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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Zubitskiy v Council (Common foreign and security policy - Restrictive measures taken in view of actions undermining or threatening the territorial integrity, sovereignty and independence of Ukraine - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-1074/23 (20 November 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T107423.html Cite as: ECLI:EU:T:2024:840, [2024] EUECJ T-1074/23, EU:T:2024:840 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
20 novembre 2024 (*)
« Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine - Gel des fonds - Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques - Maintien du nom du requérant sur la liste - Notion de “femme ou homme d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie” - Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC - Article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement (UE) no 269/2014 - Exception d’illégalité - Obligation de motivation - Erreur d’appréciation - Droit de propriété - Liberté d’entreprise - Proportionnalité - Responsabilité non contractuelle »
Dans l’affaire T‑1074/23,
Evgeny Borisovich Zubitskiy, demeurant à Moscou (Russie), représenté par Mes P. Zeller et D. Reingewirtz, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. V. Piessevaux et Mme S. Lejeune, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé, lors des délibérations, de Mme M. Brkan, faisant fonction de présidente, MM. I. Gâlea et S. L. Kalėda (rapporteur), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours, le requérant, M. Evgeny Borisovich Zubitskiy, demande, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation de la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 104), et du règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 3, ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »), en tant que ces actes le concernent et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi à la suite de l’adoption des actes attaqués.
I. Antécédents du litige
2 Le requérant est de nationalité russe.
3 La présente affaire s’inscrit dans le contexte des mesures restrictives décidées par l’Union européenne eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
4 Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).
5 Le même jour, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) no 269/2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).
6 Le 25 février 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1) et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.
7 L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, prévoit ce qui suit :
« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :
[…]
« f) à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ce gouvernement ; ou
g) à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,
et [à d]es personnes physiques et morales, [d]es entités ou [d]es organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe.
2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »
8 Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, impose l’adoption de mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329.
9 Le 8 avril 2022, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/582 modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 110, p. 55) et, d’autre part, le règlement d’exécution (UE) 2022/581 du Conseil, du 8 avril 2022, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 110, p. 3), par lesquels le nom du requérant a été ajouté, respectivement, sur la liste annexée à la décision 2014/145 et sur la liste figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur lesdites listes étaient les suivants :
« [Le requérant] est copropriétaire, président du conseil d’administration et PDG d’Industrial Metallurgical Holding (PMH). Il est actionnaire du groupe Koks, la société mère de PMH et le plus grand producteur russe de coke commercialisable, fondée par Boris Zubitsk[i]y, député à la Douma d’État. Il est donc un homme d’affaires influent ayant une activité dans un secteur économique qui constitue une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie. »
10 Par courriel du 4 mai 2022, le requérant a demandé au Conseil de lui communiquer le dossier de preuves sur la base duquel celui-ci avait décidé de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. Le Conseil a communiqué au requérant ce dossier, portant la référence WK 5057/2022 (ci-après le « premier dossier de preuves »), le 19 mai 2022.
11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2022, le requérant a demandé, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation du règlement d’exécution 2022/581. Par l’arrêt du 6 décembre 2023, Zubitskiy/Conseil (T‑359/22, non publié, EU:T:2023:779), le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.
12 Le 5 juin 2023, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2023/1094, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 146, p. 20), et le règlement (UE) 2023/1089, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 146, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.
13 L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2023/1094, prévoit ce qui suit :
« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :
[…]
« f) à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ce gouvernement ; ou
g) à des femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie et aux membres de leur famille proche ou à d’autres personnes physiques, qui en tirent avantage, ou à des femmes et hommes d’affaires, des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,
et [à d]es personnes physiques et morales, [d]es entités ou [d]es organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe.
2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »
14 Le règlement no 269/2014 tel que modifié par le règlement 2023/1089 (ci-après le « règlement no 269/2014 modifié ») impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 telle que modifiée par la décision 2023/1094 (ci-après la « décision 2014/145 modifiée »).
15 Par lettre du 19 juin 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son encontre et lui a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 8101/23. Par lettre du 3 juillet 2023, le requérant a présenté ses observations en réponse à la lettre du 19 juin 2023.
16 Par lettre du 10 juillet 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son encontre et lui a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 5142/2023 INIT, daté du 20 avril 2023. Par lettre du 24 juillet 2023, le requérant a présenté ses observations en réponse à la lettre du 10 juillet 2023.
17 Par lettre du 18 aout 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son encontre et lui a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 5142/2023 ADD 1, daté du 16 août 2023. Par lettre du 1er septembre 2023, le requérant a présenté ses observations en réponse à la lettre du 18 août 2023.
18 Le 13 septembre 2023, le Conseil a adopté les actes attaqués, lesquels ont eu pour effet de renouveler les mesures à l’encontre du requérant jusqu’au 15 mars 2024, pour les motifs suivants :
« [Le requérant] est copropriétaire, président du conseil d’administration et PDG d’Industrial Metallurgical Holding (PMH). Il est actionnaire du groupe Koks, la société mère de PMH et le plus grand producteur russe de coke commercialisable, fondée par Boris Zubitsk[i]y, député à la Douma d’État.
Il est donc un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie ainsi qu’un homme d’affaires intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie. »
19 Le 14 septembre 2023, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquaient les mesures restrictives prévues dans les actes attaqués (JO 2023, C 324, p. 8).
20 Par lettre du 15 septembre 2023, le Conseil a répondu aux observations formulées par le requérant dans ses lettres des 3 juillet, 24 juillet et 1er septembre 2023 et rejeté les demandes de réexamen de celui-ci, au motif que les observations de ce dernier ne remettaient pas en cause son appréciation selon laquelle le maintien de l’inscription du nom de ce dernier sur les listes litigieuses était justifié par des motifs suffisants.
II. Conclusions des parties
21 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les actes attaqués en tant qu’ils le concernent ;
– condamner le Conseil à lui verser la somme de 1 000 000 euros à titre provisionnel en réparation du préjudice moral qu’il aurait subi à la suite de l’adoption des actes attaqués ;
– condamner le Conseil aux dépens.
22 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours dans son intégralité ;
– condamner le requérant aux dépens.
III. En droit
A. Sur les conclusions en annulation
23 À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’exceptions d’illégalité. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du principe de protection juridictionnelle effective. Le troisième moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du droit de propriété et de la liberté d’entreprise.
1. Sur le premier moyen, tiré d’exceptions d’illégalité
24 Le requérant soulève, sur le fondement de l’article 277 TFUE, une exception d’illégalité du critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée et à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014 modifié [ci-après le « critère g) modifié »].
25 Le requérant soutient que le critère g) modifié viole les principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique. Premièrement, contrairement aux autres critères de désignation prévus dans la décision 2014/145 et dans le règlement no 269/2014, le critère g) modifié ne subordonnerait pas le gel des fonds et des ressources économiques à l’existence d’un lien direct avec les actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. En outre, la référence faite aux « secteurs économiques qui fournissent une source de revenus substantielle au gouvernement de la Fédération de Russie » serait imprécise et permettrait une réaction non seulement aux politiques et aux activités du gouvernement russe relatives à l’Ukraine, mais également à l’activité économique de personnes et d’entités n’ayant aucun lien avec les autorités russes et les politiques de celles-ci à l’égard de l’Ukraine. Ce critère permettrait ainsi au Conseil de geler des fonds et des ressources économiques de personnes ou d’entités n’ayant aucun lien, même présumé, avec les politiques et les activités des autorités russes en relation avec l’Ukraine, en se fondant uniquement sur la supposée « gravité de la situation », alors même qu’il n’est pas établi que la mise en œuvre de ce critère permettrait de remédier à la situation en Ukraine.
26 Deuxièmement, le critère g) modifié ne s’inscrirait pas dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par le Conseil afin de réagir à l’opération militaire russe en Ukraine. À cet égard, il ne viserait pas de manière ciblée et sélective des personnes et des entités susceptibles de favoriser l’opération militaire menée en Ukraine, mais pourrait viser toute personne ou entité « influente ». Or, d’une part, la nature de l’influence en cause, politique ou économique par exemple, ne serait précisée ni dans la disposition prévoyant ce critère ni dans l’exposé des motifs de la décision 2022/329. D’autre part, la disposition prévoyant ce critère et le considérant 11 de cette décision seraient contradictoires, en ce que la première viserait les femmes et hommes d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe, tandis que le second viserait les personnes et les entités qui fournissent elles-mêmes une source substantielle de revenus à ce gouvernement. Par ailleurs, il existerait une confusion entre les secteurs d’activités soumis aux mesures restrictives prévues par le règlement (UE) no 833/2014 du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 1) et les personnes visées par le critère g) modifié.
27 Selon l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.
28 L’article 277 TFUE constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’un acte contre lequel elle peut former un recours, la validité des actes institutionnels antérieurs, qui constituent la base juridique de l’acte attaqué, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation. L’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir arrêt du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 55 et jurisprudence citée).
29 Il convient de rappeler que la décision 2023/1094 et le règlement 2023/1089 ont modifié, à partir du 7 juin 2023, les critères d’inscription des noms des personnes visées par le gel des fonds et que les dispositions prévoyant le critère g) modifié prévoient notamment, en des termes identiques, que sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant à des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie ou à des femmes et des hommes d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.
30 Il en résulte que ces dispositions visent notamment deux catégories de personnes, à savoir les « femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie » [ci-après le « premier volet du critère g) modifié »] et les « femmes et hommes d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » [ci-après le « troisième volet du critère g) modifié »].
31 En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 9 et 18 ci-dessus, le nom du requérant a été inscrit et maintenu sur les listes litigieuses au titre des premier et troisième volets du critère g) modifié.
32 Selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent assurer, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, ce qui comprend notamment le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 97 et 98 ; voir également, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 326).
33 Toutefois, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions prévoyant les critères d’inscription visés par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 35 et jurisprudence citée).
a) Sur le grief tiré d’une violation du principe de légalité des délits et des peines
34 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe de légalité des délits et des peines, consacré à l’article 49, paragraphe 1, première phrase, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), commande de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au désavantage de la personne poursuivie (arrêt du 12 décembre 1996, X, C‑74/95 et C‑129/95, EU:C:1996:491, point 25). Ce principe est invocable non seulement à l’encontre de décisions infligeant des sanctions pénales au sens strict, mais également à l’encontre de celles imposant des sanctions administratives (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, EU:C:2011:191, point 80). Par suite, le principe de légalité des délits et des peines impose de ne pas appliquer des dispositions instaurant des sanctions administratives de manière extensive au désavantage de la personne visée (arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 72).
35 Or, premièrement, les dispositions de la décision 2014/145 et du règlement no 269/2014 prévoyant le gel des avoirs des personnes inscrites sur les listes litigieuses ne visent ni à punir ni à empêcher la réitération d’un quelconque comportement. Elles ont pour objectif, compte tenu de la gravité de la situation en Ukraine, d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays, conformément à l’objectif visé à l’article 21, paragraphe 2, sous c), TUE de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, points 115 et 123 ; du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 163, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 46).
36 Deuxièmement, les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, et leur validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 168).
37 Troisièmement, les actes attaqués s’appliquent pour une durée limitée et font l’objet d’un suivi constant, comme cela est prévu à l’article 6 de la décision 2014/145, de sorte que les mesures restrictives sont temporaires et réversibles. En outre, les actes attaqués prévoient la possibilité d’accorder des dérogations aux mesures restrictives appliquées (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 197).
38 Il s’ensuit que le gel d’avoirs prévu par les actes attaqués ne constitue pas une sanction administrative, ni n’entre dans le champ d’application de l’article 49, paragraphe 1, première phrase, de la Charte. Dès lors, le grief tiré d’une violation du principe de légalité des délits et des peines doit être écarté.
b) Sur le grief tiré d’une violation du principe de sécurité juridique
39 Il convient d’examiner le grief tiré d’une violation du principe de sécurité juridique en ce qui concerne, en premier lieu, le troisième volet du critère g) modifié.
40 Le principe de sécurité juridique implique que la législation de l’Union soit claire et précise et que son application soit prévisible pour les justiciables (voir arrêts du 5 mars 2015, Europäisch-Iranische Handelsbank/Conseil, C‑585/13 P, EU:C:2015:145, point 93 et jurisprudence citée, et du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 192 et jurisprudence citée).
1) Sur le troisième volet du critère g) modifié
41 Ainsi qu’il est rappelé au point 9 ci-dessus, le nom du requérant a été inscrit pour la première fois sur les listes litigieuses par la décision 2022/582 et le règlement d’exécution 2022/581, au titre du critère prévu, respectivement, à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329 et à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 [ci-après le « critère g) initial »], dont le libellé est reproduit au point 7 ci-dessus.
42 À cet égard, il a été jugé que le pouvoir d’appréciation conféré au Conseil par le critère g) initial ne heurtait pas l’exigence de prévisibilité, dès lors que ledit critère était suffisamment clair et prévisible pour remplir les exigences de sécurité juridique et s’inscrivait dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives en cause (arrêt du 20 décembre 2023, Moshkovich/Conseil, T‑283/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:849, point 62). Partant, ce critère a été jugé conforme au principe de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, points 45 à 48 et jurisprudence citée).
43 Il y a lieu d’observer que le troisième volet du critère g) modifié s’inscrit dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives en cause, rappelés au point 35 ci-dessus.
44 En outre, il convient de rappeler qu’il ressort du considérant 2 de la décision 2023/1094 que « [l]’Union continue d’apporter un soutien sans réserve à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine » et du considérant 4 de la même décision que le Conseil a estimé qu’il convenait d’élargir les critères de désignation en incluant les « femmes et hommes d’affaires […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » afin d’accroître la pression exercée sur le gouvernement de la Fédération de Russie pour qu’il mette un terme à sa guerre d’agression contre l’Ukraine.
45 C’est donc en raison de la persistance, voire de l’aggravation, de la situation en Ukraine que le Conseil a estimé devoir élargir le cercle des personnes visées par le critère g) afin d’atteindre les objectifs poursuivis. Or, il résulte d’une telle démarche fondée sur la progressivité de l’atteinte aux droits en fonction de l’effectivité des mesures que leur proportionnalité est établie (voir, par analogie, arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, point 104).
46 Par ailleurs, la suppression du terme « influent » ne saurait être interprétée comme ayant pour conséquence que ce nouveau critère est abstrait, imprévisible et dépourvu de tout lien avec les objectifs des mesures restrictives en cause mentionnés au point 44 ci-dessus.
47 En effet, au regard du libellé du critère g) initial, qui utilisait le terme « influent », le troisième volet du critère g) modifié ne vise plus seulement des personnes « influentes ». Toutefois, la notion de « femmes ou hommes d’affaires » ne vise pas l’ensemble des personnes physiques exerçant une activité économique, mais vise ceux qui exercent une activité économique qualitativement ou quantitativement non négligeable dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie et dont l’inscription des noms sur les listes en cause est ainsi susceptible d’accroître la pression sur la Fédération de Russie et d’augmenter le coût des actions de cette fédération visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
48 En outre, il convient de relever que, certes, ni la décision 2014/145 modifiée ni le règlement no 269/2014 modifié ne définit la notion de « source substantielle de revenus ». Toutefois, l’emploi de l’adjectif qualificatif « substantielle », qui se rapporte au groupe nominal « source de revenus », implique que cette source de revenus doit être significative et donc non négligeable (arrêt du 6 septembre 2023, Pumpyanskiy/Conseil, T‑291/22, non publié, EU:T:2023:499, point 63).
49 Une telle interprétation du troisième volet du critère g) modifié répond à la volonté du Conseil, telle qu’elle ressort du considérant 4 de la décision 2023/1094, d’exercer une pression maximale sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:530, point 107) et d’accroître les coûts des actions du gouvernement de la Fédération de Russie, dès lors que les secteurs économiques en cause, en apportant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, alimentent, directement ou indirectement, la capacité de ce gouvernement à mener sa guerre d’agression contre l’Ukraine.
50 Ainsi, le fait de viser des femmes et des hommes d’affaires qui exercent une activité économique qualitativement ou quantitativement non négligeable dans de tels secteurs est susceptible d’accroître la pression sur la Fédération de Russie et d’augmenter le coût de ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
51 Par conséquent, le troisième volet du critère g) modifié permet d’établir un lien suffisant entre ces personnes et le pays tiers visé, en l’occurrence la Fédération de Russie.
52 Partant, il existe toujours un lien logique entre, d’une part, le fait de cibler les femmes et hommes d’affaires exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, au vu de l’importance que revêtent ces secteurs pour l’économie russe, et, d’autre part, l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 49 et jurisprudence citée).
53 Par ailleurs, s’agissant de l’argument tiré d’une prétendue contradiction entre le considérant 11 de la décision 2022/329 et le libellé du critère g) modifié, il convient de rappeler que ladite décision a introduit au nombre des critères d’inscription sur les listes litigieuses le critère g) initial. Or, il a été rappelé, d’une part, aux points 12 et 29 ci-dessus, que le libellé de ce critère a été modifié par la décision 2023/1094 et, d’autre part, au point 31 ci-dessus, que le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses au titre des premier et troisième volets du critère g) modifié. Dès lors, la circonstance, à la supposée avérée, que le considérant 11 de la décision 2022/329 entrât en contradiction avec le libellé du troisième volet du critère g) modifié n’est pas de nature à affecter la légalité dudit critère. Partant, l’argument du requérant doit être écarté comme inopérant.
54 Il s’ensuit que le troisième volet du critère g) modifié répond au degré de prévisibilité requis par le droit de l’Union, de sorte qu’il ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique.
55 Dès lors, l’exception d’illégalité dirigée contre les dispositions de la décision 2014/145 et du règlement no 269/2014 prévoyant le troisième volet du critère g) modifié doit être écartée comme non fondée.
2) Sur le premier volet du critère g) modifié
56 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, s’agissant du contrôle de la légalité d’une décision adoptant des mesures restrictives, et eu égard à leur nature préventive, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).
57 En l’espèce, il ressort du point 126 ci-après que le Conseil, dans les actes attaqués, a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence que le requérant était un homme d’affaires ayant une activité dans un secteur économique qui constitue une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie, au sens du troisième volet du critère g) modifié.
58 Ce volet n’étant, comme il a été relevé au point 56 ci-dessus, pas entaché des illégalités invoquées par le requérant à son encontre, l’exception d’illégalité dirigée contre les dispositions de la décision 2014/145 et du règlement no 269/2014 prévoyant le premier volet du critère g) modifié doit être écartée comme inopérante.
59 Partant, il y a lieu d’écarter le premier moyen dans son ensemble.
2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du principe de protection juridictionnelle effective
60 Le requérant soutient que la motivation des actes attaqués est entachée de violations de l’obligation de motivation et porte atteinte à son droit à une protection juridictionnelle effective. Premièrement, il fait valoir que les motifs relatifs à sa situation individuelle sont très brefs, vagues et insuffisamment précis. En particulier, il ne serait pas en mesure de comprendre le lien existant entre les faits mentionnés dans les motifs et le critère au titre duquel son nom a été inscrit sur les listes litigieuses. Deuxièmement, les circonstances factuelles mentionnées dans les actes attaqués ne seraient étayées que par des articles de presse et de sites Internet qui ne constitueraient pas des éléments suffisamment concrets, précis et concordants. Partant, leur réfutation obligerait le requérant à apporter des preuves négatives, ce qui renverserait la charge de la preuve incombant au Conseil. Troisièmement, le critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous f), de la décision 2014/145 et à l’article 3, paragraphe 1, sous f), du règlement no 269/2014 [ci-après le « critère f) »] ne serait pas mentionné dans les motifs des actes attaqués alors même qu’il serait mentionné dans le premier dossier de preuves. Quatrièmement, la notion d’« homme d’affaires influent » serait purement abstraite, de sorte que sa mention dans la motivation des actes attaqués confèrerait à cette dernière un caractère stéréotypé qui ne permettrait pas au requérant de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Cinquièmement, l’existence d’une contradiction entre le considérant 11 de la décision 2022/329 et le libellé du critère g) modifié empêcherait le requérant de comprendre les motifs justifiant le maintien de son nom sur les listes litigieuses.
61 Le Conseil conteste les arguments du requérant.
62 Selon une jurisprudence constante, le droit à une protection juridictionnelle effective, affirmé à l’article 47 de la Charte, exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite à sa demande. Cela est sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).
63 En outre, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications des mesures prises aux fins d’en apprécier le bien-fondé et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 50 ; voir, également, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et jurisprudence citée).
64 La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par ledit acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53 ; voir, également, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48 et jurisprudence citée).
65 En outre, la jurisprudence a précisé que la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne devait pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considérait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé devait faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 105 et jurisprudence citée).
66 Par ailleurs, il convient de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67). En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181).
67 À titre liminaire, force est de constater que les arguments relatifs au contenu des dossiers de preuves visent en réalité une erreur d’appréciation et non une violation de l’obligation de motivation. Il en va de même de l’argument ayant trait à la prétendue inversion de la charge de la preuve, qui porte sur la question du bien-fondé des motifs. Partant, de tels arguments seront examinés dans le cadre du troisième moyen.
68 S’agissant de l’argument tiré du caractère vague et insuffisamment précis de la motivation des actes attaqués, il ressort de cette dernière que le nom du requérant a été inscrit sur les listes litigieuses en raison du fait qu’il était copropriétaire, président du conseil d’administration et président-directeur général de la société Industrial Metallurgical Holding (PMH), qui est une filiale d’un groupe industriel, dont il est par ailleurs actionnaire et qui est le plus grand producteur russe de coke commercialisable, fondé par son père, ancien député à la Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie. Contrairement à ce que soutient le requérant, une telle motivation expose de façon suffisamment précise les motifs relatifs à sa situation individuelle et, ainsi qu’il résulte au demeurant du contenu de la requête, lui a permis de comprendre en quoi ces circonstances factuelles étaient de nature, à les supposer établies, à justifier le maintien de son nom sur les listes litigieuses au titre du critère g) modifié.
69 S’agissant de l’argument tiré de l’absence de mention du critère f) dans la motivation des actes attaqués, il ressort du dossier que le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses au titre du critère g) modifié, mais non qu’il l’aurait été au titre du critère f). Dès lors, cet argument doit être écarté comme inopérant.
70 S’agissant de l’argument tiré de ce que la notion d’« homme d’affaires influent » serait purement abstraite et ne permettrait donc pas au requérant de comprendre la portée de la mesure prise à son égard, il ressort du point 126 ci-après que le Conseil, dans les actes attaqués, a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence que le requérant était un homme d’affaires ayant une activité dans un secteur économique qui constitue une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie, au sens du troisième volet du critère g) modifié. Dès lors, l’argument doit être écarté comme inopérant.
71 Par ailleurs, pour les motifs rappelés au point 53 ci-dessus, il convient d’écarter l’argument du requérant tiré d’une prétendue contradiction entre le considérant 11 de la décision 2022/329 et le libellé du critère g) modifié.
72 Partant, il convient d’écarter le deuxième moyen dans son ensemble.
3. Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs matérielles et d’erreurs manifestes d’appréciation
73 Le requérant conteste le bien-fondé du maintien de son nom sur les listes litigieuses. En substance, il reproche au Conseil de n’avoir pas réuni d’éléments suffisamment concrets, précis et concordants pour justifier ce maintien, de s’être fondé sur des éléments de preuve dépourvus de fiabilité ou de crédibilité et d’avoir commis des erreurs manifestes d’appréciation ainsi que des erreurs de droit.
a) Considérations liminaires
74 Selon une jurisprudence constante, le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis. Cependant, les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, points 54 et 55 et jurisprudence citée).
75 L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige, notamment, que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).
76 C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121, et du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 57).
77 L’appréciation du bien-fondé de ces motifs doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne sujette à une mesure restrictive et le régime ou, en général, les situations combattues (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée).
78 Toutefois, le contexte des mesures en cause doit être pris en compte et le degré de preuve pouvant être exigé du Conseil doit être adapté du fait de la difficulté d’accès à des preuves et à des éléments d’information objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, points 47 et 51 à 53).
79 En l’espèce, les arguments du requérant sont tous dirigés contre le premier dossier de preuves, mentionné au point 10 ci-dessus, par lequel le Conseil a justifié l’inscription initiale et le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses, s’agissant des actes attaqués, au titre du critère g) modifié. Le premier dossier de preuves comportait cinq documents, à savoir :
– un extrait du site Internet de la société Industrial Metallurgical Holding (PMH) consulté le 10 mars 2022 (pièce no 1) ;
– un extrait du site Internet russe du magazine économique Forbes consulté le 10 mars 2022 (pièce no 2) ;
– un extrait du site Internet rucompromat du 22 décembre 2021 (pièce no 3) ;
– un extrait du site Internet du projet InBets (Innovative Business Transfer Models for Small and Medium-Sized Enterprises in the Baltic Sea Region) (modèles innovants de transfert d’entreprise pour les petites et moyennes entreprises de la région de la mer Baltique), lequel se réfère à un article de presse daté de 2017, consulté le 21 mars 2022 (pièce no 4) ;
– un extrait du site Internet marketscreener, daté du 24 août 2020, consulté le 21 mars 2022 (pièce no 5).
b) Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée de l’absence de fiabilité des éléments de preuve fournis par le Conseil
80 Le requérant remet en cause la fiabilité des éléments de preuve contenus dans le premier dossier de preuves, jugeant ceux-ci souvent obsolètes ou provenant de sources non fiables.
81 Le Conseil conteste les arguments du requérant.
82 Il y a lieu de rappeler que, en l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse, des rapports des services secrets ou d’autres sources d’information similaires (arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 107, et du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 59).
83 En outre, conformément à une jurisprudence constante, l’activité du juge de l’Union est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. À cet égard, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue en tenant compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêts du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 107 et jurisprudence citée, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 95 (non publié) et jurisprudence citée].
84 En l’espèce, premièrement, le requérant ne conteste pas la fiabilité de l’extrait du site Internet de la société PMH.
85 Deuxièmement, s’agissant de l’extrait du site Internet russe du magazine économique Forbes, le requérant fait valoir que ledit site est en langue russe, que le Conseil lui a fourni l’extrait en cause sans traduction, que ce dernier date de 2021 et qu’il n’est pas corroboré par un autre élément de preuve.
86 À cet égard, il y a lieu de relever que ces arguments ne sont pas de nature à remettre en cause, en tant que tels, la fiabilité ou la crédibilité de cette source.
87 Troisièmement, s’agissant de l’extrait du site Internet rucompromat, le requérant soutient que ce site a pour objectif de publier des faits compromettants sur des personnes, sans aucune visée scientifique ni journalistique et sans être soumis à des règles de déontologie. Il ajoute que cet extrait n’est corroboré par aucun autre élément de preuve.
88 Or, force est de constater que le requérant se borne à contester la fiabilité du site Internet en cause, sans apporter d’éléments propres à étayer ses allégations, y compris quant à la nature des informations que ce site Internet diffuserait habituellement.
89 Quatrièmement, d’une part, s’agissant de l’extrait du site Internet In Bets, le requérant fait valoir qu’il vise à transmettre des informations économiques à jour concernant la société PMH, mais qu’il date de 2017 et n’est corroboré par aucune autre pièce. D’autre part, s’agissant de l’extrait du site Internet marketscreener, le requérant fait valoir qu’il contient des informations boursières qui datent du 24 août 2020 et qu’il n’est corroboré par aucun autre élément de preuve.
90 Or, ces arguments ne sont pas de nature à remettre en cause, en tant que tels, la fiabilité ou la crédibilité de ces sites Internet. Le requérant ne produit en outre aucun élément de nature à établir le caractère obsolète des informations y figurant.
91 Enfin, la circonstance que des informations contenues dans des documents figurant dans le premier dossier de preuves ne soient pas corroborées par le contenu d’autres documents figurant également dans ce même dossier de preuves n’est pas de nature à faire naître un doute sur la fiabilité de ces documents.
92 Au vu de ce qui précède, et en l’absence d’élément avancé par le requérant susceptible de remettre en cause la fiabilité des sources utilisées par le Conseil, il y a lieu de reconnaître aux éléments composant le premier dossier de preuves un caractère sensé et fiable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 83 ci-dessus.
c) Sur les première et deuxième branches du troisième moyen, tirées d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation
93 Le requérant conteste le bien-fondé du maintien de son nom sur les listes litigieuses au titre du critère g) modifié et soutient que la motivation des actes attaqués est entachée, d’une part, d’erreurs matérielles et d’erreurs manifestes d’appréciation et, d’autre part, d’erreurs de droit.
94 S’agissant des erreurs matérielles et des erreurs manifestes d’appréciation, premièrement, le requérant soutient que la société PMH n’est pas le plus grand producteur russe de coke commercialisable et que cette société n’a pas été fondée par Boris Zubitskiy. Deuxièmement, il fait valoir que la motivation du maintien de son nom sur les listes litigieuses laisse entendre à tort que la société PMH a été fondée lorsque Boris Zubitskiy était député à la Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie qu’il existait un lien de proximité élevée entre lui et son père, alors que ce dernier est décédé en 2017 et qu’ils étaient en conflit, et qu’il apporte une contribution financière substantielle au gouvernement russe du fait de son importante fortune. Le requérant impute ces erreurs au fait que l’instruction du Conseil repose sur des éléments de preuve contenant des informations parcellaires, erronées ou obsolètes, qui ont conduit celui-ci à émettre de simples hypothèses. Troisièmement, il ajoute que le Conseil a maintenu son nom sur les listes litigieuses en présumant, d’une part, qu’il entretenait des liens étroits avec le gouvernement russe en raison des décorations qu’il avait reçues et des ordres nationaux auxquels il appartenait et, d’autre part, qu’il apportait une source substantielle de revenus au gouvernement russe du fait de la valeur de son patrimoine.
95 S’agissant des erreurs de droit, le requérant reproche au Conseil, premièrement, d’avoir maintenu son nom sur les listes litigieuses au titre du critère g) modifié en interprétant ce dernier de manière extensive, à la lumière du considérant 11 de la décision 2022/329. Ainsi, le Conseil aurait retenu à l’encontre du requérant le seul fait d’être un homme d’affaires dont les activités économiques florissantes constituent une source de revenus essentiellement fiscaux pour l’État russe. Or, ce faisant, le Conseil n’aurait, à tort, pas mis en évidence l’existence d’un lien privilégié entre le requérant et le gouvernement russe par l’influence que le premier pourrait exercer sur le second et par la fourniture à ce dernier d’une source substantielle de revenus. En particulier, la mention du père du requérant, décédé en 2017, serait insuffisante à cet égard. Deuxièmement, le Conseil n’aurait pas établi une quelconque influence du requérant sur le gouvernement russe. Troisièmement, il résulterait de la jurisprudence que la fourniture d’une source substantielle de revenus pour le gouvernement russe, d’une part, ne pourrait pas résulter exclusivement du paiement par le requérant de ses impôts et, d’autre part, ne s’entend que dans la mesure où le secteur d’activités en cause est contrôlé par le gouvernement. Or, en l’espèce, le Conseil n’aurait pas démontré que les sociétés dont le requérant est l’actionnaire principal ou le dirigeant sont détenues ou contrôlées par l’État russe.
96 Le Conseil conteste les arguments du requérant.
97 À titre liminaire, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 75 ci-dessus, il y a lieu de considérer que le requérant doit être regardé comme invoquant, en plus d’erreurs de fait, des erreurs d’appréciation et non des erreurs manifestes d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Sberbank of Russia/Conseil, T‑732/14, EU:T:2018:541, points 73 et 74).
98 En l’espèce, il convient, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 77 ci-dessus, de vérifier si le Conseil a présenté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses au titre du critère g) modifié.
99 Il convient d’abord de vérifier le bien-fondé de l’inscription et du maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses au titre du troisième volet du critère g) modifié.
100 Il y a lieu de constater que, selon son libellé même, le troisième volet du critère g) modifié emploie la notion de « femme ou homme d’affaires » en corrélation avec l’exercice d’une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe », sans autre condition concernant un lien, direct ou indirect, avec ledit gouvernement. La finalité poursuivie par ce critère est en effet d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 46 et jurisprudence citée).
101 À cet égard, comme il a été relevé au point 52 ci-dessus, il existe un lien logique entre le fait de cibler les hommes et femmes d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant des revenus substantiels au gouvernement russe, d’une part, et l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, d’autre part (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 49 et jurisprudence citée).
102 Quant à la notion de « secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie », il ressort du point 48 ci-dessus que l’emploi de l’adjectif qualificatif « substantielle », qui se rapporte au groupe nominal « source de revenus », implique que cette source de revenus doit être significative et donc non négligeable.
103 Par ailleurs, il importe de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur les listes litigieuses ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (arrêts du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 55, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 168).
104 Pour justifier le maintien du nom d’une personne sur une liste de personnes et d’entités visées par des mesures restrictives, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur la liste en cause, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 99).
105 Ledit contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée (voir arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 et jurisprudence citée).
106 De même, le maintien du nom d’une personne ou d’une entité sur une liste reste justifié au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, au regard du fait que les objectifs visés par les mesures restrictives en cause n’auraient pas été atteints (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 83 et 84).
107 Il résulte de l’article 6 de la décision 2014/145 modifiée que les actes inscrivant le nom d’une personne ou d’une entité puis maintenant le nom de cette personne ou de cette entité sur la liste figurant à son annexe font l’objet d’un suivi constant et sont prorogés, ou modifiés le cas échéant, si le Conseil estime que les objectifs de cette décision n’ont pas été atteints. L’article 14, paragraphe 4, du règlement no 269/2014 modifié prévoit quant à lui la révision à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois de la liste figurant à son annexe.
108 En l’espèce, il convient de rappeler que les motifs par lesquels le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses dans les actes attaqués sont identiques à ceux figurant dans les actes par lesquels son nom a été initialement inscrit.
109 Il convient ainsi, en application de la jurisprudence citée au point 104 ci-dessus, de vérifier si le contexte, les objectifs des mesures restrictives en cause et la situation individuelle du requérant permettaient de maintenir l’inscription de son nom sur le fondement de motifs inchangés.
110 S’agissant du contexte général lié à la situation de l’Ukraine, force est de constater que, à la date d’adoption des actes attaqués, la gravité de la situation en Ukraine demeurait.
111 De même, les mesures restrictives en cause répondent à l’objectif poursuivi, à savoir de faire pression sur le gouvernement russe afin que celui-ci mette fin à ses actions et à ses politiques déstabilisant l’Ukraine.
112 En l’espèce, s’agissant de la situation individuelle du requérant, il convient de relever que ce dernier ne conteste pas être copropriétaire, président du conseil d’administration et président-directeur général de PMH. À cet égard, il ressort des pièces nos 1, 3 et 4 du premier dossier de preuves que, au moment de l’adoption du règlement d’exécution 2022/581, le requérant était, d’une part, le président et principal actionnaire de PMH et, d’autre part, un actionnaire important, à hauteur d’environ 36 % du capital, du groupe Koks, société mère de PMH, qui regroupe des producteurs de charbon, de minerai de fer et de fonte brute.
113 Le requérant n’ayant pas contesté avoir conservé ces qualités à la date d’adoption des actes attaqués, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré que celui-ci pouvait être qualifié d’homme d’affaires au sens du troisième volet du critère g) modifié.
114 En outre, s’agissant des secteurs économiques en cause, il y a lieu de relever que le requérant ne conteste pas que les activités de PMH et du groupe Koks relèvent notamment des secteurs de la métallurgie, de la sidérurgie et de l’énergie ni que ces secteurs fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie. À cet égard, c’est à tort que le requérant fait valoir que seuls des secteurs économiques sous contrôle étatique peuvent être considérés comme fournissant une source substantielle de revenus pour le gouvernement russe. Au demeurant, pareille condition ne ressort pas de la jurisprudence citée par le requérant, à savoir l’arrêt du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil (T‑95/14, EU:T:2015:433, points 53 et 54).
115 Il en résulte que le Conseil a établi que PMH et le groupe Koks intervenaient dans un secteur économique fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement russe.
116 Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré que le requérant avait une activité dans un secteur économique qui constituait une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, au sens du troisième volet du critère g) modifié.
117 S’agissant des autres arguments du requérant, il convient de relever ce qui suit.
118 Premièrement, le requérant admet que PMH a été fondée en 1993, mais conteste qu’elle l’ait été par son père, Boris Zubitskiy. Il fait valoir que les « actifs de production » de PMH existaient avant que celui-ci ne rachète une part substantielle du capital de cette société.
119 Il ressort de la pièce no 4 du premier dossier de preuves que Boris Zubitskiy est le fondateur de PMH et des pièces nos 3 et 6 du même dossier, cette dernière étant signée par Boris Zubitskiy lui-même, que ce dernier est le fondateur du groupe Koks. En tout état de cause, la circonstance que les « actifs de production » de PMH existaient avant la création de cette société est sans influence sur l’identité de son fondateur. Dès lors, l’argument doit être écarté.
120 Deuxièmement, le requérant conteste que PMH soit le plus grand producteur russe de coke commercialisable et fait valoir que trois autres sociétés en produisent davantage. Force est de constater que cet argument doit être écarté comme étant inopérant, car, comme il ressort clairement de la motivation des actes attaqués, le Conseil a retenu que Koks, et non PMH, était le plus grand producteur russe de coke commercialisable. Cette affirmation est corroborée par le contenu de la pièce no 3 du premier dossier de preuves. Quant aux pièces nos 4 et 5 du même dossier, il en ressort que PMH serait le premier exportateur, et non producteur, de coke commercialisable de Russie. En tout état de cause, même à la supposer pertinente, l’allégation selon laquelle trois entreprises produiraient davantage de coke commercialisable que PMH n’est pas étayée. Partant, elle n’est pas de nature à établir une erreur matérielle ou d’appréciation de la part du Conseil.
121 Troisièmement, il ne ressort pas des motifs des actes attaqués que le Conseil a retenu que Boris Zubitskiy était député à la Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie lorsqu’il a fondé PMH ou le groupe Koks en 1993. En particulier, le Conseil ne conteste pas que Boris Zubitskiy a été élu député en 1999. Dès lors, l’argument du requérant doit être écarté.
122 Quatrièmement, l’argument du requérant tiré de l’existence d’un conflit avec son père avant le décès de ce dernier est inopérant. En effet, d’une part, le Conseil ne s’est pas appuyé, dans la motivation des actes attaqués, sur une quelconque proximité entre celui-ci et son père et, d’autre part, ledit conflit est sans influence sur le contenu de cette motivation.
123 Cinquièmement, s’agissant de l’argument par lequel le requérant conteste la pertinence de la valeur de son patrimoine afin d’établir qu’il est un homme d’affaires « influent », il doit être écarté comme inopérant, le Conseil ayant établi à suffisance de droit le bien-fondé du maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses dans les actes attaqués au titre du troisième volet du critère g) modifié, qui ne vise pas des personnes « influentes ».
124 Sixièmement, l’argument par lequel le requérant avance que son nom aurait été maintenu sur les listes litigieuses au motif que, du fait de son importante fortune, il apporterait une contribution financière directe au gouvernement russe est dénué de fondement. En effet, il convient de rappeler que, selon le libellé tant du critère g) initial que du critère g) modifié, c’est le secteur économique, et non la personne physique ou morale dont le nom est inscrit sur les listes litigieuses, qui doit constituer une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 156). De surcroît, aucune référence à une prétendue contribution de ce type ne peut être inférée de la motivation des actes attaqués.
125 Septièmement, contrairement à ce que soutient le requérant et ainsi qu’il ressort des points 52, 100 et 124 ci-dessus, il n’incombait pas au Conseil d’établir, d’une part, l’exercice d’une influence effective du requérant sur le gouvernement russe ni, d’autre part, un « lien privilégié » de ce dernier avec les actions du gouvernement de la Fédération de Russie compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
126 Il en résulte que le Conseil a présenté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, susceptibles de mettre en évidence le fait que, à la date des actes attaqués, le requérant était un homme d’affaires ayant une activité dans un secteur économique qui constituait une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, au sens du troisième volet du critère g) modifié.
127 Or, comme il est rappelé au point 56 ci-dessus, lorsque le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision.
128 Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des autres griefs soulevés par le requérant visant à remettre en cause le bien-fondé de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses au titre du premier volet du critère g) modifié, il y a lieu d’écarter les première et deuxième branches du troisième moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble.
4. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du droit de propriété et de la liberté d’entreprise
129 Le requérant soutient que le Conseil a violé son droit de propriété ainsi que le libre exercice de ses activités professionnelles de façon injustifiée et disproportionnée. À cet égard, il fait valoir que le maintien de son nom sur les listes litigieuses alors même qu’il n’a aucune relation avec le gouvernement russe résulte d’une interprétation démesurément extensive des objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’Union. Il ajoute que ce maintien a des conséquences manifestement démesurées par rapport à ces objectifs. Il soutient également que le Conseil n’a ni établi ni même allégué que ce maintien permettait d’atteindre l’objectif de réduire les revenus de la Fédération de Russie.
130 Le Conseil conteste les arguments du requérant.
131 Le droit de propriété est consacré à l’article 17 de la Charte. De même, aux termes de l’article 16 de la Charte, « [l]a liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales ».
132 En l’espèce, il y a lieu de relever que les mesures restrictives que comportent les actes attaqués entraînent des limitations dans l’exercice par le requérant de son droit de propriété et de son droit à la liberté d’entreprise.
133 Toutefois, les droits fondamentaux dont se prévaut le requérant ne constituent pas des prérogatives absolues et leur exercice peut faire l’objet de limitations, dans les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, aux termes duquel, d’une part, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par [C]harte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et, d’autre part, « [d]ans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».
134 Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une limitation de l’exercice des droits et libertés fondamentaux doit répondre à quatre conditions. Premièrement, elle doit être « prévue par la loi », en ce sens que l’institution de l’Union adoptant des mesures susceptibles de restreindre les droits fondamentaux d’une personne, physique ou morale, doit disposer d’une base légale à cette fin. Deuxièmement, elle doit respecter le contenu essentiel de ces droits. Troisièmement, elle doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Quatrièmement, elle doit être proportionnée (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, points 145 et 222 et jurisprudence citée).
135 Il a été jugé que les mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 et par le règlement no 269/2014 imposées aux personnes physiques et morales, aux entités et aux organismes figurant sur les listes annexées à ces actes remplissaient, en principe, ces quatre conditions (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, points 195 à 200, et du 6 décembre 2023, Zubitskiy/Conseil, T‑359/22, non publié, EU:T:2023:779, points 98 à 105).
136 En l’espèce, s’agissant, en particulier, de la quatrième condition visée au point 134 ci-dessus, il convient de relever, s’agissant du caractère approprié des mesures restrictives en cause, que, au regard d’objectifs d’intérêt général aussi fondamentaux pour la communauté internationale que ceux rappelés au point 35 ci-dessus, celles-ci ne sauraient, en tant que telles, passer pour inadéquates (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 199).
137 En outre, en ce qui concerne leur caractère nécessaire, des mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 200).
138 Enfin, une mise en balance des intérêts en jeu démontre que les inconvénients que comporte le gel temporaire de fonds ne sont pas démesurés au regard des objectifs poursuivis. À cet égard, l’importance des objectifs poursuivis par les actes attaqués, qui s’inscrivent dans l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE, est de nature à prévaloir sur des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs. En effet, il y a lieu de relever que des dérogations spécifiques aux mesures peuvent être accordées par les autorités des États membres conformément à l’article 2, paragraphes 3 et 4, de la décision 2014/145 modifiée et aux articles 4 à 6 du règlement no 269/2014 modifié, notamment pour répondre aux besoins fondamentaux ou essentiels des personnes en cause ou pour faire face à certaines dépenses nécessaires.
139 Partant, le requérant n’a pas établi que les actes attaqués ont porté une atteinte disproportionnée à son droit de propriété et à sa liberté d’entreprise.
140 Dès lors, le quatrième moyen doit être écarté.
141 En conséquence, les conclusions en annulation des actes attaqués doivent être rejetées.
B. Sur les conclusions en indemnité
142 Le requérant demande la réparation à hauteur d’un million d’euros du préjudice moral, consistant dans une atteinte à sa réputation, qu’il allègue avoir subi du fait du maintien prétendument illégal de son nom sur les listes litigieuses par les actes attaqués.
143 Le Conseil conclut au rejet de cette demande.
144 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.
145 Il ressort de la jurisprudence que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses institutions ou de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 32 et jurisprudence citée).
146 Les conditions pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, que le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner dans un ordre déterminé, sont cumulatives, si bien qu’il suffit que l’une d’entre elles fasse défaut pour rejeter la demande dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Union européenne/Kendrion, C‑150/17 P, EU:C:2018:1014, point 118 et jurisprudence citée).
147 Il ressort de l’examen de la demande d’annulation des actes attaqués que le requérant n’a établi aucune illégalité entachant lesdits actes, de sorte que l’une des conditions cumulatives d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, à savoir celle ayant trait à la démonstration d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, n’est pas remplie.
148 Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires du requérant comme étant non fondées.
IV. Sur les dépens
149 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
150 En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Evgeny Borisovich Zubitskiy est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.
Brkan | Gâlea | Kalėda |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 novembre 2024.
Le greffier | Le président |
V. Di Bucci | S. Papasavvas |
* Langue de procédure : le français.
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