pour les municipalités à vendre à des sociétés de logement des terrains à des prix inférieurs à ceux du marché ressort également des documents produits par la Commission en annexe de la duplique. Parmi ces documents figurent des circulaires de plusieurs municipalités des Pays-Bas concernant leur politique en matière de prix des terrains qui révèlent que ces municipalités pratiquent des prix inférieurs aux prix du marché pour la vente de terrains destinés à la construction de logements sociaux.

55      En troisième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû démontrer que la mesure c) existait avant l’entrée en vigueur du traité pour la qualifier de partie d’un régime d’aides existant.

56      À cet égard, il ressort d’une étude historique sur la politique des pouvoirs publics en matière de terrains pour la construction de logements depuis 1900, fournie par la Commission en annexe de la duplique, que les pouvoirs publics intervenaient déjà en 1952 dans la fixation des prix des terrains destinés à la construction de logements sociaux en fixant un plafond.

57      En quatrième lieu, les requérantes ajoutent que la Commission n’a pas respecté la procédure relative aux aides existantes, étant donné que la mesure c) n’était pas mentionnée dans la lettre article 17, mais l’était pour la première fois dans la décision attaquée.

58      Il suffit de rappeler que la mesure c) figurait dans la notification et était donc considérée à la fois par la Commission et par les autorités néerlandaises comme une mesure d’aide faisant partie du système de financement des sociétés de logement.

59      Par ailleurs, les requérantes n’expliquent pas quelles seraient les conséquences du fait que la mesure c) n’était pas mentionnée expressément dans la lettre article 17, en particulier prenant en compte le fait que la mesure c) a été considérée comme compatible avec le marché intérieur dans la décision attaquée.

60      Partant, aucun des arguments des requérantes n’est de nature à remettre en cause la qualification de la mesure c) de mesure faisant partie du régime d’aides relatif au système de financement des sociétés de logement, ni n’établit que la Commission a outrepassé sa compétence en examinant cette mesure dans le cadre du régime d’aides existant de financement des sociétés de logement.

61      En dernier lieu, il convient d’ajouter que, dans la réplique, les requérantes font valoir que les municipalités concluent avec tous les acquéreurs de terrains, et non uniquement avec les sociétés de logement, des accords prévoyant une réduction sur le prix du terrain en échange de certains engagements. Elles ajoutent que, si un terrain est destiné à la construction de logements locatifs sociaux, sa valeur résiduelle est moindre. Dès lors, une des conditions de la qualification d’aide d’État ne serait pas remplie.

62      Cet argument, soulevé pour la première fois dans la réplique, par lequel les requérantes font valoir que la mesure c) ne constituerait pas une aide d’État, est en substance un moyen nouveau, tiré de la violation de l’article 107 TFUE.

63      Or, il ressort de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins qu’ils ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ou qu’ils constituent l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci (voir arrêt du 22 novembre 2017, von Blumenthal e.a./BEI, T‑558/16, non publié, EU:T:2017:827 point 48 et jurisprudence citée).

64      Dès lors que ce n’est qu’au stade de la réplique que les requérantes ont soulevé le moyen visant à contester la qualification d’aide d’État de la mesure c), que celui-ci ne se fonde pas sur des éléments qui se sont révélés après l’introduction du recours et qu’il ne constitue pas l’ampliation d’un moyen énoncé dans la requête, il y a lieu de l’écarter comme étant tardif et, partant, irrecevable.

65      En tout état de cause, comme le relève la Commission, les requérantes font référence dans cet argument à d’autres mesures visant à accorder des réductions de prix de terrains à certains acheteurs en contrepartie d’engagements relatifs à la construction de logements à faible consommation d’énergie ou à la vente à des primo-accédants. Ces mesures ainsi que la référence à la valeur résiduelle des terrains sont distinctes de la pratique des municipalités consistant à vendre des terrains aux sociétés de logement à des prix inférieurs au prix du marché.

66      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

67      À titre surabondant, le Tribunal s’interroge sur l’intérêt que les requérantes ont à soulever ce moyen et à soutenir que la Commission a outrepassé sa compétence en examinant la compatibilité de la mesure c) dans le cadre du système général de financement des sociétés de logement. En effet, il convient de rappeler que les requérantes sont les bénéficiaires du régime d’aides existant, dont fait partie la mesure c), que la Commission a déclaré compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Il est possible de s’interroger sur l’intérêt que les requérantes auraient à soutenir que la compatibilité de cette mesure aurait dû être appréciée selon une procédure différente qui aurait pu aboutir à un résultat différent, c’est-à-dire à une décision d’incompatibilité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la décision attaquée est fondée sur une appréciation incomplète et manifestement inexacte de la législation nationale pertinente et des faits

68      Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas démontré dans la décision attaquée l’existence d’une erreur manifeste dans le système néerlandais de financement du logement social et a, de ce fait, abusé de ses compétences en ouvrant la procédure prévue à l’article 17 du règlement no 659/1999 et en exigeant des mesures utiles.

69      Elles font valoir, en particulier dans leur mémoire complémentaire, que, selon la jurisprudence de la Cour, la définition des SIEG par un État membre ne peut être remise en cause par la Commission que si elle démontre une erreur manifeste, en prenant en compte le large pouvoir d’appréciation de l’État membre. Elles reprochent à la Commission de s’être contentée de constater, dans la lettre article 17, que la possibilité de louer des logements sociaux à des personnes ayant « des revenus relativement élevés » devait être considérée comme une erreur manifeste. La Commission n’aurait pas examiné la législation néerlandaise pertinente. Dans cette lettre, la Commission aurait seulement constaté que le SIEG n’était pas défini de manière suffisamment claire, parce qu’il s’adressait à toutes les catégories de revenus.

70      Or, selon les requérantes, la définition du « logement social » dans le système néerlandais initial était clairement limitée et ne visait pas toutes les catégories de revenus. La Commission aurait ignoré le fait que les sociétés de logement ont l’obligation légale de donner priorité à une catégorie de personnes définie comme des personnes ayant des revenus qui ne leur permettent pas de se procurer un logement convenable de manière autonome.

71      Elles ajoutent que la Commission ne peut se contenter d’affirmer que le SIEG n’est pas délimité de manière suffisamment claire, mais elle doit le démontrer et indiquer quelles sont les mesures qui doivent être prises par l’État pour le rendre conforme au traité. Il ne ressortirait ni de la décision attaquée ni de la lettre article 17 que la Commission aurait examiné la délimitation du SIEG des sociétés de logement et elle semblerait se fonder uniquement sur l’absence de plafond de revenus.

72      À titre liminaire, il convient de rappeler, d’une part, que, selon une jurisprudence constante, ne relève pas de l’article 107, paragraphe 1, TFUE une intervention étatique considérée comme une compensation représentant la contrepartie de prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de telle sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que cette intervention n’a donc pas pour effet de placer ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable au regard des entreprises concurrentes (voir arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 45 et jurisprudence citée).

73      Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, les conditions énoncées aux points 88 à 93 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), doivent être réunies. Ainsi, premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public. Quatrièmement, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, points 46 et 47).

74      Il en résulte qu’une intervention étatique qui ne répond pas à une ou à plusieurs des conditions énumérées au point 73 ci-dessus est susceptible d’être considérée comme étant une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 48 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 94).

75      D’autre part, l’article 106, paragraphe 2, TFUE prévoit que les entreprises chargées de la gestion des SIEG sont soumises aux règles des traités et, notamment, aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie, et que le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.

76      S’agissant de l’articulation entre les conditions posées par la jurisprudence issue de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), et l’examen d’une mesure d’aide au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le contrôle du respect des conditions posées par cette jurisprudence intervient en amont, lors de l’examen de la question de savoir si la mesure en cause doit être qualifiée d’aide d’État. Cette question est en effet préalable à celle consistant à vérifier, le cas échéant, si une aide incompatible est néanmoins nécessaire à l’accomplissement de la mission impartie au bénéficiaire de la mesure en cause, au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 55 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 mars 2017, Viasat Broadcasting UK/Commission, C‑660/15 P, EU:C:2017:178, point 34).

77      Les conditions de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), et celles nécessaires à l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE poursuivant ainsi, en principe, des finalités différentes, il n’en demeure pas moins que la première condition posée par cet arrêt, selon laquelle l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public qui doivent être clairement définies, s’applique également dans le cas où la dérogation prévue à l’article 106, paragraphe 2, TFUE a vocation à s’appliquer (voir arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 56 et jurisprudence citée).

78      Ainsi, il en ressort, en substance, que, tant la première condition énoncée par la Cour dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), que le libellé de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, en tant que tel, exigent que l’opérateur en cause soit chargé d’une mission de SIEG par un acte de puissance publique et que celui-ci définisse clairement les obligations du SIEG en cause (voir arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 181 et jurisprudence citée).

79      À cet égard, selon une jurisprudence constante, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme un SIEG et, par conséquent, la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en question par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste (voir arrêts du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 166 et jurisprudence citée, et du 1er mars 2017, France/Commission, T‑366/13, non publié, EU:T:2017:135, point 92 et jurisprudence citée).

80      Pour autant, le pouvoir de définition des SIEG par l’État membre n’est pas illimité et ne peut être exercé de manière arbitraire aux seules fins de faire échapper un secteur particulier à l’application des règles de concurrence (arrêts du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 168, et du 1er mars 2017, France/Commission, T‑366/13, non publié, EU:T:2017:135, point 93).

81      Il convient d’ajouter que, même si l’État membre dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la détermination de ce qu’il considère comme un SIEG, cela ne le dispense toutefois pas de démontrer à suffisance de droit que le périmètre de celui-ci est nécessaire et proportionné par rapport à un besoin réel de service public. L’absence de preuve, fournie par l’État membre, que ces critères sont satisfaits ou la méconnaissance de ceux-ci est susceptible de constituer une erreur manifeste d’appréciation que la Commission est tenue de prendre en considération (arrêt du 1er mars 2017, France/Commission, T‑366/13, non publié, EU:T:2017:135, point 105).

82      Enfin, il y a lieu de préciser que, selon une jurisprudence constante, au regard, d’une part, du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’État membre quant à la définition d’une mission de SIEG et aux conditions de sa mise en œuvre et, d’autre part, de la portée du contrôle limitée à l’erreur manifeste que la Commission est habilitée à exercer à ce titre, le contrôle devant être exercé par le Tribunal sur l’appréciation de la Commission à cet égard ne saurait non plus dépasser la même limite et que, dès lors, ce contrôle doit se borner à examiner si la Commission a constaté ou a rejeté à bon droit l’existence d’une erreur manifeste de l’État membre (voir arrêt du 1er mars 2017, France/Commission, T‑366/13, non publié, EU:T:2017:135, point 106 et jurisprudence citée).

83      Par ailleurs, la Commission a adopté en 2005 l’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensation de service public (JO 2005, C 297, p. 4, ci-après l’« encadrement de 2005 »), dont l’objet est de préciser dans quelles conditions ces aides d’État peuvent être compatibles avec le marché intérieur, conformément aux dispositions de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Au point 12 de cet encadrement, la Commission a rappelé que la responsabilité de la gestion du SIEG doit être confiée à l’entreprise concernée au moyen d’un ou de plusieurs actes officiels, dont la forme peut être déterminée par chaque État membre et que ces actes doivent notamment indiquer la nature précise des obligations de service public.

84      La décision 2005/842 énonce les conditions en vertu desquelles les aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de SIEG doivent être considérées comme compatibles et exemptées de l’obligation de notification préalable. En application de son article 2, paragraphe 1, sous b), cette décision s’applique notamment aux compensations de service public octroyées aux entreprises de logement social qui exercent des activités qualifiées de SIEG par l’État membre concerné.

85      Cette décision rappelle les exigences posées par la jurisprudence. Ainsi, s’agissant des compensations de service public, il ressort du considérant 7 de cette décision ce qui suit :

« [d]e telles aides ne peuvent être déclarées compatibles que si elles sont octroyées pour assurer la prestation de services constituant effectivement des services d’intérêt économique général au sens de l’article [106], paragraphe 2, [TFUE]. Il résulte de la jurisprudence que, à l’exception des secteurs dans lesquels cette question fait déjà l’objet d’une réglementation [de l’Union], les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la définition des services susceptibles d’être qualifiés d’intérêt économique général. Par conséquent, à l’exception des secteurs dans lesquels cette question fait déjà l’objet d’une réglementation [de l’Union], la tâche de la Commission consiste à veiller à ce qu’il n’y ait pas d’erreur manifeste en ce qui concerne la définition des services d’intérêt économique général. »

86      Au considérant 16 de la décision 2005/842, la Commission a notamment relevé que les entreprises de logement social qui sont chargées de tâches de SIEG présentent des spécificités qui doivent être prises en considération. Il ressort de ce considérant que « les entreprises de logement social qui procurent un logement aux personnes défavorisées ou aux groupes sociaux vulnérables qui, pour des raisons de solvabilité, ne sont pas en mesure de trouver un logement aux conditions du marché, doivent bénéficier de l’exemption de notification énoncée dans la présente décision, même si le montant de la compensation qu’ils reçoivent excède les seuils prévus par celle-ci, pour autant que les services qu’ils fournissent soient qualifiés de services d’intérêt économique général par les États membres ».

87      Par ailleurs, l’article 70c, paragraphe 1, de la Woningwet (loi sur le logement néerlandaise de 1901), mentionné par les requérantes, prévoit que les sociétés de logement ont pour mission de loger par priorité des personnes qui, en raison de leurs revenus ou d’autres circonstances, éprouvent des difficultés pour trouver un logement convenable. Pour l’attribution des logements qu’elles gèrent avec un loyer proportionnellement réduit, les sociétés de logement sont tenues de donner priorité, dans toute la mesure du possible, à des candidats au logement qui sont particulièrement désignés pour obtenir ces logements, compte tenu de leurs revenus.

88      Dans la lettre article 17, concernant la définition du SIEG, la Commission a exprimé sa position préliminaire et a indiqué avoir des doutes sur le fait qu’elle puisse accepter la définition du service public des sociétés de logement figurant dans la législation néerlandaise dans la mesure où cette définition n’était pas suffisamment claire et pouvait inclure des erreurs manifestes.

89      À cet égard, elle a relevé :

« Lorsqu’elles louent des logements, les sociétés de logement sont légalement obligées de donner la priorité aux personnes qui ont des difficultés à trouver un logement convenable (en raison de faibles revenus ou d’autres circonstances). Cependant, les activités de logement ne sont pas restreintes aux personnes socialement défavorisées. En cas de surcapacité, les sociétés de logement louent des logements à des personnes ayant des revenus relativement élevés, portant ainsi atteinte à leurs concurrents commerciaux qui ne bénéficient pas des mesures étatiques. La possibilité de louer des logements à des groupes ayant des revenus plus élevés ou à des entreprises doit être considérée comme une erreur manifeste dans la définition du service public. La solution proposée par les autorités néerlandaises de réduire la valeur maximum des logements qui peuvent être considérés comme des “logements sociaux” ne résout pas ce problème. »

90      La Commission a estimé que le service public ayant un caractère social, la définition des activités des sociétés de logement devait donc avoir un lien direct avec les ménages socialement défavorisés et pas uniquement avec une valeur maximale des logements.

91      Comme la Commission l’a relevé dans la décision attaquée, elle a ainsi indiqué, dans la lettre article 17, à titre préliminaire, aux autorités néerlandaises qu’elles devaient modifier la définition de la mission de service public conférée aux sociétés de logement, de sorte que le logement social soit destiné à un groupe cible clairement défini de personnes défavorisées ou de groupes socialement défavorisés.

92      Elle a également indiqué que « la fourniture de logements sociaux p[ouvai]t constituer un service d’intérêt économique général si elle [étai]t limitée à un groupe ciblé de citoyens défavorisés ou de groupes sociaux désavantagés, étant entendu que les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation eu égard à la taille du groupe cible et aux modalités exactes d’application du système aux groupes cibles ». Elle a ajouté que, « dans la lettre article 17, [...] elle a[vait] exprimé sa position préliminaire dans laquelle elle s’interrogeait sur la question de savoir si la définition du service public était suffisamment claire, et si une erreur manifeste avait été commise dans la qualification de logement social de l’opération consistant à louer des logements à des groupes représentant toutes les tranches de revenus ».

93      Il ressort ainsi de la lettre article 17 que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, c’est au regard de la définition du SIEG du logement social figurant dans la législation néerlandaise que la Commission a estimé que cette définition ne correspondait pas à l’exigence de clarté. En effet, la Commission a considéré que l’obligation légale de donner la « priorité aux personnes qui ont des difficultés à trouver un logement convenable » ne permettait pas une délimitation suffisamment précise du groupe cible auquel les logements sociaux étaient destinés.

94      Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, d’une part, la Commission n’a pas indiqué que la définition du SIEG n’était pas suffisamment précise en raison de l’absence de plafond de revenus et, d’autre part, les dispositions législatives relatives au contrôle exercé sur les sociétés de logement ne sont pas pertinentes s’agissant de la question de savoir si leur mission est suffisamment définie dans la législation.

95      Ainsi, il ressort de la lettre article 17 que la Commission a indiqué aux autorités néerlandaises que l’absence de définition précise de la mission confiée aux sociétés de logement constituait une erreur manifeste dans la définition du SIEG.

96      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, cette lettre contient une conclusion préliminaire de la Commission sur laquelle les autorités nationales sont invitées à présenter des observations. Ainsi, dans le cadre de la procédure de coopération, les autorités nationales avaient la possibilité de remettre en cause cette appréciation de la Commission en établissant que la définition du SIEG du logement social était suffisamment précise et ne contenait pas d’erreur manifeste.

97      En application de la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus, il appartenait aux autorités néerlandaises de démontrer à suffisance de droit que le périmètre du SIEG conféré aux sociétés de logement était nécessaire et proportionné par rapport à un besoin réel de service public. Il leur appartenait donc de démontrer que la définition de la mission conférée aux sociétés de logement était suffisamment précise pour répondre à l’objectif du SIEG du logement social, qui est, selon la décision 2005/842, de procurer un logement aux personnes défavorisées ou aux groupes sociaux vulnérables qui, pour des raisons de solvabilité, ne sont pas en mesure de trouver un logement aux conditions du marché.

98      Contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ressort de la jurisprudence que la charge de la preuve de démontrer que le SIEG est délimité de façon suffisamment claire repose sur les autorités nationales.

99      Il ressort également de la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus que l’absence de preuve par l’État membre de ce que les critères sont satisfaits est susceptible de constituer une erreur manifeste d’appréciation. Il en va d’autant plus ainsi lorsque, comme en l’espèce, les autorités néerlandaises ont admis que la mission du SIEG n’était pas suffisamment précise.

100    En effet, dans sa lettre du 6 septembre 2005, en réponse à la lettre article 17, le gouvernement néerlandais a mentionné « le doute de la Commission quant à la compatibilité du régime de financement actuel des sociétés de logement, qualifié d’aide existante, avec le marché intérieur, parce que la définition du service public est insuffisamment claire et comporte éventuellement des erreurs manifestes » et le fait que « [l]es Pays-Bas sont invités à prendre les mesures nécessaires afin de veiller à ce que la définition soit en lien direct avec les ménages socialement défavorisés ». Il y a lieu de relever que le gouvernement néerlandais n’a pas contesté ces appréciations.

101    En revanche, le gouvernement néerlandais a admis que « les sociétés de logement, qui doivent certes par priorité, mais pas exclusivement, loger des personnes socialement défavorisées, p[ouvai]ent actuellement aussi (certes à petite échelle) attribuer des logements en location à des personnes/ménages à revenus (plus) élevés par rapport à ce groupe cible » et que « la location à ce groupe cible non social n’a[vait] pas (tout à fait) lieu conformément aux prix du marché ». Il a ainsi indiqué qu’une « législation qui, d’une manière ou d’une autre (administrativement et/ou sous une forme juridique distincte) opérera une césure entre activités commerciales et essentielles (SIEG) pour limiter les mécanismes de soutien aux activités essentielles demeure le principe guidant les évolutions esquissées au début de la présente lettre, ce qui doit aboutir à répondre aux griefs et à limiter sur le fond l’aide d’État à l’attribution d’un logement au groupe cible ».

102    Par la suite, parmi les mesures proposées par le gouvernement néerlandais dans sa lettre du 3 décembre 2009, figure une définition du groupe cible des ménages socialement défavorisés en tant que « candidats à un logement ayant un revenu inférieur à maximum 33 000 euros ». Il a également proposé ce qui suit :

« L’attribution de 90 % des logements de chaque société de logement à des candidats au logement faisant partie du groupe cible au moment de l’attribution est garantie. Les 10 % restants seront attribués en fonction de critères objectifs comportant un élément de priorité sociale. Les personnes disposant de revenus supérieurs au plafond mais pouvant néanmoins être considérées comme nécessitant un soutien social, comme les familles nombreuses et d’autres catégories définies dans la réglementation, sont prioritaires. »

103    À cet égard, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes soulevé, à titre subsidiaire, dans la réplique, selon lequel, en acceptant ces engagements permettant que 10 % des logements sociaux soient loués sans plafond de revenus, la Commission aurait reconnu qu’il n’était pas possible d’exiger des sociétés de logement qu’elles logent exclusivement (et non en priorité) des personnes défavorisées. En effet, cet argument repose sur une lecture erronée de l’appréciation de la Commission figurant dans la lettre article 17. La Commission n’a pas considéré que la définition du SIEG contenait une erreur manifeste, parce qu’elle ne prévoyait pas que les sociétés de logement devaient louer « exclusivement » des logements à des personnes défavorisées, mais qu’elle était imprécise, parce qu’elle prévoyait la location en « priorité aux personnes qui [avaient] des difficultés à trouver un logement convenable », sans que ce groupe cible des personnes défavorisées soit défini.

104    Il ressort de ce qui précède que la Commission a démontré à suffisance de droit l’existence d’une erreur manifeste dans la définition du SIEG du logement social conféré aux sociétés de logement et qu’elle n’a pas abusé de ses compétences en envoyant la lettre article 17.

105    Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de ce que la Commission a effectué une appréciation inexacte et négligente en concluant que la location de logements sociaux à des personnes bénéficiant de « revenus relativement élevés » faisait partie de la mission de service public confiée aux sociétés de logement

106    Les requérantes font valoir que la Commission a violé son obligation de motivation en ne définissant pas, dans la décision attaquée, la notion de « revenus relativement élevés », qui a joué un rôle crucial dans son appréciation. Elles soutiennent que le seul fait que les sociétés de logement exercent des activités accessoires à côté de leur mission de service public, consistant à louer des logements à des ménages ayant des « revenus relativement élevés », quelle que soit la définition qu’en donne la Commission, ne permettait pas à cette dernière de conclure à l’existence d’une erreur manifeste dans la définition du SIEG. La Commission n’aurait pas démontré que les sociétés de logement avaient perçu une aide financière pour ces activités accessoires.

107    Dans la réplique, les requérantes font valoir que, dans la lettre article 17, la Commission a décrit l’erreur manifeste dans la définition du SIEG comme étant la possibilité pour les sociétés de logement de louer des logements à des ménages bénéficiant de « revenus relativement élevés » et non, comme le soutient la Commission, comme le fait que le système initial ne contenait pas de garanties suffisantes pour empêcher que les sociétés de logement affectent des aides d’État à leurs activités commerciales annexes. Or, la Commission n’aurait pas suffisamment étayé, dans la décision attaquée, la notion de « revenus relativement élevés », ni le fait que la location de logements à des personnes bénéficiant de tels revenus ferait partie de la mission de service public des sociétés de logement. En toute hypothèse, la Commission n’aurait pas étayé le fait que des subventions croisées puissent avoir lieu.

108    À titre liminaire, il convient de relever que, dans la réplique, les requérantes indiquent que ce moyen fait référence à un passage figurant dans la lettre article 17 dans lequel est indiqué ce qui suit :

« En cas de surcapacité, les sociétés de logement louent des logements à des personnes ayant des revenus relativement élevés, portant ainsi atteinte à leurs concurrents commerciaux qui ne bénéficient pas des mesures étatiques. La possibilité de louer des logements à des groupes ayant des revenus plus élevés ou à des entreprises doit être considérée comme une erreur manifeste dans la définition du service public. »

109    La décision attaquée ne contient pas l’expression « revenus relativement élevés ». Dès lors, les arguments soulevés dans le cadre du présent moyen font référence à la motivation de la lettre article 17 et les requérantes ne sauraient invoquer un défaut de motivation de la décision attaquée en elle-même à cet égard.

110    Par ailleurs, il y a lieu de noter que les arguments des requérantes reposent sur une lecture erronée et partielle de la lettre article 17.

111    En effet, il convient de rappeler que la Commission a constaté, dans la lettre article 17, une erreur manifeste dans la définition du SIEG en ce qu’elle n’était pas suffisamment précise parce qu’elle ne visait pas uniquement un groupe cible de personnes socialement défavorisées. Elle a ensuite relevé que, dans la mesure où, en cas de surcapacité, les sociétés de logement pouvaient être amenées à louer des logements à des personnes en dehors de ce groupe cible, il existait un risque que les aides d’État bénéficient également aux sociétés de logement pour ces activités en dehors du SIEG.

112    À cet égard, au point 39 de la lettre article 17, la Commission a indiqué ce qui suit :

« De plus, parfois, les sociétés de logement ont une surcapacité de logement social. Dans ce cas, elles louent ces logements à d’autres parties (c’est-à-dire des ménages qui ne sont pas socialement défavorisés). Comme relevé précédemment, la Commission considère que la location de logement à des ménages qui ne sont pas socialement défavorisés ne peut pas être considérée comme un service public. »

113    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort clairement de la lettre article 17 que la notion de personnes ayant des « revenus relativement élevés » vise les personnes qui ne peuvent pas être considérées comme des personnes socialement défavorisées.

114    À cet égard, il convient de relever qu’il ressort de l’extrait de la lettre du 6 septembre 2005, cité au point 101 ci-dessus, que les autorités néerlandaises ont compris la notion de personnes ayant des « revenus relativement élevés » comme visant les ménages ayant des revenus plus élevés que le groupe cible des personnes socialement défavorisées.

115    Il ressort également clairement de la lettre article 17 que la Commission a considéré que la location de logements à des personnes bénéficiant de « revenus relativement élevés » ne pouvait pas être considérée comme relevant de la mission de service public des sociétés de logement.

116    Contrairement à ce que font valoir les requérantes dans la requête, la Commission n’a pas considéré que le seul fait que les sociétés de logement exercent des activités commerciales accessoires constituait une erreur manifeste dans la définition du SIEG. Ce que la Commission a constaté, c’est que, du fait de l’absence de délimitation précise du SIEG, il existait un risque que les aides octroyées aux sociétés de logement bénéficient également à leurs activités accessoires qui ne seraient donc pas exercées aux conditions du marché.

117    Ainsi que cela ressort également du point 40 de la décision attaquée, pour assurer la compatibilité du mécanisme de financement du logement social avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE, la Commission a estimé qu’il convenait de limiter le logement social à un groupe cible de personnes défavorisées ou de groupes socialement défavorisés et de prévoir que les activités de service public et les activités commerciales fassent l’objet de comptes distincts et de contrôles appropriés, afin de garantir l’exécution des activités commerciales aux conditions du marché.

118    Il en ressort que les requérantes ne sauraient soutenir que la Commission n’avait pas établi l’existence d’un risque de subventions croisées.

119    À cet égard, en reconnaissant, dans la lettre du 6 septembre 2005, que la location de logements à des ménages ayant des revenus plus élevés par rapport au groupe cible n’avait pas tout à fait lieu conformément aux prix du marché, les autorités néerlandaises ont admis l’existence de subventions croisées.

120    Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, dans la lettre article 17 contenant une appréciation préliminaire de la Commission, cette dernière n’avait pas à démontrer que les activités accessoires des sociétés de logement bénéficiaient effectivement des aides d’État ou que des subventions croisées avaient effectivement eu lieu. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’examen des aides existantes ne peut aboutir qu’à une décision produisant des effets pour l’avenir. Ce n’est donc que si la Commission considère que le système de financement en cause présente un risque de surcompensation pour l’avenir qu’elle peut être amenée à proposer des mesures utiles (voir arrêt du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, EU:T:2009:66, point 166 et jurisprudence citée).

121    Enfin, les requérantes soutiennent, dans la réplique, que les sociétés de logement avaient déjà l’obligation de tenir une comptabilité séparée en vertu de l’article 25 B de la Mededingingswet (loi sur la concurrence néerlandaise).

122    Or, il convient de relever que, dans sa lettre du 6 septembre 2005, le gouvernement néerlandais mentionne le point de la lettre article 17 dans lequel il est fait référence à l’obligation pour les entreprises de tenir des comptes séparés, sans faire valoir que cette obligation existerait déjà dans la législation pour les sociétés de logement. En outre, dans la lettre du 3 décembre 2009, parmi les mesures que le gouvernement néerlandais s’est engagé à adopter afin d’assurer la compatibilité du régime d’aides, figure la séparation comptable entre les activités sociales (bénéficiant de l’aide d’État) et commerciales (sans aide d’État) conformément à la directive 80/723/CEE de la Commission, du 25 juin 1980, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises (JO 1980, L 195, p. 35).

123    Enfin, comme le relève la Commission, conformément à l’article 25 D, paragraphe 1, sous b), de la loi sur la concurrence néerlandaise, l’obligation de tenir une comptabilité séparée, prévue par l’article 25 B de cette loi, n’est pas applicable aux entreprises chargées d’un SIEG de logement social dont le chiffre d’affaires est inférieur à 40 millions d’euros. Les engagements des autorités néerlandaises visaient donc à étendre cette obligation à l’ensemble des sociétés de logement.

124    Partant, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit et abusé de ses compétences en exigeant des autorités néerlandaises une nouvelle définition du « logement social » et sur le sixième moyen, tiré de ce que la Commission, en exigeant une définition spécifique du SIEG, a fait une interprétation erronée de la décision 2005/842

125    Par le quatrième moyen, les requérantes font valoir que, parmi les mesures utiles que la Commission a proposé aux autorités néerlandaises, elle a exigé que ces dernières limitent la définition du logement social à un groupe spécifique de ménages défavorisés. Il ressortirait de la lettre article 17, et notamment de la référence à la décision de la Commission du 3 juillet 2001 concernant l’aide d’État N 209/01 relative à la garantie des emprunts de la Housing Finance Agency en Irlande (JO 2002, C 67, p. 33), que la Commission aurait estimé que cette limitation ne pouvait s’effectuer que par une limite de revenus. Les États membres disposeraient d’une marge d’appréciation importante pour déterminer la portée de leurs SIEG dans le domaine du logement social et la Commission ne serait pas compétente pour imposer un critère relatif à la délimitation d’un groupe cible.

126    Par le sixième moyen, les requérantes font valoir que l’exemption de notification au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE prévue par la décision 2005/842 s’applique au logement social, mais ne serait pas soumise à des seuils. Au considérant 16 de la décision 2005/842, la notion de logement social serait définie uniquement par référence « aux personnes défavorisées ou aux groupes sociaux vulnérables », mais non par référence à une limite de revenus. La Commission aurait fait une application erronée de la décision 2005/842 en considérant que le système néerlandais de logement social contenait une erreur manifeste, parce qu’il ne comportait pas de limite de revenus spécifique. Selon les requérantes, les missions des sociétés de logement étaient suffisamment clairement définies dans la législation néerlandaise.

127    Par ces deux moyens, les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d’avoir commis une erreur de droit, abusé de ses compétences et violé la décision 2005/842 en exigeant, dans la lettre article 17, que les autorités néerlandaises définissent le SIEG du logement social par référence à un groupe cible déterminé en fonction d’une limite de revenus.

128    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen, et notamment de la jurisprudence citée aux points 79 à 81 ci-dessus, que, même si les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation, la Commission peut remettre en cause la définition d’un SIEG en cas d’erreur manifeste. Dans la mesure où il a été constaté que la Commission a estimé à juste titre, dans la lettre article 17, que l’absence de définition d’un groupe cible de personnes socialement défavorisées suffisamment claire constituait une erreur manifeste, elle était donc compétente, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, pour exiger des autorités néerlandaises une limitation de cette définition.

129    Dans la lettre article 17, la Commission a indiqué que la définition du SIEG du logement social devait établir un lien direct avec les ménages défavorisés. À cet égard, elle a indiqué que la solution proposée par les autorités néerlandaises consistant à réduire la valeur maximale des logements qui pouvaient être considérés comme des « logements sociaux » ne résolvait pas ce problème.

130    Elle a ensuite mentionné sa décision du 3 juillet 2001, concernant l’aide d’État N 209/01, à titre d’illustration de sa pratique récente en matière de logement social. La mesure d’aide visée dans cette décision consistait dans la garantie de l’État accordée à la Housing Finance Agency (HFA, agence pour le financement du logement, Irlande) dans le cadre de son activité de prêt et de levée de fonds, destinée aux activités de logement social réalisées par les collectivités locales. Elle a indiqué que la garantie d’État de la HFA ne pouvait être accordée qu’en faveur de personnes qui satisfaisaient à certains critères, à savoir qu’elles avaient besoin d’un prêt, que leurs revenus étaient en dessous d’une certaine limite et qu’elles étaient inéligibles à un prêt de source commerciale. Elle a constaté que la justification sociale dans le statut du SIEG irlandais était fondée sur des critères plus rigoureux que ceux appliqués dans le système néerlandais.

131    Il ressort ainsi de la lettre article 17 que la Commission a mentionné la décision du 3 juillet 2001 à titre d’exemple d’une définition d’un SIEG dans le domaine du logement social faisant clairement référence à des critères sociaux et à des ménages socialement défavorisés. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas exigé des autorités néerlandaises qu’elles retiennent les mêmes critères, ni considéré qu’elles ne pouvaient définir le SIEG que par une référence à une limite de revenus.

132    Comme le relèvent les requérantes elles-mêmes, la notion de logement social est définie, au considérant 16 de la décision 2005/842, par référence « aux personnes défavorisées ou aux groupes sociaux vulnérables ». Conformément à cette décision, dans la lettre article 17, la Commission a uniquement exigé que la définition des activités des sociétés de logement ait un lien direct avec les ménages socialement défavorisés.

133    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas considéré dans la lettre article 17 que l’erreur manifeste dans la définition du SIEG résultait de l’absence de limite de revenus spécifiques, mais qu’elle résultait de l’absence d’une définition claire du groupe cible. La Commission s’est contentée d’indiquer qu’un critère relatif à la valeur maximale du logement n’était pas un critère satisfaisant.

134    De plus, il y a lieu de rappeler que ce sont les autorités néerlandaises elles-mêmes qui ont proposé à la Commission, dans la lettre du 3 décembre 2009, une nouvelle définition du logement social fondée sur un plafond de revenus.

135    Cela est d’ailleurs confirmé par divers documents produits par la Commission en annexe de la duplique, dont deux rapports de concertation, le premier, entre le ministre du Logement néerlandais et la Tweede Kamer der Staten-Generaal (Seconde chambre des États généraux, Pays-Bas), daté du 31 août 2006, concernant les sociétés de logement et le second, entre le ministre des Affaires intérieures néerlandais et la Seconde chambre des États généraux, daté du 28 octobre 2010, concernant les aides aux sociétés de logement, dans lequel les ministres ont expressément indiqué que le plafond de revenus n’avait pas été imposé par la Commission, mais avait été proposé par les Pays-Bas.

136    L’argument des requérantes selon lequel, en application de l’arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission (T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457), les États membres peuvent opter pour une définition qualitative du SIEG et ne peuvent être contraints de le limiter en termes quantitatifs, au moyen d’un plafond de revenus, n’est donc pas pertinent.

137    Par ailleurs, il y a lieu de relever que la Commission s’est contentée de considérer, dans la décision attaquée, que cette nouvelle définition du SIEG du logement social satisfaisait aux exigences de la décision 2005/842. Il ne saurait cependant être exclu que la Commission ait également approuvé une définition du SIEG proposée par les autorités néerlandaises reposant sur un autre critère qu’une limitation de revenus, si cette définition était suffisamment claire et établissait un lien avec les personnes défavorisées.

138    Il découle de ce qui précède que la Commission, n’ayant pas exigé une définition du SIEG fondée sur un plafond de revenus, n’a pas commis d’erreur de droit, ni abusé de ses compétences, ni violé la décision 2005/842.

139    Partant, les quatrième et sixième moyens doivent être rejetés.

 Sur le cinquième moyen, tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit en ne faisant pas de distinction entre la définition d’un SIEG et son mode de financement

140    Les requérantes font valoir qu’il découle de l’arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission (T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457), qu’il convient de distinguer entre la définition d’un SIEG et son mode de financement. La Commission n’aurait pas effectué cette distinction et aurait considéré le SIEG comme une forme de subvention croisée d’activités commerciales accessoires. Elle aurait estimé pouvoir s’opposer à une possibilité de subvention croisée en limitant la définition du SIEG grâce à un plafond de revenus, de sorte que les sociétés de logement ne sauraient utiliser les moyens mis à leur disposition dans le cadre du SIEG pour des offres de logement à des ménages dépassant ce plafond. La Commission aurait dû apprécier la définition du SIEG indépendamment des moyens mis à la disposition des sociétés de logement pour la mise en œuvre de ce SIEG, puis examiner si ces moyens allaient au-delà de ce qui était nécessaire pour assurer l’exécution du SIEG. La Commission aurait confondu les deux questions en voulant s’opposer à une surcompensation par une limitation du SIEG.

141    En premier lieu, il convient de rappeler que, au point 108 de l’arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission (T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457), cité par les requérantes, le Tribunal a considéré qu’un SIEG se définissait, par hypothèse, par rapport à l’intérêt général qu’il visait à satisfaire et non par rapport aux moyens qui assureront sa fourniture.

142    Or, en l’espèce, dans la lettre article 17, la Commission a indiqué aux autorités néerlandaises, dans un premier temps, que la définition du SIEG du logement social devait être déterminée par rapport à l’intérêt général visé, à savoir par rapport à des critères sociaux, et avoir un lien direct avec les ménages socialement défavorisés. Ce n’est que dans un second temps que la Commission a examiné la question de la proportionnalité du financement du SIEG et des subventions croisées.

143    Il en ressort que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas fait dépendre la définition du SIEG du logement social de son mode de financement.

144    En second lieu, c’est à tort que les requérantes soutiennent que la Commission ne pouvait pas s’opposer à une surcompensation ou à une possibilité de subvention croisée en limitant la définition du SIEG.

145    En effet, afin de considérer qu’une aide d’État sous forme de compensations de service public est compatible avec le marché intérieur, l’article 5, paragraphe 1, de la décision 2005/842 rappelle que le montant de la compensation n’excède pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable sur les capitaux propres nécessaires pour l’exécution de ces obligations (voir également point 14 de l’encadrement de 2005).

146    L’article 5, paragraphe 2, de la décision 2005/842 indique que les coûts à prendre en considération englobent tous les coûts occasionnés par la gestion du SIEG et que, lorsque l’entreprise réalise également des activités en dehors du SIEG, seuls les coûts liés à celui-ci sont pris en considération (voir également point 16 de l’encadrement de 2005).

147    Dans la lettre article 17, la Commission a notamment indiqué que, pour remplir le test de proportionnalité, il était nécessaire que l’aide d’État n’excède pas les coûts nets de la mission de service public, prenant en compte les autres revenus directs ou indirects dérivés de la mission de service public. La Commission a relevé qu’elle devait, en l’espèce, déterminer, premièrement, si les coûts et les revenus associés aux activités de service public et non public pouvaient être convenablement déterminés et, deuxièmement, si le financement était proportionné aux coûts nets.

148    Ainsi, une définition claire du SIEG est nécessaire pour garantir le respect de la condition de proportionnalité de l’aide, à savoir pour garantir que la compensation octroyée n’excède pas ce qui est nécessaire pour accomplir la mission de service public.

149    Dès lors, la Commission, en demandant aux autorités néerlandaises de définir le SIEG du logement social par rapport à un groupe cible de ménages socialement défavorisés, leur a demandé de déterminer clairement les missions de service public pour lesquelles les compensations étaient accordées. Cette définition précise permettait ainsi de déterminer les coûts occasionnés par l’exécution du SIEG et d’éviter, d’une part, les surcompensations et, d’autre part, que les activités exercées par les sociétés de logement en dehors du SIEG ne bénéficient des aides d’État afin d’éviter les subventions croisées.

150    En outre, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que les requérantes ont elles-mêmes indiqué dans la requête que la définition du SIEG était pertinente pour vérifier s’il existait une surcompensation qui pourrait mener à une subvention croisée.

151    Partant, le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur le septième moyen, tiré de ce que la Commission a commis une erreur d’appréciation et a violé l’article 5 de la décision 2005/842 en ne constatant pas que le mode de financement du SIEG était manifestement inadapté

152    Les requérantes font valoir que la Commission a violé l’article 5 de la décision 2005/842, qui prévoit que le montant de la compensation pour un SIEG est compatible avec le traité s’il n’excède pas ce qui nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Dans la lettre article 17, la Commission n’aurait pas constaté de surcompensation, ni démontré l’existence d’un risque de bénéfice exorbitant pouvant mener à une surcompensation.

153    Elle aurait commis une erreur d’appréciation en n’examinant pas, dans la lettre article 17, l’existence d’une surcompensation dans le système de financement du logement social initial, au regard de la définition initiale du SIEG, avant d’exiger une modification de ce système. Dans la lettre article 17, la Commission ne pouvait pas exiger une modification du système du logement social au motif qu’elle n’avait pas pu déterminer, faute d’informations suffisantes fournies par les autorités néerlandaises, quels étaient les coûts du SIEG et quel était le montant de la compensation que les sociétés de logements recevaient.

154    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’examen des aides existantes ne peut aboutir qu’à des mesures pour l’avenir. Ce n’est donc que si la Commission considère que le système de financement en cause présente un risque de surcompensation pour l’avenir qu’elle peut être amenée à proposer des mesures utiles (voir arrêt du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, EU:T:2009:66, point 166 et jurisprudence citée).

155    Dans ces conditions, s’il est possible que la recherche, dans le cadre de l’examen permanent d’une aide existante, d’une éventuelle surcompensation pour le passé puisse éventuellement, selon les circonstances particulières du cas d’espèce, présenter un intérêt pour l’appréciation de la compatibilité de cette aide existante avec le marché intérieur, il n’en demeure pas moins qu’une telle recherche n’est pas, en soi, forcément indispensable pour une appréciation correcte de la nécessité de proposer des mesures utiles pour l’avenir et pour la détermination de ces mesures. Le risque ou l’absence de risque de surcompensation pour l’avenir dépend, en définitive, essentiellement des modalités concrètes du régime de financement lui-même, et non de la circonstance que ce régime aurait, en pratique, occasionné une surcompensation dans le passé (arrêt du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, EU:T:2009:66, point 167).

156    Il ressort de cette jurisprudence que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la Commission n’était pas dans l’obligation de démontrer l’existence d’une surcompensation dans le système de financement du logement social initial.

157    De plus, dans la lettre article 17, la Commission a constaté, s’agissant de la proportionnalité du financement, que les autorités néerlandaises ne pouvant pas fournir d’informations sur les surcoûts encourus par les sociétés de logement pour les activités de service public, ni sur la valeur exacte des mesures étatiques, il lui était impossible de déterminer s’il existait ou non une surcompensation des coûts nets de service public.

158    Elle a également relevé que, avec la location commerciale des capacités de logements sociaux excédentaires qui étaient financés par les aides d’État, les sociétés de logement auraient faussé la concurrence sur le marché de l’immobilier, lorsqu’elles offraient des logements en dessous du prix du marché et investissaient les profits qui en résultaient dans d’autres activités commerciales.

159    Il convient de rappeler à cet égard que la lettre article 17 n’est que la première étape de la procédure, qui ne contient pas d’appréciation définitive sur la compatibilité de l’aide existante. Les autorités néerlandaises, en réponse à cette lettre, étaient en mesure d’apporter des informations complémentaires de nature à établir l’absence de surcompensation et la compatibilité du système initial avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

160    Or, dans leur lettre du 6 septembre 2005, les autorités néerlandaises ont relevé que toutes les opérations entre les sociétés de logement et leurs filiales commerciales devraient avoir lieu aux conditions du marché et que, selon le gouvernement néerlandais, il s’ensuivait que les ressources publiques destinées au groupe cible social ne pouvaient pas être utilisées pour les activités commerciales. Il ressort de l’extrait de cette lettre mentionné au point 101 ci-dessus que les autorités néerlandaises, loin de contester l’existence d’un risque de surcompensation, ont au contraire admis la nécessité d’adopter des mesures, prévoyant notamment l’obligation de tenir des comptes séparés, afin de limiter l’attribution de l’aide d’État aux activités destinées au groupe cible de personnes défavorisées.

161    En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort de la lettre article 17 qu’une définition précise du SIEG n’était pas la seule mesure permettant d’éviter qu’une surcompensation ne bénéficie aux activités commerciales. En effet, afin de déterminer les coûts et les revenus liés au service public et d’éviter qu’une surcompensation du SIEG ne soit utilisée dans le but de financer les activités commerciales des sociétés de logement, la Commission a rappelé que, en application de la directive 80/723, ces dernières devaient être tenues à une comptabilité séparée.

162    À cet égard, il convient de noter que l’article 5, paragraphe 5, de la décision 2005/842 prévoit également que, « [l]orsqu’une entreprise réalise des activités qui se situent à la fois dans le cadre du SIEG et en dehors de celui-ci, sa comptabilité interne indique séparément les coûts et les recettes liés à ce service et à d’autres services, ainsi que les paramètres de répartition des coûts et des recettes ».

163    Par ailleurs, la jurisprudence citée par les requérantes selon laquelle le contrôle du caractère proportionné de la compensation pour l’exécution d’une mission SIEG, telle qu’elle a été établie par un acte de portée générale, se limite à vérifier si la compensation prévue est nécessaire pour que la mission SIEG en cause puisse être accomplie dans des conditions économiquement acceptables (arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 222), n’est pas pertinente en l’espèce. En effet, il suffit de rappeler que la Commission a indiqué, dans la lettre article 17, qu’elle n’était pas en mesure, faute d’une définition suffisamment précise du SIEG et faute d’informations suffisantes transmises par les autorités néerlandaises, de déterminer les coûts et les revenus liés au SIEG et, partant, d’apprécier le caractère proportionné de la compensation.

164    Partant, le septième moyen doit être rejeté.

 Sur le huitième moyen, tiré de ce que la Commission a abusé de la procédure d’appréciation des régimes d’aides existants, en imposant, sur la base de cette procédure, une liste limitative des bâtiments qui pouvaient être qualifiés d’« immeubles sociaux »

165    Les requérantes font valoir que la Commission a abusé de la procédure relative aux aides existantes et excédé ses compétences en approuvant une liste limitative de bâtiments qui pouvaient être qualifiés d’« immeubles sociaux ». Selon les requérantes, la Commission ne pouvait pas formuler une appréciation ayant pour conséquence que des projets ne figurant pas sur la liste ne pouvaient plus être qualifiés d’« immeubles sociaux ».

166    Elles soutiennent que cette approbation n’entre pas dans les compétences de la Commission. Elles relèvent que, ni dans la lettre article 17, ni dans les propositions de mesures utiles, la Commission n’a fait de recommandations concernant la définition de l’immobilier social. La Commission se serait contentée d’observer que les immeubles figurant sur la liste avaient une fonction sociale manifeste, sans indiquer pour quelle raison cette fonction ne s’appliquerait pas à d’autres immeubles. La Commission n’aurait pas examiné la définition initiale des missions des sociétés de logement en ce qui concerne les immeubles sociaux et, dès lors, n’aurait pas pu décider que cette définition présentait des défauts nécessitant une définition plus limitative de ces missions.

167    Il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté que, parmi les activités d’intérêt général des sociétés de logement figuraient la construction et la mise en location d’immeubles d’intérêt général. Les sociétés de logement bénéficient d’aides d’État pour couvrir les coûts d’investissement et donnent ces immeubles en location à des organisations non gouvernementales ou à des organismes publics, lesquels fournissent des services publics ou des activités à but non lucratif, à l’exclusion de toute activité commerciale. Elle a relevé que les bénéficiaires des aides d’État sont, tout d’abord, les sociétés de logement, ensuite, les opérateurs exerçant des activités dans ces immeubles et, enfin, les citoyens qui profitent des services proposés.

168    Dans la décision attaquée, la Commission a énuméré les engagements pris par les autorités néerlandaises, dans leur courrier du 3 décembre 2009, relatifs aux activités des sociétés de logement consistant dans la construction et la mise en location d’immeubles d’intérêt général. Ces engagements sont décrits comme suit :

« Les immeubles d’intérêt général comprennent les maisons de quartier, centres de santé, centres d’hébergement pour les femmes, centres de soins aux personnes âgées, centres culturels, sportifs, etc. Ces établissement sont détenus et entretenus par des sociétés de logement, et donnés en location à des organisations non gouvernementales ou à des organismes publics. Les conditions suivantes s’appliqueront :

n)       Seuls les établissements servant véritablement l’intérêt général et qui contribuent à la vie de la collectivité, par exemple les centres communautaires, maisons de quartier, maisons des jeunes, etc., pourront recevoir des aides. Une liste quasi exhaustive des établissements pouvant être qualifiés d’immeubles d’intérêt général sera établie par acte administratif, et est jointe en annexe à la présente décision.

o)      Les sociétés de logement seront tenues de donner ces immeubles en location en contrepartie d’un loyer inférieur aux loyers pratiqués sur le marché, de sorte que l’avantage obtenu par les sociétés de logement soit répercuté sur les organisations sociales exerçant leurs activités dans l’immeuble.

[…] »

169    La Commission a constaté que la liste des établissements pouvant être qualifiés d’immeubles d’intérêt général, jointe en annexe de la décision attaquée, montrait clairement que toutes les activités mises en œuvre dans ces établissements constituaient véritablement des activités d’intérêt général. Elle a rappelé que les sociétés de logement étant tenues d’appliquer à leurs locataires des loyers modérés, les avantages qui leur étaient conférés étaient répercutés sur les locataires qui étaient soit des prestataires de services publics, soit des organisations à but non lucratif. Elle a observé que les aides ciblaient des objectifs définis de manière étroite et spécifique, comme le montrait la liste précise des immeubles à vocation sociale, et elle a estimé que tous les projets commerciaux étaient exclus du régime d’aides.

170    Il y a lieu de relever que la liste des « établissements pouvant être qualifiés d’immeubles d’intérêt général » qui figure en annexe de la décision attaquée a été établie par les autorités néerlandaises, ce que les requérantes ne contestent pas.

171    La Commission a considéré que cette liste, conjointement avec d’autres engagements pris par les autorités néerlandaises, permettait de répondre à la crainte, exprimée lors de la procédure, que des activités commerciales ne bénéficient d’aides d’État.

172    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, c’est pour répondre aux préoccupations de la Commission au regard du risque que les aides octroyées pour le financement du SIEG ne bénéficient à des bâtiments dans lesquels sont exercées des activités commerciales, exprimées dans le cadre de la procédure de coopération, que les autorités néerlandaises ont proposé une liste d’immeubles à vocation sociale.

173    À cet égard, dans la lettre qu’il a adressée, le 12 juin 2009, au président de la Seconde chambre des États généraux, le ministre du Logement néerlandais a indiqué que la Commission avait émis des doutes quant à l’octroi d’aides d’État pour la construction et la location d’immeubles sociaux. Il a déclaré ce qui suit :

« J’estime qu’il est important que l’aide d’État reste disponible afin de construire et de louer des immeubles sociaux. À cet effet, à l’occasion de la concertation avec la [Commission], je décrirai plus précisément la notion d’immeuble social afin de faire clairement la distinction avec un immeuble à usage essentiellement commercial. »

174    Il ressort de ce qui précède que l’appréciation de la Commission, relative aux aides octroyées aux sociétés de logement concernant la construction et la mise en location d’immeubles d’intérêt général, est conforme à la procédure d’examen des aides existantes prévue par les articles 17 à 19 du règlement no 659/1999.

175    Enfin, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’approbation de cette liste a pour conséquence que des projets n’y figurant pas ne peuvent plus être qualifiés d’immeubles sociaux, il suffit de constater que ce n’est pas la Commission, mais les autorités néerlandaises, dans leurs engagements, qui ont défini quels étaient les établissements pouvant être qualifiés d’immeubles d’intérêt général et, par conséquent, ceux qui ne le pouvaient pas. Il n’appartenait pas à la Commission, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, d’indiquer pour quelle raison la fonction sociale ne s’appliquerait pas à d’autres immeubles.

176    Partant, le huitième moyen doit être rejeté.

177    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les recours sont rejetés.

 Sur les dépens

178    Conformément à l’article 219 du règlement de procédure, dans les décisions du Tribunal rendues après annulation et renvoi, celui-ci statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour.

179    Dans la mesure où, dans les arrêts du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2014:100), du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission (C‑133/12 P, EU:C:2014:105), du 15 mars 2017, Stichting Woonlinie e.a./Commission (C‑414/15 P, EU:C:2017:215), et du 15 mars 2017, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑415/15 P, EU:C:2017:216), la Cour a réservé les dépens, il appartient au Tribunal de statuer également, dans le présent arrêt, sur les dépens afférents à ces procédures de pourvoi.

180    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission et par l’IVBN, conformément aux conclusions de ces dernières.

181    Le Royaume de Belgique qui est intervenu au litige, supportera ses propres dépens en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Stichting Woonlinie, Woningstichting Volksbelang et Stichting Woonstede sont condamnées à supporter leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne dans les affaires T202/10, T202/10 RENV, T202/10 RENV II, C133/12 P et C414/15 P ainsi que ceux exposés par Vereniging van Institutionele Beleggers in Vastgoed, Nederland (IVBN) dans les affaires T202/10, T202/10 RENV et T202/10 RENV II.

3)      Stichting Woonpunt, Woningstichting Haag Wonen et Stichting Woonbedrijf SWS.Hhvl sont condamnées à supporter leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission dans les affaires T203/10, T203/10 RENV, T203/10 RENV II, C132/12 P et C415/15 P ainsi que ceux exposés par l’IVBN dans les affaires T203/10, T203/10 RENV et T203/10 RENV II.

4)      Le Royaume de Belgique est condamné à supporter ses propres dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Passer

 

      De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 novembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.

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