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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Visi/one v EUIPO - EasyFix (Porte-affichette pour vehicules) (Judgment) French Text [2019] EUECJ T-74/18 (13 June 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T7418.html Cite as: ECLI:EU:T:2019:417, [2019] EUECJ T-74/18, EU:T:2019:417 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
13 juin 2019 (*)
« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un porte-affichette pour véhicules – Dessin ou modèle antérieur – Preuve de la divulgation – Article 7 du règlement (CE) no 6/2002 – Motif de nullité – Absence de caractère individuel – Utilisateur averti – Degré de liberté du créateur – Absence d’impression globale différente – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 »
Dans l’affaire T‑74/18,
Visi/one GmbH, établie à Remscheid (Allemagne), représentée par Mes H. Bourree et M. Bartz, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été
EasyFix GmbH, établie à Vienne (Autriche),
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 4 décembre 2017 (affaire R 1424/2016-3), relative à une procédure de nullité entre EasyFix et Visi/one,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. G. De Baere, juges,
greffier : M. E. Hendrix, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2018,
vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 25 avril 2018,
vu la question écrite du Tribunal à la requérante et la réponse de cette dernière à ladite question déposée au greffe du Tribunal le 4 janvier 2019,
à la suite de l’audience du 7 février 2019,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 28 novembre 2013, la requérante, Visi/one GmbH, a demandé et obtenu auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), l’enregistrement, sous le numéro 1391114‑0001, du dessin ou modèle communautaire représenté dans les vues suivantes :
2 Le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé dans des « porte-affichettes, enseignes pour véhicules », relevant de la classe 20-03 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié. Il a été publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 2014/026, du 10 février 2014.
3 Le 27 juillet 2015, EasyFix GmbH a introduit une demande en nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec les articles 5 et 6 du même règlement, au motif que ledit dessin ou modèle était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel.
4 En annexes A à E de la demande en nullité, EasyFix a notamment produit les documents décrits par l’EUIPO comme suit :
5 Par décision du 3 juin 2016, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité du dessin ou modèle contesté, pour défaut de caractère individuel.
6 Le 3 août 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.
7 Par décision du 4 décembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel. Premièrement, elle a constaté que les documents produits dans les annexes A à E de la demande en nullité étaient propres à prouver la divulgation du dessin ou modèle antérieur. Deuxièmement, elle a indiqué que les utilisateurs avertis des dessins ou modèles en conflit étaient des commerçants qui voulaient étiqueter leurs produits ainsi que des responsables des achats dans les entreprises, qui achetaient de tels tableaux d’affichage des prix. Troisièmement, elle a estimé que la liberté du créateur dans l’élaboration de « porte-affichettes, enseignes pour véhicules » était grande, tant pour la forme que pour le matériau utilisé. Quatrièmement, elle a relevé que les différences entre ces dessins ou modèles étaient minimes et ne modifiaient pas la même impression globale produite par ceux-ci.
Conclusions des parties
8 Après une clarification de ses chefs de conclusions actée au procès-verbal d’audience, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés au cours de la procédure devant la chambre de recours.
9 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
10 À l’appui du recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une appréciation erronée des éléments de preuve relatifs à la divulgation d’un « dessin ou modèle antérieur », en violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, le deuxième, d’une violation du droit d’être entendu, conformément à l’article 62, deuxième phrase, du même règlement, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation, conformément à l’article 62, première phrase, de ce règlement, et, le quatrième, d’une appréciation erronée du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, en violation de l’article 6 et de l’article 25, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.
Sur le premier moyen, tiré d’une appréciation erronée des éléments de preuve relatifs à la divulgation d’un « dessin ou modèle antérieur », en violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002
11 Dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours son constat selon lequel les documents produits dans les annexes A à E de la demande en nullité étaient propres à prouver la divulgation d’un « dessin ou modèle antérieur » au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. À l’appui de ce moyen, elle invoque sept griefs.
12 Par le premier grief, la requérante allègue que les documents produits dans les annexes A et D de la demande en nullité ne montrent pas de divulgation du « dessin ou modèle antérieur », parce que lesdits documents n’auraient été imprimés que le 20 juillet 2015, c’est-à-dire après la date du dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté.
13 Par le deuxième grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir affirmé, au point 17 de la décision attaquée, s’agissant du catalogue produit dans l’annexe B de la demande en nullité, que la question de savoir si la page de couverture se rattachait réellement au reste des pages de cette annexe était dépourvue de pertinence. Elle allègue, au contraire, que, en raison des doutes concernant l’appartenance de cette page de couverture au reste de ce catalogue, il convenait de ne pas tenir compte de l’ensemble de l’annexe B. Les éléments de ce catalogue qui lui auraient été communiqués ne seraient qu’un assemblage de pages volantes. La numérotation discontinue, l’utilisation par deux fois d’un même numéro de page 2 et la présence du numéro de page 31 inséré entre les deux occurrences du numéro de page 2 suffiraient à montrer que les éléments figurant dans l’annexe B ne constituaient pas un catalogue homogène et n’avaient jamais été publiés ainsi. Par ailleurs, le fait que le même catalogue fasse référence à des noms de domaine et à des adresses électroniques différentes (tantôt le nom de domaine www.easyfix.co.at et l’adresse électronique [email protected], tantôt le nom de domaine www.easyfix.at et l’adresse électronique [email protected]) serait en nette contradiction avec l’expérience courante. De plus, il ressortirait d’un extrait du registre autrichien de noms de domaine (nic.at GmbH) que le nom de domaine « www.easyfix.co.at » ne serait absolument pas enregistré. La requérante conteste donc que la page intitulée « Preisauszeichnung » (affichage des prix) et portant aussi le numéro de page 2 dans ledit catalogue ait vraiment été publiée et divulguée avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté.
14 Par le troisième grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu, au point 18 de la décision attaquée, que le catalogue produit dans l’annexe B de la demande en nullité avait été publié en 2010, au motif que la page intitulée « Éditorial » indiquait que ledit catalogue était « sorti à temps pour le salon spécialisé Automechanika 2010 ». Selon elle, cela ne pourrait même pas prouver que ce document promotionnel ait été publié, et encore moins dans quel assemblage et à quelle date. Elle ajoute que, même s’il s’agit d’un catalogue relié dont l’EUIPO ne lui a transmis qu’une copie désordonnée, cela ne prouve pas pour autant sa publication antérieure avec le contenu présenté.
15 Par le quatrième grief, la requérante fait valoir que, au point 19 de la décision attaquée, c’est à tort que la chambre de recours a supposé prouvée une publication antérieure du document produit dans l’annexe C de la demande en nullité, alors que celui-ci, à juste titre, n’avait pas été pris en compte par la division d’annulation et qu’il pourrait s’agir d’un projet de catalogue adressé à une société liée à EasyFix et non divulgué au public.
16 Par le cinquième grief, la requérante fait valoir que, au point 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a affirmé à tort que les illustrations figurant dans les documents produits dans les annexes A à D de la demande en nullité contenaient toutes la même fiche de données d’une BMW 520i Touring et en a déduit, à tort également, que, pour cette raison, les porte-affichettes pour véhicules reproduits au point 4 de la décision attaquée portaient tous sur le même dessin ou modèle antérieur. Selon elle, l’utilisation d’un texte (modèle) identique ne permet pas de savoir si les documents promotionnels ont même seulement été publiés avec l’illustration en cause, s’ils ont été publiés dans l’assemblage communiqué et à quelle date ils ont été publiés. Elle suppose qu’il s’agit d’un texte d’offre fictif utilisé également par d’autres entreprises et produit en annexe, à titre d’exemple, une copie actuelle du même texte d’offre qui est utilisé par un autre fournisseur de porte-affichettes pour une autre marque d’automobiles.
17 Par le sixième grief, la requérante allègue que la chambre de recours, aux points 22 et 31 à 35 de la décision attaquée, est partie de l’hypothèse erronée selon laquelle l’ensemble des documents produits dans les annexes A à E de la demande en nullité montraient un seul et même « dessin ou modèle antérieur ». Selon elle, l’annexe E diffère des annexes B et C notamment en ce que le dessin ou modèle représenté montre entre la partie languette et la partie tableau d’affichage une barre empattée bien marquée qui relie la languette au tableau d’affichage.
18 Par le septième grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir, au point 33 de la décision attaquée, considéré que les dessins ou modèles en conflit consistaient en une surface transparente. Or, si elle admet que le « dessin ou modèle antérieur » figurant dans les annexes A à D de la demande en nullité est complètement transparent, non seulement dans la partie destinée à la fiche de données, mais aussi où se trouve la languette qui constitue sa partie inférieure, elle estime que le dessin ou modèle contesté n’est justement pas transparent, comme le montrerait la « vue 1 », avec notamment l’utilisation de hachures.
19 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
20 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 6/2002, « [a]ux fins de l’application des articles 5 et 6 [du même règlement], un dessin ou modèle [antérieur] est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date [de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté] ou, [si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité,] sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur industriel concerné, opérant dans [l’Union] ».
21 Ni le règlement no 6/2002 ni le règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28), ne spécifient la forme obligatoire des éléments de preuve qui doivent être apportés par le demandeur en nullité pour justifier de la divulgation du dessin ou modèle antérieur avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté. Il s’ensuit que, d’une part, le demandeur en nullité est libre du choix de la preuve qu’il juge utile de présenter à l’EUIPO pour appuyer sa demande en nullité et que, d’autre part, l’EUIPO est tenu d’analyser tous les éléments présentés pour conclure s’ils sont effectivement une preuve de la divulgation du dessin ou modèle antérieur [voir, en ce sens, arrêts du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon), T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, points 22 et 23 et jurisprudence citée ; du 14 juillet 2016, Thun 1794/EUIPO – Adekor (Symboles graphiques décoratifs), T‑420/15, non publié, EU:T:2016:410, point 26, et du 25 avril 2018, Euro Castor Green/EUIPO – Netlon France (Treillage occultant), T‑756/16, non publié, EU:T:2018:224, point 32].
22 Par ailleurs, la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne peut pas être démontrée par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché. En outre, les éléments de preuve fournis par le demandeur en nullité doivent être appréciés les uns par rapport aux autres. En effet, si certains de ces éléments peuvent être insuffisants à eux seuls pour démontrer la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’ils sont associés ou lus conjointement avec d’autres documents ou informations, ils peuvent contribuer à former la preuve de la divulgation. Enfin, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire, ainsi que se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêt du 9 mars 2012, Flacon, T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, points 24 à 26 et jurisprudence citée ; arrêts du 14 juillet 2016, Symboles graphiques décoratifs, T‑420/15, non publié, EU:T:2016:410, point 27, et du 25 avril 2018, Treillage occultant, T‑756/16, non publié, EU:T:2018:224, point 33).
23 Un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué une fois que la partie qui fait valoir la divulgation a prouvé les faits constitutifs de cette divulgation. Pour réfuter cette présomption, il incombe, en revanche, à la partie qui conteste la divulgation de démontrer à suffisance de droit que les circonstances de l’espèce pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que, dans la pratique normale des affaires, ces faits soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêts du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies), T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310, point 26 ; du 15 octobre 2015, Promarc Technics/OHMI – PIS (Pièce de porte), T‑251/14, non publié, EU:T:2015:780, point 26, et du 27 février 2018, Gramberg/EUIPO – Mahdavi Sabet (Étui pour téléphone portable), T‑166/15, EU:T:2018:100, point 22].
24 Aux fins d’établir la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il convient ainsi de procéder à une analyse en deux étapes, consistant à examiner, en premier lieu, si les éléments présentés dans la demande en nullité démontrent, d’une part, des faits constitutifs d’une divulgation d’un dessin ou modèle et, d’autre part, le caractère antérieur de cette divulgation par rapport à la date de dépôt ou de priorité du dessin ou modèle contesté et, en second lieu, dans l’hypothèse où le titulaire du dessin ou modèle contesté aurait allégué le contraire, si lesdits faits pouvaient, dans la pratique normale des affaires, raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union, faute de quoi une divulgation sera considérée comme sans effets et ne sera pas prise en compte.
25 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les éléments présentés par EasyFix dans la demande en nullité étaient aptes à établir les faits constitutifs de la divulgation d’un dessin ou modèle et le caractère antérieur de cette divulgation.
26 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans les circonstances de l’espèce, la date à prendre en considération pour apprécier l’antériorité de la divulgation est celle du dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté, à savoir, comme il a été indiqué au point 1 ci-dessus, le 28 novembre 2013 (ci-après la « date pertinente »).
27 La chambre de recours, aux points 17 à 22 de la décision attaquée, a considéré que le document produit dans l’annexe B de la demande en nullité était l’original d’un catalogue de vente et que la question de savoir si la page de couverture de ce catalogue se rattachait réellement au reste des pages du même catalogue était dépourvue de pertinence pour l’appréciation des faits. Elle a relevé que, à la page 2 de ce catalogue, se trouvait le dessin ou modèle utilisé pour la comparaison, tel que reproduit au point 4 ci-dessus, et que, dans l’éditorial dudit catalogue, qui se trouvait à la page 1, et donc sur la même page que l’illustration, il était expliqué que le catalogue en cause était « sorti à temps pour le salon spécialisé Automechanika 2010 ». La chambre de recours en a déduit que ledit catalogue avait été publié en 2010, tout en précisant que la constatation d’une date exacte de publication n’était pas nécessaire, étant donné que l’enregistrement du dessin ou modèle contesté avait été demandé en novembre 2013. Elle a relevé, en outre, que l’éditorial faisait référence au fait que le « nouveau site www.easyfix.at, remanié, [étai]t en ligne » et que cela expliquait l’incohérence entre le nom de domaine utilisé sur la page de couverture et celui figurant sur la page 2. Par ailleurs, la chambre de recours a ajouté qu’elle ne doutait pas non plus que le document produit dans l’annexe C de la demande en nullité, à savoir la copie partielle d’un catalogue, datait de 2011 ; que la reproduction schématique dans le document produit dans l’annexe E de cette demande, concernant le modèle d’utilité, avait été publiée en février 2012 au bulletin allemand des brevets, et donc divulguée au public au plus tard à cette date ; que les porte-affichettes pour véhicules reproduits au point 4 ci-dessus portaient tous sur le même dessin ou modèle ; et que les illustrations figurant dans les annexes A à D de ladite demande contenaient toutes la même fiche de données d’une BMW 520i Touring. Elle en a conclu que les documents produits dans les annexes A à E de la demande en nullité étaient propres à prouver la divulgation du dessin ou modèle antérieur invoqué, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.
28 Le Tribunal estime opportun d’examiner d’emblée les deuxième à quatrième griefs, concernant l’appréciation de la valeur probante des documents produits dans les annexes B et C de la demande en nullité.
29 S’agissant du deuxième grief, par lequel la requérante remet en cause la valeur probante du document produit dans l’annexe B de la demande en nullité, il convient d’apporter les précisions suivantes sur cette annexe, dont le Tribunal a pu consulter l’original dans la version papier du dossier de la chambre de recours. Dans ce dossier, l’annexe B contient en réalité non pas un catalogue, mais deux catalogues : d’une part, un « catalogue 2010/11 » d’EasyFix, constitué de 128 pages et de deux pages de couverture cartonnées, et, d’autre part, un catalogue « News 2010 » d’EasyFix, constitué de 31 pages numérotées et d’une dernière page non numérotée. Ce sont des extraits de ces deux catalogues que la requérante a annexés à la requête.
30 Il ressort des pièces du dossier que, dans la demande en nullité, EasyFix a fait référence à deux catalogues dénommés « EasyFix 2010/11 » et « EasyFix News 2010 », qu’elle a présentés comme étant les siens (« unseren Katalogen »), et que, en annexe à cette demande, elle a joint les originaux de ces deux catalogues. L’EUIPO a transmis ladite demande à la requérante par courrier recommandé, avec une copie scannée des annexes constituées de 210 pages.
31 Certes, force est de constater, à l’instar de l’EUIPO au point 26 du mémoire en réponse, que le dossier électronique de la chambre de recours, tel que scanné et communiqué à la requérante, ne reproduit pas dans le bon ordre les pages des deux catalogues mentionnés aux points 29 et 30 ci-dessus, pour une raison inconnue.
32 Toutefois, il importe de relever que l’intégralité des pages de ces deux catalogues a ainsi été communiquée en copie scannée à la requérante. De plus, cette dernière, dans le mémoire exposant les motifs du recours devant la chambre de recours, a cité la référence d’EasyFix aux catalogues produits dans l’annexe B de la demande en nullité comme étant « [se]s catalogues » « EasyFix 2010/11 » et « EasyFix News 2010 », de sorte que la requérante ne saurait valablement prétendre ignorer que l’annexe B comportait deux catalogues, et non un seul.
33 Outre cette clarification, il importe de relever que c’est à la page 2 du « catalogue 2010/11 » d’EasyFix (et à la page 212 du dossier électronique de la chambre de recours), intitulée « Preisauszeichnung » (affichage des prix), que figure l’image reproduite au point 4 de la décision attaquée et au point 4 ci-dessus et présentée comme la divulgation du dessin ou modèle antérieur.
34 À cet égard, il suffit de constater, tout d’abord, s’agissant de la preuve des faits constitutifs de la divulgation, que la page 2 du « catalogue 2010/11 », où figure une représentation du porte-affichette pour véhicules reproduit au point 4 de la décision attaquée en relation avec l’annexe B de la demande en nullité, permettait à la chambre de recours de constater la divulgation de ce dessin ou modèle. Ensuite, s’agissant de la preuve de l’antériorité de cette divulgation, la page 1 du même catalogue, au recto de la page 2, contenant l’éditorial et les dates qui y sont mentionnées, à savoir « Zum Start der Automechanika 2010 » (pour le début de l’Automechanika 2010) et « Ab 2011 werden in Deutschland » (à partir de 2011, en Allemagne), permettait à la chambre de recours de conclure, sans commettre d’erreur d’appréciation des éléments de preuve, que la divulgation dudit dessin ou modèle avait eu lieu en 2010 ou, au plus tard, en 2011, mais en tout état de cause avant la date pertinente du 28 novembre 2013. Il en est d’autant plus ainsi que les preuves des faits constitutifs et de l’antériorité de cette divulgation sont corroborées par la page 3 du catalogue « News 2010 » produit dans l’annexe B et par l’extrait du catalogue d’AHB de 2011 figurant dans l’annexe C de la demande en nullité.
35 En outre, il convient de considérer, à l’instar de l’EUIPO au point 29 du mémoire en réponse, qu’il n’est pas exigé de produire chaque page d’un catalogue en tant que preuve, mais que des extraits d’un tel catalogue peuvent être produits, sans que la valeur probante des pages produites en soit nécessairement réduite. Ainsi, au vu de l’ensemble des preuves produites, notamment des pages 1 et 2 du « catalogue 2010/11 », la chambre de recours n’était pas tenue d’apprécier séparément la page de couverture de ce catalogue.
36 Au surplus, il y a lieu de relever que la mise en page, la couleur et le contenu des différentes pages coïncident d’une manière qui permet de tirer la conclusion qu’elles étaient rassemblées dans les catalogues reliés dénommés « catalogue 2010/11 » et « News 2010 », comme l’a soutenu EasyFix. Quelle que soit la raison de la divergence entre les noms de domaine indiqués à la page 1 du catalogue contenant l’éditorial et à la page 2 du catalogue reproduisant le dessin ou modèle antérieur, à savoir www.easyfix.at, d’une part, et www.easyfix.co.at, d’autre part, cela n’exclut pas que ces deux pages proviennent du même « catalogue 2010/11 », puisqu’il s’agit en réalité du recto et du verso de la même feuille. L’extrait du registre autrichien de noms de domaine annexé à la requête n’est donc pas pertinent.
37 Dans la mesure où, lors de l’audience, la requérante s’est bornée à émettre des doutes quant à l’existence même et à l’authenticité des catalogues invoqués par EasyFix, il convient de constater que de tels doutes ne suffisent pas pour remettre en cause le faisceau d’indices concordants, notamment les catalogues d’EasyFix et le catalogue d’AHB, apportés par EasyFix et retenus par la chambre de recours pour conclure à la preuve des faits constitutifs d’une divulgation, d’autant plus que les allégations de la requérante quant à une possible manipulation des catalogues produits par EasyFix ne sont pas établies et que son argument tiré de l’absence de déclaration sous serment se heurte à la liberté du choix de la preuve reconnue au demandeur en nullité [voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2018, Basil/EUIPO – Artex (Paniers spéciaux pour cycles), T‑760/16, EU:T:2018:277, points 47 à 49 et 53].
38 En tout état de cause, le Tribunal, qui a en sa possession la version papier du dossier de la chambre de recours, constate l’existence et la numérotation continue des deux catalogues originaux d’EasyFix produits dans l’annexe B de la demande en nullité. De plus, lors de l’audience, la requérante a pu prendre connaissance des originaux de ces deux catalogues. À l’invitation du Tribunal, elle a confirmé la présence, dans l’original du « catalogue 2010/11 », en page 2, de photos du produit invoqué par EasyFix et, au recto de cette page, c’est-à-dire en page 1, de références aux années 2010 et 2011, ainsi que la coexistence, sur cette même feuille recto-verso, des noms de domaine « www.easyfix.at » et « www.easyfix.co.at ». Elle a également confirmé la présence, dans l’original de l’autre catalogue d’EasyFix, intitulé « News 2010 », en page 3, du produit invoqué par EasyFix, avec la date du 31 août 2010 en bas de page. Ces confirmations ont été actées au procès-verbal d’audience.
39 En définitive, s’il convient de regretter que les services administratifs de l’EUIPO aient communiqué à la requérante les deux catalogues produits dans l’annexe B de la demande en nullité dans une numérotation non continue qui ne correspondait pas à l’ordre des pages des catalogues originaux, une telle circonstance ne saurait nullement remettre en cause la légalité de la décision attaquée en ce qui concerne la preuve des faits constitutifs et de l’antériorité de la divulgation du porte-affichette pour véhicules reproduit au point 4 de la décision attaquée en relation avec cette annexe B et, en particulier, la valeur probante de ces documents aux fins d’établir la divulgation du dessin ou modèle antérieur.
40 Le deuxième grief doit donc être écarté.
41 Quant au troisième grief, par lequel la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir tiré une conclusion de la mention de la foire internationale Automechanika 2010 dans l’éditorial du « catalogue 2010/11 » produit dans l’annexe B de la demande en nullité, il y a lieu de considérer que le fait que cet éditorial mentionne ladite foire internationale et apparaît à la page 1 dudit catalogue, au recto de la page 2 de ce catalogue, où figure la représentation du porte-affichette pour véhicules reproduit au point 4 de la décision attaquée en relation avec cette annexe B, permet de dater la divulgation de ce dessin ou modèle en 2010 ou, au plus tard, en 2011. De plus, il convient de relever que chacun des deux catalogues produits dans cette annexe B doit être apprécié dans son intégralité et en combinaison avec l’ensemble des preuves produites, conformément à la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, et peut ainsi être daté de façon certaine avant la date pertinente. De surcroît, la requérante ne présente aucun indice qui permette de douter que lesdits catalogues ont effectivement été diffusés en 2010, en vue de cette foire internationale pour le second, ou, au plus tard, en 2011.
42 Quant au quatrième grief, par lequel la requérante affirme notamment que c’est à bon droit que la division d’annulation n’a pas tenu compte du document produit dans l’annexe C de la demande en nullité, il convient de relever, tout d’abord, que, dans sa décision du 3 juin 2016, la division d’annulation n’a pas considéré que ce document était inapte à contribuer à la preuve d’une divulgation du porte-affichette pour véhicules en cause dans l’appréciation d’ensemble, mais a simplement considéré que les faits constitutifs de la divulgation et l’antériorité de cette divulgation à la date pertinente étaient déjà prouvés sur le fondement d’autres éléments. En outre, force est de constater que, dans l’appréciation d’ensemble des preuves, ledit document constitue également un élément pertinent. En effet, cet extrait du catalogue d’AHB montre sur la même page de couverture à la fois ledit porte-affichette pour véhicules et l’année 2011. Par ailleurs, rien ne vient étayer l’allégation de la requérante selon laquelle il est d’usage d’échanger des catalogues non publiés au sein d’un groupe d’entreprises auquel appartenait EasyFix.
43 Il y a lieu de conclure, au regard de tout ce qui précède, que les faits constitutifs de la divulgation du porte-affichette pour véhicules figurant à la page 2 du « catalogue 2010/11 » d’EasyFix et reproduit au point 4 de la décision attaquée en relation avec l’annexe B de la demande en nullité (voir point 4 ci-dessus) ont été suffisamment prouvés dans ce catalogue, tout comme le caractère antérieur de cette divulgation. Ces preuves sont également corroborées par des éléments supplémentaires, tels que le catalogue « News 2010 » d’EasyFix figurant également dans l’annexe B et l’extrait du catalogue d’AHB produit dans l’annexe C de la demande en nullité. Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les faits constitutifs de la divulgation d’un dessin ou modèle et le caractère antérieur de cette divulgation étaient établis au regard desdites annexes B et C, qui contiennent des catalogues datés.
44 Il s’ensuit que les premier, cinquième, sixième et septième griefs, relatifs aux documents produits dans les annexes A, D et E de la demande en nullité ou à la vue 1 du dessin ou modèle contesté, doivent être écartés comme inopérants.
45 Pour tous ces motifs, les griefs de la requérante ne permettent pas de remettre en cause la légalité de la décision attaquée quant à l’appréciation des éléments de preuve relatifs aux faits constitutifs de la divulgation du dessin ou modèle et au caractère antérieur de cette divulgation par rapport à la date pertinente. Par ailleurs, la requérante n’a pas démontré, ni même allégué, que les circonstances de l’espèce pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que, dans la pratique normale des affaires, ces faits soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union. Étant donné l’absence d’indices contraires qui auraient permis de considérer que lesdits catalogues n’avaient pas été diffusés auprès desdits milieux spécialisés, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a pu conclure à la divulgation du dessin ou modèle antérieur.
46 Le premier moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu, conformément à l’article 62, deuxième phrase, du règlement no 6/2002
47 La requérante allègue que la chambre de recours a violé son droit d’être entendue en ne lui donnant pas la possibilité de prendre position sur les documents produits dans les annexes A et D de la demande en nullité avant de se fonder sur ceux-ci dans la décision attaquée (notamment aux points 31 à 35), et ce contrairement à la division d’annulation qui ne les avait pas pris en compte en tant que « photographies non datées », car leur date d’impression était postérieure à la date de dépôt du dessin ou modèle contesté. La requérante fait valoir que, si la chambre de recours lui avait donné la possibilité de s’exprimer, elle aurait pu signaler qu’il n’y avait pas eu de publication antérieure effective et aurait pu, en outre, « se défendre aussi contre [ces annexes] ».
48 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
49 Selon l’article 62, deuxième phrase, du règlement no 6/2002, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition consacre, dans le cadre du droit des dessins ou modèles communautaires, le principe général du respect des droits de la défense. En vertu de ce principe général du droit de l’Union, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Le droit à être entendu s’étend ainsi à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais pas à la position finale que l’administration entend adopter [voir arrêt du 27 juin 2013, Beifa Group/OHMI – Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instruments d’écriture), T‑608/11, non publié, EU:T:2013:334, point 42 et jurisprudence citée ; arrêts du 9 février 2017, Mast-Jägermeister/EUIPO (Gobelets), T‑16/16, EU:T:2017:68, point 57, et du 21 juin 2018, Haverkamp IP/EUIPO – Sissel (Tapis de sol), T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 67].
50 En l’espèce, il convient de relever, à titre liminaire, que la division d’annulation n’a pas qualifié les documents produits dans les annexes A et D de la demande en nullité de preuves non pertinentes en tant que « photographies non datées ». Au contraire, la division d’annulation a constaté la divulgation du dessin ou modèle antérieur sur le fondement d’autres preuves, de sorte qu’il n’était pas nécessaire d’aborder séparément lesdites annexes (voir point 43 ci-dessus).
51 Ensuite, il y a lieu d’observer que la chambre de recours était en droit de fonder la décision attaquée sur la comparaison entre le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle reproduit dans les documents produits dans les annexes A et D de la demande en nullité. En effet, il résulte de l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 que, par l’effet du recours dont elle est saisie, la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de la demande en nullité, tant en droit qu’en fait. Ce constat implique que la chambre de recours peut se fonder sur n’importe lequel des dessins ou modèles antérieurs invoqués par le demandeur en nullité, sans être tenue par le contenu de la décision de la division d’annulation et sans avoir à présenter de motifs spécifiques sur ce point [voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2011, Sphere Time/OHMI – Punch (Montre attachée à une lanière), T‑68/10, EU:T:2011:269, point 13 et jurisprudence citée]. Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que les documents produits dans les annexes A et D ont été invoqués par EasyFix au soutien de la demande en nullité.
52 Dans ces circonstances, conformément au droit de la requérante à être entendue, il incombait à la chambre de recours de lui accorder la possibilité d’émettre des observations sur tous les éléments de fait et de droit pertinents du dossier. Or, la requérante a amplement eu l’occasion de le faire tout au long de la procédure, y compris concernant les documents produits dans les annexes A et D de la demande en nullité.
53 En revanche, d’après la jurisprudence constante citée au point 49 ci-dessus, la chambre de recours, avant d’adopter la décision attaquée, n’était pas tenue d’entendre la requérante au sujet de la position finale qu’elle entendait adopter, dont l’appréciation des documents produits dans les annexes A et D de la demande en nullité faisait partie intégrante.
54 Le deuxième moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, conformément à l’article 62, première phrase, du règlement no 6/2002
55 La requérante allègue que la chambre de recours a violé son obligation de motivation en affirmant, sans la moindre justification, au point 19 de la décision attaquée, ne pas douter que le document produit dans l’annexe C de la demande en nullité datait de 2011, alors qu’elle avait auparavant contesté la publication antérieure des documents produits dans les annexes A à C de cette demande et avait également fourni des indices réfutant une telle publication antérieure. La chambre de recours, étant donné qu’elle aurait également fondé la décision attaquée (notamment aux points 22, 31, 32 et 35) sur l’illustration figurant dans l’annexe C, aurait dû expliquer pourquoi elle considérait, contrairement aux observations de la requérante, que le document produit dans cette annexe avait fait l’objet d’une publication antérieure et constituait une preuve de divulgation de l’antériorité.
56 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
57 En vertu de l’article 62, première phrase, du règlement no 6/2002, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 25 avril 2013, Bell & Ross/OHMI – KIN (Boîtier de montre-bracelet), T‑80/10, non publié, EU:T:2013:214, point 37 et jurisprudence citée]. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [arrêts du 9 février 2017, Gobelets, T‑16/16, EU:T:2017:68, point 58, et du 14 mars 2018, Gifi Diffusion/EUIPO – Crocs (Chaussures), T‑424/16, non publié, EU:T:2018:136, point 29].
58 Toutefois, il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [arrêts du 25 avril 2013, Boîtier de montre-bracelet, T‑80/10, non publié, EU:T:2013:214, point 37 ; du 4 juillet 2017, Murphy/EUIPO – Nike Innovate (Bracelet de montre électronique), T‑90/16, non publié, EU:T:2017:464, point 19, et du 29 novembre 2018, Sata/EUIPO – Zhejiang Auarita Pneumatic Tools (Pistolet à peinture), T‑651/17, non publié, EU:T:2018:855, point 21]. Des motifs non explicités peuvent ainsi être pris en compte lorsqu’ils revêtent un caractère évident, tant pour les intéressés que pour la juridiction compétente (voir arrêt du 14 mars 2018, Chaussures, T‑424/16, non publié, EU:T:2018:136, point 35 et jurisprudence citée).
59 En l’espèce, il convient de relever que l’annexe C de la demande en nullité comporte la copie de la couverture d’un catalogue d’AHB daté de 2011, sur laquelle figurent le dessin ou modèle antérieur et le titre « Katalog 2011 » (catalogue 2011). C’est pourquoi la chambre de recours, au point 4 de la décision attaquée, a décrit le document produit dans ladite annexe comme la « [c]opie d’un catalogue d’une entreprise tierce de 2011 (extraits) », ce qui est connu de la requérante et non contesté par celle-ci. C’est également pourquoi, au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a pu constater qu’elle « ne dout[ait] pas non plus que [le document produit dans] l’annexe C, la copie partielle d’un catalogue, datait de 2011 ». Ce constat ressort de façon évidente de la consultation de ce document, qui porte la mention « catalogue 2011 » et a été communiqué à la requérante. Dans ce contexte, aucune motivation supplémentaire n’était requise. De plus, selon la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus, des motifs non explicités peuvent être pris en compte lorsqu’ils revêtent un caractère évident, tant pour les intéressés que pour la juridiction compétente. Tel est manifestement le cas en l’espèce, s’agissant de l’indication de l’année 2011 sur le document produit dans l’annexe C.
60 Au surplus, il y a lieu de rappeler également que la chambre de recours n’a pas fondé sa conclusion sur la divulgation de l’antériorité uniquement sur le document produit dans l’annexe C de la demande en nullité, mais que ce document ne constitue qu’un élément dans l’appréciation d’ensemble des preuves produites, pertinent notamment pour le moment de ladite divulgation. En réalité, l’élément de preuve principal de cette divulgation est le document produit dans l’annexe B de la demande en nullité (voir points 42 et 43 ci-dessus).
61 Le troisième moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une appréciation erronée du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, en violation de l’article 6 et de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002
62 Par le quatrième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours son appréciation incorrecte du caractère individuel du dessin ou modèle contesté. Ce moyen comporte deux griefs, relatifs, le premier, au degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle et, le second, à la comparaison des dessins ou modèles en conflit, eu égard à l’attention que prête l’utilisateur averti aux différences entre ceux-ci.
63 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
64 En vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que dans les cas énumérés à cette disposition, notamment s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 du même règlement. Il convient de préciser que, contrairement aux motifs de nullité visés à l’article 25, paragraphe 1, sous c) à g), de ce règlement, les motifs de nullité visés sous a) et b) peuvent, en principe, être invoqués par toute personne.
65 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel. Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du même règlement, un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, de ce règlement ajoute que, pour apprécier ce caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle. Le considérant 14 dudit règlement précise que, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport au patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève.
66 Selon la jurisprudence, il ressort des dispositions qui précèdent que l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire procède, en substance, d’un examen en quatre étapes. Cet examen consiste à déterminer, premièrement, le secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué, deuxièmement, l’utilisateur averti desdits produits selon leur finalité et, en référence à cet utilisateur averti, le degré de connaissance de l’art antérieur ainsi que le niveau d’attention aux similitudes et aux différences dans la comparaison des dessins ou modèles, troisièmement, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, dont l’influence sur le caractère individuel est en proportion inverse, et, quatrièmement, en tenant compte de celui-ci, le résultat de la comparaison, directe si possible, des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et par tout dessin ou modèle antérieur divulgué au public, pris individuellement [voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 21 et jurisprudence citée ; du 10 septembre 2015, H&M Hennes & Mauritz/OHMI – Yves Saint Laurent (Sacs à main), T‑525/13, EU:T:2015:617, point 32, et du 21 juin 2018, Tapis de sol, T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 22].
67 En l’espèce, il est constant que le secteur concerné par les dessins et modèles en conflit est celui des « porte-affichettes, enseignes pour véhicules ». Il convient d’examiner, tour à tour, l’utilisateur averti, le degré de liberté du créateur et la comparaison des impressions globales produites par ces dessins ou modèles.
Sur l’utilisateur averti
68 La requérante ne formule pas de grief spécifique relatif à l’utilisateur averti tel que défini par la chambre de recours. Toutefois, aux points 49 et 55 de la requête, elle conteste la constatation de la chambre de recours selon laquelle l’utilisateur averti ne prêterait « pas d’attention particulière » à certaines différences, ce qui ne prendrait pas en compte le « niveau de connaissance » de cet utilisateur. Il convient donc de déterminer le degré de connaissance et le niveau d’attention de l’utilisateur averti, dont résulte sa capacité à percevoir les différences entre les dessins ou modèles en conflit.
69 Selon la jurisprudence sur la notion d’« utilisateur averti », d’une part, la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée, qu’il s’agisse d’un utilisateur final ou d’un acheteur professionnel, utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. D’autre part, le qualificatif « averti » suggère que, sans être un concepteur ou un expert technique, cet utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement, et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise. Toutefois, cette circonstance n’implique pas que l’utilisateur averti soit en mesure de distinguer, au-delà de l’expérience qu’il a accumulée du fait de l’utilisation du produit concerné, les aspects de l’apparence du produit qui sont dictés par la fonction technique de ce dernier de ceux qui sont arbitraires [voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59 ; voir également, en ce sens, arrêts du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, EU:T:2010:248, points 46 à 48, et du 21 juin 2018, Tapis de sol, T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 37].
70 La notion d’« utilisateur averti » doit donc être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de « consommateur moyen » en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, en raison de sa mémoire imparfaite, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’« homme du métier » en droit des brevets, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (arrêts du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 53, du 21 juin 2018, Tapis de sol, T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 36, et du 29 novembre 2018, Pistolet à peinture, T‑651/17, non publié, EU:T:2018:855, point 20). S’agissant du niveau d’attention de l’utilisateur averti, s’il n’est pas le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui perçoit habituellement un dessin ou un modèle comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’est pas non plus l’expert ou le spécialiste, tel que l’homme du métier, capable d’observer dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les dessins ou modèles en conflit (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59).
71 En l’espèce, la chambre de recours, au point 26 de la décision attaquée, a défini les utilisateurs avertis des dessins ou modèles en conflit comme étant des commerçants qui voulaient étiqueter leurs produits ainsi que des responsables des achats dans les entreprises, qui achetaient de tels tableaux d’affichage des prix, à savoir des porte-affichettes pour véhicules. Il y a lieu de constater que cette définition, au demeurant non contestée par la requérante, est exempte d’erreur.
72 S’agissant du degré de connaissance et du niveau d’attention de l’utilisateur averti, il ressort en particulier de la jurisprudence citée aux points 69 et 70 ci‑dessus ainsi qu’au point 25 de la décision attaquée que, même si ce personnage de référence dispose d’un certain degré de connaissance quant aux différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné et fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé et d’une vigilance particulière lorsqu’il les utilise, il n’est pas non plus l’expert ou le spécialiste, tel que l’homme du métier, capable d’observer dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les dessins ou modèles en conflit.
Sur le degré de liberté du créateur
73 Par le premier grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir, au point 27 de la décision attaquée, considéré comme « grand » le degré de liberté du créateur dans l’élaboration de « tableaux d’affichage d’informations [ou porte-affichettes], enseignes pour véhicules », tant pour la forme que pour le matériau utilisé. Selon elle, ce degré de liberté est très faible et soumis à des limitations quant à la forme et à la taille. Étant donné que le papier à y insérer contient les données relatives au véhicule et des informations sur le prix, une forme de base rectangulaire s’imposerait. De même, concernant la taille et les dimensions, celles-ci devraient nécessairement être comprises entre un format minimal A 4 pour la visibilité et un format maximal qui dépendrait des dimensions respectives des vitres du véhicule sur la face intérieure desquelles le porte-affichette serait apposé. Ainsi, le degré de liberté du créateur serait largement limité, d’une part, par l’usage prévu (insertion d’une feuille de papier au format minimal A 4, sur laquelle figurent les données du véhicule et des informations sur le prix) et, d’autre part, par les dimensions respectives des vitres du véhicule.
74 Selon la jurisprudence, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes à plusieurs dessins ou modèles appliqués au produit concerné [arrêts du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 67 ; du 9 septembre 2011, Kwang Yang Motor/OHMI – Honda Giken Kogyo (Moteur à combustion interne), T‑10/08, EU:T:2011:446, point 32, et du 21 juin 2018, Tapis de sol, T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 54].
75 Cependant, une tendance générale en matière de design ne peut être considérée comme un facteur de limitation de la liberté du créateur, dès lors que c’est précisément cette liberté du créateur qui lui permet de découvrir de nouvelles formes, de nouvelles tendances, ou encore d’innover dans le cadre d’une tendance existante [arrêt du 13 novembre 2012, Antrax It/OHMI – THC (Radiateurs de chauffage), T‑83/11 et T‑84/11, EU:T:2012:592, point 95]. En effet, la question de savoir si un dessin ou modèle suit ou non une tendance générale en matière de design est pertinente, tout au plus, concernant la perception esthétique du dessin ou modèle concerné et peut donc, éventuellement, exercer une influence sur le succès commercial du produit dans lequel ce dernier est incorporé. En revanche, une telle question est sans pertinence dans le cadre de l’examen du caractère individuel du dessin ou modèle concerné, qui consiste à vérifier si l’impression globale produite par ce dernier se différencie des impressions globales produites par les dessins ou modèles divulgués antérieurement, indépendamment des considérations esthétiques ou commerciales [arrêts du 22 juin 2010, Équipement de communication, T‑153/08, EU:T:2010:248, point 58 ; du 4 février 2014, Sachi Premium-Outdoor Furniture/OHMI – Gandia Blasco (Fauteuil), T‑357/12, non publié, EU:T:2014:55, point 24, et du 17 novembre 2017, Ciarko/EUIPO – Maan (Hotte de cuisine), T‑684/16, non publié, EU:T:2017:819, point 58].
76 Le facteur relatif au degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle contesté ne saurait à lui seul déterminer l’appréciation du caractère individuel dudit dessin ou modèle, mais il permet de nuancer cette appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2015, Sacs à main, T‑525/13, EU:T:2015:617, point 35, et du 4 juillet 2017, Bracelet de montre électronique, T‑90/16, non publié, EU:T:2017:464, point 38). En effet, son influence sur le caractère individuel varie en fonction d’une règle de proportionnalité inverse. Ainsi, plus la liberté du créateur est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. En d’autres termes, un degré élevé de liberté du créateur renforce la conclusion selon laquelle des dessins ou modèles sans différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti et, partant, le dessin ou modèle contesté ne présente pas de caractère individuel. À l’inverse, un faible degré de liberté du créateur favorise la conclusion selon laquelle les différences suffisamment marquées entre les dessins ou modèles produisent une impression globale dissemblable sur l’utilisateur averti et, partant, le dessin ou modèle contesté présente un caractère individuel (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2011, Moteur à combustion interne, T‑10/08, EU:T:2011:446, point 33 ; du 13 novembre 2012, Radiateurs de chauffage, T‑83/11 et T‑84/11, EU:T:2012:592, point 45, et du 21 juin 2018, Tapis de sol, T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 54).
77 En l’espèce, la chambre de recours, aux points 27 à 29 de la décision attaquée, a considéré que la liberté du créateur dans l’élaboration de « porte-affichettes, enseignes pour véhicules » était grande, tant pour la forme que pour le matériau utilisé. Selon elle, un porte-affichette pour véhicules peut être de toute forme géométrique, tant qu’il permet d’apposer des informations : il peut être non seulement de forme rectangulaire basique, mais aussi carré, circulaire ou elliptique, et la forme rectangulaire est due au libre choix du créateur, lequel n’est prédéterminé ni par le marché ni par d’autres motifs ou contraintes. Elle a estimé qu’il en allait de même pour le choix du matériau et que, à cet égard, l’usage du plastique représentait déjà un libre choix du créateur, qui n’était prédéterminé ni par le marché ni par d’autres motifs ou contraintes ; du moins, a-t-elle relevé, les parties n’avaient-elles rien exposé qui allât à l’encontre de cette estimation.
78 À cet égard, force est de constater que les arguments contraires de la requérante ne convainquent guère. En ce qui concerne la taille ou les dimensions des porte-affichettes pour véhicules, elles ne sauraient restreindre la liberté du créateur en l’espèce. En particulier, aucun élément du dossier ne prouve que les fiches techniques incluses dans de tels porte-affichettes doivent forcément être de format A 4. Même si ce format était usuel sur le marché, il n’en ressortirait pas de restriction pertinente de la liberté du créateur. En effet, selon la jurisprudence citée au point 75 ci-dessus, une tendance générale à utiliser des fiches techniques au format A 4 et à concevoir les produits en conséquence est sans pertinence dans le cadre de l’examen du caractère individuel du dessin ou modèle. Par ailleurs, la requérante n’a ni établi ni même allégué l’existence de contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit ou encore de prescriptions légales applicables au produit.
79 Par ailleurs, il convient de rappeler que le degré de liberté du créateur est considéré comme étant élevé ou très élevé par le juge de l’Union lorsqu’il est possible d’imaginer diverses configurations pour un même produit (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2012, Radiateurs de chauffage, T‑83/11 et T‑84/11, EU:T:2012:592, points 46 à 52), lorsque le produit peut être réalisé dans une très grande variété de formes, de couleurs ou de matériaux [voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Gamet/EUIPO – « Metal-Bud II » Robert Gubała (Poignée de porte), T‑306/16, non publié, EU:T:2017:466, points 45 à 47], lorsque la description du produit concerné s’avère très large, ne comportant aucune précision sur son type ou sur sa fonctionnalité [voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2015, Promarc Technics/OHMI – PIS (Pièce de porte), T‑251/14, non publié, EU:T:2015:780, point 55], ou encore lorsque les contraintes de nature fonctionnelles concernant la présence de certains éléments essentiels ne sont pas susceptibles d’influer, dans une mesure significative, sur la forme et l’aspect général du produit, celui-ci pouvant revêtir diverses formes et être aménagé de diverses manières [voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2011, Montre attachée à une lanière, T‑68/10, EU:T:2011:269, points 68 et 69 ; du 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tire-bouchon), T‑337/12, EU:T:2013:601, points 36 à 39, et du 29 octobre 2015, Roca Sanitario/OHMI – Villeroy & Boch (Robinet à commande unique), T‑334/14, non publié, EU:T:2015:817, points 45 à 52]. Tel est, en substance, le cas en l’espèce, notamment pour les formes et les matériaux utilisés.
80 Il s’ensuit que le degré de liberté du créateur dans l’élaboration de « porte-affichettes, enseignes pour véhicules » est élevé, tant en ce qui concerne la forme et la taille du produit qu’en ce qui concerne le matériau utilisé, ainsi que l’a constaté, à juste titre, la chambre de recours aux points 27 à 29 de la décision attaquée.
81 Le premier grief ne saurait donc être accueilli.
Sur la comparaison des impressions globales
82 Par le second grief, la requérante reproche à la chambre de recours son constat, figurant aux points 33 et 34 de la décision attaquée, selon lequel l’utilisateur averti ne prête pas d’attention particulière à la différence dans le rapport entre longueur et largeur (en l’occurrence un rapport 2:1 ou 2,2:1 au lieu du format A 4) ainsi qu’à la différence de forme de la languette qui se trouve dans la partie inférieure du dessin ou modèle contesté et dans celle des dessins ou modèles invoqués contre elle. Selon la requérante, le dessin ou modèle contesté revêt « un aspect allongé et presque un effet de réserve élégante », « offre, compte tenu du faible degré de liberté d’élaboration laissée au créateur, l’apparence d’une haute qualité » et produit une « impression élégante de rectangle allongé » ainsi qu’« un effet de fragilité, de réserve, non agressif, contrairement au dessin ou modèle de l’annexe E », alors que ce dernier produit une « impression lourde et grossière » et que les dessins ou modèles invoqués dans les annexes A à E sont tous « conçus de manière grossière et lourdement disharmonieuse » s’agissant de la combinaison de la partie languette et de la partie tableau qui donne sa forme à l’ensemble, et produisent une « impression grossière et artisanale », « sans raffinement ni élégance ».
83 Selon une jurisprudence constante, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte de différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir arrêt du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 29 et jurisprudence citée ; arrêts du 21 juin 2018, Tapis de sol, T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 72, et du 29 novembre 2018, Pistolet à peinture, T‑651/17, non publié, EU:T:2018:855, point 39].
84 L’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle doit s’effectuer par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement, et non par rapport à une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs (voir, en ce sens, arrêts du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions, C‑345/13, EU:C:2014:2013, points 25 et 35, et du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 61). La comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit doit être synthétique et ne peut se borner à la comparaison analytique d’une énumération de similitudes et de différences. Cette comparaison doit prendre pour base les caractéristiques divulguées dans le dessin ou modèle contesté et doit porter uniquement sur les caractéristiques protégées, sans tenir compte des caractéristiques, notamment techniques, exclues de la protection. Ladite comparaison doit porter sur les dessins ou modèles tels qu’enregistrés, sans qu’il puisse être exigé du demandeur en nullité une représentation graphique du dessin ou modèle invoqué, comparable à la représentation figurant dans la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté [voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 30 et jurisprudence citée ; du 13 juin 2017, Ball Beverage Packaging Europe/EUIPO – Crown Hellas Can (Canettes), T‑9/15, EU:T:2017:386, point 79, et du 17 novembre 2017, Hotte de cuisine, T‑684/16, non publié, EU:T:2017:819, point 43].
85 En l’espèce, la chambre de recours a comparé les dessins ou modèles suivants :
86 La chambre de recours, au point 32 de la décision attaquée, n’a pas pris en considération la fiche d’information qui était reproduite dans les documents produits dans les annexes A à D de la demande en nullité, car il était clair pour l’utilisateur averti que les porte-affichettes pour véhicules servaient à l’affichage individuel des prix, si bien que dans l’impression globale, il n’accorderait pas d’importance au texte concret. Au point 33 de la décision attaquée, elle a considéré que tant le dessin ou modèle contesté que le dessin ou modèle antérieur se composaient d’une surface transparente sous laquelle pouvait être placée une feuille ; que leur forme de base était rectangulaire, certaines différences existant dans le rapport entre longueur et largeur ; que les deux dessins ou modèles présentaient à leur extrémité inférieure une languette de forme paraboloïde ; et que, tandis que, dans le dessin ou modèle antérieur, la parabole coupait le rectangle sur ses bords, dans le dessin ou modèle contesté, la parabole touchait le rectangle en étant un peu recentrée en largeur. Au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a cependant estimé que ces différences étaient minimes et ne sauraient modifier l’impression globale produite par les deux dessins ou modèles. Selon elle, l’utilisateur averti n’accorderait pas une attention particulière à la différence dans le rapport entre la longueur et la largeur du rectangle, notamment parce que la languette présentait une forme presque identique, et le fait que la languette s’étende sur toute la partie inférieure dans le dessin ou modèle antérieur, contrairement au dessin ou modèle contesté, ne se remarquerait guère.
87 À cet égard, le Tribunal estime qu’il suffit de prendre en considération le dessin ou modèle antérieur reproduit dans les documents produits dans les annexes B et C de la demande en nullité.
88 Tout d’abord, il y a lieu de relever que l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par les dessins ou modèles en conflit est dominée par une forme rectangulaire avec une surface transparente et une languette triangulaire à l’extrémité inférieure. La synergie de ces trois caractéristiques fondamentales produit une impression globale semblable.
89 Ensuite, force est de constater que les différences entre les dessins ou modèles en conflit, qui résident dans un rapport entre la longueur et la largeur marginalement plus allongé de la partie rectangulaire supérieure ainsi que dans une forme marginalement plus incurvée ou paraboloïde et une position marginalement recentrée en largeur de la languette triangulaire inférieure dans le dessin ou modèle contesté, sont relativement minimes.
90 Or, il convient de rappeler que, malgré son niveau d’attention relativement élevé, l’utilisateur averti n’observe pas dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les dessins ou modèles en conflit (voir point 72 ci-dessus).
91 Dès lors, ces différences ne sauraient écarter l’impression de « déjà vu » qui se dégage des dessins ou modèles en conflit, eu égard à leurs éléments communs, qui font partie de leurs éléments les plus visibles et les plus importants [voir, en ce sens, arrêts du 29 octobre 2015, Robinet à commande unique, T‑334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 74, et du 28 septembre 2017, Rühland/EUIPO – 8 seasons design (Lampe en étoile), T‑779/16, non publié, EU:T:2017:674, point 43].
92 Ainsi, il y a lieu de conclure que de telles différences demeurent insuffisamment marquées pour produire, à elles seules, sur l’utilisateur averti une impression globale dissemblable de celle produite par le dessin ou modèle antérieur, en tenant compte du degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle. Elles s’avèrent donc inaptes à conférer un caractère individuel au dessin ou modèle contesté.
93 Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours, tout en prenant en compte dans son appréciation les différences invoquées par la requérante, a considéré que les dessins ou modèles en conflit produisaient une même impression globale sur l’utilisateur averti et que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel.
94 Le second grief ne saurait donc prospérer.
95 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
96 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 135, paragraphe 1, de ce règlement, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
97 En l’espèce, la requérante est la partie qui succombe et l’EUIPO a expressément conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens. Cependant, eu égard aux circonstances de l’espèce, en particulier à la communication dans le désordre des pages de deux catalogues par l’EUIPO à la requérante (voir points 28 à 39 ci-dessus), l’équité exige, conformément à l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, que chaque partie supporte ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Visi/one GmbH et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront leurs propres dépens.
Collins | Kancheva | De Baere |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juin 2019.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
Conclusions des parties
En droit
Sur le premier moyen, tiré d’une appréciation erronée des éléments de preuve relatifs à la divulgation d’un « dessin ou modèle antérieur », en violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n o 6/2002
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu, conformément à l’article 62, deuxième phrase, du règlement n o 6/2002
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, conformément à l’article 62, première phrase, du règlement n o 6/2002
Sur le quatrième moyen, tiré d’une appréciation erronée du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, en violation de l’article 6 et de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n o 6/2002
Sur l’utilisateur averti
Sur le degré de liberté du créateur
Sur la comparaison des impressions globales
Sur les dépens
* Langue de procédure : l’allemand.
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