Lidl Digital International v EUIPO - Ningbo Hanyuan Lighting (Luminaire) (Community design - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-471/23 (20 November 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T47123.html
Cite as: [2024] EUECJ T-471/23, EU:T:2024:851, ECLI:EU:T:2024:851

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 novembre 2024 (*)

« Dessin ou modèle communautaire - Procédure de nullité - Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un luminaire - Divulgation du dessin ou modèle antérieur - Preuve de la divulgation - Article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑471/23,

Lidl Digital International GmbH & Co. KG, établie à Neckarsulm (Allemagne), représentée par Mes T. Dolde et C. Zimmer, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Ningbo Hanyuan Lighting Co. Ltd, établie à Ningbo (Chine), représentée par Me D. Pahl, avocat,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 mai 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Lidl Digital International GmbH & Co. KG, demande l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 26 juin 2023 (affaire R 598/2022‑3) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 13 mars 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande en nullité du dessin ou modèle communautaire no 5647708-0010 enregistré le 18 septembre 2018 à la suite d’une demande de l’intervenante, Ningbo Hanyuan Lighting Co. Ltd, et revendiquant la priorité de la demande chinoise no 201830211261.7, déposée le 10 mai 2018 ; celui-ci est représenté dans les vues suivantes :

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3        Le produit dans lequel le dessin ou modèle dont la nullité était demandée est destiné à être incorporé relevait de la classe 26.05 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondait  à la description suivante : « Luminaires ».

4        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 1, sous b), et l’article 6, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement.

5        La demande en nullité était notamment fondée sur les droits suivants :

–        le dessin ou modèle D 1 :

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–        le dessin ou modèle D 2 :

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6        Le 11 février 2022, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité du dessin ou modèle contesté. Dans un premier temps, elle a considéré que les documents produits par la requérante étaient suffisants pour prouver la divulgation des dessins ou modèles D 1 et D 2 en soutenant notamment que, même si la page de vente en ligne du catalogue des produits n’était pas antérieure à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, la référence à l’année 2017, la disponibilité dudit catalogue sur le site Internet « www.reuter.de » ainsi que la mention de la page de couverture dans la Wayback Machine constituaient une preuve suffisante de la divulgation. Toutefois, la division d’annulation a considéré que le dessin ou modèle contesté était nouveau et présentait un caractère individuel.

7        Le 8 avril 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que les documents produits par la requérante ne suffisaient pas à prouver la divulgation des dessins ou modèles D 1 et D 2. Par conséquent, ces droits antérieurs ne pouvaient pas être utilisés pour démontrer que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté ou de caractère individuel.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens du recours et de la procédure devant la chambre de recours.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens si une audience est organisée.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des annexes A.7 à A.9 de la requête

12      L’EUIPO et l’intervenante soutiennent que les annexes A.7 à A.9 de la requête sont irrecevables dans la mesure où elles ont été produites pour la première fois devant le Tribunal.

13      Interrogée sur ce point lors de l’audience, la requérante a indiqué qu’elle avait produit le catalogue albert 2017/2018 afin d’étayer les arguments développés dans la requête et qu’il ne s’agissait pas d’une preuve nouvelle. Selon elle, le document produit prouvait que les autres pages de celui-ci ne contenaient pas d’informations pertinentes et que, par conséquent, il n’y avait aucune raison de le produire devant l’EUIPO.

14      Il doit être relevé que l’annexe A.7 de la requête est constituée du catalogue albert 2017/2018, que l’annexe A.8 correspond à un extrait d’un site Internet contenant des représentations de plusieurs pages de ce catalogue et que l’annexe A.9, quant à elle, contient des résultats d’une recherche sur le moteur de recherche Google des termes « albert katalog 2017 2018 ». Force est de constater que l’ensemble de ces documents que la requérante a produits pour contester les conclusions de la chambre de recours relatives à l’existence et à l’accessibilité du catalogue albert 2017/2018 ne figurent pas dans le dossier de procédure devant la chambre de recours.

15      Or, il doit être rappelé que, en vertu de la jurisprudence, eu égard aux termes de l’article 61 du règlement no 6/2002, le contrôle de légalité opéré par le Tribunal sur une décision de la chambre de recours doit se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant celle-ci. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves serait contraire à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant lui ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2013, Viejo Valle/OHMI – Établissements Coquet (Tasse et sous-tasse avec des stries et assiette creuse avec des stries), T‑566/11 et T‑567/11, EU:T:2013:549, point 63].

16      Par conséquent, il convient d’écarter les pièces produites pour la première fois devant le Tribunal, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 24].

17      Il s’ensuit que les annexes A.7 à A.9 de la requête sont irrecevables en l’espèce.

 Sur le fond

18      La requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 65, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

19      La requérante soutient en substance que la chambre de recours a illégalement et sans raison refusé toute valeur probante aux extraits du catalogue albert 2017/2018 figurant aux annexes 3 et 4 de la demande en nullité, alors même que l’EUIPO avait une connaissance effective du contenu de ce catalogue. En niant la divulgation des dessins ou modèles D 1 et D 2, ladite chambre aurait commis une erreur.

20      Dans un premier temps, la requérante avance qu’aucun doute ne subsiste en ce qui concerne l’existence et le contenu du catalogue albert 2017/2018. En premier lieu, elle conteste les considérations de la chambre de recours selon lesquelles la page 53, soumise par la requérante en tant que page 3 de l’annexe 3, ne pouvait pas être associée de manière certaine à la couverture du catalogue et qu’il n’était pas prouvé que le catalogue albert 2017/2018 était disponible à tout moment par voie de téléchargement. Elle soutient que l’EUIPO avait une connaissance effective du contenu du catalogue albert 2017/2018 en raison de son téléchargement par la division d’annulation. Or, ladite chambre ne pouvait pas ignorer cette connaissance en raison de l’identité et de la continuité fonctionnelle entre la division d’annulation et elle-même.

21      En second lieu, la requérante avance que, même à supposer que la connaissance par l’EUIPO du catalogue albert 2017/2018 soit ignorée, l’annexe 3 présentant à la page 53 le dessin ou modèle antérieur D 1, prouvait l’existence de celui-ci et que, en l’absence de doutes sérieux quant à la crédibilité de ce document, sa force probante ne pouvait pas être remise en cause.

22      Premièrement, la requérante indique que l’intervenante n’a, à aucun moment, remis en question l’exactitude ou la crédibilité du catalogue albert 2017/2018 figurant à l’annexe 3 de la demande en nullité. Deuxièmement, la requérante soutient que la crédibilité de l’extrait du catalogue 2017/2018 est corroborée par la capture d’écran du site Internet du fabricant comportant notamment la référence au catalogue 2015/2016 ce qui renforcerait la chronologie. Troisièmement, la requérante indique que le catalogue albert 2017/2018 est un catalogue des produits d’un tiers fabricant de luminaires, qu’elle n’a pas participé à son élaboration et que ce catalogue était destiné à l’ensemble des acteurs du marché. Elle en déduit que ni l’origine ni les circonstances de création dudit catalogue ne permettent de douter de sa valeur probante.

23      Quatrièmement, la requérante affirme que l’annexe 3 de sa demande en nullité est exhaustive dans la mesure où elle contient la page de couverture du catalogue albert 2017/2018 et la page 53 de ce catalogue représentant le dessin ou modèle D 1 qui sont suffisantes pour démontrer l’existence dudit catalogue contenant ce dessin ou modèle antérieur. Les autres pages du catalogue ne seraient pas pertinentes et leur absence ne saurait rendre le moyen de preuve « incomplet ». En outre, elle indique que, si les moyens de preuve étaient insuffisants ou si le fichier ne pouvait pas être ouvert, un délai supplémentaire aurait dû lui être accordé pour produire le catalogue albert 2017/2018 dans son intégralité en application de l’article 53, paragraphe 1, de la décision 2020-1, du 27 février 2020, du présidium des chambres de recours concernant le règlement de procédure devant les chambres de recours. La requérante ajoute que même la production du catalogue dans son intégralité ne serait toutefois pas en mesure de dissiper les doutes de la chambre de recours selon lesquels l’annexe 3 a été manipulée en ce que l’image du dessin ou modèle D 1 pouvant provenir d’un autre catalogue aurait pu être insérée.

24      Cinquièmement et dernièrement, la requérante soutient que les considérations de la chambre de recours selon lesquelles il était impossible de télécharger entre-temps le catalogue albert 2017/2018 ne sont pas non plus de nature à remettre en cause la crédibilité de l’annexe 3. L’approche de la chambre de recours méconnaîtrait la nature des preuves déposées par la requérante : il s’agirait de documents au sens de l’article 65, paragraphe 1, sous c), du règlement no 6/2002 et non pas de liens de téléchargement ou d’URL, de sorte qu’il serait indifférent que les sources à partir desquelles les preuves ont été initialement extraites soient encore disponibles au moment où la chambre de recours délibère ou statue. Elle ajoute que la mention du lien de téléchargement qui constitue une preuve indépendante que l’annexe 3 a été extraite de la source indiquée, n’était pas obligatoire et que la modification du site Internet « www.reuter.de », sur lequel la requérante n’aurait aucune influence, ne peut pas conduire à la perte de la valeur probante de cette annexe. De surcroît, la requérante soutient que le catalogue était toujours accessible sur un autre site Internet.

25      Par ailleurs, la requérante soutient que ses arguments relatifs à l’annexe 3 et au dessin ou modèle D 1 s’appliquent mutatis mutandis à l’annexe 4 et au dessin ou modèle D 2.

26      Dans un second temps, la requérante soutient que les dessins ou modèles D 1 et D 2 ont été divulgués au plus tard le 12 mai 2017, soit avant la date de priorité du dessin ou modèle contesté. À cet égard, elle indique qu’il ne ressort pas clairement de la décision attaquée si la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la divulgation des dessins ou modèles D 1 et D 2 n’avait pas été établie repose uniquement sur le fait que la requérante n’avait prétendument pas prouvé l’existence du catalogue albert 2017/2018 ou également sur le motif selon lequel la publication de ce catalogue antérieure à la date de priorité du dessin ou modèle antérieur n’a pas été prouvée. Elle conteste les considérations de la chambre de recours selon lesquelles la preuve d’une divulgation antérieure présuppose que la page concrète sur laquelle est reproduit chaque dessin ou modèle antérieur devrait être datée. À cet égard, elle indique que la date de la publication du catalogue albert 2017/2018, à savoir au plus tard le 12 mai 2017, ressortirait des éléments suivants : les extraits avec la date d’archivage du site Internet de Gebr. Albert GmbH & Co. KG, inclus dans les annexes 3 et 4, la taille du fichier indiquée sur ce site, à savoir 69,81 Mo qui correspond à la taille du fichier « albert_katalog_2017_2018.pdf » dont la requérante aurait produit des extraits en annexes 3 et 4, le fait que pour les catalogues des produits les nouveaux produits ne sont généralement ajoutés que dans le catalogue de l’année suivante ainsi que le fait que la dernière page du catalogue albert 2017/2018 ne contient aucune indication selon laquelle il s’agirait d’une réimpression mise à jour.

27      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

28      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur industriel concerné, opérant dans l’Union européenne. Toutefois, le dessin ou modèle n’est pas réputé avoir été divulgué au public s’il a seulement été divulgué à un tiers sous des conditions explicites ou implicites de secret.

29      Afin d’établir la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il convient de procéder à une analyse en deux étapes, consistant à examiner, en premier lieu, si les éléments présentés dans la demande en nullité démontrent, d’une part, des faits constitutifs d’une divulgation d’un dessin ou modèle et, d’autre part, le caractère antérieur de cette divulgation par rapport à la date de dépôt ou de priorité du dessin ou modèle contesté et, en second lieu, dans l’hypothèse où le titulaire du dessin ou modèle contesté aurait allégué le contraire, si lesdits faits pouvaient, dans la pratique normale des affaires, raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union, faute de quoi une divulgation serait considérée comme sans effets et ne serait pas prise en compte [arrêt du 13 juin 2019, Visi/one/EUIPO – EasyFix (Porte-affichette pour véhicules), T‑74/18, EU:T:2019:417, point 24].

30      Les preuves invoquées doivent être susceptibles d’établir à suffisance de droit que le dessin ou modèle antérieur a été effectivement divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté [arrêt du 21 juin 2018, Haverkamp IP/EUIPO – Sissel (Motif de surface plage de galets), T‑228/16, non publié, EU:T:2018:369, point 27].

31      Il doit être rappelé que ni le règlement no 6/2002, ni le règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28) ne spécifient la forme obligatoire des éléments de preuve qui doivent être apportés par le demandeur en nullité pour justifier de la divulgation de son dessin ou modèle avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée [arrêt du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon), T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, point 22].

32      Il s’ensuit, d’une part, que le demandeur en nullité est libre du choix de la preuve qu’il juge utile de présenter à l’EUIPO pour appuyer sa demande en nullité et, d’autre part, que l’EUIPO est tenu d’analyser tous les éléments présentés pour conclure s’ils sont effectivement une preuve de la divulgation du dessin ou modèle antérieur [voir arrêt du 27 février 2018, Gramberg/EUIPO – Mahdavi Sabet (Étui pour téléphone portable), T‑166/15, EU:T:2018:100, point 26 et jurisprudence citée].

33      Toutefois, la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne peut être démontrée par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché (voir arrêt du 27 février 2018, Étui pour téléphone portable, T‑166/15, EU:T:2018:100, point 23 et jurisprudence citée).

34      De même, les éléments de preuve fournis par le demandeur en nullité doivent être appréciés les uns par rapport aux autres. En effet, si certains de ces éléments pourraient être insuffisants à eux seuls pour démontrer la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’ils sont associés ou lus conjointement avec d’autres documents ou informations, ils peuvent contribuer à former la preuve de la divulgation (voir arrêt du 27 février 2018, Étui pour téléphone portable, T‑166/15, EU:T:2018:100, point 24 et jurisprudence citée).

35      Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 mentionne expressément la publication comme l’un des modes de divulgation au public d’un dessin ou modèle, de sorte que cette publication peut constituer la preuve de l’existence et de l’antériorité de la divulgation au public du dessin ou modèle contesté [voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2015, Promarc Technics/OHMI – PIS (Pièce de porte), T‑251/14, non publié, EU:T:2015:780, point 22].

36      En outre, la simple possibilité abstraite que le contenu ou la date d’un site Internet soit manipulé ne constitue pas un motif suffisant pour remettre en cause la crédibilité de la preuve constituée par la capture d’écran dudit site Internet. Cette crédibilité ne peut être remise en cause que par l’invocation de faits qui suggèrent concrètement une manipulation [voir arrêt du 20 octobre 2021, JMS Sports/EUIPO – Inter-Vion (Élastique pour cheveux en spirale), T‑823/19, EU:T:2021:718, point 49 et jurisprudence citée].

37      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent moyen.

38      En l’espèce, la requérante, en vue de démontrer la divulgation des dessins ou modèles D 1 et D 2, a présenté les éléments suivants :

–        l’annexe 3 de la demande en nullité, constituée d’une fiche produit représentant le dessin ou modèle D 1, de la première page du catalogue albert 2017/2018, d’une page portant le numéro 53 sur laquelle était notamment représenté le dessin ou modèle D 1 ainsi que deux extraits de la Wayback Machine du site Internet de Gebr. Albert datés respectivement du 24 avril et du 12 mai 2017, dont le dernier contient une référence au fichier « KATALOG 2017/2018 » et une indication de la taille dudit fichier, à savoir 69,81 Mo ;

–        l’annexe 4 de la demande en nullité, constituée d’une fiche produit représentant le dessin ou modèle D 2, de la première page du catalogue albert 2017/2018, d’une page portant le numéro 54 sur laquelle était notamment représenté le dessin ou modèle D 2 ainsi que deux extraits de la Wayback Machine du site Internet de Gebr. Albert datés respectivement du 24 avril et du 12 mai 2017, dont le dernier contient une référence au fichier « KATALOG 2017/2018 » et une indication de la taille dudit fichier, à savoir 69,81 Mo ;

–        l’annexe B.1 du mémoire de la requérante devant la division d’annulation du 21 juin 2021 (capture d’écran du site Internet « www.reuter.de » représentant des catalogues de fabricants) ;

–        une capture d’écran représentant les propriétés d’un fichier électronique intitulé « albert_katalog_2017_2018.pdf » et la taille du fichier (69,81 mb) ;

–        une capture d’écran de la dernière page du catalogue albert 2017/2018.

39      La chambre de recours est parvenue à la conclusion selon laquelle les documents produits par la requérante ne suffisaient pas à prouver la divulgation des dessins ou modèles D 1 et D 2. Ladite chambre a notamment indiqué que, malgré un minutieux travail d’enquête, elle n’était pas parvenue à déterminer le contenu du catalogue albert 2017/2018, ni à tirer des conclusions concernant la divulgation des dessins ou modèles antérieurs.

40      En particulier, dans un premier temps, la chambre de recours a considéré que les annexes 3 et 4 ne permettaient pas de constater une publication des dessins ou modèles D 1 et D 2 avant la date de priorité du dessin ou modèle antérieur. Elle a relevé, premièrement, que chacune de ces annexes contenait une fiche produit non datée et que la mention « copyright © 2014 » se rapportait plutôt à sa conception graphique. Deuxièmement, la chambre de recours a indiqué que la copie de la couverture du catalogue albert intitulé « KATALOG 2017/2018 » ne contenait aucune référence aux dessins ou modèles D 1 et D 2. Troisièmement, elle a admis que les pages 53 et 54 contenaient des représentations des dessins ou modèles D 1 et D 2, mais a ajouté que, toutefois, ces pages ne pouvaient pas être associées, de manière certaine, à la couverture du catalogue, car elles ne contenaient aucune indication concernant une éventuelle date de publication ou le fait qu’elles provenaient du catalogue 2017/2018, de sorte qu’elles auraient pu être extraites de n’importe quel catalogue. Quatrièmement, l’extrait de la Wayback Machine, daté du 12 mai 2017, contiendrait certes une mention du catalogue 2017/2018, mais pas d’informations sur son contenu. Elle a ajouté ne pas être en mesure d’ouvrir le lien correspondant.

41      Dans un second temps, la chambre de recours a abordé les autres éléments de preuve soumis par la requérante. Ainsi, premièrement, elle a considéré que l’annexe B1, correspondant à la capture d’écran des catalogues du fabricant, ne contenait pas de représentations des dessins ou modèles antérieurs et ne contenait aucun hyperlien qui lui aurait permis d’examiner le contenu de ce catalogue. Elle a ajouté que la structure de cette page en juin 2023 était différente de celle présentée en annexe B1. Deuxièmement, selon la chambre de recours, les explications de la requérante concernant la taille du fichier ne permettaient pas de se faire une idée de son contenu et les informations issues des propriétés du document ne pouvaient indiquer une date concrète que si elles étaient mises en relation avec d’autres éléments de preuve. Troisièmement, elle a indiqué que la capture d’écran de la dernière page du catalogue albert 2017/2018 contenait une mention de l’imprimerie, mais pas de la date d’impression.

42      À titre liminaire et afin de répondre aux interrogations de la requérante, il doit être relevé que la chambre de recours a fondé sa décision sur le motif selon lequel aucune publication de ce catalogue antérieure à la date de priorité du dessin ou modèle antérieur n’avait été prouvée. Cela ressort particulièrement du point 33 de la décision attaquée, où ladite chambre a relevé qu’aucune date de publication n’était mentionnée à la page 53 contenue dans l’annexe 3, du point 37 de la décision attaquée où il est indiqué que l’annexe 3 ne permet pas de constater une publication du dessin ou modèle D 1 avant la date de priorité du dessin ou modèle contesté et, enfin, du point 42 de la décision attaquée où il est affirmé que la référence au fait qu’il s’agissait d’un catalogue imprimé était inopérante, car elle ne prouvait pas la date de publication dudit catalogue.

43      S’agissant, premièrement, de la question de savoir s’il a été démontré que les images représentant les dessins ou modèles D 1 et D 2 ont été incluses dans le catalogue albert 2017/2018, il doit être relevé que les premières pages des annexes 3 et 4 contiennent respectivement une image des dessins ou modèles D 1 et D 2. Il s’agit le plus probablement des fiches des produits tirées du site Internet de Gebr. Albert. La date du 3 avril 2020 correspond à la date d’impression et, en tout état de cause, est postérieure à la date de priorité du dessin ou modèle contesté. Les images représentant les dessins ou modèles D 1 et D 2 apparaissent également sur les troisièmes pages des annexes 3 et 4 qui comportent les indications « 53 » et « 54 » dans le coin supérieur droit. En revanche, ces troisièmes pages des deux annexes qui comportent la référence verbale « albert », ne contiennent aucune date et ne permettent pas d’affirmer avec certitude qu’elles sont tirées du catalogue albert 2017/2018 dont la couverture est produite en tant que deuxième page des annexes susmentionnées.

44      Quant à la valeur probante d’un catalogue, il n’est certes pas exigé de produire chaque page du catalogue en tant que preuve. Des extraits d’un tel catalogue peuvent être produits, sans que la valeur probante des pages produites en soit nécessairement réduite (arrêt du 13 juin 2019, Porte-affichette pour véhicules, T‑74/18, EU:T:2019:417, point 35), pour autant que des dates et des éléments concrets et objectifs prouvent une divulgation effective des dessins ou modèles invoqués [voir, en ce sens, ordonnance du 15 décembre 2021, Legero Schuhfabrik/EUIPO – Rieker Schuh (Chaussure), T‑682/20, non publiée, EU:T:2021:907, point 43].

45      Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 43 ci-dessus, les pages 53 et 54 produites dans le cadre des annexes 3 et 4 de la demande en nullité ne contiennent pas de tels éléments concrets et objectifs prouvant une divulgation effective des dessins ou modèles antérieurs.

46      S’agissant, deuxièmement, de la question de savoir si le catalogue albert 2017/2018 était divulgué avant le 10 mai 2018, la date de priorité du dessin ou modèle contesté, il convient de relever que la seule indication susceptible de démontrer l’antériorité des dessins ou modèles D 1 et D 2 se trouve à la page 5 des annexes 3 et 4 de la demande en nullité, contenant un extrait de la Wayback Machine du site Internet de Gebr. Albert daté du 12 mai 2017 et comportant une icône du fichier « KATALOG 2017/2018 », ainsi que l’information relative à la taille dudit fichier, à savoir 69,81 Mo. Toutefois, cet élément prouve tout au plus qu’un document intitulé « KATALOG 2017/2018 » était disponible pour téléchargement le 12 mai 2017 sur le site Internet de Gebr. Albert. En revanche, il n’est pas en mesure de prouver que ce fichier correspondait au catalogue albert 2017/2018 ou qu’il contenait les images des dessins ou modèles D 1 et D 2.

47      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, il convient d’établir avec certitude que le document avancé a été publié ou distribué avant la date de dépôt ou de priorité du dessin ou modèle contesté [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2020, Bog-Fran/EUIPO – Fabryki Mebli « Forte » (Meubles), T‑159/19, non publié, EU:T:2020:77, point 30]. En ce qui concerne la date de la divulgation, il faut que les dates qui effectivement figurent dans les preuves invoquées permettent d’établir que la divulgation a eu lieu à un moment pouvant être identifié avec une certitude raisonnable avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté ou la date de priorité de celui-ci [voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2020, Gamma-A/EUIPO – Zivju pārstrādes uzņēmumu serviss (Emballage pour aliments), T‑353/19, non publié, EU:T:2020:95, point 31 et jurisprudence citée].

48      En l’espèce, l’argumentation de la requérante devant le Tribunal repose sur un lien qui existerait entre l’extrait de la Wayback Machine, daté du 12 mai 2017, indiquant la présence du fichier « KATALOG 2017/2018 » sur le site Internet « www.gebr-albert.de » dont la taille est 69,81 Mo, le fichier « albert_katalog_2017_2018.pdf » apparaissant sur la capture d’écran du site Internet « www.reuter.com » (annexe B1) et les propriétés de ce dernier indiquant la taille de ce fichier, à savoir 69,8 Mo.

49      Or, ces éléments correspondent tout au plus à des indications indirectes qui ne sauraient être considérées comme suffisantes afin de prouver la divulgation des dessins ou modèles D 1 et D 2. En effet, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 33 ci-dessus que la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne peut être démontrée par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché.

50      Les autres arguments invoqués par la requérante à cet égard ne sont pas en mesure d’infirmer cette constatation.

51      En effet, il doit être relevé que les circonstances mentionnées par la requérante, à savoir le fait que pour les catalogues des produits les nouveaux produits ne sont généralement ajoutés que dans le catalogue de l’année suivante, ainsi que le fait que la dernière page du catalogue albert 2017/2018 ne contient aucune indication selon laquelle il s’agirait d’une réimpression mise à jour, ne sont que des indications abstraites et non pas des éléments concrets et objectifs prouvant une divulgation effective d’un dessin ou modèle antérieur sur le marché, comme le requiert la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus.

52      Il s’ensuit que les constatations de la chambre de recours – selon lesquelles les éléments de preuve produits par la requérante visant à prouver la divulgation des dessins ou modèles D 1 et D 2 ne démontrent pas, à suffisance de droit, que les images représentant lesdits dessins ou modèles étaient incluses dans le catalogue albert 2017/2018 et que ledit catalogue était divulgué avant le 10 mai 2018, la date de priorité du dessin ou modèle contesté – suffisent pour considérer que la requérante n’avait pas valablement démontré la divulgation des dessins ou modèles D 1 et D 2 avant la date de priorité du dessin ou modèle contesté.

53      À cet égard, il doit être ajouté que l’article 53 de la décision 2020-1 (voir point 23 ci-dessus) concerne, comme le soutient à juste titre l’EUIPO, la possibilité de soumettre à nouveau l’original lorsque les preuves présentées sont incomplètes, illisibles ou ne peuvent pas être ouvertes ou lorsque le greffier a des raisons de douter qu’elles aient été correctement transmises. Or, les éléments soumis par la requérante en l’espèce n’étaient pas entachés de ces vices de forme.

54      Dans ces conditions, l’examen des autres arguments de la requérante, en particulier ceux relatifs à l’existence du catalogue albert 2017/2018, son accessibilité en ligne ainsi que le fait que l’EUIPO avait ou non connaissance de ce catalogue n’est pas nécessaire. D’une part, l’existence seule dudit catalogue est insuffisante s’il n’est pas démontré qu’il contenait la représentation des dessins ou modèles antérieurs et qu’il a été publié avant la date de priorité du dessin ou modèle contesté. D’autre part, la connaissance effective par l’EUIPO et, plus précisément, par la division d’annulation, de ce catalogue ne saurait pallier ces lacunes, en particulier en ce qui concerne la date de publication de celui-ci.

55      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen unique, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

57      La requérante ayant succombé et une audience ayant été organisée, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Lidl Digital International GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 novembre 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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